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LES VIES
DES
HOMMES ILLUSTRES
DÉ PLDTARQUE.
X.
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VIBJ? JDf& CE tOLÛME.
ï'HOCrO.V page l ( compare's,
CaTON d'utIQUK. . . 87 ( page 325
Agis et ClÉOMÈNE. . 267 f Gomparës,
TxB.BiCG'&Xcûaui: 3'^1( page 465
\
^DE L'IMPRIMERIE D'A. EGROR.
dbyCjOogle
LES VIES
DES
HOMMES ILLUSTRES
Traduites eaFrmiçfiis.^ avec des' Remarques
historique^ et critiques par M. Dacier;
ST SUi|yiSS Df s S OPP LÉ ME ITT S.
Edition reTue et âagraenlée des Vies d^Auguste et
DE TiTin , par A. L. DELAROCHE.
Avec lr« FortraiU drwinéa d'tprèf l'antique par Gaiiiibrby^
•t graréi par £)sx.tavx.
TOME DIXIEME.
CHEZ LOUIS DUPRAT-DUVERGER,
rue de» Grands-Augostin*, a.' ai.
1811.
dby Google
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY
520 5 ^-^-^
ASTOn, LêNOX ANO
TlLDtlN FOUNOATIONS.
H 1911* L
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■i- H - c.
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USSTll^
p^lMT*.*
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY
ASrOR. LENOX ANO
TILOEN FOUNOATIONa
CIRCULATING
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PHOCION.
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LES VIE
DES
HOMMES ILLUSTRES.
PHOCION.
Ju'oRATEUR Demadès, qui avoit beaucoup
de crédit et d'autorité dans Athènes, parce
que, dans le gCMvernemeut de la république,
il ne faisoit que ce qui pouvoit plaire aux
Macédoniens et a Antipater, et qui, par cette
raison , étoit souvent forcé de conseiller et
d'ordonner des choses qui blessoient et la di-
gnité et les mœurs de sa ville, disoit, v qu'il
<c étoit digne d'excuse , parce qu'il ne gou-
<( vernoit plus que les débris du naufrage de
« son pays ' ». Ce mot, qui paroît trop arro-
gant et trop dur, pourroit se trouver vrai 'a la
lettre , si on l'appliquoit au gouvernement de
Phocion ; car pour Demadès , c'étoitliiî même
qui causoit len^CiTr^0e^^^sif>ilk, vivant ef
gouvernaûVa^ii''\aj[a dd ^^ diisov
^' f Cî^XULATifiQ 4^81^
2 J^HOCIOW.
^ lutîon.^ qii^Antîpater même dîsolt cîc lui ^
* i-qnand 'il fut devenu vieux , « qu'il n'en res-
«"lojt que la langue et le ventre, de même
* * « qu'aux victimes immolées * » . Mais la vertu
" dé Phocion se trouvant en tête un adversaire
aussi puissant et aussi terrible que letemps's^
les malheurs de la Grèce furent cause qirelle
demeura obscurcie , et qu'elle ne jeta plu5
l'éclat qiti seul forme la gloire. Car il ne faut
J»as suivre le sentiment dé Sophocle , qui fait
a vertu foible et débile , quand il dit ; « Ne
« vous imaginez pas , seigneur , que ceux qui
« ont le bon sens en partage , le conservent
«( dans les malheurs , il s^éclipse alors et les
« abandonne ^ » . Mais tout le pouvoir qu'on
doit accorder k la fortune qui combat contre
les gens de bien , c'est de leur attirer souvent
des plaintes 9 des reproches et des calomniés ,
au beu des honneurs et des récompenses qu'ils
méritent par leurs grands travaux, et de di^
miouer la confiance qu'on avoit en leur vertu.
Il y a pourtant des gens qui croient que
les peuples sont naturellement plus disposas
h s'élever et a s'emporter contre des gens de
bien , quand ils se croient heiflreux ^ , parce
Su^ajors leurs grands succès et l'accroissement
eJeur puissance, leur élevant le courage ^
les rendent fiers et orgueilleux. Màii c'est
tout le contraire j cpr on voit toujj»ur»^e k»
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PflOCION. 3
chatouilleuses et si délicates ^ qa'^es sont
offensées de la moindre parole qu'on profère
d'un ton un peu haut. Or, cehii qui reprend
quelqu'un des &utes qu'il a faites, ^mfole lui
leprocher ses malhenrs, et cette franchise
porte avec elle un certain air de mépris. Et
comme ou voit que le miel ai^it les ^aies et
les ulcères , de mêm^ les remontrances rraieft
et pleines de sens mordent et aigrissent sou-
vent ceux qui sont dans le malheur , si elles
ne sont accompagnées d'une certaine? dou-'
ceur , et si efles ne plient et n'obéisselit un
peu.<fï'est pourquoi Homère appelle la dou-
ceur menoeices , parce qu'elle ne se roidit
pas contre la partie irritée de l'âme ^ , qu'elle
ne la oombâit pas , qnVUe ne la heurte pasv
Car les yeirs qui sont affl^s de qfjêlque in^
flammation , s^'alrêtent avec plaisir sur des
couleuis obscures , et qui n'ont aucun édfat ,
mais ils évitent avec som «Des qui sont vive»
et brilla<ntes« Heu e^t de même d^iine ville qui
se trouve d^os des malheurs impr^vns : S2^
propre feiWesàe la rend si timide et si délicate ,
que le moindre bniîtlur fait peur ; qit'elle no
peut sotTffiîr qu'on lui dise la vérhé , et qu'elle
demande t^nm ne lui p^i'lé q^LTe^j^c^oseîT
4 PHOCiON,
quî ne lui remettent pas sa faute devant les
yeux 7. Voila pourquoi il est très-dangereux
d'avoir k gouverner une telle ville; car si elle
immole celui qui la flatte , ce n'est qu'après
avoir immqlé celui qui ne la flattoit point.
Mais, comme les mathématiciens disent que
le soleil ne se laisse pas emporter entière—
ment au mouvement des cieux * , et qu'il n'a
pas non plus un mouvement entièrement op-
posé , et qui leur soit contraire , mais qu'il
3uit un cours un peu oblique et incliné, et
décrit une ligne qui, au lieu d'être entière-
ment droite et roide, va en tournoyant mol-
lement et en biaisant, et que par cette obli-
quité, il conserve loute3 choses, et maintient
le wfonde dans la juste températiu'e dont il a
besoin; de même dans la conduite des états,
le ton qui est trop fort et trop roide , et qui
s'oppose en tout et partout aux volontés du
peuple , est trop rude et trop dur. Comme
aussi celui qui se laisse trop aller au ton de
ceux qui font des fautes, et auquel la plupart
inclinent , est trop doux et par Ik très-dan-
gereux. Le politique qui tient le milieu , qui
cède quelquefois aux appétits du peuple, pour
le faire obéir ailleurs, et qui lui accorde une
chose agréable, pour s'en faire rendre une
nécessaire et utile , voilk le seid qui sache
bien gouverner les hommes; car, par cette
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PHOCfON. 6
condesceodance , ils se laissent conduire et
se prêtent > faire de très-bonnes choses : ce
Îu'ils ne font point quand on veut les avoir
e haute lutte, et les mener par force et par
autorité. Il est vrai que ce milieu est difficile k
garder, parce qu'il faut mêler la douceur et
la grâce avec la sévérité et la majesté : mé-
lange qui n'est pas aisé a faire ; maïs quand
on y a réussi , il n'y a ni ton ni harmonie si
admirable^ : c'est le mélange le plus harmo-
nieux (a) et le plus parfait. Aussi est-ce celui
dont Dieu se sert pour gouverner le monde ^
sans rien violenter ni forcer y et n'îAposant
la nécessité d'obéir qu'après l'avoir tempérée
par la persuasion et la raison.
Une grande austérité faisoît le caractère de
Caton le jeune ; ses mœurs n'avoient rien da
doux, ni qui fût capable de plaire au pe^uple
et de le persuader; aussi n'eut-il aucun crédit
dans le gouvernement. Cîcéron dit de lui ,
« que, pour avoir voulu gouverner, comme
« s'il eût été dans la république de Platon ^
<< et qu'il n'eût pas été au milieu de la lie du
« peuple de Romulus , il essuya un refus plein
<( de honte dans la poursuite du consulat 9 )>^
Pour moi, il me semble qu'il lui arriva ce
qui arrive aux fruits qui viennent hors de
(il) Le grec dit , « le plus masical 3».
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6 PHOCION,
saison ; car , comme on voit avec plaisir oe$
ftiiîts, et qu'on les admire sans s'en servir , de
même ces mœurs antiques de Caton, Tenant
après plusieurs siècles se montrer parmi des
vie'î corrompues et des mœurs gâtées, eurent
d'abord beaucoup <Je re'pntatîon et beaucoup
d'éclat : mais on n'en put faire aucun usage ,
k cause de la gravité et de la grandeur excès—
sive de sa vertu , qui se trouva trop dispro-
portionnée k son siècle, et aux temps qui
régnoient alors. Caton ne se mêla poiat du
gouvernement, lorsque sa patrie étoît déjà
i^uinee, comme fit Fhocîon; mais il y entra
pendant qu'elle étoit encore battue d'nne
affreuse tempête. Il n'y entra même qu'en se-
cond ,. comme pour servir k remuer les voîlesb
€t les cordage», et pour aider ceux qui a voient
plus de pouvoir que lui; maïs il tre toucboit
point au gouvernail , et ne se meloit Biille-^
ment de conduire. Cependant il ne laissa pas
de défendre et de soutenir long-teinps la ré-
J^ublique contre la fortune, qui ^ ayant entre-r
pris de la ruiner, en vint k bout par d'autres
mains, quoique avec beaucoup de peine, fort
lentement, et après im long temps: ehqoro
é'en fallutril bien peu que tlome ne triomphât
èe tous les efforts de la fortune , par le secoure
4c Caton et fie $n VBttn \ feqûeUe neus com-
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pàTGùs CéÛe àe Pbocion , non jpoint en suP
Tant des ressemblances communes et géné-«
taies y comme pour dire qu'Us out été tous
deux hommes de bien et de grands politiques }
car il y a sans doute de la difiSérence de va->
leur k valeur , comme de la valeur d^Alci-
biade k celle d'Epaminondas ; de prudence k
Erudènce^ celle.de Thémistodc n'étant pat
i même que celle d'Aristide j de justice k
justice, celle dfc Numa ne ressemblant point
a celle d'Agésilas '^. Mais les vertus de ces
deux personnages 9 jusqu'k leurs pins petites
et plus imperceptibles différences, portoienc
toutes le même caractère , la même forme et •
la même couleur de mœur$ et de sentiments»
La douceur y est mêlée avec la prudence, la
timidité prévoyante poiu* les antres avec l'a**»
bandon d'eux-mêmes aut plus grands dan^
gers ;«t la fîiite des choses honteuses s'y trouva
si bien liée et unie aVec le ssèle constant de
la justice, qu'il faudroit un jugement bien
subtil , comme uu instrument bien délié pour
les séparer et pour y trouver la moindre dif-«
férence.
Pour ce qui est de Caton , tout le monde
convient (fU'îl étoit d'ujie maison illustre,
conime nous le dirons dans sa vie. Et quant
k Phoeion , je conjecture qu'il n'étoit pas d'une
na»»ttMeenlièrein«Dt obscure; nide bas lieu;
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8 PHOCION.
çaf sî , comme Idoménée (a) le prétend , îl
eût été fils d'un faiseur de pilons a mortier ,.
Glaucîppus, fils d'Hyperîde, dans le traité
^ii'il a fait contre lui, où il a rassemblé toutes
les injures quMl a pu , n'auroit jamais oublié
de lui reprocher la bassesse de son extraction ,
et lui-même il n'auroit point eu ime éduca-
tion si honnête et sî sage ; car étant fort jeune,
îl fut disciple de Platon , et ensuite de Xé-
nocrate dans l'Académie, où dès le commen-
cement il forma ses mœurs et sa vie sm* le mo-
dèle de la plus paifaite vertu. Duris écrit que
jamais Athénien né le vit ni rire , ni pleurer ,
ni se baigner dans les étuves publiques, ni
avoir ses mains hors de son manteau quand îl
étoit habillé. D'ailleurs, quand îl alloit k la
campagne, ou qu'il^ étoit k l'armée, il mar-
choit toujours mi-pieds * * et sans manteau , a
moins qu'il ne fît un froid excessif et insup-
portable; de sorte que les soldats Jisoient en
riant ; « Voilk Phocion habillé , c'est signe
« d'un grand hiver ».
Quoiqu'il fût d'un natui:el très-doux et très-
humain 5 il avoit le visage si rude et l'air sî
repoussant , que ceux qui ne le connoissoient
point, auroient craint de se trouver Seuls avec
(a) Historien qui avoit élé discipk d'Epicure. Il
avoit ccrit les vies de ceux ^ui s'cioieni aUacbé^ À Sa-
crale.
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PHOCIOKi^^ 9
lui; 0n jodr quePorateur Charès parloit fût-
tement contre ses sourcils terribles, les Athé-
Dieos se mirent k rire; mais PbocioQ leur ^it :
« Cependant jamais ces sourcils ne vous ont
4( [ait aucun mal ; mais les ris de ces gens*lk
(( oqt &it souvent verser bien des larmes k
« votre ville )». Ses discours, toujours pleins
de çoBcejpdoss heureuses et de pensées no-
bles', éioîeot utiles et salutaires , toujours ren«>
fennéi dans une brièveté propre au comman-
dement , et assaisonnés d'une austérité qui
n'étoit mêlée d'aucune douceur. Car, comme
Zenon disoit, « que le philosophe ne doit
« point proférer de parole, qui ne soit trempée
u dans le bon sens » , tous les discours de
Phooîon renfermoient beaucoup de seos en
peu de paroles. Il semble que Polyeuctus le
Sphettien avoit cela en rue , quand il disoit
«c que Démosthène étoit le plus excellent des
« orateurs, et que Pfaocion en étoit le {Jus
a éloquent». Car, comme parmi les mon-»
noies, celles qui , sous un moindre poids,
renferment phfô,4& valeur intrinsèque, sont
les plus estimée»^, de même le prix du discours
consiste k faire entendre beaucoup de choses
c;n peu de mots. L'on dit qu^un jour que le
tb^tre étoit plein ^e monde ^ Phocion se pro*
zaeuoû sur la sc^e tout peniuf çt affermé en
X, " ' a
Digitizedby Google
10 PHOCION^
Itti-iïiêiBe, et qu'un de ses airiîs lui ayant cBt :
« Phocion , vous avez bien Pair d'un homme
« oui médité. Vous avez raison , lui répondit-
« il , je médite effectivetrient si je ne pourroîs
n point retrancher quelque chose du discours
« que je dois faire aux Athéniens ». Aussi
Démosibène / qui méprîsbit tous les autres
orirfieufs, dès que Phocion se levoît pour par-
ler , avoît coutume de dire tout bas k ses
amis : « Yoiïïk la haché de mes discours qirî
use lève ». MaJs peut-être que c'est aux
mœurs de Phocion qii'îl fatit fair€ tout l'hon-
teur du grand effet que ptoduîsoît soi' élo—
Saence; car souvent un mot, un signe, un
, in d'ceil d'if n homme de bien , orit plus de
pouvoir et de force pour persuader , que les
périodes les mieuit travaillées étiès figurés les
plus pathétiques.
Phocion y étant encore fbrt jeune, suivit li
la guerre le général Chabrias^ et apprit de hû
beaucoup de cho^s concernant le métier des
armes. Mais il y en eut d'autres où il fut très-
utile b Chabrias, et où il corrigea àon naturel
4]ui étoit inégal et einporté. Car étant d'ait*
leurs paresseux et difficile h émouvoir , ils em-
3port0]t aisémétit dans les combats, et son cou^
-rage s'enflammoit de manière qu'il se jetoît
iète bfiisséa 'au mMiéu de;» plus grands périls
Digitizedby Google
CHOCIOK,. Il
avec la démise témérité : il lui ea coûta
mèsne la vie*^ Cbio (a); car il se piqua d*a^
border le premier avec sa galère ^ et il fit sa
descente malgré les efforts des ennemis qui
bordoient le rivage, et q|ii s'y opposoient-
Phocion , qui n'ayoit pas moins de prudence
que de courage, échauffoitla lenteur de Cba*
brias^ et raleotissoit Timpéttiosité hors de
saison de sa grande audao^: de sorte que
Chabrias , qui étoit naturellement doux , et
plein de bonté, Paimoit et Festlmoh, Tavan-^
çoit aux premières charges, lui confioit des
commandements importants, et le faisoit con*
noitre aux Grecs, en se servant de lui dans
les affaires les plus hasardeuses et de la plus
grande conséquence; surtout k la bataille na-*
vale de l'Ue de Naxos' *, il lui fit acquérir beaiu-
coup de réputation et d'honneur, car il lui
dcmn^ le commandement de son aile gauche^
cilles ennemis firen^J^rs plus grands efforts,
et qui décida promptement de la victoire»
Comme cette bataille fut la première que la
ville 4' Athènes gagna avec ses seules forces
depuis qu'elle avoit été prise par Lysandre,
ce grand succès lui causa tant de joie, qu'elle
enconcutbeaucoupd'affection pour Chabrias,
et qu'elle commença k faire grand compte de
(«) Ce ia% dans la aqerre qu'où appek êoeimlp^,
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ta PHOCION.
PhocioD, comme d^in capitaîne capable 'de
la bieii servir. Elle remporta cette victoire )e
jour de la fête des grands mystères; et pour
en célébrer la mémoire , Chabrias , tous les?
ans à pareil jour y qui éloit le seizième du
mois d'octobre (a) , distribiioit du vin k tous
les Athéniens.
Quelque temps après, Chabrias envoyant
Phocion pour recevoir les contributions que
les îles dévoient payer, et voulant kii donner
a cette occasion vingt vaifseanx , Phocion lui
dit « que , s'il l'envoyoit contre des ennemis y
<( vingt vaisseaux ne suffisoient pas; et que,
« s'il l'ehvoyoît vers des alliés, il en avoit
M assez d'un » * En effet ^ il s'embarqiia sur
sa seule galère ; et après avoir conféré avec
les villes , leurs principaux ofiîciers et com-
mandants, d'une manière simple et franche,
il s'en retourna avec beaucoup de galères que
les alliés envoyoient pour porter tout l'argent
qu'ils dévoient.
Phocion ne continua pas seulement d'ho-
norer Chabrias , et de lui faire la cour pen-
dant sa vie ; mais encore après sa mort , il eut
un très-grand soin de tous ceux qui lui ap—
Sartenoient, et n'oublia rien peur rendre
onnète homme son fils Ctesippe; et quoi^
(«) C^estrà-dire le premier jour de la fdte j car elle
diiroit neuf joura.
Digitizedby Google
FHOCION. ]5
qn'it le Tk dhra naturel féroce , emporté et
incorrigible, il ue se rebuta point, il continua
de Pa venir, et tâcha loujoiu's de le redresser
et de couvrir ses infamies. Il est vrai qu*une
seule fois j dans une de ses expéditions , ce
jeune homme , <pii servoit sovslui, Tinipor-
tunant et lui it>mpant la tète par des questions
hors de propos , et par des conseils mêmes qu'il
s^avisojt de lui donner pour le redresser*,
comme d'^al à égal , Pnocion perdit presque
patience, et s'éark : <( OChabiias, Chabrias,
« que je te {laîr en gmnd retour de l'amitié
« que ta as eue ))dur moi , en supportant
« toutes les impertinences de ton fils » !
Pbocion , voyant que ceux qui se mèloient
alors du gouvernement, avoient partagé entre
eux , comme an sort , les charges de la gueiTe
et celles de la ville, et que les uns, comme
Eubitlus, Aristopbon, Démosthène, Lycurgue
et Hjpende , ne faisoiept que haranguer le
f>euple j et proix^ser tous les décrets; et que
es autres , comme Diopid^e , Menesthée ,
Léosthène et Charès, savançdent par les
exploita de la guerre, il aima mieux imiter la
manière de gouverner de Périclès , d'Aristide
et de Selon, coqmie plus entière et plus paiv
falte^ parce qu'elle réum^t JejEi talents de la
. guerre, efcçu^ de Uipolitique*^; car chacun de
ces \xo}» personnage ^U. « U fois , coimna
D.aitizedbyUlïOgle
3 4 VHOGIOV.
dit Archiloque , « et bon senriteur de Mars y
c( et grand courtisaa des aimables Muses ».
Il voyoit même que la déesse protectrice
d^ Athènes ëtolt et s'appeloit effectivement
Polémique et Politique, c'est-k-dirc , pror-
pre a cooduire^des armées et k gouverner des
villes.
S'étant donc formé sav ce modèle dans
toute sa manière de gouverner, il eut tou-
jours en vue le repos et la paix , comme le
nut de tout gouvernement «âge. Cependant
il fit plus d'expéditions luîi seul , non seule-
ment qu'aucun des capitaines de son temps j
mais encore qu'aucun de ceux qui avoient été
avant lui ; non qn'il demandât niqu^il Inriguât
les charges , mais c'est qu'il ne les tuyoit point
et ne les fefusoit point quand sa ville l'y a{>-
peloit ; carc'est une chose constanteetavoiiëe
de tout le monde y qu'il fut élu quarante-ciac^
fois cajHtaine général , et qu'il ne se trouva
pas une seule fois aux âections ; mak qu'il
fut nommé toujours absent , ses concitoyens
l'ayant toujours rappelé pour le chaîner de la
conduite de leurs armées. Les personnes peit
sensées ne pouvoient assea B^élonner de cette
conduite du peuple , d^en i»er ainsi pour
Phocîoû , qui le plus 'souvent B'^posoit k ses
volontés y et qui jamais ^pe faisoit et ne disok
rien pour lui'^ompkûre; ^
Digitizedby Google
PHOClOKs» l5
G>niiiie on dit que les rois s'amusent de
leurs flatteurs, cpiand ilsoot lavé leurs mains
pour se mettre a table , de même le peuple
d' Athènes se servoit de ses orateurs les puis
gradeo:s et les {dus agréables pour avoir le
plaisîrd'entendre leurs harangues; maisquand
il étoit question du commandement des ai>
mées , alors toujours sage et toujours sérieux ^
il y appeloit le plus austère et le plus sensé
de ses citoyens 9 et choisissoit celui qui s'op--
posoit le plus k ses volontés et k ses caprices.
Un jour qu'on lut en pleine assemblée du
peuple un oracle de Delphes , qui portoit y
« que tous les Athéniens étoient d'accord , k
« l'exception d'un seul qui n'étoit pas de
« l'avis des autres» , Phocion se Leva et dit^
« qu'on s'épargnât la pdne de chercher; que
« c^étoit de hii dont p»rloît l'oracle ,' car il
« étoit le seul a qui tout ce qu'on fi^isoit
i( dé^aisoit au dernier point » . Une autre fois
ayant. dit son avis devant le< peuple, il fut
applaudi et suivi de tout lé monde. Etonué
de cette approbation, il se tourna vers ses
amis, et leiir dit : « TSe m'est-ii point échappé
¥ qudque^ sottise 9 aans que j[e m'en sois
« aperçu »?
Une autre fois, les Athéniens demandoient
que chacun contribuât pour faire un grand
sacrifice 9 et la plupart avoient dc)k donné
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i6 PHociow;
libëralement. On s'adressa plusieurs fois k
Pbocioii qui répondit : « Demandez aux ri-
(( ches ; car pour moi j'aurois honte de vous
« donner, n'ayant pas encore payé cehii-ci » y
montrant l'usurier Calliclès, Et comme on ne
cessoit de crier après lui et de l'importuner,
il leur conta cet apologue : a Un jour -un
« homme fort poltron s'enrôla pour aller k la
« guerre. 11 part. ïout-d'un-coup il entend
<( des corbeaux croasser; il pose les armes et
« s'arrête. Un moment après il se ra<^ure y
#( reprend ses armes et se met en marche. Les
« corbeaux recommencent leurs crisj et lui
« pose encore les armes et s'arrête. Ëntifi ,
« après plusieurs reprises, il leur dit : Vous
i( croasserez tant qu il vous plaira, mais vous
<( ne tâterez pourtant pas de ma peau, et s'en
« retourna ^.
Quelque temps après, les Athéniens vou-
lurent forcer Phocion k les menercont^ l'en-
nemi, et il n^en voulut rien faire. II9 l'appe-
lèrent poltron^ lâche, mais il leur répondit :
« Ni vous ne sauriee .me rendre vaillant , ui
« moi voas rendre timides; mais nous nous
a connoissons ,- demeiitons-en Ik )». Dans des
temps difficiles , le peuple, devemi insolent ,
li'emporta eontre lui, et vpuloit que sur Pheure
il lui rendh compte ^e sa conduite; il ne fit que
leur diie : (cl^es amis ^ av^at toutes choses^
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PHOCION. If
« penses eomment vôtt^iroîis tirerez du tnati^
u vais pas oà vous «êtes mi^-P^Ddant la guerre,
les Athémeès étoient humbles et fort souples
par la crainte àa pëtil y et aussitôt après -la
paix faiie, ils dévenoieutarrogants et crîoSent
contre Photnou , lui reproebant qu'il leur
avoit r«vi laTÎetoii'^ qu'ils tenoient entre les
Idains: <c Vousètés bien-heureuxy letitrdit*il)
(I d'avoir un capitaine qui vous cofUBctt, car*
« sans cela , il y « dë^h long-teiiip& que voua
« seriez perdus»';' •
Un jour qu'ils refusqîeutde temiitfer par les
voies de la justice l^difféifents'qu^ils avoient
avec'les Bëotienspour leurs limites, et qu'ils
vouloient prendre les armes 9 il leur consulta
« de combattra avèo des paroles, en quoi ils
i( étoient les plu^ forts, et non avec les armes^
a en quoi ils étdient' les plus feibles^. Une
autre fois qu'ils s'avoîettt nulle attention h ce
qu'il d»oit xlamie confe»il ^ il leur dit : « Y onfi
a pouvez bien me forcer a faire ce que je né
« veux pas, ibais jamais 'vous ne liie forcerez
« à dire contre mon sentiment ce qu'il ne
<( fifiut pas». Démostbëne , un des orateurs
qui lui étaient Dppesds dans le goiivernement^
lui dit un jour : a Pbocion , les Athéniens
« vous feront mourir, s'ils rentrent jamais
M dans leia'fureur.Etvous,ilsvou5feront mou-
« lir ^ lui repactit-il, s'ils r^trenl jamais dans
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l8 PHOCIOK*.
ii leur bon sens ». P^^y^uctusleSphetlîeiilia-^
ranguoit le peuple ,.p(Hir lui per^^cler d'en-->
trepreodre k guerre jcpiitr^. Piûl^ipe. Connue
il .faîsqit ce. jour-la une chaleur «xcessive , et
qii'il étoivfort gros., il ptpit tout hors d'ha^
kÎAé , et suQÎt a girosses gouttes; de sorte qu'il
Cut obligé de baifeplusieursfoiâ de l'êau, pour
i|chevev s<hi, discours. ï^hocîpa 9 h voyant eo^
^et état5 4!t : nk Athéoietts, il e^t bien juste
K i|iie:,.8ujr la parolç de cet homme, vous
« entrepreniez la guerre contre Philippe; car,
f( oue ' ne devez-vous pas penser de ce qu'il
« fôra» lorai|u'il sera sous la cuirasse et le
a boucU^^et-que les ennemis seront proches^
«( luix[kii, pour dire seulement en votre pré-f
« sen.ce ce qu'il a préparé tout k son aise^ se
a voit a tout moment sur. le point d'étte suC«
<( foqué » ? L'orateur Lycurgue. Paccabloit
d'injures dans uneasséouilée.du peuple, et
lui r^procboil; entre iantres oheaes^ comme un
Irès-^grand crime, qu'Alexandre,; ayant de^
mandé a la ville d^ Athènes dix de ses ci*
toyéns'V' pour en bire ee qu'il voudroit, il
avoit conseilU.de les donner. Il se leva et dit :
« J'ai donné aux Athéniens plasieùrs conseils
4< très-sages et très-utiles , mais ils ne les sui-»
« vent point ». Il y avoit alors k Athènes un
homme appelé Archib]ade,.qui contrefaisoit
le Lacédémoiden , avec une barl;« d*une lon«
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pirocioN. ig
gnetir diiùtmTée , un méchant manteau tout
use, et un -vùage triste et sévère. Un jour ,
dans une assemblée du peuple , Phocion , fa-
tigué des cofitrffdictious qu'il es^iyok, appela
cet Archibiade k son secours, le priant de
venir confirmer par son.témoignage la vérité
de ce qu'il disoft; mais Archilnade se levant, se
rangea du cdté des Athéniens , et dit' ce qui
leur éioit le plus agréable. Alors Phocion , le
prenant k la barbe , lui dit : « O Archibiade ^
« que ne feisois-tu donc raser cette grande
<( barbe, puisque in voulois faire le métier
« de flatteur » ? Aristogiton le î^ycophante,
toujours braté dans les assemblées, ne parloit
que de giieiTe , et ne cessoît de presser le^
Athéniens de prendre les arihes ; mais lors-
qu'on fit les rôles de ceux qtii ponvoient ou
ne poûvoîent pas servir, il vint se présenter ^
appuyé sur une béquille et une jambe liée.
Pliocion , qui ëtoit sur son tribunal, le voyant
venir de loin , cria au greffier; k Écris Aris-^
« togiton , boiteux et lâche ».
Toutes ces réponses , qui tnarqiient beau-
coup tfamertumc et de fiel, font que Je m'é-
tonne tres-souvent comment et pourquoi un
homme si rude et si sévère a jamais pu avoir
le surnom de bon et de doux: mais enfin, je
trouve que, s'il est difficile, il n'est pourtant
pas fanpossà)le que le même homme soit en
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30 PHOCION.
même temps 4qux et sévère , comme on trouve
des vins qui sont ensemble doux et piquants;
car on en voit assez qui paroissent doux dans
la sociétjç , «t soint; pourtant Itrèfi^- aigres et
trèsdapgerejiix. Cependant on écrit que Pora-
teur H yperide dit un jour au peuple : « Athé-
« niens, ne regardez poipt, si je suis aigre ^
« mais regardez.si je le suis pour rien et sans
a aucun profit pour moi » : comme si le peuple
ne haïssoît et ne rejet^oit que ceux qui se ren-
dent fâclieux et insupportables par leur ava-
rice, et qu'il n'eut pas encore plus de haine
Eourceux qui , par insolence , par'envie, par
aine , par colère ou par opiniâtreté, abusent
de leur pouvoir.
. Pour Phoçion , janfiais il ne fit le moindre
pial k aucim citoyen par aucune haine parti<r
culière , et ne regarda personne comme en--
nemi 3 mais il étoit sévère y intraitable , et
inflexible k l'égard de ceux qui s'élevoient
contre lui, et qui résistoient k,ce qu'il propo^
soit pour le bien de la patrie : car dans tout
le reste de sa condtute , il se montrait doux ^
familier et humain; jusque-là que quand ceux
qui lui avoient été les plus opposés, venoient
h faire des fautes , et a tomber dans quelque
jnalheur , il coiiroit k leur secours , et parois-
çoit pour eux dans les tribunaux, dès qu'ils
étoient eu danger d'êtrf condamnés. On ra-
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PIIOCION. SI
oonte que ses amis lai reprochant UQ jour qu'iji
défeDdoit en justice un mecfiant k qui on fair
soit le procès ^ it leur répondis : <( Les l>oi{^
<•: n'ont pas besoin au'on les défende '4 ))^
Aristogiton le syco{M|ante ayant éré con-j
damne y fit pier Piiociou^de venir le voir j
tout aussitôt il sortit pour aller k la prison^
et comme ses amis yquloient l'en empêcher :
^ Laîssez-^moi aller, mes amis, leur dit-il;
« car où peut-on voir Aristogiton plus volon-
,« tiers quelk »? ^
Cependant, quand les Athéniens envoyoient
des flottes en mer , si c'étoit un autre que
Phocion qui les commandât, toutes les villes
maritimes de leurs alliés et les insulaires , re«
gardant ces flotte» comme ennemies , forti-
fioient leurs murailles, combloient leurs ports,
et retiraient de la campagne ^ans les villes ,
leurs troupeaux, leiu'S esclaves, leurs femmes,
leurs enfants, tftus leurs meubler et tous leur%
eSets. Mais quand c'étoit Phocion qui les
commandoit, tous ces peuples alloient bien
loin au-devant de lui, couronnés de fleurs et
pletii^s de joie , et l'introduisoient dans leur»
ports. Philippe , cïterchant k s'emparer de
PEubée par surprise , y faîsoit passer de»
troupes delà Macédoine , et altiroit les villes
dans son parti par le moyen des tyrans qui
les gouveraoiçnt, et qtti vouloient se fortifier
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33 1»H0CI0IÏ.
de sa protection* Sur cela Plutarque d'Ere-,
trie (a) appela les AthénieQS, et les oonjura
'de vcntr délî Vf ei; cette île qui éloit dcja oc-
cupée par les Maéfédoniens. "Les Athéoiens
envdyèreat d'iâbdrd Phocîon avec peu de
troupes, dans rëspiJranee cpie tous tes peu-
ples de Plie se joindroiënt d'abord k lui. Mais
Fhocion îi son arrîrëe trouvant Pîle pleine de
traîtres, et s^aperceTârit qtie tout y étoît cor-
rompu et presque niMé pai* Forgent que Phi-
lippe y avoit répandu , .se vit d'abord dans
un très-grand danger. H prît le parti de se
saisir d'une éminence qui étôit séparée de la
plaine de Tamynes jmr nn ravin fort profond :
xi sV fortifia, et retint tout ce qu'il avoit de
meilleures troupes, exhortant ses capitaines k
ne pas se mettre ev peine de tous ses soldats
mutins, raisonneurs et peu disciplinés , qui se
reiîroient du camp , et qui désertoient ; « car ,
*« disoit-il, non seulement par leur peu de
« discipline ils nous seroient ici très-inutiles,
« mais ils deviendroiënt même nuisibles et
« pernicieux en détournant et embarrassant
« ceux qui Sont disposés k bien faire j et quand
« ils seront de retour k Athènes , comme ils
« se sentiront coupables de désertion, ils crie-
« ront moins contre nous, et ne nous calom-^
« nieront pas avec tant d'impudence »«
(à) Ville de TEubée suf t'Eiirip©.
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Quaind les esoeinb se fureat amroehës^
i! commanda k ses ttoupe» de se tenir îniino««
biles sons les armes , jtisqn a ce ifu'it eut fak
son sacrifiée. Cela dura. asses dé temps, soit
qu'il eut de la peine ïi trouver dei signes heu^*
reux, soit <{ii'ii voulftt par' Ik engager les en-*
nemis à s'avancer davantage! Pltitarque cnit
d'abord que ce délai venoit de lai peuc qui
l'avoit saisi, let qu'il balaiicoitih combattre^
c'est pourquoi sans attendre l'ordre il sV.«
branla , etsiaroba avecles étrangers qu'il avoi(
à sa solde. La cavalerie qui le vit aRer k la
diarge , tie put se contenir, et se mit k ie suivre
pour chatrgeir aussi , mafe en désordre , et les
rangs écartés^ comme lorsqu'elle sort oit des re«
tranchemesis. Les premiers ayant été facile-
ment rompus, tous les autres se débandèrent^
et Plptarqiie lui-même ptit la fuite. La plu^
part des ennemis cro;faDt avoir tout vaincu >
donnèrent jusque dans le camp , et travail
loient k en abattre laclàtureet k s'eu rendra
maîtres. Dans ce moment, le sacrt^ce' de Pho^
cton se trouvant achevé , les Atfaéoiens tom-
bèrent sur eux, et les mirent en foite , après
en avoir tué 4a plus grande partie dans les re^
trancheraents qu'ils abattoient. En même
temps , Phoçion donne ordjfe k son corps de
bataille de rester a son poste, pour attendra
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s4 vmciON/
t^t récffvfnrctnx qui a voient «të rdnipits d'a-
bord h là :première attaque, et qui s'étoient
débandes; :et 'bi, averj fëlîte de ses gens , Il
alla charger l'enaemL Ld mêlée fut fort rude,
et les uns et iei' atitras dombattireut avec beau*
coup ie v^l^ivett sans aucun ménagement
ÎourleuEjview DeuiL jeunes officiers , Thallus,
is de Cirmfasiy 6t Glaucus,' fiisde Pofymède^
Ïui coinoattoient auprès de leur .générât, se
istinguèrent jpai>diessns tons lés; autres: Cle'ô-
phane acquît aussi beàttcotip ^d'honneur dans
ce combat; ft y rendit un grand service ; car
rappelant les cavaliers qui avoient pia la.
fui r e , il les força par ses l cri» et* ses exhor*^
talions k venir au. secours de leur général j
qui rtoit en danger de sa personne ; et en les
alliant , il assura la victoire de l'infanterie*
Après le c<Mubat, Pbocion chalssa Plutarque
d'Eretrie ; et s'étant emparé du fort appelé
Zaretra > situé dans un lieu trës-avanta^
geux , prëcisément dans l'endroit où i'-ile se
rétrécit'Cn pointe , et est serrée de deux côtés
par la mer , il ne voulut pas permettre qu'on
prit les Grecs priscHiniers (a) , de peur que les
orateurs d'Atnènes ne; portassent un jour la
fa) D^aprèft les variaDtes des manuscrits, il faudroit
lire, « renvoya tou» les Grecs qui avoieot été faits
prisonaicrs. A. L, />.
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^HOCION. !»S
peuple k escercer contre eux quelque cruauté
par un emportemeut de colère et de ven-r
geance.
PbocioD y après ce grand succès , ne fut pas
plutôt parti, que tous les alliés tegrettèreat 59,
bonté et sa jusUc^ 9 et que les Athénieus cour
nurent sa grande capacité, sa valeur et soa
expâ-ience. Car Molosôus qui lui succéda ^
et qui prit après lui le coiumandement , i/t
la guerre de manière qu'il tomba lui-même
entre les mains des cynemis. Philippe, ai)i
u'avoit que des vues fart vastes, et dont les
espérances n'emhrassoient rien que de grande
vint dans le ps^ dé FHellespont «vec toutes
ses forces, ne doutant point qu'k la faveur de
cette conjoncture, il ne se rendit niaitre ausr
sitôt de la Cb^rs|onès^, de Périntbe , et de By-
zaoce (a). Les Athçnie^s s'éiaiit mis en devoir
d'y faire passer du secours, les orateurs fireni;
tant p«r leurs harangues^ qa'ils y envoyèrent
Charèspourg^éralk U s'embarqua donc avec
une bonne flotte , et. ne fit rien qui répondit ^
ce grand afipar^. Les yilles mêmes ne vour
ltu*ent pas le recevoir dans l0ur& pôr^ j mai»
(a) Ces deax villes ^toient dans la partie de ^
Tliracc qui formpit 1<> royaume des Odrysien» j Ver
rîntfae sur la Propoiitide , et Byzance [smv le Bqa*
photc ^. X- jQ. . *
5.
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J|6 PHOCïOTf
8mpect \ tout le monde, il étoit force dé
croiser le long des côtes, rànçonoont- les al-
liés, et méprise des ennemis. Le peuple, iiTÎtc
|)ar les orateurs, fit éclater son indîgnation et
ée repentoit d'avoir envoyé du secoura ^ By-
ïdnce. Phocîon se levant dit , « qu'il ne fal-
4( (oit point s'irriter contre les sMiés m\ se de-
•« fioient de» Athéniens, mais contre les géiié-^
a raux qm donnoient lieu k cette dédanee.
« Car ce sont ceu^ci qui vous rendent odieux
*«( et formidablesk ceaxmêmesqui nesauroient
« se sauver sans votre secours ».
Le peuple , frapj^é de ce discours , changera
d'avis ^ir l'heure, et ordonna qu^l allât hiU
wême avec de Qoiavelles forces ku see^wts des
alliés dans l'Hellespont. Ge choix contribua
-plus que tout au salut de Byzance; car la ré-^
putation de niocicm étoît déjk fort ^ande ,
et Cléon, i^un des f»«siieiis de Byzance
en vertu et en autorité, et qui avoit lié inie
«mitiéparticMlière avec lui dànsMefidéniie y
iutt sa caution' envers la ville. Les !^zan*
tins fie sovtfiHrent doue peiftt qu'il cauftpat
dehors comme îl le v<^Ib!t ; mais lui poivrant
leurs portes, ils le reçurent dans leur ville ,
«tuaêlèrent parmi einclc^ Athéntens, qui,
touchés de la confiance qu'on avjoit en Içur
bonne foi, se montrèrent très -sages, très*-
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tempâants, et eotièremeiit iiT^rocIuibl(*s
àans leur manière de vivre, et très-hardis
dans tdos les combats. Philippe fut chasse dé
l'I&ilespoQC après y avoir perdu beaucoup de
M réputatidD ; car jusque-là il avoit passe
pottr inviocible , et rien n'avoit osé tenir de-
vant lui. Phoeion loi prit quelques placer
fortes ou il avoit mis garnison y et ayant fait
des desccentes eo plusieurs endroits de ses
terres , il conrut et pilla tout le plat pays jus-
qa^ ce que des troupes s'étant assemblées , et
étant veno^au secours , il fut blessé et obligé
de s'en cetouï^ner.
Qaelque ten^ après, les habîrants de Mé-
gaf« (a) l'envoyèrent prier secrètement de
venir les secourir et prendre possession de
leurviiie. Fhocion y qui craignit que les Béo~
tiens avertis de ce dessein , ne le prévinssent
avant qtj^ pût y être arrivé , fit tenir dès le
grand matin une assemblée , où iUfit part aux
Athéniens de ce qcreles Mégariens lui avoient
proposé. Les /tbémens ordonnèrent sur
llietire qt^'ôn troit h leur secours , et Pho>-
cîoB , f U sQdJr de FassëmUée, fit sonner de la
trompette poor donner le signal de prenxlre
les armes et dé partir^ et sani'«tntre délai , il
les mena ai Mégare. Les Mégariens le recurent
(a) Ville à VaciTémvU occïâf^rfXaip .^ TAtiique»
près le ûoiit Citbjccoi^..^. £.!>•'
28 PHOCION;
avec de grandes démonstrations de joie; il
fortifia d'abord le port de Nisée , tira deux
bonnes murailles depuis la ville jiiî^u'a ce
port , et joignit par ce moyen la ville b la
mer ; de sorte que ne craignant plus ses en-
nemis du côté de la terre , elle fut entière-
ment k la disposition des Atbéui.eçs*
Athènes s^étant déclarée ouvertement en*
.nemie de Philippe , et ayapt élu, ^ l'absence
de Pbocion , d autres capitaines pour les en-
voyer k cette guerre , rhocion a son retour
des Ues, conseilla d'abord au peuple y puisque
Philippe ne cherchoit qu'k vivre en paix avec
eux, et qu'il cpaîgnoit l'issue de cette guerre ,
d'accepter les propositions qu*il offroit; et
comme quelqu'un de cesorateurs accoutumés
k passer leur vie dans le tribunal de l'Hé-
liée *^5 et k ne faire d'autre métier que d'ac-
cuser les uns et les autres y s'opposa k soa
ovis, et lui dit : « Osez-vous bien, Pbocion^
« détourner les Athéniens de faire la guerre y
u lorsqu'ilsont déjà les armes k la main ? Oui,
« sans doute, lui répondit Phocion, jç l'ose,
« et cela , quoique je sache fart bien que si
« on fait la guerre , je te commanderai, et que
c( si l'on failla paix tu me commanderas ))r' ^}.
Mais son ayi;» n'étant pas suivi y et celui de
Déraosthcpe, qui conseilloit aux Alhéuiens
'd'aller donner la bataille k Philippe, le plus
loin qu^ils pourroîent de J^JI^liLJTO^ifc l^empor-
rHOCIOK. s^
tant, etentrainant tout le monde, Pbocioci
lui dit tont haut : <^ Mon ami , ne checchonst
« point où nous donnerons la bataille, mais
« comment nous remporterons la victoire ; car
« voila le seul moyen d'éloigner la guerre de
« nous., au lieu que si nous sommes battus ^^
« tous les maux seront k nos portes )> .
Après que les Âtheliiens eurent perdu la
bataille (a) , ies jAus mutins et les plus turbu-
lents de la ville, et ceux qui ne cnerchoiïiat
que des nouveautés,! traînèrent Charideme '^
au tribimal , pour le faire élire capitaine ; ce
qui alarma tous ies gens de J>ien qtii. enttuA
recours ail sénat de l'aréopage , et la y au mi-^
lieu de l'assemblée, p^.leur^ larm^.et ))ar
leurs prières, ik obtîtirent epfin, -ipjioiiqii'ftvec
peine , qu'on remit la ville entre l^s mains de
rhocion» Ce dernier dît ali$sSt&t que son avis
éfoit qu'il fallait recevoir les lois et les Cj^mt
dations pleines d'hunumi'té que Pliilippel leiuî
ofirolt. >Iai$ Forateur Demadès ayant pro^
posé que la ville seroit coniprise da|is la paix
générale , et qu'elle entreroit dans rassem-
blée de la Grèce , Phocion s'y opposa , et sou-
tint qu'il n'eu falloit rien &ire qu'on n'eût
su auparavant les detnandes que Philippe fe«
roit anxGrecsdans cette assemUée > ^.Son avig
(a) Il s'agît apiutremment de la bataille dç Chëttt»
n^e , gagnée par Philippe. A. Xr. H*
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90 FHOCION.'
ae fut pas le plus fort, ^ cause des circonstances
nriatheureusesoùl'on se trouv oit; mais biei) tôt
après y voyant les Athéniens tristes et dans un
cuisant repentir de ce ^u^ils avoîent fait y
parce qu'îié étoîent obligés de fournir des
vaisseaux et de la cavalerie k Philippe , il leitr
dit : « Eh ! voila justement ce que je craignoi$
« quand je m'opposois \l votre résblirtion.
i\ Mais puisque vous avez reçu ôts conditions,
« il £iut supporter voire mal avec- patrence y
4 et ne pas vous décourager. Ressouvenez-*
« ^ous que vos ancêtres mêmes, donnant tan-
k tôt la loi f et tantôt la i^ecevant ^les autres,
« et remplissant avec sagesse tous les devoirs
4( de ces deux différents états, ont sauviS
K leur ville et toute la Grèce en même
« temps ^).'
•La nouvelle de la mort de Philippe étant
portée k Athèîies, il ne voulut pas souffiir
qiie le peuple fît des sacrifices pour remer-
cier les Dieux de cette nouvelle : « car il n'y
4< «I rien , leur dit-il , qui marque pliis de
« nassesse décourage, que de se réjouir de la
a mort d'un ennemi. D'ailleurs, l'armée qui
M vous a défaits k Ghéronée n'est affoiblie que
« d'un seul homme ». Démosthène s'empor-
toit et invectivoit un jour extrêmement contre
Alexsgidre qui s^avancoit déjà contre Thèbes
avec des troupes. Phocion le blâmant , lui
dit ; « Malheureux , pourquoi voulez-vou^
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PHOCIOW. 5l
« piqtier et irriter dayantage cet lioimne bar'^
« bare et violent '9, et si avide de glbire ?
« Quand vous voyez un si furieux embrase^
«ment s'allumer autour de vous, voulez--
« vous aussi y prëorjpitéfr votte ville? Pour
« moi, )e ne soiiffiirai point que les Athé^
« niens se perdent .quand ib le voudraient •
<( et ce n'est que pour Pempècher^ que j'ai
« accepte le commandement ».
Quelque temps après, Thèbes ayant été
prise et rasée, et Alexandre ayam envoyé
sommer les Athéniens de itii livrer Dëmos^
tjiëne , Lycurgue y Hyperide et Charldème,
toute Paissemblée jeta en même temps lea
yeux sur Phocîon , et Pflqppela plusieurs foi»
par son nom pour savoir ce qu'il pensoit. li
se leva enfin; et faisait avancer Nicœlèa^
un de ses amis, celui qiii lui ëtoit le plut
cher, et en qui il avoit le jpkts de confiance ^^
il parla en ces termes : « Ces hommes, qu'A«-
4( lexandre vous demande, ont jeté la villç
« dants l'ëtat maflheureux ùh elle m trouve»
« SII iiiè-d^màttdoit cet ami que j'aime aï
« tendrteinent (en montrant Nîcoclès), tout
« in^otètf^ qu'il est , je seroîs d'oVis* i^'on lui
<c livrât ; ^rmcA-même je regal^miscommc
« un grabd bonheur de mourir poUrvous sau--
a ver la vie. tlest vrai, Athéniens, que j'ai
<( grande compftsôon d« k miix% o» ce%
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5î> PHOCION*
■a pauvres ThébaÎDs qui se sont * petîrés- dans
«votre ville; maïs il suffit mie les Grecs
4< pleurent Thèbes j saûsqu'ilspleurent encore
« Athènes. C?est pourquoi il vaut mieux in-
•<( tercéder -auprès du vi^înque^r^ et dex^an—
« der grâce poiw Fune et pour l'autre , que
Xi de prendre les armes pour achever de se
m ruiner». , i
On dît qu'Alexandre rejeta le première décret
qui fut rendu sur cette délibération, et qu^il
tourna incme le dos au^ ambassadeurs qui
^toieiitichargi&.d^ le lui ^'senter; Mais il
jreout le second qui fut porté par Phocion ,
{>arce qu'il ^avoit entendu dire aux plus âges
de sa cour , i|ue inm père Philippe faisoit grand
cas de oet homme. Aussi non seulement il lui
jdowa une audience très-fa voir able , et rççut
ses prières , mais il écouta même ses conseils ^
car Phocion lui dit « que, $'il aimoit le.re—
« pos, il devoit renoncer a la guerre j et que ^
M si , au coi^traire , il étQit ^imbitieux de gloire y
« il devok tourner ses armes contre; les Bar—
« bares, au lieu d'attaquer les firecs ». Ejt
ayant jeté ainù adroiteinent dans ses discours
Jbeaueoup. de <àoâes conforiDies au naturel et
aux sentimenis d'Alexandre, il le. changea
tellememet l'adoucit si fort, que ce prince
lui dît : « Que. ks' Athéniens dévoient avoir
riS l'oefl attx affaires ^ $t j|ii;e anentifs k tout cç^
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7«ociok; 53
H qui se patsseroit} parce' que, sMI venoit k
M mourir, c'étoit ^ eux seuls qu'il apparte*
. « noit de commancler *"* »• Alexandre le
goûta si bien , qu'il lia avec lui une amitié
I)artîculik*e. 11 la fortifia encore parlelkn de
'hosfHtalité y et il lui fit des honneurs qu'il
n'accordoît qu'k un très-petit nombre de ses
plus assidus courtisans; .L'historien Duris
ajoute qu'Alezanebe, après qu'il eut acqtiis
cette gloire qui le rendit très -grand , et qu'il
eut défisiit Darius ^ retràndia de toutes les let**-
très qu'il écrivoit le mot chaireiny c'èst-kr
dire, aalut^ excepté d« celles qu'il écrivoit
a Phocion ^^ Il n'y eut que lui et AntipaÉer
k qui il à^rivit avec cette formule ; Charèa
confirme ce récit.
Quant aux présents qu'il lui fit, tout le
monde tombe a accord qu'il lui^ envoya cent
talents (a). Cet argent portée Athènes, Pho-*
don' demanda a ceux quien étoient chaigés,
<i pour quelle raison , et dans quelle vue
« Alexandre le choisissoit lui seul parmi un
« grand nombre d'Adiéniens , pour lui- en«
« voyer une si grosse somme? C'est, luirépon«ii
<( dir^it-ils , qu'Alexandre vous juge seul
4i honnête .l»>mmè et homme de bien. Cela
<féta0t, répartit Phocion, qu'il mC' laissa
(( dbn<3 passer pour tel et l'être en effet >u.
{a) EoTkoft ^^fi^^k. MLn D.
3^ Dig,t,zedbyUfe0gle
54 PHociow*
Ces cnvoy& ne laissèrent pas de le sùîrre
jusque dans sa maison , où ils virent une sim*
!>lîcité qui les surprît. Car ils trouvèrent sa
emme qui pëtrissoit; et lui-même, en leur
i présence , alla tirer de Peau au puitç pour se
aver les pieds *^. Sur cela , ils Je pressoient
encore davantage de ceoevoir le présent du
f ci , ils se fichèrent même , lui disant , « que
<( c'éioit une chose indigne , qu'étant un des
«principaux auâs d^im si grand prince^ il
« vécut si pauvrement ».:Dans,ce moment ^
Phociôn vit pass^ im citoyen fort pauvre ,
ibouvert d'un vieux «manteau ss^ie et usé; il
letir demanda, « s'ils le jugeoient inférieur a
a cet homme* A. Dieu ne plaise , lui répon-^
<( dirent -ils d'abord. Cependant , continua
% Phoôion , il vit de beaucoiç moins que
i{ moi, et il est content ^^. En tm mot, c'est
m en vain que fe posséderai tant d'or^ si je
« ne m'en sers point ^ et si je m'en sers , je
. «me décrierai moi-même, et je décrierai
c( Totre maître auprès de mes concitoyens »•
C'est ainsi que cet argent retourna d'Athènes
n'en avoir que faire , et de savoir s'en passer.
Alexandre liit très^dhé de ce refiis , et écri -
Tit encore k Phodon , pourlui déclarer , « qa'il
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pfiocioir. 3S
« ne prenoit point pour ses amis ceux qui.
« refiiBoient ses grâces ». Mais Phocion n en
Ait pas plus porte k les accepter^ Il demanda,
seulementia liberté du sophiste Echecralides^
d'Athénodore d'imbre et de deux Rhodiens,
Dëmaratus et Spaiton^ accusés de quelques
crimes , et qui étoieDt retenus prisonniers k
jSardîs. Alexandre les fit délivrer sur l'heure.
Envoyant ensuite Cratère eu Macédoine , il
lui comnianda de donner k Phocion , k son
choix , une de ces quatre villes d'Asie, Cio (a),
Gergithe ,My lasse, ou Elées, et de rassurer
qu'il seroit encore plus fâché que la première
fois s^il la refusok. Malgré toutes ces iDSlan««
ces, Phocion ne voulut pas l'accepter ^ et
Alexandre mourut peu: de temps après. Oi»
montre encore au]€(ard'hui dans le bourg d%
Mélîte (b) la maison de Phocion , qui est lam^
brissee de plaques de cuivre, mais ou reste fort
sinaple etsan^<M*nement. '
Il fut marié deux fois. On né trouve riev
sur sa première femme; on sait seulement
qu'elle étoit Sfieur de Céphisodote^ eKcelle&a
sculpteur* Mais la seconde fut aussi célèbro
(a) Il A6 ft'a^iC pas ici de ]'tle de Cio» :mi^t^ ê\tn^
▼iUe siii«ttn fleuve du même nom , dans 1% Bilbirni^^
ou ia Mysi^ , qui lui est contigiiè'. Ji, Z,, />. *
(t) CMMt un i^uartierdw Pircc. A^ L-Dn
' Digitizedby Google
36 ïHociomî
h Athènes par sa grande sagesse , bar sq mo-,
destie et parisa simplicité, que Phocion par
sa bonté et par sa justice. On raconte qu un
jour y les Athéniens étant assemblés au théâtre
pour voir jouer quelque tragédie nouvelle,
un des principaux acteurs, sur le point de
venir sur la scène, demanda un masque de
teîrie , parce qu'il devoit jouer le rôle d'une
princesse, et un grand nombre de suivantes
parées magnifiquement. Comme Mélapthius ,
quifaisoitles fiais du chœur, ne les fourçiissoit.
E oint, F jeteur s^emportoît^ et faîsoit attendre
îs spectateurs, ne voulant pas absolument
paroître. Enfin, Mélanthius, lassé de ces dif-
ficultés, le poussa par force au milieu du
théâtre ^ en luîcriant : « Tu vois la femme de
«Phocion qui paSTottéh pubUcavec une seule,
¥. suiviante , et tu viens faire ici le glorieux ,
K et oocrûmpr/e les m^œurs de no& femmes » !
Ce mot qui fut dit assez haut, ayant été en-
tendu, tous les •spêctâtciu's le reçurent avec
applaudissement et de grands battements de
mains.' Une fetiime d'ionié , amie de la femme
de Phocion^. étant venue là voir et logeant
chez elle , lui montroit ses bijoux d'or enri-
chis de pierreries, et qui consfôtôîent en des
Eracelets et dès colliers magnifiques f « Foui
i( raoi,luiditla femme de Phocion, moû seul
a ornement c'est Phocjon , qui depuis vin^
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f anfiëes, est toujours élu gâiâral des Aibé^
« niens ».
Le fils de Phocion vovlant aller combattre
aux jeux des fêtes Panathënëes, son père le
lui permit, mais k condition qu^il courroit )k
pied '^ : non «jn'S fit grand cas de cette yic-t
toire 9 mais afin cpie son fils exerçant et fi>rti«'
fiant son co^ps par la course y. s'accoutumàl
a une vie plus rë^e et plus sage ; car co
jeune iHwune ëtoit fi>rt oissolu , et aimoit
beaucoup le vin. Il remporta le pHx de ces-
jeux , et plusieurs de ses amis demandèrent k
Phocion la liberté défaite un festin pour cé-
lébrer cette victoire*^. Photaon refusa tous les
autres f et ne permit ^u'k un seul de témoi'<-
gnet* par cette fête l'attachement qu'il avoit
pour fl^aiaon; L'heure du souper venue , il
se rendit cliez ce jeiiaie homme. Vojant des
préparotife magnîoqnes, et qu^on présentoir
a tous les conviés de grandes cuvettes pleines
de vin préparé, avec toutes Portes d'aromates
pour leur laver lespieds y il appela se» fils , et
lui dit r« PhoeQs, ne venxrt&npas covriger
H toB mai qui gâte et qui corrompt ta Viofoire
i< par ces^reKcés îodî^les >» ? Pour le retirer
et l'éloigner èntièromept de cette >aiaBière do
vivre si pleîfie do faixé^ H lenuoQft a Lacédé-
mone j et lemitavec les teunes^geafrqui étoient
élevés daÉs tonbé^fe retour d^ h disc^line
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38 VHCCtow.
de Sp«^. n déplut par Ib tux Athéniens^
<]ui prirent cette action de Phocion pour uuq
preuyequ'i) nëglifçeoitet qu'il mt^prisoit m^e
les mœurs et les coutumes de son pays. L^ora*-
tear Demad^s lui dit ub jour k cette occa-
sion : « Phocion y pmirquoi ne conaeilloos*
:« nous pas aux Athéniens de prencbre et d'iuii-
m ter ia forme du gouvernement de L^c^dë*
i« moDe ? Si vous Fordonnez , je suis tout
;« prêt k le proposer au peiiple , et k en dres-^
|« ser le décret. En vërité^ uiî rêpbndit Pho*
i« doQ, il te siàroit bien k toi , parfviné d'esr^
i« sences, et couvert d'un si i>eau manteau -^
1^ de |[H*ècher aux- Alhémens la- fti^»)lité 4^
i« Laoëdëknttriens, et ^ louer K^qur^H^ v> . .;
Alexandre ayant éoril aux AihéoieiQiS d^.kiî
envoyer un oertaîn ncadwe de gal«ff^|^ Q( les
orateurs s'y opposant , IWemUéè ordwfa ^
Pboâon de dipeson avis: ^ Bioa ayjs ^dat ,
« kar dic-il ^ quevous soyes Jes plus forts pajr
H les armes, cm les amis de oeul: qui le soat »^.
Vomtmt Pytbi^£^ qai ne,v«B0it^e de Qom-
menvev ïi païAarxdtvasit h peuple *f , m^n-
tfoik'd^ beansnaip d'audace et ^'w^'fvek^e.,
et étom^dissoft iani le /âaobde) dci :Son. babil :
«Ne veiiK<^4a deod^peâst te laire^ lui dit
H Pbo<u<Mi'^«difRâasÀëjio«ivattefli9i:^.a^
« dans «etfte ^ilei¥ ? . <
lybrpaiei^'bqiitAjexandscxircMt coafié }m
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P0OCIO1I. $9
garde des trésors de Babylone, sVuot enfui
d'Asie arec d'immenSM richesses, aborda k
Athènes. D'abord tous ceux qui avoient ooù«
tnme de s'eiMÎcbîr de lenr métier d'orateur^
coururent k lui a l'envi j tout prêts h se laia-
ser corrompre, et d^jk inèine corrompus par
Tespërauce. Harpalus ne mancpa pas de jeter
k coacun d'eux quelque petite partie de cet
grands trésors , poilr les amorcer. Mais il en--
▼oya k Fbôcron sept cents talents (a), met*
tact d'aiUenrr tous sell autres biens et sa per«
smine même en sa disposition ^ et sous sa
sauve-gsirde. Phocion parla très -durement k
cenx qui vinrent de sa part, et leur déclarai
qu'A aOolt prendre des mesures violentes
contre lui , s'il ne cessoit de oorrompro la ville.
Sur cette réponse, Harpslus, Ibrt étonne, et
dëcbu de ses espérances, se retira. Peu de
jours après , les Athéniens s'étaat asaemblés
pout* délSbérer sur cette afiaire, Harpalus vit
jqué ceux qui avoietit reçu son argent aMoient
changé de Mngage , et mi'aulieu de le d^endre
et de Fappuyer^ ils l'accusoient devant \t
peuplé, idËD que leur intelligence avec Uu ne
fkt pas découverte. Ffaoçiou' seul qui n'avoit
Toiâu rien recevoir , ayant toujovurs^en vue le
bien pubHc ,' ne laissoit pas d'avoir quelque
moyen de lé tirer d'affaire. Ranuué ps» cea
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iif PHOCIOK*
lueurs de bienveillance , il se remit b lui faire
la cour pour essayer de le gagner j mais piu^
il le cousidéroit et le recpunoisscHt de tous
côtés, plus il le trou voit imprenable k For-
gent comme une foiteresse inaccessible, Enfin^
il forma une étroite amitié avec Chariclè^,,
gendre de Pbocion , et fut cause que cçt
bomme eut une très - mauvaise réputation
dans. Athènes ; car on voyoit qu'Harpalus
navoit en lui la plua :grande confiance ^
jet qu'il s'en servoit a toutes ses affaires ^
Î'uscjue-lk qu'il lui donna le. soin. 4e faire
)àtir un magnifique tombeau h Li courUs^ne
Pytbionioe qu'il, avoit.aimée, et donJt Jlavoif
.une fille ; il jui, remit, a cet efièt de grosses
sommes entre, les mains. Cette commission ,
déjk assez bontcfuse par el)e-meme , le de^
vint encore pW. par la manière dont il s'^
acquitta ^^ ; car on voit encore ce tombeau
daus le lieu .appelé Ilerpiée ^^9 sur lèche*
min d'Atbèn^9.a.Eleusiiie^ et on n'y découvre
rien qui réponde h cette grande. dépense quj[
fat de trente taie:i)ts(éf)^ selon lesx^mptes quç
CbariclèsenrenditaHarpalus» Après la port
de ce dernier^ Cba^çi^s et Pl^ocion prirent
<heit eux la fille qu'il avoit eue de cette cojuç-
tisane, et la firent élever avec beaucoup d^
60iti. Peu de temps après, Chai iciès liit appelé
eu justice, pour veuir rendre compte de i'em^
PHOCIOW.» 4t-
ploi de Pargènt iniil avoit reçn â'flarpalna*'
il eat recours k Hiocion , le priant de le se-»
cmirk et de Kaccompagner le jour dii juge-*»
ment poar Taider k se défendre. Mais Pfeodon^
le refusa franchement , et lui dit : a Chari-^
(( clés y je t'ai fait mon gendre , mais e'ést
a pour toutes choses justes et honnêtes »•
Le premier qui annobça dans Athènes la
nouvelle de la mort d'Alexandre , ce fut uft
certain Asclëpîade , fils d*Hippar<nie ; mais
l'orateur Demadès exhortoit les Athéniens ¥
ne pas lui ajouter (bi : a Car , disoit-il , si
« cela ëtoit, toute la terre entière auroit déjk
« SMitî Podenr de ce mort »• »» Phocion
Toyant qu'a cette nouvelle le peuple com<*
mençoit a lever la tète et k penser k des nou«-
veautës, tâchoit de le contenir. Mais comme
malgré ses efforts , la plupart des orateurs
couroîent au tribunal , et crioient que la nou-'
velle d'Aselépiade.étoit véritable ^ et qulA<«
fexandre étôit certainement mort, Phocion se
leva et leur dit : « Mais s'il est mort aujour^
« dirai , il le sera encoi% demain , et encore
a après • demain , de sorte que nous aurdné
u tout le temps de délihérêr en repo&et aveo
« dliis de sâretë*
Léosthène qui, par ses intrigués, avoit
précipite la ville d Athènes -dans la guerre
qui fut appelée Laxpiaque f" y voyant
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4Sr YHOCION.
qoe PhocioQen ëloit trës-fachë, lai deiiftndft
d'un ton moqueur : « Quel bien il avoir fait
4hk sa viHe pendant tant d'annëès qii^il avoit
icéié capkaine^^uéral » ? « Compteft-tu
« pour un petk bien , r(^partit Phocion , que
aies cîkiyens qui sont morts pendant ce
« temps^lk ont ëtéenterrëa dans les tombeaux.
« de Wm pèoes v> ? Ce Léosthène oanti-
xiioit toiijovrs déparier devant le peuple
jivec- beaucoup d'arrogance et de vanité;
Fhoçion , las de l'entendre y lui dit : « Jeune
<« homdie , tes discours ressemblent aux cy^
< près: iia sont grandset bauta, et ne portent
4( point de fiuit ». Alors Hyperide s'iétanl
]evé , deiBanrda'4onr baiit ii Fbooîon : «Quand
« seraH^e dono que vous oonseilieree aux*
u Atbeniens de fiiire la giierre » ? « Ce sera,
K lui répondit Phodon , quand |e verrai lea
« jeunes gens résolue k ganler leur poste ^ le»
,41 ricbei contribuer selon leiir pouvoir, et les
én orateurs s-abstenb de voler les denietai
^publics ».
Comme la plupart adnnroient la grande et
belle armée que Léostbène avoit assemblée ^
et qu'ill' demandoieni k Phodon ce qu'il eu
pensolt : <« Elle me paroU très*belle pour le
4( stade , leur dh il; mais je crains le retour ^ ',
« la ville n'avant plus ni'd'autres fonds , ni
« d'#utre« vaisseaux ) vi d'autres troupe» ii^
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Viréotment jâslifia sieè craiiim. L^thène
f t d'abord tks ekpioîls foft ëektsfnts, qui loi
doDuètent beaucoup de réputauoD ; il défit
les Béotiens etibsitft^ ^aftgée ^ et f<H*ça An-
tipater fk s^ retirer •émb^ la ville de Lamtaç
de sorte que la vJHe d'Alhènes, nageant dava
la foie et 'dans respërance , ne fiiisoit que cé-
lébrer des feUes et offrir des sacrifiées ppor
renieniier les Diètiit deé bèufeuses nouyelles
qn'elle recef oit tons ki» jours. La plujpart
croyant confondre Pbocion , et le rédnine h
ne savoir qrte i^épotad^e stir Fopposirioii qu* A
nvoit toujours faite h cette guerre, Ini de—
niandoieiit s'il fié irolYdh>ifpRSavoirircâttoutea
ces belles choMà : « Oni^ sans éo^t , répon-^
« dît ftiôcion , ft trondrois les atoir fiiites^
« niai» je nevcnidrois pas n'atoir pas con«-
« seiQé ce qne )'» conëeillé »« Et comme ces
boiîiKrs nbttvetlesse snivolentde S»rt près, et
arrivoieoit du ^«aitip coup sur coup , Pnocion «
ijui eta craignoit les suites , s'écria : m Quand
« ceaserûDs^nous 'dbne de vaincre » ? Léofp>
tbëne étant venii k ihourh-, ceux «qui crai*
gnoîent que* Thocion ne fnt élu général , et
lie mit fin k cette gnerre^ apostèrent un cer-
tain bonmie as^éK obscur, <ïui s'ëtant levé , dit
en pleine as^einblée, ^tqii'it étoît ann particur^
« Iier-de Biocion , et qu'il avoit été son camaH
a rade d^éoote ; qu'il leur conàeÂUok doOQ de
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44 PHOCIQK.
; «. ménager ce grapd Homme, parce qu'ils n'em
c( avoiçnt pas un second comme lui, et d'éo*
. « Toyer Ântiphile k la tête de l'armée »* Déjà
les Athénieii^ se rendoient k cet avis , lors-
.-çje Pbocion s'avançant , . dit « au il n'avoit
ii^ jamais été le camarade de cet iiomiue , et
Ai ou'il ne Ta voit jamais comiti^ m n'avoit été
'.^ ae ses ainis. Mais y ajouta* t; il en lui adres-
;« sant la parole: Je commence d'aujourd'hui
<( k te compter pcfur mon ami, et pour mon
^ meilleur ami ^ car tu as donseilfé tout ce
« qu'il y a voit paiu* moi de plus utile ».
Les Athéniens voulapt à toute force entre-
prendre la guerre contre. les. Béotiens, Pho*
-cion s?^ oj^osa autant qu'il le put ; et comme
^es amis lui rejM^sentoient que les Athéniens,,
ii:rités de .cette opposition opiniâtre, le fc^-
roient mourir,, il leur répondit ; « Oui, iU
.« me feront mourir , mais injustement si je
« conseille ce qui est utile^ et très- juçtement
» si je prévariqne pour les; flatter ». Voyant
3ue malgré t^QUt ce qu'il pouvoit faire et dire ,
^ s ne serebutoient point , et crioient.de plus
en plus coQtie lui, il ordoipiaî -au héraut .de
publier , « Que toi^ les Athéniens , depuis
<( l'i^ge. de quatorze ans jusqu'à soixante ,
u prissent du pain pour cinq jours , et qu'ils
^< le suivissent sans autre délai , au sortir de
«< VusêQuMéQ ;>• Il »'cièye. auj^to( vn^ graa4
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PHOCtON. . 45
V
tumulte paimile peuple ; tous les vieillards
se mettent a çricr et k se retirer : « Qu'y n-
<( t>il doDc ïà de si terrible , leur dit Phocion^
m et moi qui ai quatre-viugts ans , ne serai-
« je pas .S votre tête » ? Cette répouse les
adoucit , et leur fit perdre cette envie déme-
surée de faire la guerre. Mais quelque temps
après, ton le la cote étant ravaî^ce par Mi-
cioa , qui , avec bon nombre de Macédo-
niens et. d'autres troupes étrangères , s'étoît
avancé jusqu'au bour^de Rhamiiuse, et pil-
loît tout le pays^ Phocion y courut , et mena
contre lui les Athéniens. Là , «'empre^^saut
tous autour de lui, chacun se mêle de faire
le général , et de lui donner des conseils; re-
lai-ci dit qu'il &ut occuper une telle colline;
celiiî^lk qu'il faut envoyer la cavalerie en
tel endroit ; cet autre qu'il faut choisir un
tel camp, et s'y placer de telle et telle ma-
nière : a O Hercule ! s'écria Phocion , corn-
ac bien je vois de capitaines , et combien peu
a de soldats » ! Quand 'A eut rangé son ar-
mée en batailk, un de se&gens de pied sortit
des rsoigs et s'avança fièi^ment au milieu des
deux armées ; un des ennemis sortit aussi de
son cdté et s'avança pour le combattre. Alors
l'Atbenien saisi de crainte se retira et rega-
gna sa troupe ; « Jeune homme , lui dit Pho-
<( cîon , n'as tu point de honte d'avoir quitté
X. " 5" '
DigitizedbyCjOOgle
46 PHOcroN*
« en ira même jour deux postes, lepretofer,
« celui où ton capitaine f avoit placé , et
« l'autre, celui oii tu t'étois placé toi-même »?
En même temps il chargea les ennemis y les
rompit et les mit en fuite , et tua Micion leur
chef, avec un grand nombre d'entr'eux.
Cependant l'armée de la ligue des Grecs ^
qui étoit en Thessalie , gagna ime grande ba*
taille contre Antipater , auquel s'étoîent
joints Léonatus et tous les Macédoniens qui
étoient en Asie. Léonatus fut tué a cette ba-
taille où Antiphile commandoit l'infanterie y
et Menon le thessalien , la cavalerie. Peu de
temps après, Cratère étant repassé d'Asie eu
Grèce avec une puissante année , il y eut une
autre grande bataille près de la ville de Cra—
non (a), où les Grecs furent battus. Ni la dé-
faite , ni le nombre des morts ne furent pour-
tant pas considérables; cet échec même n'ar—
riva que par la désobéissance des soldats qiii
avoient des capitaines trop doux et trop |eii.
nés qui ne savoient pas se faire obéir : d'ail-
leurs, Antipater ne se fut pas plutôt présenté
devant leurs villes pour les tâter, qu'ils se
débandèrent et abandonnèrent lâchement la
cause delà liberté; Antipater profita decetre
déseition , et marcha aussitôt avec son armée
(a) Ville dans le canton d« la lliessalie ^ appelé
Tempe, A, L, />•
Digitized byVj OOQ le
vnocion. 4^
Ters Aihëiies. A son approche y Démosthëne
et Hyperide abandoDiièrent la ville. Demadèsy
qui a^étoît pas en pouvoir de payer la moin-
dre partie des ameudes auxquelles il avoit été
condamné, jusqu'k sept fois, pour avoir pro^
posé des choses contre les lois et contre Futik
lité publique , et ^ui étant demeuré infâme
n'avoit plus le droit de parler et de rien pro-
poser an peuple , se trouvant alors en
pleine liberté, fit un décret qui portoit qu'on
enverroit a Anlipater des anibassadeurs avec
de pleins pouvoirs , pour traiter avec lui de
la jpaix. Mais le peuple , qui eraignoit ceux
qu'on pourroity envoyer, appela d'une com«*
muûe voix Phocion , disant qu'il étoit le seul
a qui il put con^r une commission si impor-
tante et si délicate. Alors Phocion se leva, et
leur dit : u Si vous m'aviez erulorsque je vous
c( donnois mes conseils,, nous ne serions pas
u présentement réduits]^ délibérer sur desaf-*
« fairesde cette conséquence )>.Ainsi le décret
de Demadès ayant été approuvé et confirmé ,
Phocion fut envové k Antipater qui étoit
campé dans la Cadmée (a) , et qui se prépa-<
roit a entrer dans l'Attique.
La première chose qu'il lui demanda , ce
fut, « qu'il traitât avec lui avant que de dé-^
(a) C'eftt-à-dîrc dans la Béotie 5 car la Béotie étoit
•ppelfic Cadmée, cooMne lai ciladellfi de Tbèbita,
DigitizedbyCjOOgle
48 PHOCION,
<c camper du lieu où il étoît ». Sur cela Cra-
tère s'écrie : « Phocion nous demande uue
« chose qui n'est ni juste ni raisonnable , lors-
it qu'il veut que nous achevions de miner les
« terres^de nos amis et de nos alliés, tandis que
a nous pouvons aller vivre aux dépens de nos
a ennemis ». Antipater, le prenant par la
main , lui dit : <( Il faut faire ce plaisir k Pho-
« cion ». Mais sur toutes les conditions de la
paix, il lui déclara qu'il falloit que lés Athé-
nienss'en remissent entièfrement klui, comnie
liii-même , lorsqu'il fut assiégé daiis la ville
de Lamia , s'étoit entièrement rerni^ de la ca-
pitulation k Léosthëne leur capitaine.
Phocion alla rapporter cette réponse k
Athènes, et les Athéniens ayant accepté cette
condition par nécessité , il s'en retourna k
Thëbes avec les autres ambassadeurs qui fii«
rent nommés , et k 1 a tète desquels étoit Xéno*
crate ; car on avoit pour Uii une si grande
e&time , et on avoit conçu une si haute idée
de sa vertu , qu'on étoit persuadé qu'il n'y
avoit point d'homme ^ quelque arrogant ,
quelque cruel et quelque emporté cju'il pût
être , k qui la vue de Xénocrate n'imprimât
du respect , et qu'elle ne forçât k lui rendre
hommage. Mais le contraire arriva par Teffet
de la brutalité et de la grossièreté d'Antipa-
ter^ et par l'antipathie naturelle qi'il avoit
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P HOC ION. 4T[)
poûrh vertu. D'abord , il ne salua pas Xëno^^^
crate et ne le regarda point 3*,^ et combla de
caresses tous les autres. Sur quoi on rapporte
que Xénocrate dit : n Antipater fait fort bien
41 de n'oser me regarder , et de rougir devant
« moi seul de m'avoir pour témoin des injus-
« ticês qu'ïlva commettre contre Athènes »•
Ensuite Xénocrate ayant commencé k parlai
Antipater, qui ne pouvoit le supporter , Tîn-
teiTompoit k tout moment , et entrant enfin
contre litî dans une véritable colère , il To-
Wîgea .k se taire. Mais après que Phocion eut
parlé, Antipater lexur fit réponse, « q-n*il étoit
« prêt k faire amitié eratliance avec les Athé-
<( niens k condition qu'ils lui lîvreroient Dé-
« mosthène et Hyperide ; qu'ils rétabliroient
<( le gouvernement sur Pancîen pîed on les
« charges étoîent données aux riches; miMb
« recéVWîent garnison dans le port de Mu-
« nj'^chîâ (a) ; qtTils payeroient tous les frais
«de la guerre, et outre cela une grosse
« amende dont on conviendroit »».Les autres
^ambassadeurs étoient satisfaits de ces condi-
tions qu'ils regardoient comn^e fort douces ,
vu l'état oh. ils se trou voient. Xénocrate seul
les trouva insupportables, et dit : « Antîpa-
« ter nous traite fort doucement pour des es-
(à) Entre celaî de Phalére rets rorieat, et celui
au Pirée ver* rocoident. ^. £. /?. . .^,^,^i..
DigitizedbyVjOOQlt
5o 4PHOCiaNf
« clavcs^maîs très-durement pour clés boni»*
« mes libres ». Et comme PLocion lepressoU
et le supplioit de se relâcher sur Partîcle de la
garnison de Munychia , on assure qu'Antîpa-
ter lui dit : tt O Phocion , nous voulons te
« faire plaisir en toutes choses , excepté en.
« celles qui cauçeroient enfin ta ruine et la
« nôtre ^'^ »,
D'xiutres racontent la chose autrement. Us
disent q-u'Antipater demanda )i Phocion y en
cas qu'il se relâchât sur ciette garnison , s'il
vouloit être caution que $a ville observeroit |
fidèlement tous les articles du traité de paix j
et ne chercheroit plus b remuer. Phocion gar-
dant le silence et tordant k répondre j^ un cer-
tain Callimedon , surnommé Carabus, homme
emporté, et qui haïssoit le gouvernement po-
pulaire y s'âvancant , dit k Antipater : « Eh
tf quoi, seigneur, si cet homme , jioiur vous
« amuser , s'avisoit de cautionner sa ville ,
« vous y fieriez- vous, et en ferieî-vous moins |
« ce que vous avee résolu de faire » ? Ainsi
les Athéniens furent obligés de recevoir dans
Munychia une garnison macédonienne , qui
étoit commandée parMényllus, très-honuctel
homme, et ami de Phocion. Mais cette conJ
ditîon fut trouvée très-dure et très-superbe ,
et on la regarda plutôt comme une vanitij
d*un homme qui veut abuser de son pouvoir
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FHOCIOK* 5ï
avec insolence , que cpmme une sage pré •
câttûon prise pour sa sûreté et pour le bien de
ses afiaires ^^.
La ooojoncture du temps n'ajouta pas peu
a la douleur qu'en ressentirent les Âtnénieos.
Car cette garnison entra dans Munychia, le
Tingtième du mois d'octobre, pendant ia fête
des grands roystëres, et le jour que l'on con-
duit en pompe le dien lacchus d'Athènes ^
Eleu^ne. De sorte que la cérémonie se trou*
Tant troublée , la plupart se mirent k compa-
reries fêtes des anciens temps avec cellesqu^ils
voy oient alors : « Autrefois, disoient-ils, pen»
« dant nos grandes prospérités, les Dieux se
«( sont souvent manifestés par des vision»
« mystiques , et par des voix qu'ils ont fait
« entenure , et qui frappoient de terreur nos
«c ennemis.. Bt aujourd'hui a la même solen-
c( nité les Dieux voient tranquillement le plus
4( grand des malheurs qui pouvoient arriver
« k la Grèce ; ils voient le plus saint de tous
4( les jours de l'année , et celui qui nous est
« le plus agréable , souillé et marqué par la
« plus affreuse de toutes les calamités, qui lui
« donnera même son, nom jusqu'k la fin des
n siècles n •
Quelque temps auparavant , on avoit ap--
porté de Dodone a Athènes un oracle qui or-
éonn^it aux Athénien» de bien garder le»
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62 PHOCION.
promontoîrcs 3e Diane ^^, pour empêcher les
étrangers de s'eii emparer , et dans ces jours-
la y les.bandelettes sacrées dont on entoure les
berceaux mystiques d'Iacchus , ayant été
mises dans Peau pour y être lavées ^ en rap^
portèrent une couleur jaunâtre et pâle comme
celle d^uM mort , au lieu de cette vive cou-
leur de pourpre qu'elles avoient auparavant;
et ce qu'il y avoit de plus singuBf r et de
plus remarquable , les linges des particuliers
qu'on lavoit dans la même eau , retenoient
tout l'éclat de leur couleur naturelle. Ek
"comme un des initiés aux petits mystères la^
voit un pourceau dans un endroit du port où
Teau étoit pure et nette ^^ , un monstrueux
poisson vint le saisir et en dévora tout le der-
rière jusqu'au ventre , le Dieu les avertissant
par Ik d'une manière trës-sensible qu'ils se--
roient privés des parties basses de leur ville ^
de celles qui touchoient k la mer ^ mais qu'ils
en conserveroient les parties hautes.
Cette garnison commandée par Ményllus
ne fit aucun mal aux habitants; maisily en eut
plus de douze mille qui^k cause de leur paît-
vreté, fîurent exclus du gouvernement par un
desarticlesdutraité.Une partie de ces malheu-
reux demeura dans Athènes où elle faisoit tous
les jours ses plaintes de l'injustice qu'elle souP>
froit ^et les autres abandonnèrent la ville, et
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PHOCION. 55
se relirèrent en Thrace où Antipater leur as-
signa une rillcet des terres pour leur habita-
tion , et ils ressenibloient parfaitement k des
gens qui auroient été forcé daos leur ville et
tiansportës dans un pays ennemi.
La mort deDëmosthëne, dans l^ile de Ca*
lanrie (a), et celle d*Hyperide k Cléones(i),
confine nous Parons écnt ailleurs , firent ai-
mer et regretter aux Athéniens les règnes
d'Alexandre et de Philippe. Et il leur aiTÎva
justement ce qui arriva ensuite après la mort
d'Antigonus; car ceux qui l'a voient défait et
tiié , et qui lui snocédèrait, traitèrent si ru-
dement knrssujets , qti'un paysan de la Phry-*
gie s'étant mis k fouir la terre, et quelqu'un
lui ayant demandé ce qu'il cherchoit : Hélas ,
dit-il , en jetant un profond soupir ,7e cher^
che jintigonuê ! C est ce que disoient aussi
tous ceux qui se reçsouveiioient de la magna-
nimité y de la générosité et de la clémence
que ces deux princes conservoient dans leur
courroux , toujours prêts k pardonner, b re-
mettre les oflfenses , et k relever leurs enne-
mis, au lieu qu'Antipater , sous le 'masque
d'un homme privé , sous un vil manteau et
sous les appar^Qces d'une vie simple et fru-*
{a) A V eztrémiL& du golfe Argolique et du golf«L
Saroniqae. ^.L D,
{b) Cléooes, Tilie do rArj;oUd«. A. L,D»
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54 JPHOCION.
gale y âîssîmulàat sa puissance , se montroft
en effet un maître très-cruel et un tyran très-
insupportable k tous ceux que la fortune lui
avoit assujettis. Cependant, malgré toute sa
cruauté , jPhocion ne laissa pas d'obtenir de
lui par ses prières le rappel de plusieurs ban-
nis ; et k l'égard de ceux qu'il ne put faire re-
venir , il leur procura des lieux plus commo-
des et moins éloignés 5 car il empêcha qu'ils
ne fussent relégués comme les autres au-delk
des monts Cérauniens et du promontoire de
Ténare , privés du doux séjour de la Grèce ;
ils eurent la liberté de demeurer dans le Pé-
loponèse : de ce nombre fut Agnonidès, sy-
oophante de profession.
Du reste, Antipater (a) gouverna avee
beaucoup de justice et de douceur ceux qui
restèrent dans Athènes , pourvut des pre-
mières charges et desprincipaux emplois ceux
qui lui parurent les plus honnêtes gens; mais
^ux qu^il çonnoissoit remuants , séditieux et
curieux de nouveautés, il les tenoit éloignés
de toute magistrature; et les laissant ainsi sé^
cher et flétrir par cette oisiveté qui les met-
toit hors d'état de pouvoir exciter des trou*
(a) Il me semble que M. Dacier s^est trompé , et
3a^au lieu d'Antipatery il deYoit mettre PbocioB ,
Mit il est question dans la phrase précédente. 11 n^^sc
pas probable cpi' Antipater soit resté à AthèaeSi puis«
j^vi'ity aroit lais»^ JtfenyUus. ji. L, J>.
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^HOcioir« 55
bles, Il leur enseigiioit k aimer la campagne,
et h prendre plaisir ^ cultiver les terres. Kt
voyant Xënocrate payer h la ville le tribut
que loi dévoient les étrangers qui étoient ve-
nus s'y établir , il voulut lui donner le droit
deboui^eoisie; maisXénocrate le refusa, di^
sant, « qu'il n'auroit jamais de part k un gou-
« veraement qu^il avoit toujours désapprou-
« vé, surtout ayant été envoyé ambassadeur
« auprès d'Antipater pour s'y opposer ^^ ».
Ményllus envoya, un jour, en présent a
Phocion une somme d'argent considérable ;
mais Phocion fit réponse , « Que ni Ményl-
<( lus n^étoit plus grand seigneur qu' Alexan-
« dre, ni lui Phocion n'avoît alors un pré-
« texte plus spécieux de recevoir son pr&ent^
« que celui qu'il avoit quand il refusa le don
« de ce roi ». Ményllus l'ayant prié de le re-
cevoir au moins pour Phocus son fils : « Si
« Phocus, dit Phocion, change de manière de
« vivre , et qu'il veuille être sage , le bien de
« son père lui suffira j au lieu que ^ s'il conti-
« nue d'être ce qu'il est, il n'auroit pas assez
« de toutes les richesses du monde ». Il ré^
pondit encore plus sèchement k AAipaterqui
exigeoit de hu quelque chose qui n'étoit ci
honnête ni juste: « 11 n'est pas possible, lui
m dit-il , que je sois en même temps et votre
a anû et votre flatteur » y et Antipatei^ lui-*
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56 rHocioîC.
même disoît loujours , « que de deux amis
« qu'il avoit k Athènes , Phocion et Dema-
« dès j il n'avoit jaroais pu ni obliger l'un a
« rien recevoir , ni assouvir i'avidité de Faù-
c( rre ». Aussi Phocion montroit-il , comme
une grande preuve de sa vertu ^ la pauvreté
où il avoit vieilli , après avoir été tant de fois
et pendant tant d'années capitaine -général
desAthénre&s, et avœr eu les phis grands rois
Sour amis. Aulien qncDemadès faboit parade
e ses richesses dans les choses mêmes qui
étoient défendues pat les Icms, Car il y avoit
alors k Athènes une kri qui portoit , qu'aucun
étranger ne seroit reçu dans les chœurs de
danse et de musique que l'on donaeroit au
peuple, k moins que tém qui fiiisoit la dé-
pense des cbœurs ne payât une amende de
milbe drachmes, (a). Malgré cette défense ,
Demadès , donnant un jour des jeux k^ses d.ë>
pens , introduisit tout d'un coup des chœurs
composés de cent danseurs étrangers, et en
même temps il apporta au théâtre l'aident
pour payer toutes ces amendes k mille drach-
mes par tête. Une autre fois , en mariant son
fils DemAs, il lui dit : « Mon fils, quand i'é -
« pousai ta mère, tont se passa si paisible^
« ment, que noire plus proche voisin n^en
tt entendît rien ** ; «tu lieu qu'aujourd'hiiî
(a) EaTiron 9Sg fr. d« n^tra mooQOÛ»* A* L» 2>.
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PHOCION. 57
« les princes et les rois contribuent aux frais
« de tes noces » .
Les Athéniens imporlunoient tous les jours
Phocion ) pour le prier d'aller 2i la cour a'Au-
tipater, et de tâener d'obtenir qiul ôtât la
garnison de leur ville^MaisPfaocion éludoit
toujours cette ambassade , soit qu'il déses-r
pérât de le persuader , ou plutôt qu'il vit qi^
Je peuple étoit plus sage et plus facile k gou-
verner , tenu eu bride par la crainte que cette
garnison lui inspiroit» La seule cbose qu'il de*
mandat Ântipateret qu'il obtint, c'est qu'il
n'exigeât pas si promptement les sommes que
la ville lui devoit payer, et qu'il lui donnât
quelque 'délai. Les Athéniens, voyant dQO^
que Phocion ne voulolt pas de cette ambas <
sade, s'adressèrent 11 Deiuadès qui s'en char-
gea volontiers, et pa):tit aussitôt avec son fils
pour la Macédoine, ou l'on peut dire que son
mauvais destin le condui^t. Il y arriva dans
le moment qu'Antipater étoit attaqué d'une
maladie dont il mouriU, et que sen fils Ca$-
sandre, maître absolu dé toutes les afiaires ,
venoit d'intercepter ulie kUre que ce même
Demadès écrivok k Antigonusen Asie, pour
le presser V de venir prompleinent se rendse
maitre de la Grèce et de la Macédoine, « qui
a ne tenoient plus, disoit-il, qu'k un fil , et
« encore k un fil vieux et pourri » y voulant
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68 PHOCION.
par Ta se moquer d'Aiitipater. Dès qiie Cas-
sandre les vit arriver k sa cour , il les fit ar-
rêter l'un et l'autre ; et prenant d'abord le fils,
il regorgea sous les yeux de son père , et si
Eres de lui , que le sang jaillit partout sur ses
abits, etqa^il en fut tout ensanglante. En-
suite 5 après lui avoir reproché son ingratitude
et sa perfidie , et Favoîr accablé d'injures , il
le tua aussi lui-même sur le corps de son
fils.
Antîpater avant de mourir , avoit nommé
Polyperchon ^s général de son armée , et soa
fils Cassandre capitaine de mille hommes ;
mais k peine fut- il mort que Cassandre , peu
content de ce partage , s'empara d'abord des
affaires ; et sans perdre un moment , envoya
Nicanor succéder k Méoyllns dans l'emploi
de capitaine de la garnison d'Athènes, avant
que la nouvelle de la mort de son père fut
connue, et lui ordonna de se 'rendre maître
de la forteresse de Munychîa. Cela fut exé-^
cuté } et peu de jour& éprès , les Athéniens ap-
S rirent la mon d'Aotipater. Ils accusèrent
'abord Phocion de l'avoir sue et de l'avoir
cachée en faveur de Nicanor, ce qui fit cou-
rir contre lui de» bruits très-désavantageux;
mais Phocion ne s'en rait-nullement en peine,
au contraire, il eut de fréaujerites entrevues
«vec lificaaor ^ et par les eotreti^g qu'il eut
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PHOCION. 5)
»vec lui., il le rendit non seulement très^
doux et très- bienveillant pour les Athéniens ,
mais encore il lui inspira rambition de se dis*
tinguer par sa magnificence y et de donuei^
des jeux au peuple.
Sur ces entrefaites, Polyperchon , kqui le
soin de la personne du roi [a) avoit été con-
fié, voulant surprendre Cassaudre , envoya
aux Athéniens des lettres qui portoient, « qud
a le roi leur rendoit leur démocratie et leur
« ancien gouvernement » , par lequel tous
les Athéniens sans distinction étoient admis
aux diarges 4^"*. C'étoit un piège quMl tendoit
a[Phocion; car voulant se rendre maître de
la ville d^Athèncs , comme cela parut bien-
tôt après par sa conduite, il n'espéra pas de
pouvoir en venirà bout, s'il ne trouv oit moyen
die faire chasser Phocion. Or il ne doutoit pas
qu'il ne fut cha^é dès que ceux qu'il avoit
exclus du gouvernement seroient rétablis dans
leurs anciens droits, et que les orateurs et les
sycophant^ seroient redevenus maîtres dans
les tribunjaux^
La lecture de cette lettre ayant excite
du niouvement parmi les Athéniens , et
Nieanor voulant leur parler au Pirée 4* , le
peuple, ^y a5sembla ^ et Nieanor parut y
(d) Le soin du fils d* Alexandre, ^ui étoit encore
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6o PHOCIOK.
ayant confié sa personne k Phocîon.» Dercyl-
lus, qiù comraaudoit pour le roi. datts le
pays, se mit en devoir de Palier prendre
dans le Pirée } mais Nicanor , qui en fut aver-
ti, se sauva avant qu'il pût arriver, et fit
assez connoître qu'il se vengermt de cette tra-
hison sur la ville. D'abord Phocion fut ac-
cusé de ne l'avoir pas retenu comme il le
pouvoir, et de Favoîr laissé échapper. Il ré-
pondit , « qu'il se fioit aux promesses de Ni—
« canor , et qu'on ne de voit riem craindre de
« sa part; mais que quand même Nicanor au-
« roît de mauvais desseins , il aimoit beau-
« coup mieux être surpris souffrant l'injus-
« tîce , que la commettant ».
^ Cette réponse , k qui l'examinera par rap—
Sort k lui seul , parokra certainement partir
'un grand fond de magnanimité y de vertu,
et de justice ; mais quand on pensera qu'il
Toyoit en danger le salut de sa patrie , et qui
plus est, de sa patrie dont il étoit le général
et le premier ma^strat , je ne sais si on ne
trouvera pas qu'il vîoloit un droit beaucoup
plus grand et une foi plus ancienne et d'une
obligation sans contredit plus respectable et
plus forte , en négligeant le soin qu'il devoît
avoir de ses concitoyens. Car on ne s^aujfoit
i^Uéguer poiu* sa défense qu'il ne voulut pas
mettre la main sur Nicanor, de peur de jeter
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pmôcion; 6i
sa vfllc dans une guerTc ioévitable. Ou peut
dire tout au plus qu^il vouloit se mettre en
droit de faire valoir la foi- et la justice qu'il
loi avoit g^irdées , afin que Nicanor k son
tour , touche de r^ect pour lui et pour les
cMîgations essentielles qu'îi lui avoit y se t)nt
en paix et ne fit aucun mal aux Athéniens;
Mais la vérité est qu'il avoit une entière coin
fiance en Nicanor , et ce ftit ce qui Tabiisa ;
car on eut beau le lui déférer et Facci«ser au-*
près de lui comme un homme qui tendoit dea
embûches pour s'emparer du Pirëe, qui , pout
cet effet , fkisoit passer seôrètement h Sala-*
mine des troupes étrangères^ et qoî^ par ses
Citiques, tâohc^ de oorromprq et de gagner
principaux habitants du Pirëe même y ilf
ne Tonlut jamais croira ces rapports' , ni \m^
écouter. Il fit plus emote : Philomédès , du
boifrg A Lampra (d), ayant fait im décret
qui ordôniiditb toûstes Ârhéâietos de prendre
lesarrrtés, et tfobéfr aux ordres de Phocioa
leur r général , (1 Hé^H^eà P^xéiiUtlon' de oe
décret^ jusqM^k ce que tWcanbr , sorti de Itf
forteresse âeMany<jhla aVet des*tr6upés^ eut
f nviBoimé de tranohéesle port du Pirée* Alors
Phocion vouloit mener coptre lui les Athé-
' (tf) Il y «voit 4am bourgs de «is nom dans rAtti^
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6» rHOCïa».
niens ^ mais îMes trouva si mutind&'cpt'il n#
put se faire obéir. j:?. ;
' Dans cemoibent arriva WtKBndte , fils de
Polyperchon, qui veaoit aveè'une grosse ar-
mée , sans pre'texte de secourir là ville contre
Nicanor ; mais en effet pour tacher de s'ea
emparer Itii^même y s'il lui étoit possible , ea
profirant de la division où elle ëtolt. Cariés
DaDnis qui l'avoieot suivi , y eatrerent d'abord;
et lousies étrangers ,Ja plus grande partie de
la popàlaee 9 et touaJes hommes peidiis ou
tuiremeat noiés dlnfaraie , se rendireut au-
près d'eux j de ^rte qu'il y «ut une assem-
blée confuse de gens ramassés et sans aucim
ofdre ni âiaoiplii>e^ dans la(|aelle ils déposer
rem Pliooioû et nomtoereiit 'd'ai*tres gêné-
raiixi:.Si l'on n'eut vu Alexandre, s'abaitcher
se^ul avec Nicàn^r au piisd de la mi^^îiille , et
que leurs.-fréqUefits rendez-vous dans le même
lieu fi'eusisent domië du. soupçon ^u^^ Athé-
niens, jan^ais la .viUe..n''auroit échappa a ce
graaddauger« Mais Pointeur Agnonidè^ , s'é-
|lin*:d!abord a^acM a Phocion , et l'ayant
ncaq^é de.trahi^n, CaUimedon et Péri—
clè$'(a)9.iqai craigncôeat le même sort , pri-»
(a) Oq a proposa de meUre an liea dn nom de P^
rtclés, c«sJui de Ohariclès, goitre d^ Phociioiiy doQk
il fiera ijuestioa plus bas. A, L, D, ...
Digitizedby Google
PHOCION. 65
te&t promptement le p^rti de sortir de la ville,
et Phocian y avec tous ses autres amis, qui
étoiaii restes-) se retira vers Polypfirchon»
iklkm de Platée et Dioarque de Corîutbe,
pour lulifeire plaisir, voulurent raccompa-
gflier, car ik se vaatoieot d'avoir avec ro-
lypercbon une grande liaison d'amitié et de
Éimiliaritë. Mais Dioarque étant tombé ma-
kde en chemin, ils furent obligés de s'arrêter
plusieurs jours à E^tée (a), pendautlesquels
A^oiiidès,sur le décret que proposa Arches^
tratus, persuada au peuple d'envoyer desam-<
baasadeurs k Polyperchon , pour accuser Pho-
cioo dWoir voulu livrersa ville.
- Le^ deux parties arrivèrent en même
temps auprès de Polyperchon comme il tra-*
versoit av^ k roi 4» un bourg de la Phocide,
nommé Pbarugès , qui est au pied du mont
Acrorton, qu'on appelle aujourd'hui Galàte*
Là Polypprchpn fit tendre un d%is d'or sous
lequel il fit asseoir le roi , plaça k ses côtés
les pr jn^ipimx de ses amis 'Ct de ses servi-
teurs ; et avant tout, il ordonna qu'on se sai-^
sît jfc Dînarque^ qu'on lui donnât la torturç
devant tout le monde , et qu'ensuite on le Ht
mourir.
Alors il donna aux Athéniens la permission
déparier; mais comme ils faisoient beaucoup
{a) YilU de k Phoci4e..
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64 PHOCION.
de tumulte et debniit, en s'accusaift les tms
les autres devant le roi et son conseil , Agno^
nidès , ^e thrant hors de la fotile ^ s'avança et
dit: K Seigneurs Macédoniens, faites -ntniâ
remettre tous dans une cage, et renvoyer-
« nous aux Athéniens, afin quederanteiss:
« nous rendions compte de nôtre Conduite ».
Le roi se mît k rire de cette proposition'; m^^s
les Macédoniens qui étoient présents k cette
assemblée, et les étrangers que la curiosité y
âvoît attirés, souhaitoient fort d'entendre
plaider cette cause , et faîsdiéiit sigiïe aux am-
Dassadenra de déduire tout de suite leurs chefa
d'accusation , sans se faire renvoyer defUnt
h pettple. La balance ne fut pas tenue t)iea
égale entre les deux parties; carPotyperchott
interrompit souvent Phocion ; et ei^fin, trans-
porté de colère, et frappant la terre de son
bâton , il lui commanda de de tiire et >de se
retirer. Comme il s*en alloît , Hégemon éleva,
la voix, et dît , « que Polyperchon lui-m^e
ii étoit témoin de Taffection qti'ft- avoî« toru-
<( jours eue pour le peu{de ». Polypercbon ,
irrité de ce mot qui le rendôit Suspeèf -, fui
répondit : « Ne viens point porter ici au roi
9 un faux témoignage contre moi ** »• Al<>vs
!e roi , se levant de son sîége , s'avança pour
|)ercer Hégemon de sa lance; nfaîs Polyper»-
>.€lioQ, se jetant an-dev^utet k i^isissant a^
> DigitizedbyCjOOgle
FHOCION. 65
corps y l'en empêcha , et rassemblée fut rom-
pue. Aussitôt les gardes environnèrent Pbo-
cîon et ses amis aui ëtoient auprès de lui. Les
autres , qui étoient plus loin , témoins àm
cette yiolence, se couvrirent le visage de leurs
manteaux ^ et se sauvèrent par la fuite. Mais
les premiers furent conduits par Clitus k
Athènes, en af^arence pour y être jugés ^
mais en etkt pour y être mis k mort^ comme
déjk condamnés. Là manière dont on les traita
ajoute encore a la rigneur et k la honte de ce
traitement; car on les ccmduisit dans des
charrettes le long du Céramique jusqu'au
théâtre , où Clitus les tint jusqu k ce que les
archontes eusseût fait assembler le peuple. Ofl
n'exclut de cette assemblée si esclave , ni
étranger , ni homme noté d'ii&inie ; le tri-
bunal et le théâtre fiirent ouverts k toutes
sortes de genS) de tout sexe et de toute condi^
tion.
D'abord on lit publiquemeat les lettres du
roi, qui marquoient , « qu'il avôit trouvé ces
4( gens convaincus de trahison; mais qu'il leur
« en' renvoyoit le jugement^ comme k des
« hommes libres, et qui avoient leurs privilé^
« ges et leurs lois ». En même temfys Clitus
jH-^ente ces prisonniers au peuple, A l'aspect
de Phocion, les plus honnêtes citoyens bais^
sant les yeia , et se couvrant la tète ^ versè-
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66 PHOCioîî.
reot des larmes; et il y cq eut un qui eut le
coiuage de dire tout haut, « que puisque le
« roi laissoit au peuple le jugemeatd'uae af-
« faire de telle coDséqueuce , il ëtoit bmi de
« faire sortir de Fassemblée les esclaves et
c( les étrangers ». Mais la populace s'y opposa,
et se mit k crier qu'il falloit plutôt lapider ces
partisans de roligarchie , ces ennemis du
peuple. Il n'y eut donc plus personne qui osât
parler pour Phocion. Niais lui*- même ayant
enfin obtenu audience quoiqu'avec beaucoup
de difficulté ^ il dit : « Athéniens, comuient
«voulez -vous nous faire mourir? Est -t ce
M< justement ou injustement » ? Quelques-uns
ayant répondu , « justement : Eh ! repartit
i« Phocion , comment pourrez-^ vous assurer
« que c'est justement, si vous ne daignez pas
H nous entendre)» ? Voyant qu'ils si'enétcnent
pas plus disposés k les iécouter , il s'avança et
ajouta : « Pour moi , je confesse que je vous
« ai &itde grandes injustices , et je me con-
« damne moi-même a la mort ^ pour toutes
^Y' les fautes que j'ai commises dans le gouver-
ii nement ; mais pour ceuxHÛ , Athéuieos ,
<i pourquoi les ferez-vous mourir, puisqu'ils
.« ne vous ont. jamais fait aucun tort , et qu'ils
« ne sont point coupables »? Le peuple se
«ait h crier, « c'est parce qu'Us soQt te&amfs » ^
AcQ3motSy Phocion se retira saps répU^
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l»fiocioN. G'^
qtier, et se tint en repos en attendant ce qni
alloit être ordonné. Alors Agnonidès lut le
décret qu'il avoit prépairë , et qui ordonnoit
« que le peuple donneroit ses sufirages , et
<( jugerôit , a la pluralité des voiï , si les pri-
« sonniers étoient coupables , et que s'ils
« étoient jugés tels, on les feroit tous mourir
« sans différer». Ce décret étant lu , ily en-eut
Ïiii demandèrent qu'on ajoutât au décret que
hocion seroit appliqué a la torture avant
que d'être mis à mort , et qui ordonnèrent
qu'on d{^ortât la roue, et qu'on fît yenir les
exécuteurs. Mais Agnonides , voyant que
CHtus même étoit indigné de cette rigueur ,
et jugeant lui-même que c'étoit une cruauté
barbare et détestable, dit tout haut : « Athé*
« nieûs, quand nous aurons entre nos mains
« un scélérat comme Callimedon, nous l'ap-
« piiquerons k la torture ; mais |e n'ai garde
« d'ordonner une telle chose contre Phocion ».
Alors un homme de bien élevant la voix, ré-
pondit : <( Tti fais fort bien , Agnonides 5 car
« si nous donnons la torture li Phocion ^ que
«te ferons -nous donc))? Le décret étant
confirmé , et le jugenient admis h la plu*,
ralité des voix , il n'y eut personne qm
demeurât assis; ils se levèrent tous, et
la plupart se coiuonnèrent de fleurs. Tous
les sitÊ'ag^ furent a la mçrt. Avec Phocioa
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8 PHOCION.
ëtoîent Nicoclès , Thudippe , Hégemon et
Pythoclès. Mais Déiiiétriiis de Rhalère , Cal-
liiuedoD , Cfaariclès el quelqiie3 autres, quoi*
que abseuts , furent aussi condamnés.
L'assemblée ainsi finie , ils forent menés
dans la prison. Les compagnons de Phocion ,
«tteildris par tes lauientatioiis de leurs parents
et de leurs amis , qui venoient les embrasser
dans les^ rues 9 el leur dire les derniers adieux ,
inarchoient en pleurant et en déplorant leur
nialheiureuse destinée ; mais Phocion avoit le
même visetge et la même contenance y que
lorsqu'il sortoit de l'assemblée pour aller
commander l'armée , et que les Athéniens
l'accompagnoient chez lui pour liii faire hon-
neur. Ceux ({ui le voyoïent ne pouvoient
s'empêcher d'admirer cette fenneté et cette
grandeur d'àme qui le rendoient insensible
aux accideotts de la fi^rtuoe ; mais plusieurs
de ses ennemis le suivoient en le chargeant
d'injwres. Et il y en eut un qui , plus inso-
lent que les autres , Vint hii cracher au visage.
Phocion ne fit que se tourner vers les magis-
trats, et leur dit : <( Quelqu'un ne vent -il
a point empêcher cet homme de conunettre
« lies choses si indignes et si messéantes» ?
Quand ils furettt arrivés dans la prison ,
Thudippe , voyant la ciguë que l'on broyoît,
se désespéroit et pleiuroit son infortune y din
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PHOCrON. «9
saot que c'ëtoit b tort qu'on le faisoit mourir
avec Phocion : « Hé quoi , lui dit ce deniier^
« n'est-ce pas une grande consolation pour
« un homme comme toi de mourir avec Pho-
« ciob » 7 Qudqu'nn de ses amis lui ayant
demandé s'il avoit quelque chose à faire dire
Il son fils : « Oui certainement , dit -il , j'ai
« ouelque chose d'important à lui recomman-
de der , c'est qu'A ne cherche jamais a se ven*
<i ger des Athéniens, et qu'il perde le souve-
« iiir ck leur injustice ». Et comme ISipodès,
qui étpit le meilleur et le plus fidèle de ses
ami», lui demandoit en grâce qu'il tni pefrmit
de boire le poison avant lui : « Ah ! Nîcoc]ës>
u tki répondit Hiod^»! , tu me fais Ik titi't
^ demande bien dure et bien triste pour moi^
« mais puisque je ne t'ai jamais rten refusé
(f pendit ma \ie , je l'accorde encore ce
« derater plaisir avant ina mort ».
Quand ton® les autres eurest bu , il se
trouva que le noison vint k manquer , et qu'il
n'y en aroit plus pomr Phodbn } l'exéciiteuïr
dit t^'â n'en broieroit pas davantage , »i on
né lui donntÂt douze dracbmes(rz), qui étoient
le-prix de diaque dose. Comme cela empor-
toit du temps et causmt quelque retard , Pho^
cion appula im de ses amis, et lui dit, ^^xjat
« puisqu'on ne. pouvoit pas mourir gratis k
(ay 10 fr. 6a ێnt, de uotce moanoioi A. L. B-
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yO PHOCIOKr
ii. Athènes j il le piioit de donner ce peu
«, d'argent, k rexëcuteur »*, C'étoit le dix-
neuvièinQ du moi» de mai y jour auquel les
chevaliers {àisoiept une. proee^ion a cheval
dans toules les rues enThonncurde Jupi-*
ter ^^. £u passant devant la prison , les uns
itèrent les couronnes de dessus leiu* tête ; les
autres, jetant les yeux sur les portes de cette
prison, fondirent en larmes ; et tous ceux a
qui il restoît quelque sentiment d'humauite' ,
ftt qui n^avoient pas Fâme entièrement cor*
rompue et aveuglée par la colère , on par
l'envie, trouvèrent que c'étoit unetrès^grande
jjnpie'té a la ville de n'avoir pu se contenir
ce joiu*-)a , ni s'empêcher , pîendant une Ate
$ï solennelle , de se souiller làt la mort vio^
lente d'un hommje.
Cependant se$ eQfnemis n'étant pas encore
satisfaits, et comme trouvaot; qu'il matiquoit
encore quek|ue "diose k kur triomphe , ftrent
ordonner par le peuple que le corps de f*ho-
eioa seroit porté hors du territoire de l'Attî-
Sue, ejt qu'aucuiL des Athéniens ne donneroit
u feu pour honorel* d'un biiohèr ses funë*'
railles. C'est pourquoi aucun de ses amk
n'qs^t seulement toucher k son corps ; mais
un certain Conopjon , accoutumé k gagner sa
vie a ces sortes de foï^ction^- funèbres 5 JHÎt le
corps pour quelques pièces d^argç^t qu on l^ii
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FHOCIOîf. 71
doim»^ le porta aii-deik des terres 5*Eleusîne?
et ayant pris dn feu* sur celles de Mëgare , il
lui dressa an bûcher, et le bràla. Une femme
de Mégare, qui assista par hasard k ses fon^'-
railles avec ses esclaves , lui éleva dans le
même endroit nn tombeaii vide, sur lequel
elle fit les effusions accoutumées; et mettant
dans sa robe les .ossements qu'elle recueilUt
avec giand soin y elle les porta la nuit dans
sa maison , çt les enterra sotis son foyer , en
lui adi'ef^saot ces paroles : « O mon foyer \ je
u te confie et je mets en dép6t dans ton seid
aces préoietn: restes d'un hémmede bien.
« Conserve- les fidèlement , pour les rendre
(f. un }onr an tombeau de ses ancèrres/ quand
« les Athénien» seront devenus plus sages ».
En effet, bientôt les affaires oui arrivèrent
firent «viv^ement sentir anx Atnéniens quei
viciant magistrat , et: quel fidèle gardien dé
la tempérance et (fe;Ja justice ils avoient fait
mourir. Ils lui élevèrent une statue de bronze,
et enterrèrent honorablement ses restes aux
dépens du public. De tous ses accusateurs,
ils firent d'abpr^ mourir A^nonkiès , après
Tavoir fait condamner par tous les suffrages :
les doux autres, Epiciire et Démophile , qui
s'étoîeot sauvés , uuent rencontrés ensuite
par le fils de Phocion , qui en fit la venfjeance
içllç ^u^ls noiéntoieat. On dit que ce Phocuâ
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73 FHOOIOW
ne fut pas d^allleurs un fort honnête homme ;
çt Ton raconte de lui qu'étadt devenu amou-
reux d'uoe esclave qui servoit diez un de ces
inûimes marchands qui vendent des filles, il
entendit un jour par hasard dans le lycée
Théodore le sophiste qui faisoit cet arriment :
«S'il n^est pas honteux de^delivrer de servi*
t< tude un ami , il ne l'est pas non plus de
«. délivrer une amie ; et s'il ne Test pas de
« tirçr de captivité un compagnon , il ne
« sauroit l'être d'en tirer irae compagne m.
Le jeune homme , frappé de ce discours, et
l'accommodant k sa passion, comme une rè-
gle siire qu'il pouyoît suivre , courut aussitôt
chez le marchand , et délivra sa maîtresse ^^,
Au reste, ce qu'on venoît de fiiîre contre
Phocion renouvela aux Grecs le souvenir de
ce qu'on avoit fait contre. Socrate : car cette
dernière faute fut semblable h la- première ;|
f t suivie des mêmes calamités 47.« . .
FIN us LA TIE DE FHOCIOK.
dbyCjOogïe
NOTES.,
* Csrx «pli ont an boa yaifscau encore entier, pe«K
Tcnt tenir contre les tempête» $ ittais aprtele naufrage,
celui qui nVst porte que sur une plf^nehe au dëbrU
est Dëcessairement forcé d^obëir aui:ve|itsetd7en être
le jouet. Demaaé^ ne pouToit ifueiiz excuser sa foi-r
blesse et sa eompûisance pour le^ Maoëdoniens, qn^
(«r cetie comparaison. C<ypf n4«AJL eUe n^est paa en-
tièrement juste , et Socraie ne l>^oit pa4 reçue*.
Quelque pressée que soit une ville^iBelui qui la eou^
Teroe ne jdoil, pas céder en tont , c^t doit râister a c#
qui Ta absolument à détruire les mo)ar«, et à rava-
ler la di|;aiie de son pfij9. Lt^bistoire foiimit plusieurs
exemples de gouYerneur» d'états qni Font liait.
* On Yre fUfioh brÀler sui^ Pauteî ni le ventre ni la
langue dé la* victime. On gardoit le ventre' pour 1^
farcir et pour Te servir à table . et la langue pour là
hire brûler tfùr TauteU la fin du repas » en Thonneur
de Mercure , et pour faire dessus des libations»
L'Odyssée d'Homère en fournit des exemples.
^ n firadrmt lire ? ayant en à lutter contre on te mps
oratfeuz, eottime eontrd on terrible adversaire, etc.
^ Ce passage fist de VAntigone de Sophocle »
V. S69. Isamèoe dit k Gréoi»^ pour excHser sa sœur
Antigone :
Ft cela est vrai la plupart du temps ^ mais c'est qne
ce srm n'étoit pa« fv>it boa , qu'il n^étoit pas bieo.
* DigitizedbyCjOÇgle
^4 .♦ NOTES.
affermi, bien fortifie; car lorsquUI est lel , les mal»
heurâ ne lu foot ppiot, j^enlre , ^K ue seryent qu à i«
^ire éclater.
6
Voici un grand sujet proposé aux politiques »
sayoir ^i les peuples heureux, solit plus 4iâicijc$ à
gouTerhcr que è^ut «jai sont flans le malheur.. PI u-
t^^iue nous di* qu'il y a des gens qui croieut les pre-
îniérs plus difiS<^és. Car en efibt lis 'bonheur rend
le peuple biefa insolent. ^Mais 11 se dMate pour !<'«
damiers, par là seule ratsod'qité fe nittlheut aigrit ,
ff «qu^un esprit aig<^ ^^^ difiiciri a jnener. 51ais je ne
comprends pasconiikrébt il a ch\brassé'lbi'ée' dernier
parti j car p^rd^atui'es endroits de' ses ouvrajges, il
SaroU qu'ilest jenlitérément^dd flréraier. Dans«la Vie
e Lucuftufe,'trdit' en' propres tcrrtj'es: << Q'u'il n'y 4
M-ri«n de si-mâl frisé k gouverner qiié'^'b^mmé à qui
« la frirtunerit^ c'othme il n'y a' HtitT de p]ust^<iiie à
•c mener que celui à' qui elle est CTmtraire ». £t ail-
|ours il a rendu méjne cela sensible pi^r uo^e iqiaee.
pans un vaisseau y pendant que la mer est ii^anquille
çt qu'on a iç vent a souha'it » Us passçgefft ^e ion\
pas grand compte du pilote^ et sont tout prêts à lui
résister et à i^Vmporle'r contrç lui ; niais «u'rvient-il
une ^mpéte , alor^ i|s né regardent que lui ^ et son^
•tout préis à exécuter ses ordres, comme" n^altendant
}çur saluA que de 8Qi\ l^abileté et dç soin ^«ptlrlcnce.
lil^^ans cettf», Qiémp. >;ie , il va nQU9;dire bientôt)
« Que pendant la guerriî , les Athéniens étdient lort
tt numoies et fort soui>les par la crainte du péril ,
« et qûViprés'la paix faite, ils étoivnt arrogants 'et
« superbes 'M.' Powur accorder ceiVe cahlradiction apn
parenie , il faut croire que Plutaniue ne parle ici «ue^
de la disposition çù ^e trouvent les peujjtles selon
qu'ils sont heureux oà malheureux , pour écouter les
réprimandes gu''oQ leur fait , et les avis qu'on leur
4onne sur les Tantes qu^^s ont corn mises. Il e^ cem
Vaiii <^e ceux ^ui soa| danii U Vi^lhtvf ont les 9r^Ul(;%
«
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NOTES. irS
j^lns délicates , qu'ils soot plus SiUé$ • ai^r qne les
aulres , et que l'on doit garder avec eux plus de me-
sure et plus de ménagemeot»
^ 11 y a dans le grec , ^^ lu* ihfiivM 7jr 4'«W5*f
artiXùv , conime cédant à ce qui plaît a Pdme, Cc; qui
fait un très-mauvais sens. Je crois le passage cor-«
rompa. Au Ihn d^ i^o^Ff , il faut lir« , ^ mç*
avis, •fh$f*Ui»y:M h. partie eqflie del'4'n^, c'esi^r
c'est-à-nlire à (a ffOftie. irritée^ Plut^rqve expUqu«
parfaiiexaent la saison de l'épilhète qu^Homcre donn^
a la douceur.. Elle pe se rcjl^it.pa^ contre la colère,
ei ne la heurte pas; car elle l'^igriroit au contraire |
nais en lui codant , elle la dctrempe et la teoipère,
7 Les ^(yieiirsd'An]|^ot firoposent y d^apr^ M. Dm
toul , de traduire ainsi }> % Qu^eJle ne peut souffoir
« qu*on lui disâ la vérité y e^ cela préciaénie»t à Tépo^
«que ou elle en liuroit le (ilus-beioio» les aflFairea
« étant en tel 4(at qu'o» surQÎiAia^, ressource , poui
% remédiât ans fautes quW feiroit. A. L. JU. , * -•
* Pendant qne (c soleil est e^^porté '4'oripnt t^
occident par le inouvcment coïninun des cieux, son
ricl particulier remporte d^bccidçut en orjeut sqrlç
plan de iVcliptîqij^ ', q.ui est une îjgnc obliq^ue et
inclinée , plus proche ^e ta terre clans la partie ;^e'ri-^
dionale du moudé^ quç'daus la ^epLenU tonale, ', ,
9 ' Ce paiteagè de C^idérbn test dans la preraif'ire lëhre
^u second' livre à'A^ticus : Nam Cainnem tîostmm
non tu amas plus ipiam egc'ê^^fê ialmeri ille optOnù
anima uicnsy et a,ummd Jute , nocet interdum reîpub,
Dicit enim , tan^uam in Platonis voXtru u , non
tanquam in Roiituli fcece , sententinm. Mais il ii^est
fait là aucune mention 'des refus qu^il essujn sur le
çoQsutat j-'ge qui n'arriva que huit ans après cetiô
Ui^ti cccHe,^ CQPU^e X^i«u|4çf et Cruf^éviuèS l'got ibrt
Digiti^dbyCjOOgle
76 NOTES.
l^ien remarqué. Il faut done expliquer ce nassa^ de
Piutarque nyorablement , et; supposer qu'il veut seu*
lement faire entendre q«ie Cicéroa a fori bien mar-
que ce caractère de Catoa, qui lui fit ensuite essuyer
ce refus.
"* Il tCj a rien d^ plus rrai , et jamais homme ii«
i^a mieux fait voir qu'iIomèf%. Il a souvent peint la
Valeur avec tous ses traits , et elle est toujours diflFé-
rente dans ses héros j celle d^AchiUe n'est pas la
même qve celle de Diomède j celte de Diomede n«
ressemble point à celle d^AjaXy ainsi des antres. Il en
e$t de même de la* prudence : celle d'Ulysse n^ast
pas celle de Nestor ^ et€. . . • •;
^^ Dans ces anciens temps , cVtoit une coutiinia
assez générale en Grèce d^aiiar n\i-piéda yeomme (;ia-
laiibon l'a remarqué* sur les caractères de Théoplirast*.
Xénophôtt rapportequ^il yavoit une* loi de Lycnrgue
qni'ordonnoit aux Spartiates d'aller nu-pieds. Paraii
les> ^thi^ioDS, ceux qui menoiept atie vie plus dure
et plus auaUlpe -que te$ -autres / alloieiit*iitt*pîeds, à
moins .qu'il ne 17 1 un trés-srand froid , .ou qu'ils
n'eiissent à' marcher par des cuenîins raboteux et dif-
ficiles. Et' c'eit ^însi que Socrale naarchoit ordinai-
rement. Les Romains ont querquéfoîs imité cette
austérité , comme on le yoU psf rexenui^e de C!Iaton
et dcf quelques autres. Dans l^lémènfc d* Alexandrie ,
il y a un passage qui parbît bien singniiier; it dit r
c jQu'il est séant et coi^r/ç^UkblQ à un bnmme de
« guerre surtout d'aller -nuopieds | car 4!^^oiff de^
«i^ttliersj c^est ^*n P''esque4i4.». '.
^* Naxos, la plus grande et la plus fertile des cy-
bladesy au milieu de l'archipel de )a Méditerranée ^
produit d'excellent vin que leS anciens comparaient
au nectar. u4, L.D,
■ ^^- Il n'y a rien de plus* parfait qua d'élre propm
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NOTES. 77
en même temps età k politique et à la guerre, à
commander des armées , et à gouverner et conduire
des étals. Mais il est difficile de réunir ces deux grands
talents. Il y en a eu de grands exemples parmi les
Grecs. Cela est plus rare parmi nous^ et je suis per-
snadé que rédocation en est la seule cause.
*^ Ce mot est fondé sur cette vérité eonistante »
cpie ]a instice et Tinnocence protègent assez le^ gens
de bien , et cpi^ils n*ont pas besoin d^aatres défen«
seors ; car ils sont assez forts quand la justice est
pour eux. Cef>endaat on peut opposer à ce mot dé
PbocioD un principe tout contraire. Ce sont les bons
qui ont besoin très-souvent d^tre défendus contre la'
persécution des méchants et contre leurs calomnies ,
•t ce sont les méchants qti^on ne doitjamais défendre^
^^ Hëliëe ,1e plus ^ndlaribunal d^ Athènes , ainsi
appelé parce cpi*d étoit découvert et eiposé au soleil.
Les jtk^eséloieni nommés MéUastâs,
^^ Voilà une des grandes marques d*an4>on mtof«»
et d'un homme de bien , da coaseilier H paix ou il
sait qu'il sera soumis -à des-geas qui lui sont infê**
rieurs , et de détourner da ia guerre oà il est sur du
commandement. Nous avons oonnu dc« •gens qui
suivoient d'autres maximes.
^7 Charidème , celui qui se retifa dans la snit^
auprès de Darius , et y reçut la mort pour prix de
la noble franchise avec laquelle il avoit fÎEiit sentir à.
ce prince la différence de ses troupes si brillantes
d'or , avec les soldais Macédoniens' tiofut couverts à»
fer. Vojez Quinte-Curce , liv. iij. A. X. />.
^^ Car Fhoci6n'craigikoitaV6c raison quePhilfpp6
ne fit aux Qiec» des demandes fort onéreuses , et
auxquelles les Athéniens sçroiént ténus de différer
f'Htt. leur part si là p^ix ^toit faite ^ et qu%j ett&«^
DigitizedbyCjOOgle
78 NOTKS.
sent ^te compris* Ce qui suie ya le faire mieu^c e»-m^ ,
tendre. . , i, .
*9 C'est un vers du neuvième livre dfe l'Odyssée..
Après qu'Ulysse , échappé de Tantre du cyclop^» »
se fut rembarqué avec le« compagnons- qui luires—
toient , il a'dfesf>a la parohc à ce m^nâlire; qui, o(«tre
da fureur y.iajiça contre son vaisseau un^ grande masse
<iç rocher q^ii toniha devant la proi^ ^ et excita ai;»,
"t^l n^puvenjLent daa$. la mer , qo»? le flot ep reculant
repoussa Ijé vaisseau coatre terre. Ulysse adressa» en w*
corç ^L parole au cyclope, et c'est ce que ses conipa-: \
gnoné^éffrayés vouloient eiÂpécher . Us fui disent donc
ce vers : « Malheureux , poi^rq^o^ vaulez-yous , etc m.
Tous .les .plju,s grandshoipmesde ces,teinpji-ià saxoient \
Homère par cçyar: ^ et ,e« fai^oieot u^<sage^ ;
. *® Rien ne ;n«^rquç miens; le grand seasi d««Plv>- ;
èion et sa gcau^^ habileté dan s la politique^ que cette.
negoeiatiorf ^ car il profila ipec veilleuse ipAent du pçi>' ,
chant et de Tinclination d'Alexandre , et s'en serait
ftv«c uni atlt admirable »dur« éloigner la guerre do
Son pays. PiOi:ir réufiiÂv dans ces . ocoasions , il faut-
ctonnottre le cara<^tère de ceux aVec qui on U-aite , et
s'en< servir cconmc. d'une voile qu'on .tourzie au veut
q^'oarteui Inidonner^ ... ... |
** Voici un raffînemént do ranîté bien ini^îigne ■
d'Alc^ndrei» Aucun de$..rois.ni.des emperetirs qui
Vont fui vi , n'ionl «fi qe,tte fausse délicatesse. Com-w i
ment, y auroit-il àç,^ la bassesse a faire ce sonliait 9^ ;
ce^^ 4 qMJ -il^ tîcfi'Vent,? Ëh \ il y. auroi^ de la.f^ran- '
fieur .à leur oc^Qurer l'état h eurent ^lésigné par ce
terme. jVfaisJs^ vanité sVst bien d4dpqaA\a|;;ée. Oi^ I
ne peut s'empêcher de rire , qurmd on considère jus-
qu'à qi^lles minuties on* a porté les'Cojçinalit'és des
lettr^., iVon ^eu)epient les^ (ermes y sont ménairés,
mais les espaces iBOdiipassés avec autant d^exactitud*^ '
qiie s'il s^agis«Qit de régler les limites d'i^n empire, ;
DigitizedbyCjOOgle j
Vesi te qui fait aujoard^'hai une partie considérabU
de ia gmndeur*
** Voilà pourtant un homme qui avoit e'të plusieurs
fois capitaine général de son pays , et qui avoitgagn^
(les batailles^ Ne viendra-l-on jamais a bout de per*.
suader que la plus grande simplicité est compatible
avec la plus haute grandeur , et que le luxe ne vient
^ue de la petitesse ?
•' Ainsi la vertu consistant à se «Contenter de peu ,
cet homme auroit eu davantage sur Phocion » et auroi<;
hé plus homme dé bien que lui, si Phocion n^avoijt
pa« évé content de ce qu'il avoit , et qull eCkt vaulu
^vaota^. Ce au>t.est plein de sea»«,
^* CVloitutie despluâf ^atodes fêtes d^Alhdnes; on
la célëbrott en Phonneur dé Mitierve. 11 y avoit les
grands .et les p^ftits Panathénées ^ Ifs^jp^ijts se .c^lé-
brotentle vingt ôu^ n»ois th«rgélion< juin > et iesgraod»
au mois hçcatomb»OQ (apùt). I^es petite s^ouvroient
par la course des ch^rs., après la course, des ohars ii
y avoit d'^autres.con^baf^ ^contçiela lutie, la coufse.
à pied. ' • .
Ibid. 11 me semble qu'on n>st ooiuieiitrp dana la fi»
nessede ce pacage, etqu'o^ ne ra pas bieu ezpliqq^*
I .p. filsde Phocion demandoit à son père la permission
d'aller combattre aux {eux dés fdto»'* Panathénées :
Phocion qui connoissoit U vanité «dc> son fils, et'quji
sentoit qu'il fie demandoit oette permission que pooe
parottre sUr un. char J»Agniôque , lui pecmit a*y aUer^
juais à condition quilne paroltroit que pour la course ,>
et quHl ne combattroit q.u^à pied. La manière dont
Pluiarqne s'explique est trés-élégantè et trés-Ûite.
Phocus demandoit. à aller paroître aux Paaathenéef
dans la course des chars* e% Phocion ne lui permet
cf ue d^aUer .Combattre à pied, il le lait descendre àê
œ cbsic fldo^ son ûAaginaûon est reinplie et flattée 'i
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qn^ille TQoyoie avec U permission de comliAtlresetv
lement à pied. Cela donne à ce passâgt beanooap de
grâce. On sait que les Grecs appeloient ««i»Ciin9i
celui qui descendoitdu char pour combattre à pied.
Phocion faîsoit par là deux choses avantageuses a son
fils; il rabdissoit sa vanité, et il lui iroposoit la néce.s-
sité de s^exercer et de fortifier son corps par la course.
*^ C^ctoit la coutume que celui qui avoit remportt
la victoire à ces jeux , traitât ses camarades j naais
souvent les meilleurs amis du vainqueur briguoieni
l'honneur dé célébrée 1& victoire de leur ami par un
grand Cestin,
«^ Il falloit avoir un éértaib âge pbuf être admis à
Iparler devant le peuple , comme cela paroît par ïen
oraisons de Oémosthène.
*7 Car SI étoit très-honteux quie le béan-fils de Pho
wm, géttëral dès Athéniens, se chargeât de la coni'
itaission de faire bàtrr le tombeau de la courti'anc
d'Harpalus , et dVii être comme l'efttreprencur ; mai
il fut plus iioflteux ' eticcire de Vdlér son argent e^
grossissant ses comptes. Au reste , Quinte^Ciirc<
donne uin -autre 'nom à cette courtisane d'Harpalus'
•t rappelle Pptkpriie': peàt être ce noni est corrompi]^
^^ An-d«lâ du Cépbîse , sur le ohemiii , on toI
deux tombeaux mbnarqnables par les ornements don
ils sont embclUs j i^un est duo- certain homme df
Rhodes , ({ûi alla s'établir k Athènes, et Tautre e^
de Pythionioe, célèbre courtisane , qo'Harpalu»ain»{
ti éperdumeai , qu^aprés 6a mort il lui fit ^levcr^
tomiK^auv qui, de tous les anciens ouvrages qui sot^
en Grè«e.x> est le plus digne d'Ôitto vu. C^est sàm
fe^u'en parial^au rnas , peu d^aecord en cela av2
Flntarqne . qin ne trourort pas oe - tombeau «L naetl
^eiWewi! ijiè Ueû'qnê PliitàrqUê^ppeke^ iSf «nMsfb ^ «^
i«(Vc4é'pa9 ^>AtrM Hûrmèê* :
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NOTE». St
*9 Qael ëlose d' Alexandre ! car ce mot figuré
marque la grandeur de Tempirr d^Aiexandre , oômme
si la terre entière lui ëtoit soumise, et en même temps
il ëtoBue rim>)ginalion par la grandeur de l'hyper-
bole. Dcmëlrius Phalërëus en a bien senti la bi^'autë ;
car il la met dans son jour par sa belle remarque , ou
il fait voir cpie ce qui rend ce mot si grave et si ter*- '
rible , c'est que dans ce peu de paroles se trouvent
l'emphase , rallégorie et r hyperbole.
^<> 11 y a dans le texte , th £Ai^i;v/»«y toAc^f ^
dans IcL (guerre des Grecs Mais Xylander et Cm sé-
rias ont bien vu qu'il falloit lire , ùs AttfcutKot îr«A«-
fuf > dans la guerre Lamiaque C*est la guerre que
tous les Grecs ligués ensemble , à lVxc<»pti'>n de»
Béotiens , pour la liberté de la Grèce , firent sous là
conduite de Léosthène contre Antipater, qu'ils àé»
firent et qu'ils» obligèrent de se renfermer d;«ns la
ville de Camia , et elle fut appelée Lamiaque du nom
de cette ville. Voyez Diodore , liv. xvii j.
Si Ce mot est parfaitement beau , mais la grâco
D'en est pas si sensible dans notre langue. Cette re-
marque la fera sentir : les Grecs avoient deux sortes
de course dans le stade. La première étoit la simple^
quand on parcouroit le stade depuis la barrière jus*
^u'à la home ^ celle-là étoit appelée ç«t,hùVy lestade^
\t l'autre étoit Voiler et .e venir ^ et on l'apptloit
^oAi;^w. Phocion trouvoit donc cette armée fort
bcrlle «"t fort leste pour courir le stade , et pour en de-
meurer là ^ mais il craigooît le reto\ir , ce double
stade , comme en effet la fin ne répondit point à ces
beaux commencements. Ainsi Phacion avoit grande
raison de dire , %t ^t ^i/it^of 1S T^oXtfut ^bivâCftf/.
A combien d'entreprises ce mot ne petit-ii pas étr^
apjHiiqné? '
^^ il Payoït pourtant fg*^ bien tcaité lorsqu'on
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î
8'i NOTES.
l^avoit enyoyë a'robassarlcur auprès de lui , pour la
Tançoti des prisonniers qu'il a voit faits. Le jour même
^u'il arriva , Aniipaier le pria à souper , et Xénocraf c
lui répondit ces vers d^Homère qn^lJlysse dit à Circé
qui le pressoit de manger : « Circé , est-il queiqn^un
« quij en ma place, pour peu qu'il eût de bonté et
« «rfaumanité, pût avoir le courage de manger et dé
« boire avant que d'avoir délivré ses compagnons , et
« que de les voir de ses propres yeux » r Odyssée ,
liv. X. Antipater , charmé de cctie présence d'esprit
et de cette application si heureuse , lui rtndit tous
les prisonniers.
S3 )| y^^i £g2fe entendre qu'en laissant le pcapj«
xnaître dans Athènes, cela pourroit enfin causer la
ruine de Phocîon et fa mort même ^ car le peuple
d'Atbénes éloit fort redoutable à ceux qui l'avoient
gouverné , et se portoH facilement contre eux aux ex-
tié mités les plus grandes, et la suite ilt voir i^u'àl
avoil raison.
^^ Je ne comprends pas comment on pouvoit re-
garder celte condition comme vaine et inutile. Cette
garnison macédonienne dans le fort de Munychia
n'assuroit-rcUe pas le gouvernement oligarchique dans
Athènes, et ne forlihoit-eile pas les nobles contre les
entreprises du peuple ? Elle etoit donc utile aux vues
et aux desseins d'Antipater. La suite même le prouve ^
car on va voir que Phocion reconnoîl lui-même que 1«
peuplée toit plus sage et plus facile à gouvcmcF, tenu
en bride par cette garnison.
^^ 11 n'y a point dans l'Attiqve de promontoires
qui portent le nom de Diane , au moins je n'en cou-
nois point. IVlais l'oracle de Dodooe s'exprime poéti^-
quement, et appelle ces piomontoires, les pronion-^
loiies ae Itiant ^ parce que les montagnes et les i'orc^'ts
étoient de l'aôanage de cette déesse. On nV qu'à YoÀr
€aUi«^i^us.«(0iB4 top Uftft^à Diane u
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KOTE5. 85
*^ Cette leçon pent fort bien se soutenir ; If mmB-*^»
Xtfuu y c'est-à-dire « dans un endroit du port où l'eau
« étoit pure et netle ». Car dans les ports, il y a des
endroits oii l'eau n'est pas nette et propre à laver. (Ce-
pendant il faut ayouer que la correclion que Florent
Chrétien propose dans ses commentaires sur la comét
die d'Aristophane, inlitulée la Pair^ est très-vrai-
9cmblablt: : il croit qn'il faut lire, îv K«yS'«p« KtfM^t »
a dans le port de (Jantharus » , du nom d^ua hero«
^insi nommé, ou plutôt à/>ause de sa figure. C'est
ainsi qu'ont lu Meursitis dans son livre de Pop, ^t-^
ticœ^ et Henri de Valois sur Harpocration. IJt cette
leçon est confirme'e par un manuscrit. Il est parlé d^
ce port ^ans la comédie d'Aristophane :
*Rv Uu^tlhi^ fr*ifç) KitiB-Â^ Ai^9N
% Bans le Pirée ,estleport deCantharus ». Les fautef
les pla.s dangereuses, et celles, qui se maintiennent Iq
plus long'tempS', ce sont toujours celles qui présen-
tent un sens naturel , et des ternes propres et hors do
«oupçoAy à nue première vue..
^7 Xénoorate étoit de Chalcédoine. Il avoi|, été en-
voyé ambassadeur auprès d'Antipateri po!»r conservée
la démocratie dans Athènes, et pour en^>échcr qu^
les riches n^eussent seuls part an gouvernement.
'^ Socrate se sert d^un trait tout semblable , pour
rabattre la folle vanité d' Alcibiade ; car en l'opposant
au fils du grand roi auquel il voidoit s'égaler , il dit ï
« Quand la reine est accouchée de son pr,emier (Ils,
« qui doit succéder à la oouj'onne , tous les peuples qui
« sont répandus dans ce vaste empire, céiéhrent sa
« naissance, et dans la suite, tous les ans, ce jour-t£^
« est une de leurs plus fijrandes ff^tes ^ d^ns tontes lca„
< tt provinces de l'Asie, ce n'est que sacrifices etquo
<f festins i an liea qi^e quand nous, naisson&t 1)1^0x1 çhç9
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84 NOTES.
«i Alcibiade , on peut nons ap{>Hqaer ee ntot^a poêle
(c comique : h peine nos voisins s^en aperçoivent- il» ».
J)ang le premier Atcibiade , tome i de ma traduction,
page 3oh.
'9 On se trompe quand on ëcrit ce nom par une *,
J^olysperchon. 11 est vrai qu'il y a eu un Etolien ap-
pelé t*olysperchon , mais il n'a • îen de commun avec
ce Polyperchon dont il s'agit ici. Etil signifie propre-
znent qui se hdte , de vô u et de «nrtpx^- Au lieu <jue
«e nom Polyr)erch.»n a une autre origine , comme M . le
Fèvre l'a aemonlré dans st s notes sur Justin. « Poly-
« perchon, dit-il, est un nom abrégé par syncope.
« Céloil d'abord Polyperrechon », et il est formé de
l'ancien mot flrtp^é,:geii>, qu'on disoit pour v^tp^x^iv 9
qui signifie exceller , être au-dessus, ^insi Polyper-
chon sip;ni&e excellent , excellensy eximius. Et on
disoit •Jei}}ix,'' pour vtptix«» > comme on a dit Per-^
phila pour Periphila , etc.
*o Polyperchon vit qu'il n'a voit d'autre moyen de
surprendre Gassandre , que de rétablir la démocratie
dans les villes où Antipater l'avoit détruite, pour y
substituer l'olygarchie, qui l'en rendoit le maître ab-»
soin. Toute cette trame est fort bien détailléç dans
Diodore, liv. xviij.
**^ Nicanor, qui avoit senti la ruse de Polyperchon,
Touloit sans doute la faire apercevoir aux Atiiéniens,
et les empêcher par là de donner dans ce piège , en
leur persuadant que ceitfî démocratie , dont on 1rs
leurroit, leur seroit funeste^^, et que Polyperchon s'en
serviroit pour les subjugtier et se rendre maître^ de
leur ville.
** Aridée, dont il étoit Inteiir. Il e'toit fr^rc d'A •
lexaadre, et portoit alors te nom de son père Philippe.
11 régna six ans et quelques mois.
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NOTES. 85
*5 En effet , ce root d'Hëgeinon e'toit trèi-propre â
faire CToire au r«i que Polypcrchon, en faisant »cm-
Waot de favoriser PolygarcEie , travailloit effective-
meoi à rétablir la dëmocratie , pour se rendre ma!tr«
d'Athènes.
•
** C'étoit la coutume ; il fallojt que Tacciisë se
condamnât lui-même a cruelque peine , comme je l'ai
eipliqné sur l'apologie ae Socrate. Phocion se con-
damne lui-même à îa mort, afin que l'animasilé des
Athéniens, assouvie par là, s'adouctt un peu en fa-
veur de ses amis^ mais cela est iontile.
** C'étoit la fête appelée dialia, la fête de Jupiter j
à celte lêtc, les pères achctoient des jouets pour leurs
eofants , comme on fait aujourd'hui aux foires.
*^ Par le» anciennes comédies , nous voyons que le»
jeunes gens étoient fort sujets à prendre des raat-
trcsses chez les marchands d'esclaves, et à les metlre
•n liberté pour les épouser.
^7 Ce jugement de Phocion estsemblable à celui es
Socrate dans tontes ses circonstances, excepté qu'au
jugement de Socrate , les Athéniens respectèrent da-
vantage la ffte appelée théorie , qu'ils ne respectèrent
la fête de Jupiter à cdtti de Phocion. Depuis la mort
de Socrate jusqu'à celle de Phocion i i| ^ & quatre-
vîngt-deux ans. Il semble que les Athéniens, après
avoir fait une si grande faute , après l'avoir même re->
connue, et, ce qui est encore plus, après en avoir été
visiblement punis, ne dévoient pas retomber dans le
même cas, et commettre encore une semblable injus-
tice. Mais tel est le peuple, il ne faut pas un si long
espace de temps à mettre entre deux f<}lies. H en fera
une le matin , il s'en repentiraàmidi, ctraprès-dînée
il en fera une toute pareille.
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-**•»% *.*
\ CIRCULATING
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CATOlSr D^UTIglTJE,
J)acwf\ Ec/iàon m ^ f
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CATON D^UTIQUE.
JL k maisovi de Caton tive le commeoceineiit
de 80B ëelat et de son lustie de son bisaïeul
Caton le Censeur , petsoDmge i^it, par sa
verln y parvint «k une plus grande sëputatioa
et k une plus grande puissance qu'aucua
Romain ^de son temps y eooune nous Tavons
écrit dan$.$a vie. Cetui-rci dont nous parlons
présentement y arrière^-petit-fils du prunier %
fut lai^.cN^helia de père et de mète arec
son frère Cœpiian, et une sœur noinimée Por*
cie. Il atoit aussi une autre aoeur appelé»
Servilie^, mais elle n'ëtoit sosur que de mèrCè
Ils furent tous nourris et élevés dan» In mai—
son de LiTius.Drusiis, leuFonclematemel ^f
qui lenoit alocs le premier rang et avoit 1»
principak autorité dans la vUle ; ; c'étott ua
nomme trës-éloqurat y d*une Ivës-^ grande
sagesse y et qui y en eourage et en^ grandeur
d'une y ne eédoît k aucun des Romains. On
dit^e Caton montra dès son- enfance, dans
le son de sa voix y dans les traits d(» son visage
et dans toufed $q$ actions ^ jusque dans ses
|eux mêmes y un naturel inflexible qui ne
s'étonnoit ni ae &'émouvoit de rien > et une
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fermeté inébranlable en toutes choses. Jl
s'entreprenoit rien dont il ne vint à^ bout ,
et il s'y opiniâtroit avec une ardeur au-delà
de son âge. Et s'il paroissoit revèche et rude
k ceux qui vouloient le gagner par leur&flat^
teries , H se niotitr(Ht encore ^tf$ rebelle k
ceux qin voulaient Tîntîniidefr fàr leiiirs tne-
iiaces. II étoit très- difficile de Pémotivoir
jusqu'k le faire rire, et ce n^est que très-
rarement qu'on a vu son visage s'épanautf
Î'usqu'au souris. Il n'étoit ni sujet m prompt
i se mettre en colke ; mai» une fois irrité ,
il n'étoit pas facile de l'apaAsèp.
Quand il commença b étudier les belles-
lettres, i) se trouva dur'etlent h^c;ôm]>rën-
dre ; mais ce qu'il avoît une fois hien cohi-
pris, il le recenoit fort yen , tl avoit la
mémoire ferme et sûre ; oe •^ni arrffe «issez
ordinairefxienft , c$ir on Tovt que lés «Sprits
Tifs oublient fiiciten^ent , et que lés «sprits
lents, qui n'af^enuent qu'k force d'appli--
dation «t de peine ^ retiennent ëeAucoup
mieuK ; àhaque chose •qu'où apprend et qu'on
inculque dans sa tête ^afit un nouveau mou-
vemeRt et une sorte de ftamhfte qiii «llilijne
l^âme» Mais ce qui coDtribuoîl le pins a ren-
dre Caton si dur et si leot k apprendre, c'est
qu'il ne croyoit pas iégèrêWent^ G^ appren-
dre, ce n'est autre cbose que ^recevoir une
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X
impression , et il arriTC toujours que ccuï-lk
croient plus facîleiBeot qui ont le moins d'ob-^
jectioBS h faire contre ce qii'on leur dit ; c'est
pourquoi les jeunes gens croient pliis facile-»
nient que les vieux, et les malades que les
sains. El en géi^ral , partout où la partie
qui doute est la plus foible , le consentement
&st le plus prompt. Cependant (^aton ne lais*
soit pas d'obéir k smi précepteur, et de faire
tout ce quHl lui ordonnoft ; mais il lui de-*
mandoit la raison de chaque chose , et en
tout il Toukm savoir le motif. Aitsèi dit-on
^e son précepteur étoit uU très -honnête
homme et très -savait , et qu'il employoit
plutôt le raisotifiemwt tjue là m^ace : il
s'appelott Sarpedm.
Peadam que Caton étoit -en<;oTe «nfant y
les peuples de l'Itàiîè ,- JiHiës dés Romains ,
soUiditoiinit te droit de boiirgèoiâie dans
Romfe ; et Pompédiits Sîlo (n), graiid hômmé
de pierre y et qui avoil beaiicctop de répu-«
tation , passa k cette occaaon plusieurs jour$
chez Livras Drusus, son ami particulier, ren-
daitl ce temps- Ik , il s'amusa souvent avec
les enfants, qui Soient dans ta matson , et
vivoit avec etix dans la dernière familiarité !
i( Mes enfants, leur dit < il pn )our , intercé-
(a) Les cdîteurs d'Amyot proposent de lire Pp^
pédios Siio. ^» L. D.
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]}9 CATOW d'iTTIQUE. '
« despournous auprès de votre oncle, afiu
c( qu'il nous aide k obtenir le droit de bour-
« geoisie cpie nous demandons». Csepion y en
riant , fit d'abord signe qu'il solliciteroit son
oncle ^ et pomme Caton ne répondit rien , et
qu'il tenoit le» yeux fixement attachés sur ces
étrangers avec un visage dur et s^^vfere :
a Et toi y mon enfant ^ lui dit Pompédius ,
«que dis -tu? ne veux -lu pas parler a ton
a oncle en faveur de ses hôtes aussi-bien que
A ton Grère » ? Comme il ne répondoit rien
encore y et que ^«par son silence et par tout
son aîr , il paroissoit rejeter sa prière , Pom-
pédius j le prenant entre ses bras y et le te--
nant suspendu hors de la fenêtre comme prêt
k le jeter, lui dit : « Promets de parler ^ ou
« je te laisse tomber »« |1 prononça ces mots
d'un ton rude et menaçant, en le tenant tou--
jours hors de la fenêtre , çt lui. donnant d'^
verses secousses pour le mieux effrayer. Après
que Caton eut souffert cela très-long-temps y
saos témoigner le moindre étoiinement, mi la
moindre crainte y Pompédius le remettant k
terre y dit tout bas k ses amis : « Quel bon—
« heur un jour pour l'Italie y si cet enfant
i< vit ! s'il étoit aujourd'hui en âge d'homme ^
A je ne crois pas que , parmi tout le peuple ,
« nous eussions un seul suffrage pour nous »,
Une autre fois un de ses parents l'ayant
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CATÔH D^TTlQtJB. gt
prie aTec d'autres enfaats k un repas qu'3
ooonoit pour célébrer le jour de sa naissance ,
tous ces enients se trouvant Ik (ensemble , et
ne sachant que faire en attendant le souper y
se mirent k jouer dans un coin de la maison
les uns avec lesautres, grands et petits. Leur
jeu étoit de représenter un jugement dana
toutes les formes^ ; il y a voit des juges, des
accusateurs , des défendeurs et des huissiers
pour mener en prison ceux qui seroient con-
damnés. Un de ces enfants qui avoient été
jugés 9 et qui étoit fort beau de visage , firt
livré a un garçon plus grand que lui , qui le
mena dteins ime petite chambre oii il l'enfer-
ma. L'enfant eut peur et se mit a appeler
Caton k son secours. Caton , se doutant d'a-
bord de ce que c'étoit , coumt k la porte de
la chambre ; et poussant ceux qui se met*
toient au -devant de kii , et qui vouloient
Fempêcher d'entrer, il délivra l'enfant, et
tout en colère il Temmena dans sa maisou ,
où la plupart des autres enfants le suivirent.
Totut cela rendit le jeune Caton si célèbre
parmi ceux de son âge , que Sylla , voulant
donner au peuple le spectacle du tournois
sacré des enfants k cheval, que les Romains
appeUent Trojye(a)ytt ayant choisi les en-
(a) On peut en voir la description au ciaquiém»
Uvr« de r£a<^iae d« YirgU«. ^. L D.
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€^% CATON d'UTIQUE.
fants des phu nobles maisons , qu'il prepatoit
et iostruisoit pour cette grande journée , il
nomma les deux chefs des bandes. Le premier
fut reçu agréablemem par tous les autres , a
cause de sa mère : car il étoit fils de Méteila,
femme de Sylla ; mais ils ne voulurent jamais
de l'autre, appelé Sextus, quoiqu'il fut pro-
pre neveu du grand Pompée , et ils se mirent
.tous k crier qift'ils ne vouloient ni s'exercer
sous lui , ni le suivre. Sylla leur demanda
quel autre enfant ils vouloient donc qu'on
mit a leur tète. Us répondirent tous, Caton ;et
Sextus lui-même se retira et lui céda volon-
tairement cet honneur, comme au plus digne.
Sylla y iqui avoit été l'ami particulier de
.Caton le père, envoyoit souvent chercher ses
.deux jeunes enfants, Cœpion et Caton, et
s'entretenoit avec eux; faveur singulière qu'il
faisoit k fort peu de gens, a cause de la ^ran*
deur du rang qu'il, teaoit, de la dignité de
sa charge et de sa grande puissance. Sarpe-
don , jugeant que cet avantage étoit très-
considérable pour la réputation, l'avancement
et la sûreté de ses élèves , les menoit très-
souvent , et surtout Caton , dans la maison
de Sylla, pour lui faire la cour. Cette
maison alors ressembloit proprement k un
enfer et 2i im lieu de supplices , par la quan-
tité de gens qu'on y goAduidoît tous les jours ,
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CATON d'uTIQITE^ (j'S
i qui on donnoit la torture , et que l'on faî-
soit mourir. Caton ëtoit alors dans sa qua-
torzième année. Voyant les tètes des plus
illustres persounag^^s de Rome, qu'on empor-
toit , et entendant gémir et soupirer en secret
ceux qui a^istoient b ces sanglantes tragédies,
il demanda ^ son précepteur : a D'où vient
« qu'il ne se trouve personne qui tue cet
« nomme? C'est , lui répondit le précepteur,
« qu'on le craint encotc plus qu'on ne le hait,
<( Pourquoi donc , répliqua l'enfant , en me
« menant ici, ne m avez -vous pas donné
« une épée , afin qu'en tuant Ce monstre , je
« délivrasse ma patrie de la cnielle servitude
(( où e^e gânit » ? Sarpedon , ayant entendu
ce discours , et voyant en même temps les
yeux et le visage de Caton allumés de fureur,
fut saisi de orainte ^ et depuis ce moment il
rdbserva de plus près , et le garda comme a
vue , de peur qu'il ne se portât k quelque
action ténéraire contre Sylla.
Il ëtoit encore dans la première enfance ,
lorsqu'on lui demanda qui étoit celui qu'il
nimoit davantage ; il répondit « que c'étoit
« son frère ; et le second après lui, continua*
« t- on, il rendit encore son frère ». Et
comme k la troisième question il fit encore la
même réponse, on cessa de l'interroger. Quand
il fut plus avancé en âge, cette afiection qu'il
X. D,g,t,zedbyijO(âgle
94 cATos d'uïique.
avoît pour son frère ne fit que croître et se
fortifier ; car, k vingt ans , il n'avoit jamais
soupe sans Csepion ; jamais il n'avoit été k la
campagne ^ ni paru sur la place publique
sans lui. Mais quand son frère se parfumoit
d'essences , il ne l'imitoit point en cela , et
dans tout le reste de sa manière de vivre, il
étoit très-rigide et très-austère j de sorte que
Caepion même , dont on admiroit la tempe-*
rance et la sobriété, avouoit, ce qu^il croyoit
a véritablement avoir quelque sagesse quand
« il se comparoit aux autres ; mais, ajoutoit*
« il , quand je viens k comparer ma vie k
« celle de mon frère Caton , je ne me trouve
« en rien plus sage qu'un Sippius »• Ce Sip*
pius étoit un des hommes de ce temps-lk les
plusdiiTaméspar leur luxe et parleurmollease.
Caton , ayant été nommé prêtre d'Apollon,
se sépara de son frère , et emporta sa part
de la succession aux biens paternds , qui se
trouva monter k cent vingt talents (a)* Mais
inalgré tout ce bien , il mena une vie encore
plus élroitje et plus resserrée. Il lia stirtout
tin commerce intime avec AnttpaterdeTvr,
philosophe stoïcien , et s'appliqua particnfiè*
rement a l'étude de la morale et de la politi-r
que, si enflammé d'amour pour tq^ute vertu ,
j^u^il paroissoit y être |K>ussé par une inspira*
(4) Piès do 59a,5t>3 fr, Af L. D.
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lion di^ne. il étoit surtout churrné de la
beauté de la jastice ; mais de cette justice
sévère et inflexible, qui ne mollit ni par
grâce ùi par faveur ^. Il s'appliqua aussi k
Tëloquen^^ . pour être en état de parler au
peuple dans ks occasions : car comme dans
une grande ville il doit y avoir toujours des
provisions pour la gui^rre, il vouloit de mèm«
que dans la philosophie politique on entretint
toujours des forces pour les temps fâcheux.;
Cependant il ne s'exerçoit point k cette étude
avec les autres*; et jamais personne ne Fa
entendu faire des discours pour se former y.
comme c'ëtoit la coutume. Quelqu'un de ses
camarades lui ayant dit : t< Caton j on blâme
«beaucoup ton silence. -Pourvu qu'on ne
<( blâme pas ma vie y répondit Caton , je suis
« content. Je commencerai k parler quand
« je serai capable de dire des choses qui mé->
H riteront de n'être pas ensevelies dans le
« silence )).
Il y a voit k Rome ' la basilique Porcia ,
que le vieui Gàton àvoit fait bâtîir pendant
sa censure. Les tribuns àvoient coutume de
tenir Ik leurs audiences. Mai» il y avoir une
colonne placée de façon qu'elle nuisoît k
leurs sièges ; ils résolurent donc de l'ôter ou
de la changer de place. Ce ftn la première
eccasion qui attira Caton malgré lui k xme
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06 CÀTON J)^UTIQUE.
9$semUée publique» Il s'imposa fortement au
âesseio des tribuns; Qt par cette |>reuve qu'il
donna , et de son éloqueikce et de «on cou—
rage, il attira radmiratloa de tout le monde.
Car son discours s'avoit rien qui sentit le
jeune bonune , aucune affetejfie ,. ni vaîae
enflure, mais il étoit serré, plein de force et
de sens. Cependant , au travers de la brie-»
veté et de ta solidité de ses sentences , on
yoyoir briller une certaine grâce qui flattoit
les auditeurs ; et k sévérité de ses mœurs ,
relevant cette graice naïve , formoit un mé-
lange délicieux de gravité et d'agrément , qui
|EEU2>oit un véritable. {Saisir. Sa voix étoit assez
pleine pour se f9ire entendre aisément k ce
peuple nombreux; , et elle a voit tant de vi*
gueur et de foroe., que rien ne le lassoit ; car
souvent il lui est arvivé de parler tQ)it un jour
3ans être fatigué ^f
. Après avoir gagtt,é sa Ciause contre les tri^
Buns , il se replongea ilans son silence ordi^
paire , et se renferma dans ses études domes-
tiques ,, pour se former de plus en plus. II
fortifioit au<îsi son corps .par les exercices les
tlus pénibles ,. en raccoiUUmant a supporter
;s cnaleurfi les plus excesif^ives , les glaces ,.
les neiges et tousjes frimas de Thiver , la tète
tonjour^ découverte, et a voyager toujours
ik pied en toute saison, pendant que ses amis
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^li Taccompagnoi^t ëloient ^ cheVaL Eni
tnsyrchaiit stinsi^ il ^apwothdk souvent tantôt
te Yna et tarit&t ^e vmàre , et s'ekrtretenoît
Siittilièreiiieiil avec eni. fiaflfS §e^ maladies ^
îl jo^oit )i la tempëiMièe'iine patience ad-
wmmïAe ; car ^ lorsqu'il'" àvoit là fièvre , 3
fàtsoh les journées seul y Saas vouloir Toii*
personne JBsqu'k ce cftie sa fièvre fht passée ,
et ^'li D^y eftt plus aneuAe apparence dé
recoor.
Quand il soiipoit avec ses amis , on droit
aia sort k qui cbéîsiroit le premier les parts f
et » le sort dé choisi): le prèniFier né lui tom->
boit poim^ ses dinis le Itii déféroient par hom
Bear; maisilleMAiSoiHf, dièant'qn'â.iiefàl'^
loit rien faire malgré là i^e^se Vénirs 7. AU
commencement il n'aimoit pas h rester long*
temps h table , et se levait pour Pordinairé
itpres avou* I^h itne seule (Ms. Mais dsms la
foite il pAtfflàMt )i -bdipê ; de sorte que sou^
rmt îi pasSbit les tfuiàlli tablé. Ses amis>
jppHr eicmser œt 'excès y alléguoierit <iette rat^
^OÊiy que ses occupations publiques 9 et lè$
grandes affaires qui Toccupoieni , absorbant
^ies journéèsf entières, et l'empêchant de con**
verset- avec ses amis, il étoit bien aise d*emr
roycr là Buît et tout le temps de son soupet
pourquo^^cërtain Memi^fls^ disant un
i
^8 OATON d'UTïQUE-
jour dans tiD cerc^e , « que Caton ne fanbit
« quctboir^ tome la nuit )i , Cicëroû y Pin-*
terrompai^t p lui dit ; « Mais tu ne dis pas
(i qu'il' jouç aux dés tout le jour ».
En général y .Caton 9 persuadée que le^
mœurs de sc^ temps ëtoient si corrompues ,
et avoiei^tl^Qin d un si grand changement ,
que y pour les réformer, il falloit faire abso-
lument tout le contraire de ce que Ton &i—
soit, il prit ce dernier parti; et comme la pou^
pre k plus vive 9 et celle qui avoit été teiate
deux ^:, ;étoit la plus recaiefcbée et la pW
estimée.^ il n'en portoitqiie.dela plus sonir*
bre. Souvent y après' S0n dtner , il sortoiC
op-; pieds., et en;6im|^le tunique, non pour
acquérir quçl<pie réputation par cette siogu-^
lanté, mais pour s'jaccoutiimer k ne rougit
que des choses véritablement honteuses , et
k n'avoir nulle honte de celle» 4]ui ne le sont
que dans l'opinion >. Une ^anoe succession
lui étant échue par la mort d'un cousin ger«
main, qui s'appe|oit.Caiton comme lui, et
cette succession pouvant valmr cent talents ^
il la vendit ; et tout .l'argent qu'il en retira ,
il le prêtoity sans aucun intérêt , k ceux de ses
amis qui en avoient besoin. Souvent même
il leur donnoit ses terres et ses esclaves a en-
gager au public 9 et il confirmoit cet enga«-
gement, : . .. ^
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eATON D^[JTIQUE. 99
Quand il crut qu!il itoit temps die penser
au mariage, lui qui jusque -'la n'avoft eu
«OËnnefce^aV^c aticuue femme , ilrccheichà
Lépida , qui auparavant avoit été fiancée \
Sdpion Metellus. Scipion s¥tant dëdit , e(
ajant rompu le coBtrat ^ avoit laisse Lépida
iibre ; mais , siur cette recherche de Caton ^
il s'en repentit ; et ayant mis tout en oeuvre
pour renouer son mariage , il y réussit. Ca-
ton y piqué de ce procédé, et plein de colère^
Aitsur le point de poursuivre Scipion ^n jus*-
tice 9 ; mai^NSes amis l'en ayant empêché , le
feu de la colère et de la jeunesse le porta k
exhaler sa l>ile ^n chansons ; il fit des vers
ïambes , où il déchiroit Scipion et Taccabloit
d'injures , en jettBt dans ses vers tout le fiel
et toute l'amerltmie du poète Archiloque '",
sans imiter ses obscénités ^t ses reproches
frivoles et puérils. Caton épousa AttiHa, fille
de Soranus j et ce fut sa première femme ^
et non pas la seule , comme cela étoit arrivé
k Lëlius y qui , en cela plus heureux que lui ,
ayant vécu-iort long -temps , n'eut jamais
d'autre femme que la première qu'il avoit
épousée.
On vît alors (a) s'élever la guerre qu'oii
appela la guerre des esclaves y ou la guerre;^
(a) L'an 71 avant Tire ohr^tnrta^ .
520508 '
3 OO ÇATOî^ dVtIQUE»
(le S{>artacus , pour laquelle GelliUs (a)^* fut
nommé préteur. Caton .alla scirvir^so^s lui en
qualité de Toiontaife, par amitié pour GaepioR
j^ui y commandôit uuUe homme3r$ m^ il nls
iHtt y donner des marqua de Sa lM>nne Vo-
ooté et de soa courage , comme il Tauroit
-voulu ) k cause de l'iocapacité du général y
jqui s'acquitta fort mal de son emploi. Ce-
pendant au mitieu de la moUesffe et du luxe
qui régnoient dans cette armée ^ il. fit^ou:-
jours paroltre Unt d'ordre , de modestie et
de valeur , quand il eu étoU besoin , tanf de
fermeté et de prudence, que tout le oionde
trouvott qu'il n'étoit en rien inférieur k l^àn*
ci^ CsLton son bisa'ieui^ Son général Gellius
lijî décerna de -grands Jloj^^iiirs et les prix les
plus considérables- dont on bonorçît la valeur ;
mais il ne voulut ni les avoitier ni les recevoir^
idisant qu'il n'ayoit xim fait; qui méritât ce%!
récompenses.
Cette sévérité, le faispii passer pour u^
bomme étrange et singulier. Il fiit rendu alo^j
me notivelle ordonnance^ ptir laquelle il^oij
idéfeDdu k ceux qui brig^uoieni les obaxçd
d'avoir auprès d eux de ces gens que lès RcJ
mains appUeol fèçrréenclaifiura ^ '* Câten ]
briguant ta chai^e.^^dç. Irib^^d^^ soldais^ obéi
seul a cette loi ** , et ifit tant qu'il vint a bou|
{,a) L. GelHus&fattooltu . ^ .; . , .
DigitizedbyCjOOgle
CATON d'UTIQUB. lOl
it sriuer et d'appeler par leur nom tons les
dtojei». Cela déplut exHéroement k ceux
mêioes qcû le kmoieBi ; car pk» ils Toyoîent
que font ce «u'il ûiisoit ëtoît beau , imis la
difficidlé uii'm trouvoiem a Tiinîter le leur
rcodmt odieiix et lasupportaUe.
A jttt donc ëtë noninié tribun de soldat» ^
3fot eB^ojé en Maoe^dohie où oomiDandok
le prétenr Rubrrâs. L'on dit que le jour de
son départ 9 comme sa fismme etoît fort affli-
^ée et fendoit en larmea, Munatius , un de»
amjs de Caton y loi dît : « Prenez courage ^
« AttBia y |e vous garderai votre mart. Voitk
« <pii est tnen dit "i , r^artit Caton , sani^
rien ajonter davantage, maisipiond on fiit k
une |onmée de Home , et qu'on eut soivpë ^
Caton dh à Munatius : h Maintenant y afin
« qne ta puisses tenir la parole que tu as
« donnée h AttiKa de me Uen garder, il faut
« que tu ne me quittes ni ^mr ni nufl ». Etr
même temps il ordonna que tmnè it$ sdirs on
tendh dénie lits dans sa diambre y mt pour
bii y et l'autre pour Munatius ; à& sorte que-'
Mmiatias y olJigé de oondier toujours dans-
la même chambre , éloit bien jititbt gardé*
par Caton , qui s'en fldsoit ufi i»nuseinent y
que Caton ne l'étoit par Munatius.
Caton menoit toujours b sa suite qui^KO»
esclaves pour le servir j deyx affrandbis er
DigitizedbyCjOOgle
loa CATON b'utique.
quatre amis particuliers ^ tons bien montés ,
pendant «|u'il alloit k pied, s'entretenant
tantôt avec les uns, tantôt avec les autres,
comme je l'ai dëjk dit. Quand il fut arrivé k
l'armée, où il y avoit plusieurs légions, le
préteur Rubrius lui en jclonna une a comman-
der. Dans ce poste honorable, il pensa que
ce n'étoit pas un acte bien extraordinaire ni
bien royal que de se montrer vertueux lui-
même , vu ou'il n'étoit qu'un seul homme ,
mais qu'il falloit rendre aussi vertueux que lui
tous ceux qu'il avoit sous son commandement.:
Animé de cette noble ambition , il ne retran-
cha pas la crainte que Ton devoit avoir de
sa puissance 9 mais il ajouta k l'autorité,. la
raison, qu'il employoit toujours pour periHia-
der et instruire ses soldats. A cette méthode ,
il joignoit les récompenses et les cbâtimeats;
de sorte qu'il seroit difficile de dire s'il 4e»
rendit plus paisibles que belliqueux, et pliis
vaillants que justes, tant ils paroissoient ter«
ribles k leurs ennemis , et doux k leurs allies,
timides k commettre tout ce qui étoit hon-
teux, et prompts et hardis k entreprendre tout
ce qui étoit hoonète et digne de louange. Il
arriva de Ik que ce dont il se soucioitlemoins^
et b quoi il avoit le moins pensé, fut justement
ce qui lui fut le plus acquis , réputation ,
crédit , honneur 9 amitié et respect de la part
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CATON d'uTIQUE. 1o5
des soldats. Car ce qu'il commandoit aux
au&es, U le faîsoit tout le premier j et dans
sa mafiière de se vêtir y de vivre et de mar-
clier en campagne , il s'^aloit bien plus aqx
moindres soldats , qu'il ne se conft^œoit aux
capitaineSé Et au contraire, dans tout ce qui
regardoit les mœurs , la grandeur décourage
et la manière de parler, il tâchoit toujours de
surpasser les officiers les plus distingues, et
les généraux mêmes. Et par Ik , avec Festune
des troupes, il gagna insensiUement leur af-
fection. Car le véritable zèle pour la vertu ne
s'engendre daiis les âmes qivavec l'amitié et
le respect dus k ceux qui en donnât l'exem-
fAe^ et c'est une chose sûre que ceux qui
ouent les gens vertueux sans les aimer, res-*
pectent bien leur réputatioa , mais n'admirent
point leur vertu, et ne sont pomt soigneux de
rimiler.
Cat<« ayant appris qu' Athénodore , sur-
nommé Cordylion , personnage très - savant
dans la philosophie des Stoïciens, et fort
avancé en âge , étoit retiré k Pergame , et
qu'il avoit résisté opiniâtrement a toutes les
prières et k toutes les instances que des géné-
raux d'armée et des rois mêmes lui avoienl
faîtes pour l'attirer auprès d'eux ^^^ en lui
oQrant leur amitié et des conditions très-ho-
uorables^ jugea bkn qi^ç ge serait i^utikr-^
DigitizedbyCjOOgle
Ao4 CATOW U'ITTIQUE.
meot qu'il lui éeriroit ^^ et qti^il luieÉurerroit
ifuelqu'uQ pour l'inriter ii venir auprès de litt»
C'est pourquoi ^ profitait de deui: mois de
congé que les loi» romanes lui accordoîeiit
pour aller vaquer k ses aff^res^ il s^efii(Mn|iia
et alla en Asie trouver ce pkîlosophe, se pco-
viettant biea de toutes les bonnes quintiÀ
qu'il sentoit en lui-aieme j qu'il réiissiroitditiis
SOQ dessein , et qu'il feroit une kemease
diasse. Quand il fut auprès de loi , il com-
battit ses sMytife avec tant de feree, et em-.
ploya de si bonnes raisons ^ qu'en&i il le fit
changer de résolution , et remmena av^ee
lui dans son camp, tout fier et tout foyeuic
de cette victoire , qu'il regardoit conune ua
exploit plus grand et ph» éclatant que toos
ceux de LucuUus et de Pompée, qui alioient
sub)uguant par la fosrœ des armes les satMns
et les royaumes de l'Orient '♦.
Pendant qu'il étôit encore à Farmée ttflban
de soldats, son frère C«pion , allant en Asie,
tombai malade en Ibrace , dans la ^ville
d'iEnus (a), et il en reçut d'abord la mm-
vellc par des l^tves qu'ôn'lui écrivît. Quoique
le temps fut trèsHOotauvais, et que la mer ftt
egitée d'une violente tempête, il voulut
(a) Autrefois A]^pe]ée Msynthe -, «Ile étoUi
de 1 embouchure orientale de rfibr*, dans 1« cwtoi^
dbyCjOogle
CATON D\TTIQUE. Ïo5
tirsansdifférer ; et ne trouvant point de grandi
vaisseaux y i\ se jeta dans un navire marchand
avec deux de ses amis et trois esclaves , et
partit de Thessalonique (a). H fut en très*
grand danger d'être submerge , et ne se sauva
que par un bonheur qu'on n'auroit jamais osé
espérer. Il arriva ^ £nus comme son fipèré
veooit de rendre le dernier soupir, lifut plus
sensible 9i cette perte au'il ne convenoil a un
philosophe , et a un pnilosopfae stoïcien ; car
il ne témoigna pas seulement l'excès de sa
douleur par ses regrets, par ses soupirs, par
ses larme», par les transports qui le pous-
soient a se jeter sur ce corps mort quil em-
brassoit tendrement, et par toutes les autres
marques de ^affliction la plus vive et la plus
sensible , mais encore par la grande dépense
qu'il fit k ses funérailles. Il employa de grosses
sommes en parfums et en drogues odorifé-
rantes,^ fit brûler beaucoup d'étoffes précieuses
sur son bûcher , et lui éleva au milieu de la
place d' JSnus un tombeau magnifique de mar*
bre de Thasos, qui lui conta huit talents **•
Il y avoit beaucoup de gens qui blâmoient
cette dépense excessive , et qui l'interpté-
toîent mal , en la comparant k la modestie et
k la simplicité dont il faisoit profession dans
(a) Dans la MacedoÎAe» sur U golfe Thermaï^e.
A. L. D^
Xe
)yL.oogle
106 CATON BOUTIQUE.
tout le reste; Mais ces gens ne s'apercevoient
pas combien la fermeté inflexible de cethonioie
contre les voluptés , contre les craintes, contre
ies prières injustes et impudentes, étoit mêlée
de douceur et d'humanité. Plusieurs villes ,
princes et gouverneurs lui envoyèrent beau-
Cîoup de présents pour honorer ces obsèques ;
mais il refusa tout l'argent , et ne prit ^e les
drogues , les parAims et les étoffes, qu'il paya
k ceux qui les envoyoient.
Ayant été institué héritier par égales por-
tions avec la fille unique de Caepion, il ne
voulut pas que sa nièce supportât la moindre
partie des frais qu'il avoit faits pour les funé-
railles de sou père. Cependant, malgré celte
générosité , il se trouva quelqu'un qui laissa
par écrit, qu^après que le bûcher fut éteint , il
{^assa les cendres dans un tamis pour retirer
^or et l'argent qïû avoientété fondus, tant
cet écrivain croyoit qu'il lui éloit permis d'at-
taquer non seulement avec l'épée, mais en-
core avec la plume, ce personnage que sai
vertu mettoit au-dessus des reproches et des
calomnies '6.
Quand Caton quitta l'armée après le temps
de sa charge fini, il fut accompagné non pai
des vœux , comme cela se fait ordinairement^
non par des applaudissements et des louanges,
mais par les regrets , les larmes et les embras-
DigitizedbyCjOOgle
CATOM jiVTlQUE. IO7
sements infinis Ae tous les soldats qiii s'em--
pressoîent autour de lui, qui étendoient leur*
vêtements sous ses pieds partout où il passoit,
et qui lui preiroient les mains pour les oaiser;
honneurs que les Romains de ce temps-lk ne
faisoient qu'avec peine k très -peu de leurs
généraux. Mais avant que de retourner k
Rome , pour s'y occuper des affaires publi-
ques , il voulut voyager pour connoitre par
lui-même l'Asie, et pour s'instnu're des mœurs,
des coutumes et des forces de ses provinces.
Et en même temps il fiit bien aise de faire
plaisir k Déjotarus, roi de Galatîe, qui, k
cause de l'amitié et de l'hospitaTitë qu'il avoît
liées autrefois avec son père, l'av<it prié avec
de grandes instances de l'aller voir.
Il partit donc, et voici de quelle manière
il fit ce voyage. Le matin k la pointe du jour,
il envoyoit son cuisinier et son boulanger au
lieu où il devoit coucher. Ces gens entroient
modestement et sans bruit dans la vîHe ou
dans le bourg ; et s'ils ne trouvoîent aucun
ami de Caton , ou de sa famille, aucun homme
de sa connoissance , ils lui apprêtoîent son
souper k l'hôtellerie, sans être h charge k
personne. Quand il n'y avoit point d'hôtel-
lerie oii il pût loger, alors ils s'adressoient au
gouverneur ou au magistrat , et se conten-
toient du premier logement qu'on vouloit leur
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108 CATO» d'UTIQUB.
donner. Il arrivoit même souvent cpi'on ne
youloit pas croire qu'ils fussent a Catoa y et
ou'on les traitoit avec mépris, parce qu'ils ne
s^adressoient pas aux magistrats en faisant
beaucoup de nruit et avec de grandes aie-
naces '^ . de sprte que Caton très -souvent
arrivoit le soir qu'ils n'avoient point encore
pu trouver de logis* Mais c'étoit bien pis
quand il paroissoit: car on n'en faisoit aucun
cas; et quand on le voyoit assis sur son ba-
gage , sans dire une seule parole, on le pre^
noit pour quelque hoï&meile' néant qui n'osoit
wvrir la boucne. Cependant il les appeloît
quelquefois, et leur disoit : « Malheureux ^
n que vous êtes, diéfaites-vous de cette du-
« reté que vous avez nour les étrangers , et
fc recevez-les mieux. C^e ne seront pas tou-
<( jours des Gâtons qui passeront par votre
« ville. Tâchez de modérer par un bon ac-
« cueil la licence que leur pouvoir leur donne
« chez vous. Ils ne chercbent qu'un prétexte
<( pour prendre par force et avec usure ce que
<( vous n'aurez pas voulu leur donner de boa
f gré ».
On dit qu'en Syrie, il lui arriva une aven-
ture fort plaisante. Comme il arrivoit \ An—
tioche, il vit devant la porte de la ville quan-
tité d'hommes rangés en haie avec beaucoup
d'ordre. D'un côté étoieut les jeunes^ gc&s
DigitizedbyCjOOgle
arec de béaox maoteaiix , et de Pautre les
enfants inagDifiqiieiDent parés. Ensuite on
voyoît marcher des hommes vêtus de rohes
blanches 9 queloiies-uns même avoient des
€oorcttines, car c'ëtoient les prêtres des Dieux
et les magistrats. Caton cnit d^abord que
cet appareil étoit un honneur que la ville Juî
faisolt, et une entrée magnifique qu'elle lui
avoît préparée. Il gronda extrêmement ses -
gens qu'il avoit envoyés devant, selon sa
coutume, de ce qu'ils n'avoient pas empêché
cette cérémonie et ce grand appareH, et com-
manda \k ses amis qui étpient k cheval , de
descendre, et marcha avec eirx k pied vers
ceux qui s'avançoient. Quafid î!sfur<^nt asse^
près, le maître des cérémonies qui régloit
toute cette marche, etquiempêchoit la foule ^
homme déjk^ ^é, tenant une baguette k la
main et une couronne , s'avança vers Catoit-
qui mardioit le premier; et sans le s^iluer ut
lui faire aucun honneur , il lui demande « ovT
« ils avoient laissé Démétrlus, et s'il arrive—
« roit Inentàt». Ce Démétrius étoit un af-
franchi de Povnpée^et alors toute la terre ayant
les yeux attachés sur Pompée, faisoit indi-
gnement la cour k soû affi-ancbi , parce qu'il
étoit tout -puissant auprès de son maître.
A cetltie demande, toiis les amis de Caton se
mirent k rire avec tant de force, qu'ils Jis^
D,g,t,zedbyijtf6'gle
lld CATON d'uTIQUE.
ponvoîent se retenir, et traversèrent aînsî la
foule. Caton , confos, s'ëcrîa : « O la malheu-
« reuse vîlle » ! sans dire une seule parole de
plus. Mais dans la suite, il aroit coutume de
rire de sa mdprise, soit qu'illa racontât ou
q'i'il ne fît que s'en ressouvenir.
Pompe'e, par son exemple, corr^ea bien
les hommes , et les empêcha de commettre
par ignorance de ces sortes de fautes envers
Caton. Ce dernier étant arrivé a Ephèse , alla
Saluer Pompée, comme celiii qui étoît plus
âgé que lui , constitué en plus grandfi dignité,
et d'une plus grande réputation, et qni com-
mandoit alors les plus puissantes armées de
l'empire. Pompée , qui le vit venir de. loin ,
ne voulut pas l'attendre sur son siège, mais
il alla k sa rencontre , comme au-devant d'un
des plus grands personnages, de Rome ; et lui
tendant la main, il l'embrassa avec toutes les
marques de bienveillance et d'estime , donna
de grands éloges k sa vertu en sa présence ,
et de plus grands encore quand il se fut retiré j
ide sorte que des ce moment-la , tout le monde
se tourna vers Caton , et n^eut d'attention qiie
pour lui 5 et on commença k Fadmirer sur le»
choses mêmes qui le faisoîent mépriser aupa-
. ravant , et k reconnoHrc de plus près sa dou-
ceur et sa grandeur d'âme. L'on ne fut pas
long-temps sans s'apercevoir que ce bon ac-
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C ATON D'trriQUK. 1 1 If
cucîl de Pompée et son empressement ponr
lui, étoient plutôt l'effet de l'estime et du
respect qu'il ayoît pour sa vertu, que d'an*
cune affection qu'il eût pour sa personne. Et
on vit clairement qu'il ne pou voit s'empêcher
de lui marquer une grande admiration^ et de
lui faire de grands honneurs pendant qu'il
l'eut auprès de lui, mais qu'il fut charmé de
le voir partir. Car tous les autres jeunes Ro-
mains qui l'alloientvoir, ils'efforçoit de les r^
tenir, et leur témoignoit tout le désir qii'il a voit
qu'ils voulussent rester auprès de lui , au lieu
qu'il ne fit pas la moindre démarche pour re-
tenir Caton. Au contraire, comme si Gaton
présent eût été un censeur qui lui eût de-
mandé compte de toutes ses actions , et con^
trolé son autorité, il vit son départ avec un
grand plaisir. Il est vrai qu'il lui recommanda
sa femme et ses enfants, honneur qu'il n'avoit
encore fait k aucun de ceux qui étoient re-
tournés k Rome; mais il faut dire aussi qpi'ils
étoient proches parents de Caton. Depuis ce
moment , toutes les villes par où il passoit ,
déih pleines de sa réputation , s'empressoient
k i'envi k qui lui feroit le plus d'honneur. Ce
n'étoit partout que banquets et fêtes qu'on
kii donnoit; et au milieu de ces réjouissances,
il prioit ses amis, de prendre gar^e k lui , de
peur que^ fta% s'en apercevoir, il ne confirm&t
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113 CATON P'UTIQU*.
un mot que Ciirîon lui avoît dit autrefois. Ce
Curion , fâché de voir l'austérité de Caton
qui étoit son ami et sou camarade, lui de*
manda un jour ^ « si après le temps de sa
« charge expiré , il ne seroit pas bien dise
« d'aller voû- l'Asie h. Caton lui ayant ré*
pondu qu'il la verroit avec plaisir : « Tu
H feras fort bien , repartit Curion , car tu re—
il viendras de la plus doux et plus traitable » ;
et il se servit d'un m(M latin (a) qui signifie
proprement cela.
Déjotarus, roi de la Galatie , envoya prier
Caton de le venir voir^ car il étoi^ déjk vieux,
et il vouloit lui recommander et mettre sous
sa protection ses enfants et toute sa maison.
Dès qu'il fut arrivé k la oour , le roi Itii en-
voya toutes sortes de magaifiques présents ,
pour gagner sa £|veur^ et employa tous les
moyens imaginables et les prières les plus
pressantes pour le porter k lesxeoevoir. Caton
fut si irrité de ces démarches, qu'étant arrivé
le soir , il ne ^t que coucher dans son palais , 1
et partît le lendemain veis la tro^èflie heure \
du joiu*. Mais le aoir en arrivant k Pessi-^ |
nonte {i>)y il y trouva luie phœ grande quantité ,
de présents enoare plus riebes , avec des let-- '
(a) Mansuetifff.
(b) ViUe de la prtyrince d^Asie , appelée Galatie,
^ Gallo^Grà^Cf présida flei|^*4»aQ§Rra. ^»'^- wD.^
DigitizedbyCjOOgle
î
CATON d'uTIQUK. 1i5
très de Déjotarus, qui le oonjuroît de le»^
agréer jf ou, s^il ne vouloit pas liù faire cet
honneur , de permettre au moins k ses amîs^
de les prendre : « car, disoitril, ils sont bien
H dignes de recevoir du bien de vous; mais-
(c vous n'en avez pas assez pour les enrichir
{( comme ils le méritent ». Catoa ne le vou-
lut jaiQais souffrir, quoiqu'il en vit plusieurs
ui étojent tentés et qui murmuroient tout bask
e ne pas profiter de cette occasion. Mais il
leur dit que, s'ils prenoient ces présents, cela
fourziiroit des prétextes a toutes les exactions
et a toutes les concussions, et que d'ailleurs^
ses amis partageroient toujours avec lui tout
le bien qu'il aurait acquis par des voies justes
et hennetes. Ainsi il renvoya k Déjotarus aes
riches pr^nts. Comme il étoit prêt a s'eiD-
barquei* pour repassa k Brunduse, ses ami»
lui reprfôentèrent qu'il falloît mettre dans ua
autre vaisseau les cendres de son frère Cch
5 ion y qu'il transportoit avec lui ; mais il leur
it qu'il se sépareroit plutôt de son âme qim
de CCS restes précieux, et mit k la voile. Ont
dit qu'il arriva par hasard que le vaisseau ovk
il ëtoit, fut en grand péril dans ce passage^
au lieu que tous les autres firent œtte tra-«^
versée assez heureusement **. .
De retour a Rome, il étoit toujours ou dans
sat maison k conférer avec le philosophe
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Il4 CAtÔN D'UTIQtm.
Athënodorc, ou sur la place publique pour
servir ses amîs. Des qu il se vit en âge (a)
àe demander la questure , il ne se mît sur les
tangs qu'après avoir lu avec soin toutes les
lois et les oi^donnances qui concernoîent Pétat
et l'office de qiiesieur , avoir .consulté sur
chaque point ceux qui avoîent le plus d'expé-
rience , et s'être mis au fait de toute l'auto-
rité et de la puissance que cette charge pou-
voit donner. De la vint que , dès qu'il y fut
installé , il fit de grands changements parmi
les officiers et les greffiers du trésor pid)lîc,
qui , ayant toujours entre leurs mains les re-
gistres et les lois sur les finances, quand ils!
venoient k avoir h leur tète de jeunes ques-
teurs, qui, par leur ignorance et par leur
peu d^expérîf nce , avoient encore besoin de
maîtres, ne leur Jaissoieni pas l'autorité entre
les mains, maïs devenoient eux-mêmes les
véritables questeurs. Caton corrigea cet abus j '
car prenant les affiiires b cœur , et s'y appli-
quant fortement , il ne se contenta pas seule-
ment du titre et des honneurs de questeur,
mais il voulut en avoir encore l'esprit , le cou-
rage et le Ton ; et mit les greffiers sur le pied
de n'être plus que ses officiers pour servir
sous lui 5 comme c'étoit leur véritable^état *9.
11 les reprenoit quand fls manquoientii leur*
(tt) Cet âge étoit fixé « aS ans.
Digitizedby Google *
CATON d'UTIQUB. Il5
.devoir et les instruisoit quand ils faisolent des
fautes par ignorance. Comme la licence oà
ils avoient vécu les avoit reudus fiers et
audacieux , et qu'ils alloient flatter et caresser
les autres questeurs |)Our pouvoir plus impu-
nément s'opposer a lui y il commença par pri-
ver de son emploi le principal d'entre e\x% ^
convaincu de mauvaise foi et de fraude dans
le partage d'une succession entre des cohéri-
tiers. Il en appela un autre en justice pour
Ëilsification ou supposition de testament. Li-
tatius Catulus, qui étoit alors censeur , et qui .
tiroit de sa charge un grand relief, et un plus
grand encore de sa vertu, comme se distinguant
au-dessus de tous les Romains par sa justice et
par sa grande sage^, parut pour le défendre,
quoiqu'il fut d'ailleurs le panégyriste deCaton,
et qu il passât avec lui la plus grande partie de
sa vie 5 mais se voyant vaincu par la force des
raisons et des preuves, il demanda ouverte^
meut qu'a sa considération on pardonnât k
cet homme. Caton vouloitTempècher de don-
ner suite a une demande si infuste ; et comme
il redonbloit ses instances , Caion lui dit :
« Catulus 9 c'est une honte que voua^ qui ête >
« censeur, et qui en cette qualité devez fair«
« une information exacte de nos vie et mœurs,^
i( vous vous laissiez dégrader par nos servi-
ra tetuis ^"^ qui ont malyersé dans leuf.Qi&qe n i
DigifeedbyCjOOgle
Il6 GATON D'UTIQUK.
A ces mots, Catulus le regarda cc^nme se prë«
parant k répondre; mais cependant il ne dit
rien , et^ soit colère ou honte , il se retira tout
«onfus. Cependant le coupable ne fut pas oon-
-damné; car s'ëtant trouvé une voix de plus
pour le condamner que pmu: Pabsoudre, Lu-
tatius Catulus envoya d'abord b Marcos Loi-
lius y collègue de Caton dans la questure ,
tjui y 'a cause de quelque indisposition^ n'a voit
pu se trouver au jugement, pour le prier de
venir sur l'heure même au secours de ce mal-
heureux, Lollius se fit porter en litière, e<
arriva après le jugement rendu. Il ne laii
pas de donner son suffrage en faveur du cri-
minel; et p^r Ik les voix s'étant trouvé par
tagées, il fut sauvé. Mais Caton ne voukil
plus se servir de lui pour greffiei*, ni lui paye
ses gages , et refusa de compter la voix d
Lollius comme une voix utile. ^
Par cette conduite pleine de droiture
de fermeté, Caton humilia les greffiers, l
rendit souples et soumis, eut \k sa dispositioi
tous les registres , et rendit par Ik en peu d
temps la chambre du trésor plus grave et plu
respectable que le sénat même. De sorte qu^
tout le monde pensoit et disoit que Csttoïà
avoit ajouté k la questure toute la dignité etj
toute l'autorité du consulat; car ayant trouv^
4'anciefifies dettes 4es particaliers au trésoii
N DigitizedbyCjOOgle
CATON d'UTIQTTK. II7
public, et du trésor aux particuliers, il cor-
rigea ce désordre, et régla si bien toutes
choses, que la ville ne fit et ne reçut plus au-
cun tort; car il exigea avec la dernière ri-
gueur, toiitrce qui lui étoit du, et il l'obligea
aussi de payer sans remise et sans aucun re-
tranchement tout ce au'elle devoit ; de ma-
nière que tout le peuple admiroit et respectoît
également Caton , en voyant que ceux qui
sVtoieut flattés de priver la république de ce
(ju'iis lui dévoient, ëtoient forcés de payer,
et que ceux qui avoient cru pevdre tout ce
^iii leur étoit dû, éîoient remboursés avec \h
dernière exactitude. D'un autre côté, la plu-
part présentant a la chambre du trésor des
billets suspects et de fausses ordonnances , et
les questeurs qui avoient été avant lui, ayant
coutume de les recevoir par faveur, ît eut si
lien l^œil sur toutes ces malversations , qu'il
ne lui en échappa aucune^ jusque-lk qu^m
jour étant en' doute si unje ordonnance qu'on
lui préseatoit étoit bonne, quo^îque^ beaucoup
de témoins en assurassent la vérité, il ne vo!i^
lut jamlafs les. croire ni en ordonner le paie-
ment, qu^après que les consuls furent venus
affirmer que cette ordonnance -étoit d'eux.
11 j avoit plusieurs assassins dont SylU
s'ëtoit servi poiir égorger -ses victiitiès , et k
;ui il avoit d^iiné poiu* réepjaape^se dla^ sa
X.
dbyifcogl
c
Il3 CATON n'UTIQUK.
seconde proscription^ jusqu'à douze millti
drachmes (a), pour chaque tête qu'ils lui'
avoient apportée. Tout le monde les regar-
doit avec horreur commis <des scélérats, et des
gens maudits^ mais personne n'osi^k les pour-
suivre.Caton les appela tous en justice, leur fit
rendre ce qu'ils avoieût reçu, et leur re-
procha publiquement, avec autant de colère
que de raison , l'injustice , Thorreur et l'im-
piété de tous ces meurtres. Ceirx qui avoieBt
essuyé cette ignominie étoiént ensuite accuses
d'homicide ; et comme déjà convaincus et con-
damnés par ce premier jugement, ils étoieni
conduits aux juges qui dévoient les faire exé-
cuter , et ils reccvoient sur-le-champ la punii
tion que méritoient leurs crimes, k la grande
satisfaction de tous les Romains;» qui oroyoieiil
voir par ce moy^n la tyrannie entièremen}
déracmée, et Sylla lui-même pimi de se^
caiauté3.
Mais ce qui chaiijnoit encore extrènkemeni
le peuple , c'étoit son activité et son assiduité
infatigable dans les fonctions de son ministère^
car tous les joiurs il arrivoit avant tous sel
collègues dans la chambre du trésor , et e^
sort oit le dernier, et ne mancp^ioitk aucune
assemblée du peuple, ni a aucune eonvoca-
tion du sénat ; car ii craignoit , et avoil cou^
(a) Eaviroir iù,Wj fr . d« kiotn atomabic. w^v L. U
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CATON d'UTIQUE. 11^
f/nnellcmcnt Fœil li empêcher qu'il n'y eût
des gens qnî , par faveur, remissent les impo-
sitions et les sommes dues à la t''^publiqùe ,
ou qui ordonnassent des gratifîca lions peu
méritées. Ainsi ayant nettoyé et purgé le tré-
sor public des calomniateurs et delà vermine
des sycophadtes, et l'ayant rempli d'argent,
il fit voir qu'une ville peut devenir riche sans
faire la moindre injuslice , et que la règle et
l'ordre suflSsentpour Tcnrichir. A^u commen-
cement 5 cette conduite le rendît fâcheux et
iflsupportable k ses collègues; maïs dans la
suite ils en furent très-contents : car ils virent
qu'en refusant ainsi de faire des largesses des
deniers publics, et de juger par feveur, il
s'exposoit seiîl pour eux tous aux criailleries et
a la haine des me'contents , et qu'il leur four-
lïissoit une excuse très-valable envers ceux
qui les prioient et qui lés^solljcitoient, qui
étoit de dire qtfils ne pouvoient rien sans le
consentement de Caton. ^ . •»
Le dernier jour de sa magistrature , domme
il étoit reconduit chez lui par la plus grande
partie des citoyens, il fut averti que*Marcellus,
l'un des questeurs, étoit dans la'charnbre du
trésor , et que plusieurs de ses amis et dps
principaux de Rome l'assîégeoient et l'envi-
ronnoicnt, le pressant d'ordonner te paiement
<ie quelques sommes qu'ils prétendoient leur
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3Î20 CATON d'utIQUE.
êlre dues par la république. Ce M.nrcelliis
♦îtoit ami de Caton des Tenfance : et quand il
étoit avec lui, il s'acquittait pamrtenirnt des
devoirs, de saçharge; mais quand il ëlcit seul y
il avoit honte de refuser ceux qui le prioient ,
et se laissoit aller facilement a accorder les ;
grâces qu'on lui demandoit. Caton retourne
promptenaent s»r ses pas , et trouve qu'on
avoit déjk forcé Marcel Ins a ordonner ce paie-
ment. Il demande sur l'heure le registre, et
efface cet article en présence même de Mar-
cellus., qui ne dit pas une seule parole. Non
content de cela., il l'emmena hors de la
chambre , et ne- le quitta point qu'il ne l'eiit
remis: dans sa maison; et jamais Marcellus ,
ni alors, ni depuis , ne fit la moindre plainte
de ce procédé de son collègue : au contraire,
il persévéra constamment dans sa familiarité
et dans son aroîtié jusqu'à la mort. !
Caton^, sorti de la questure, n^abandoxina
|>ourtant pas la chambre du Irésor, et ne la
laissa pas sans surveiUants et sans gardes ; car
il y faisoit tenit* pendant tout le jour quelques-
uns de ses domestiques qui avoient soin d'é-
crire toutes les dispositions qui s'y fRisoient ;
et lui-même il avoit aisheté, cinq talents (a),
des registres où étoient contenus tous? les re-
venus de là républicfué., et les emplois qu'on
(a) EoTiroQ 24>6ot Ip. de noire moanoie. ^^ Z* R
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CATON D'tTIQUE. 121
en avoît faits depuis le temps de Syl^a jusqu'à
celui de sa questure, et il les a voit toujours
eotre les mains. Et comme il entroit toujours
au sénat le premier, et qu'il sortoit le dernier, il
arrivoit souvent qu'en attendant que les autre»
scnatetirs fussent arrive's, ei que rassemblée
fut çonfiplète , il se retiroît a Pécart pour lire,
en mettant sa robe devant son livre. Jamais il
n'alla k la campagne les jours que le sénat
de voit s'assembler.
Depuis ce temps-lb , Pompée et ceux de
son parti, voyant qu'il étoit impossible de
porter Caton , ni par la douceur , ni par la
force , a les favoriser dans ce qu'ils poursui-?
voient injustement, imaginèrent des moyens
de le distraire et de l'empêcher d'entrer au'
sénat, en l'occupant, ou h aller sur la place
publique déÇwidre ses amis , ou a faire quel-
ques arbitrages, ou k terminer d'autres af-
faires. Mais Galon , qui s'aperçut proraptement
de ces pièges , se refusa a tout ce qu'on lui
pioposoit , et déclara formellement que les
jours de sénat , il ne vaqueroît k aucune antre
affaire de quelque nature qu'elle ftit ; car ce
n'étoît ni par l'amour de la^ réputation , ni par
le désir des richesses, ni par un effet du ha-
sard , qu^il s^Ôoît jeté dans l'administration
des affaires publiques; mais il avoit embrassé
cet état après une mure délibération , patce
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T2ÎI CATON d'UTIQUE.
qifil le rcgardoit comme la profession d'un
nomme de bien. C'est pourquoi il se croyoit
eoeore plus obligé de vaquer aux affaires de
la république y et d'en avoir plus de soin ,
que 1 abeille n'en a de sa ruche et de sqa miel.
Dans cette vue , il eut grand soin de se faire
euvoyer par ses hôtes et par ses amis qu'il
avoit dans le3 provinces , toutes les affaires ,
les ordonjoances., les jugements, en un mot
tt)ut le détail de la conduite et des prinoij^ales
acîions des gouverneurs.
Un jour il entreprit Publius Clodius , sé-
ditieux haçangueur, qui, par ses discours et
par ses actions, jetoitdes semen<3esde grandes
nouveautés, et calomnioit devant Iç peuple
les prêtres et les vestales , parmi lesquelles
Fabia Térenîia , sœur de la femme de Gicéron,
fut en très-grand danger. Caton prit leur den
fense , et parla avec tant de force, qu'il <5oii-i
vrît Clodius de copfusion , et l'obligea k sortiii
de la ville. Et comme Cicéron youUit Ten
remercier, il lui dl|: « qu'il devoit remercier
« Rome, parce que c'étoit pour l'amour d'elle
« seule qu'il faisoit tout ce qu'il faisoit dans
« le gou vernementret dans les fonctions de son
« ministère». Cela lui acquit une si graudd
réputation , qu'un jour un orateur, dans une
affaire où l'on ne prodiiisoit qu'un témoia j
dij; aux juges dans son plaidoyer, « «jii'U ne
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CATON d'uTIQUE. 123
ta falloît point avoir égard ^ iia seul témoin ^
<( quand ce témoin seroit Cat^n lui-même ».
C'étoit même déjà comme une espèce de pro*
verbe ; quand on parloit de choses étranges
et incroyables, la plupart des gens disoienl :
a Gela ne seroit pas croyable , ^quand même
a ce «eroit Caton <jui le diroit »• Un homme
fort débauché et très-déréglé dans sa dépense,
ayant fait dans le sénat un long diseours snr
la simplicité et sur la teppéranc^, un des sé^
Dateurs, nommé Amnéus, se Içva et lui dit :
« Mon ami , qui penseMn qui pourra sUppor^
ik ter que Vtt parles CQixime Caton , toi qui
d tiens table comme Cra^sus , et bâtis comme
tt Luculliift (a) »? Au^i tous ceux qui
étoient dissolus et intempérants dans leur
conduite, et graves et austères dans leurs dis-
cours , on les appelait , par ironie ^ des Gâtons.
Ses amis le pressoient de penser a la charge
de tribun; mais il ne crut pas qu'il fût encore
temps, et dit qu'il en étoit d^ U puissance et
de l'autorité de cette charge, coimw d'imc
médecine tiès-fovfe, et qp'il ne i^Uoit y avoir
recours quedaas une griande népe$sité. Comme
les afiaires piibliqiti.es lui ]ais$oiei|t alors un
grand loisir, il fit provision de livrés, emmena
avec liii qudq|i|es philpâophg$, Qt partitpour ses
(a) Dans la vie de I^nca]ias,c^st CatOQ lui-même
gui tient C9 propos^ ^« Z« D,^
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12 4 C?ATON d'uTIQUE.
terres de la Lwcafiîe, où il a voit des mafsoDSl
dont le sëjonr-ëtoit fort agi*e'able. En chemîii,
il rencontra quantité desonnuiers, beaiiconp)
de bagages ^et lUi grand nombre d'èselàves. Il
demanda h qui appartenoient ces équipages,
on lui dit « qu^iW e'toient b Métellns Népos
4C qui s'en retournoît b Rome pour demander
« le tribunat ». A ces mots, Caton s'arrêta
sans dire une seule parole; et après avoir ré-
fléchi qudqtie temps, il commandai ses gens
de rebrousser ebeoiio. Ses amis pîrroissanC
étomiés de ce changement si prompt , il leur
dit : <t Ne savez-vons pas que M été I lus est
« déjk très-redoutable par sa folie? Et aii-
a jourd^iruî qiiMl va » Rome y. attiré par Pom-
« poe, il tombera sur le gouvernement comme
« la foudre, et écrasera et embrasera tout. Il
<( ii'est donc pltistempd^aller a la campagne
« se divertir 5 iHbjiit aller traverser cet homme
« et le faire échouer ^ ou périr glorieusement
«' en combattant pour la liberté)) . Cependant^
sur les remontrances de ses amis, qui hii re-
présentèrent qnc Paffaire de Mélellus n'iroît
pas si vite, il alla dans ses terres, où il-ne fit
pas im long séiouk*, et retourna j^omptemeut
k Rome.
11 y arriva le soir, et dès Iç lende-
main matin il se rendit sur la place publique,
et brigua le tribunatpours-oppos^ii Mételius,
D,gitizedby\jOOgle
CATON d'UTIQTJE. 125
et pour rendre nulles toutes ses entreprises: car
la force et l'autorité de cette charge de tribun
consistent plus k eimpècher qu'k faire; de sorte
que , quand tous les autres tribuns auroieût
arrêté et conclu use chose, s'il y en a un seul
qui n'en soit pas d'avis et ne veuille pas la
permettre , ce seul-lk remporte sur tons ses
collègues. Catoh n'eut pas d'abord un grand
nombre d'amis autour de lui ; mais dès qu'on
Sfit k quel dessein il demandoit cette charge ^
tous les gens de bien, étions ceui^dont il étoit.
connu, accoururent dans le moment, rohor—
tèrent et l'encouragèrent k poursuivre sa de«>
mande, lui disant : «Que cène seroit pas utte>
« grâce qu'il recevroit, mais;qu'il en feroit
(( une très -grande k sa patrie et a tous les
« honnêtes gens , en ce qu'ayant pu souvent
« obtenir cette charge sans aucune peine , et.
« dans des temps qui ne présentoient aucune*
« difficulté, il ne l'avoit jamais voulu; et que*
« pëscfntementil'venoit lar demander, lors-,
«cpi'il'étoit question de combattre pour la
(( liberté et pour le gouvernement, non sans»
« un très-grand danger de sa personne.^). Ou
dit ffième que la seule foule de ses amis et de
tous oeux qui s'empressoient autour.de lui,
pour lui marquer leur affeetion , h mit eu,
très-grand péril :.car il pensa être étouffé j et
Digitizedby Google
ynSi ' C4T0N BOUTIQUE,
ce ne fut qu'avec beaucoup de peine qu'il
arriva jusqu'k la place.
Ayant donc été nommé tribun ayec Mé-
tellus et d?autres collègues^ et voyant qu'on
achetoit tes voix pour HélectioD des consuls ,
il prononça un beau discours dans lequel il
fit de ^ifs reproches au peuple , «t finit , en
protestant avec serment, qu'il accuseroit et
poursui vroît en justice quiconque auroit donné
de l'aident, pour acheter les suffrages j il ex-
cepta seuleiïjent Silanus qui étoit son allié 5
car Silamis avoit épousé Servilia, sœur de
Caton, Voîlk pourquoi il ne fit contre lui au-
cune poursuite,- lorsqu'il s'attacha a pouf-
snivre Lucins Mûréna , ;qai , k force d'argent,
s'étoît • fait nommer coUègu© de Silanus au
consulat *^ Il y avoit nne loi qui permettoit
â l'accusé de donner k Paecusateur un garde
et un surveillant, afin qu'il pût être averti de
toutes les pièces et de toutes les preuves qu'il
rassembleroit potir-formîei? s6n aecusatioD , et
qu'il eut le terops^de préparer ses réponses.
Celui que Mwréna donna k Caton , pour le
suivre, et potir l'observer , voyant qu'il n'u-
soit ni de fraude ni d'injustice , mais qu'il
agissoit de bonne foi , avec humanité et frao-
diîse, en suivant sans détour la voie droite
et simple de Paccusation , fut si charmé de
celle générosiié et de ces^mœurs pleines de
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CATON ty^UTIQUE. 1^7
droiture ^ qiie tous les matins il alloit le trou-
Ter ou k la place , ou chez lui , et lui demau-
doit si ce joUr4k il fcroit quelque acte relatif
k la procédure : si Caton lui disoit qu'il n*ea
ferait point , il lé croyoit sur sa parole , et
s'en reiournoit. Quand cette cause fut plaî-
dée , Cioéron , qui étoît alors éonsul , et qui
pai lolt pour Muréna , railla beaucoup les pni-
losophes stoïciens , dont Caton avoit em-
brassé la secte ; il se moqua surtout fort plai-
samment de leurs dogmes qu'ils appellent ;7a-
radoxes , de sorte qu'il fit extrêmement rire
les juges ; et Foii arapporle que Caton en sou-
riant dit k ceux qui étbient près de hii : « Mes
(( ainis , que nous avoûs IH un consul qui est
K plaisant» ! Muréna , ayant été absous , n'en
' usa point avec Gaton en- bomme méchant y
vindicatif 9 ou insensé ; car ayant été fait con-
sul , il se servit suilout de ses conseils dans
les affaires les plus importantes, et persévéra
jusqu^a la fin. à Ite respecter , a l'honorer et k
lui accorder sa cosfiancb. Et c'étoît Catoo
lui-même qui s'attiroil ce respect et cette con-
fiance ; car il à'étoit terrible et redoutable
^ue. dans les assemblées du peuple et dans le
sénat , et toujours pour le maintien de la jus-
tice; partout ailleurs il étoit plein de bonté^
de douceur et d'humanité.
Avant qu'il Bit iiominé tribun > il Iservil
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l*Jl8 CATON d'uTIQIJE.
beaucoup Cicéron dan» toutes les affaires les
plus importantes qn^il eut k soutenir pendant
son consulat; 'surtout il l'aida infiniment a
couronner d'une fin glorieuse ces actions très-
grandes et très-belles qu^il avoit faîtes contre
Calilina : car ce Gatilina avoit machiné dans
le gouvernement un changement lotaU qui
nienaçoit Rome d'une entière ruine, et ex-
cite' partout des guerres et des sëdilions; mais
se voyant découvert et poursuivi par Cicé-
ron, il fut contraint de sortir delà ville et de
s'enfuir. IjCntulus, Gélhe'gcrs , et^avec euxj
plusieurs autres , tous con^pltces de la conju-
ration , reprochant k CatiJina sa timidité et
sa foiblesse dans Pexécution de ses audacieux
projets, voulurent se signaler pair une entre-
prise plus grande; ils conspirèrent de dé-i
tniire Rome de fond en comble par le feu , et
de renverser l'empire par les révoltes des na^
tions et par des guerres étrangères. Leur comj
plot aj^ant été découvert , Cicéron , comme
nous Tavons écrit dans sa vie, porta PaflFaîr^
au sénat. Silanus, qui opina le premier , dil
« qu'il éloit d'avis qu'on devbit leur faire
« souffrir la dernière peine »• Ceux qui opî^
nèrent ensuijte furent dtimerae avis, jusqii'ài
Cçsar. Mais César , homme très-éloquent , el
qui regardoît tous les mouveiftenfs et lovi^
les changements qui potirîroient arriver daiij
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CATON D'uTIQUE. I29
Rome , comme la matière de ce qu'jQ tramoit
contre elle dans son esprit, et qui , dans cette
Tiie , vouloit plutôt entretenir et augmenter
l'embrasemtnt , que de l'éteindre , se leva ;
et par lua discours plein d'insinuation et d'hu-
iDanité , il représenta qu'il y aurait de l'in-
justice b faire mourir les accusés sans aucune
forme de justice , et conclut qu'on devoit les
tenir resserrés dansune prison étroite , jusqu'k
ce qu^on en eût plus amplement informé. Ce
discours fit changer d'avis tous les sénateurs^
par la crainte qu'ils eurent du peuple. Silanus
Itii-mème réforma ou expliqua son opinion ,
eu disaut qu'il n'avoit pas opiné h la mort,
msLis k la prison ; parce que pour un Romain y
la prison est la dernière de tontes les peiues.
Ce changement de ceux qui ayoient opiné
les premiers y fit que ceux qui opinèrent en-
suite embrassèrent tous le parti de la dou-
ceur^ mais Caton, s'élevant contre cet avis,
le foudroya par uu discours plein d'une élo-
quence véhémente , qui étoit encore aiguisé
par la colère et par la passion. Il reprocha k
Silanus la lâcheté d^ son changement y et at-
taqua même César , en faisant entendre :
« Qu'avec ces manières populaires et ces dîs-
u cours pleins d'humanité , il tendoit a ren-
« verser la ville et à épouvanter le sénat ; au
« lieu qu'il devroit craijadre Uu-mêjoie , e^
•'^' DigitizedbyCjOOgle
l5o CÀTON D'UTIQÙÊ.
« s'estimer fort heureux , s'il pouvoît paraître
« innocent de tout ce qtù avoit été fait, et se
« mettre a couvert de tout sobpçon, lui qui
« vouloit ainsi ouvertement et liudàcîeuse-
^< ment enlever k la justice dés traî tirés , en-
^< nemis déclarés de Rome ; et qiii^ avouant
♦ qu'il n'avoit au^cliûe compassion dé celte
« ville , qiii lui avoit dônttéla naissance , de
« cette ville sî grandte , sî noble , qui s'étoit
4c vue sur le J^oînt d'être éat&rèment exter-
« minée , ré^rvôît Idùtè éa pî^ié et toutes ses
« larmes pour des scélérats 'qui ri'auroîent ia-
i^màis du nahfe, et part)issoit lûconsolatle
« de ce que par leur mort on attoit délivreE"
« Rome de toits les meurtres j et dfe tous les
« autres dang'ers dont ils la menaçoient » . Oa
dit que de toutes les Oraisons de Caton , ou
n'a conservé que celte-fe èenle , parce que
Cicéroii , l'année de son consulat , avoit chois^
les copistes les plus habiles ^ les plus renoms
mes pour là promptitude ^t là fégèreté de la
main , et leur avoit ensèigtié à écrire par deîi
jîotes et des abréviations qui, dans de petîri
traits , renfermoîent la vâleiit dé plusieurs
lettres , et alors il lés avoit placés dans plu-
sieurs endroits de la salle où le sénat ëtoit as
semblé : car jusqu'à lui , on n'avoit point en-
core dé ces écrivains qu'on èppelôît écrivains
par note^; et ce ûe fut qite sous «on consu*
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ÇATON DUTIQUEv l5l
lat qne l'on jeta les premiers fondemests de
Fart de cette écriture abrégée **.CatOD l'em-
porta donc, et fit changer tous les avis; de
sorte que les coupables furent condamnes k
la mort. S'il faut relever jusqu'aux moindres
traits des. mœurs, parce qne notre principal
dessein est de &îi-e le portrait de l'âme, on dit
c|Qe , pendant que le débat de César et de
Caton étoit dans sa plos grande force , et aue
tous les sénateurs avoient les yeux altachéi
sur eux, on apporta un billet )k César. Cette
circonstance pana suspecte a Caton, qui ne
manqua pas de lui en fetreun crime; de sorte
Sue plusieurs des sénateurs déjà émus, or«
onnèrent que ce biUet fût lu devant tout lé
monde. Càar le donna sur l'beure k Caton
qui étoit près de lui; et Caton n'y eut pa$
i)lutôt jeté les yeux, qu'il vit quec^étoit une
ettre amoureuse que sa.saiir Servilie écri-^
voit a César , qui Payant séduite , lui avoit
inspiré la passion la plus violeiite ; il la rejeta
a César, en kii disant : 7'iem y ivrogne ; et
il coiitinua son discours.
On peut dire en général que iespltus grande
manieurs de Caton vinrent du côté des fem*
mes ; car cet^e Servilie fut fort décriée par le
commerce qu'elle eut avec César. Et son au-»
tre sœur qui portoit le même nom , fîit encore
plus diffîmiée ; car ayant été mariée a Luçulir
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l52 CATOîO^ d'UTIQUE.
lus , qiiî étoit le premier personnage de Rome
en réputation, et en ayant un fils, elle se fit
répudier par son intempérance et par ses in>
famés débauches. Et ce qu'il y eut pour lui
de plus malheureux et de plus indigne , c^est
que sa femme Attilia ne fut pas exempte de
cette corruption ; et qu'après en avoir eu deux
enfants , il fut obligé de la chasser pour sa
mauvaise conduite. Après ce divorce , il
épousa Martia , fille de Martius Philippus ,
3ui paroit avoir été une femme vertueuse, et
oiit on a parlé très -honorablement; mais
cette partie de la vie de Caton est comme le
nœud d'une tragédie , qui paroit toujoiu^ em^
barrasse et indissoluble. Voici ce qu'en ra-
conte rbistorien Thraséas , qui cite pour son
garant Munatius , ami particulier de Caton y
et qui pàssoit sa vie avec lui. Il dit que»
parmi ceux qui aimoient et qui admiroient
Caton , il y en: avoit qui marquoient et qui
découvroient plus que les autres les sentiments
qu'iU avoiént pour lui. De ce ikombre étoit
Quintus Hortensius, personnage d'une grande
dignité et d'une.plus grande vertu , qui , dé-
sirant de n'être pas seulement l'ami et le
ioompagnon de Caton , mais de devenir en-
core son allié , et de mêler , de quelque ma-
l^ièreque ce fût , sa maisou et sa race avec la
sienne y tâcha de le porter k lui donner sa
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CATON D^UTrQUK. l33
fiUe Porcie, qui étoit alors maric'e li Bi'bulus j
et qui en avoit eu dëja deux enfants, aBu
qu'il s'en servit comme d'une terre feiiilc. H
ajouta que sa proposition proissoit d'al^ord
extraordinaire dans loplnion des hommes,
mais que, par rapport a la nature, il ëtoû
beau , honnête et utile a la rëpuUique y
aucune belle et ?ertneuse femme , à la fletii;
de son âge , ne demeurât pas inutile , en lais-
sant passer le temps d'avoir des enfants, et
qu'elle n'appauvrit pas non plus son mari ,
en lui en donnant plus ^u'il n'en voulnit et
qu'il n'en ])Ouvoit nourrir ^ qu'en communi-*
quautainsi lesfemmesaux plus honnêtes gens,
on feroit en sorte que la vertu se mulliplicroit
et deviendroit commune dans les familles ,. et
que toute la ville se mèleroit et se fondroit
pour ainsi dire en un seul et même corps par
ces alliances y que , si Bibulus étoit si attaché
k sa femme qiril ne put pas s'en passer , il
promettoit de la lui rendre dès qu'elle seroit
deveoue mère, et que par cette communauté,
îi se seioit plus étroitement uni et a Galon et
a Bibulus. Caton répondit qu'il aimoît et es-
timoit Horteusius ,etc[u'il faisoit grand cas de
son alliance^ mais qu'il trouvoit étrange qu'il
voulût épouser sa fille , déjîi mariée a un au-
tre *^. Alors Hortensius , changeant de lan-
gage 9 ne craignit point de lui découvrir sa
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3 Si CATON d'uTIQUE.
passion , et lui demanda sa femme Màrtia ,
qui étoil encore assez jeune pour avoir des
enfants , et en avoit donné snflfîsamnient a
Caton. On ne peut pas dire qu'Hortensius lui
fit cette demande, parce qu^il savoit qu'il
n'aimoit pas Martîa; car une preuve du con-
traire, c^est qu'elle étoit encore alors en-
cdnte. Caton , voyant le violent désir et la
t)assion qu'Hortensius avoit pour Martia , ne
a lui refusa point ^^ ; mais il lui dit qu'il faU
loît avoir le consentement de Philippe son
père. Philippe , quand on lui en parla, et qu'il
vit que Caton s y prctoit volontiers , y con-r
sentit aussi de soncôté^ mais il ne voulut ja-
mais fiancer sa fille , que Caton ne f^t présent
au contrat , et ne le signât avec lui. Cette
aventure est fort postérieure a ce dont je
viens de parler; mais comme j'ai fait mention
des femmes de Caton , j'ai cru que je pouvoîs
me hâter de l'insérer ici contre l'ordre des
temps , en faveur de la matière,
Après que Lentulus et ses complices eu-
rent été punis du dernier supplice , César ,
pour se mettre k couvert des accusations
qu'on avoit formées contre lui en plein sénat,
se retira vers le peuple , continuant k trou-
bler tout et a attirer h lui les gens les plus
corrompus et tous ceux qui ne demandoient
qu'a renverser la république. Alors Caton ,
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CATGK 0'ïTTIQUJi. iSS
qui crajgBoit l'effet de- ces pernicieux Ae&^
scias , persuada au sénat de gagner la popur-
lace indigente et toujours ameulee pour les
séditions , en la faisant comprendre dans la
distribution de blé qu^pd jQsiisoit au peuple ,
cette dépense ne montant par an qu'à douze
cent cinquante talents '^^. Cette largesse et
celte humanité la sauvèr^e^t alors manifeste-
ment des troubles. et des i^alheurs dont elle
étoit menacée. Mais d'un autre côté , Me*
tellus , qui étqit entré daj»$ Texercice de so|i
tribunat, fonnoit des a^eoiblées séditieuses i^
et proposa ua décret qui porto.it que Pompoe
seroit rappelé sur-le-champ en Italie^ cl
qu'il Yiendipitavec son ai^niée garder ejt, dé-
fendre Hoipe:» iqûi étoit en grand danger par
les attenlats-4^ Caliliûa. Ce discours n' étoit
qu'une couveiture ^écieuse et honnête ; Pe»-
prit et le but de ce décret étoient de naettrc
toutes les affaires 09tre }es mains de Pompée ^
et de le iiendre'l0€)ieffitlemliitre de t'empim.
Le sénul: $'éUat assemblé 9 Caton ne tomb«|
pas sur Métellus avec sa violence ordinaire ;
mais il lui fit de^ r^PKmtranees pleines d'hon-
nêteté et de niodëratjon. Jl alla même k la fin
jusqu'à lui faire des (M-ières ; etil loua extrè^
memept U maison des Métellus, comme une
de celles qui fiv oient toy jours tenu le pa^m
de l'aristDcrati^.. Metellus, plus enflé encort
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i36 CATÔN d'utique.
par cette modération de Caton , et le regar-
dant déjà avec mépris , comme un homme qui
cédoit etauicraignolt, s'emporta jusqu'à faire
les plus nères menaces , et k tenir les dis-
cours les plus hautains, déclarant « qu'il fe-
« roit malgré le sénat tout ce qu'il avoit en-
« treprîs». Alors Caton , changeant tout-a-
coup de visage et de ton , is'emporta k son
tour contre lui kvec beaucoup de véhéinende;
et après lui avoir parlé avec beaucoup d'ai-
greur, il ajouta, en haussant la voix, « que
«tant qu'il- scrott vivant, jamais Pompée
<( n'entreroit -en armes dans RoÉie »^. Ces em-
j^rtements des deiix côtés firent juger au
séiiat que ni l'un ni Tairtre ne se possédbîent ,
et qu^ils ne se servoienl point dé leur raison ;
car d^in côté, là conduiie-^e M'étdlus étoit
une fureur aveugle ,qui,paniu excès de mé-
chanceté, se portoît k tout perdire et k mettre
tout en combustion ; et de l'autre côté , la
vertu de Caton étoit un enthousiasme qui le
portoit toujours k combattre pour fhoniiêteté
et pour la justice.
Le jour que lepeupîe avoîlpiis pour don-
ner ses suffrages sur ce décret , M^téHus pa-
rut k la place, accompagné de tous ses gens
et de «grand nombre- d'éti*angers^ de gladia-
teurs et d'esclaves , qui tous armés ôe mirent
comme eu c^drç de bataille. Il étoit suivi
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CA.TON d'UTIQUE. \5j
d'une grande partie du peuple qui desîroit
Pompée , dans l'espérance de quelque chan-
geTuent; et son parti étoit fortifié par tout le
crédit de Cfsar, qui étoît àloi-s préteur. Au
lieu que CatonaToit bien desoncôlé lespiin-
cîpaux des citoyens qui entroient dans son
ressentiment; niais ils prenoieut plutôt part k
l'offense, qu'ils ne l'aidoient h la repousser ;
de sorte que le danger auquel il alloit s'ex-*
poser, tenoit toute sa maison dans rabatte-
ment et dans la crainte. La plupart de ses
amis et de ses parents se rendirent la veille
chez lui , et passèrent tout le soir, et toute la
nuit sans prendre de noMrriture et sans se
coucher 5 s^ femm* et ses soeurs fondoi?înt en
larmes , et déploroient leur malheur ; mafe
pour lui, il leur parloit a tous avec beaucoup
de fermeté et de courage, les consolant et les
fortifiant. Ilsoupa k son ordiniaire , se coucha
et dormit tranquillement jusqu'au matin qu«
Munatiuâ Tbermns, l'un dç ses collègues aii
tribunal , l'éveilla. Ih allèrent donc ensemble
a la place , accompagnés de peu de gens 5
mais a mesure qu'ils avançoient , ils en trouf
voient beaucoup qui venoient au -devant
d'eux, pour les avertir de se tenir sur leurs
gardes» • •
Quand ils furent arrivéisk l'entrée de la
place , Catoû s'étant airèté , et voyant le teuv
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l38 CATON D^aXIQUE.
pie de Castor et de PoHux environné d'houi-
mes armés , et Pescalier occupé par des gla-
diateurs , et tout au haut Métellus assis a
côté de César, il se tourna vers ses amis , et|
leur dit : a O la grande audace de ce lâche,
« qui , contreuto homme nu et sans armes , a
« assemblé tant de gens armés» ! En finissant
ces mots, il s'avança vere Therraus. Ceux
qui gardoient l'escalier s'ouvrirent pour le
laisser passer , et ne voulurent donner passage
k aucun autre ; ce ne fut qu'avec beaucoup
de peine que Caton , ayant pris Munatius par
la main , lui fit fendre la presse , et le tira
après lui. Quand il eut monté l'escalier , il j
alla s'asseoir entre Méiellus et César , pour \
les empêcher de se parler bas: ce qui les era- 1
barrassa tous deux , car ils ne savaient quel
parti prendre. Mais tous les honnêtes gens ,
voyant et admîfant ce visage ferme de Caton, j
son intrépidité et son audace , s'approchèrent, i
lui criant de n'avoir aucune crainte , et de i
demeurer dans sa place, et s'encourageant i
et s^exhortant les uns les autres k rester bien
unis , et h ne pas abandonner laiiberté et ce-
In? qui combattoît pour elle* Alors un des
greffiers ayant pris le décret , pour en faire la
lectiftre a l'assemblée , et Caton ne voulant
pas le souffnV, M^'têllus le prît et commença
k le lirej mais Caton le lui arrachât Mételhis,
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CATON d'uTÎQUE. lÔiJ
qnî le savoît par cœur , se mit k le réciter ;
Tfaermus lui mit la main sur la bouche, et
lui étoufiala'voix.Métellus, voyant donc ces
deux hommçs obstinés k s^opposer k lui , et k
le combattre sans en venir aux mains , et
s'aperce vant que le peuple se rangeoit de
leur côté , eut enfin recours k ce qui pouvoit
assurer le succès de son entreprise , et or-
donna que le§ gens armés qu^il avoit dans sa
maison , accourussent avec de grands cris y
en semant partout la terreur. Cet ordre étant
exécuté , le peuple plein d'effroi se disperse ,
et Caton demeure seul, exposé k une grèle
de pierres et de biitons qu'on lui* jeloit d'en
haut. Muréna, le même qu'il avoit accusé
d'avoir acheté le consulat, ne l'abandonna
point dans ce danger ; mais le couvrant de sa
robe , il cria a ceux qui lui jetoient des pier-
res , de s'arrêter ; et enfin , il fit tant par ses
prières et par ses reùiontrances , qu'il l'obli-
gea a quitter la place , et que le tenant tou-
jours entre ses bras , il le mena dans le temple
de Castor et de Pôllux.
Métellos , voyant le tribunal abandonné ,
ses ennemis en fuite, et la place déserte,
crut qu'il avoit tout gàgûé, commanda a ses
gens armés de se retirer , et s'avancant d'un
air modeste, il tâcJia de faire passer son dé-
qrcf. Mais ceux qui lui (étoient oppcsés, re-
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l4o CATON D'UTIQUE.
yenus promptement de leur effroi , retournè-
rent aussitôt 8nr la place, en jetant de grands
cris qui inarquoieut leur resoliition et leur
courage. î .e trouWe et la frayeur s'emparè-
rent d'abord de Me'tellus et de ses partisans ,
qui crurent qu'ils avoient recouvré des ar-
mes , et que c'étoir ce qui les faisoit revenir
contre eux avec tant de fierté et d'audace.
Ils prennent donc la fuite à leur tourj il n'y
en eut pas un seul qui demeuiât sur la place.
S'étant donc tous dispersés , Caton revient ;
et louant et encourageant le peuple , il fait
tant qu'il se range de son côté, pour opprimer
Mérellus par toutes sortes de voies. Le sénat
s'assemble en même temps, et ordonne de
nouveau de secourir Caton, et de combattre
contre une loi qui excitoit dans Rome une fu-
rieuse sédition , et une guerre civile. Mé-
tellus persistoit dans son opiniâtreté et dans
son audnce ; mais voyant ses partisans éton-
nés et effrayés de la fermeté de Caton , et
persuadés qu'il n'étoit pas possible de le vain-
cre , ni d'en venir a bout en aucune ma-
nière , tout d un coup , lorsqii'on s^, at-
tendoit le moins ,.il vint a la place, assem-
b!a le peuple, dit beaucoup de choses contre
Caton, pour attirer sur lui la haine publique,
et cria qu'il vouloio^fiûr la tyrannie de cet
homme ^ et ne point trejjîpev d^-jus U coi:?p;-
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CATON d'uTIQUE. i4i
raiion qu'il avoît faîte contre Pompée, et
dont la ville auroit bientôt sujet de se repen-
tir , après avoir rejeté un si grand personna-
ge. PJn roême temps , il partit pour aller en
Asie informer Pompée de tout ce qui s'étoit
passé. Caton é'attira la plus grande estime y
pour avoir" ainsi soulagé Rome du pesant far-
deau du tribunat, et détruit en quelque sorte
d^ns Métellus seul toute la puissance de Pom-
pée. Mais ce qui le fit encore plus estimer ,
c'est que le sénat voulant noter d'infamie Mé-
tellus *, et le déposer de sa charge , il ne vou-
lut pas le permettre , s'y opposa de toute sa
force , et pria le sénat qu'en sa faveur il lui
épargnât cet affront* Le peuple prit pour une
grande marque de sa modération et de son
humanité, de n'avoir pas voulu fouler aux
pieds son ennemi, et luiinsutter après l'avoir
îbattu par la force. Et les gens sages trouvè-
rent que c'étoit une action pleine de pru-
fence et très*utile a la république , de n'a-
vok pas irrité Pompée , en se portant k cette
extrémité contre Métellus.
Ce fut vers ce temps-lk, queLucuîlus, de
retour de la guerre, dont il paroissoît que Pora-
f'e lui avoit ravi la couronne en lui enlevant
- gloire de l'avoir terminée , se vit en danger
J'ètre privé de l'honneur du triomphe, par
l'opposition que lui fit Gaïus.Memmius, en
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l4'J CATON D'UTIQUE,
le chargeant de plusieurs chefs d'accusatloir
devant le peuple , moins par un sentiment
de haine personnelle, que pour faire sa cour
a Pompée. Mais Caton , tant k cause de
l'alliance qu'il ^voit contractée avec Lu-
culhis, en lui donnant en mariage sa sœur
Servilie, que parce qu'il trowvoit cette action |
ÎDJuste et indigne, s^.opposa k Memmius, et
soutint pour l'amour de LuciiUus une infi-
nité d'accusations et de calomnies , qui ie
firent enfin déposer de sa charge , comme
d'une violente tyrannie qu'il exerçoit contre
le peuple*^; mais, tout chassé qu'il étoit, il
eut encore assez de force pour contraindre
Memmius k se retirer des assemblées , et a
éviter la lice. Luculkis, apnt obtenu Phon-
netir du triomphe , s'attacha phis fortement
a Caton , qu'il regardoit comme le plus fort
rempart, et le boulevard le plus assuré con-
tre la puissance de Pompée. Alors Pompée ,
revenant de ses expéditions tout brillant de
gloire, et dans la ocufiance que la réception
éclatante et toute pleine de marques d'afiFec-
tion qu^on lui avoit faite par 'toute l'Italie,
étoit im gage qu'il ne seroitrefiisé de rien de
tout ce qu'il demanderoit k ses concitoyens ,
envoya devant lui quelques personnes pour
prier le sénat de diflférer l'élection des consuls
jnsqu'k son arrivée^ afin qu'étant présent il
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CATON d'utique. î43
pôt favoriser la poursuite de Pîson , et solli-
citer pour lui. La plupart des sénateurs y
cossentoieBt déjà , mais Caton s'y opposa
vivement , non qu'il comptât ce délai pour
quelque chose, mais c'est qu'il vouloir ar-
rêter cette tentative de Pompée , et ruiner
ses espérances , pour le désabuser d'entre-
prendre de ces sortes de n($uveautés; et dans
un inoment, il fit tellement changer le séoat^
que sa demande lui fut refusée, et que Pavis
contraire passa. .
Ce refns aficcta extrêmement Pompée, qui,
voyant bien que, s'il n'avoit Caton pour ami^
il trouveroit en lui un puissant obstacle b tout
ce gi^il entreprendroit, envoya chercher Mu*
natius , Pinttme ami de Caton , et le pria
de lui aller demander de sa part deux nièces
qu'il avoit, et qui étoîent en âge d'être ma-
riées, Talnée poiu- lui , et la cadette pour soft
iils aine. D'autres disent que ce n'étoient pas
SCS nièces, mais ses propres filles qu'il fit de-
mander. Munatius ayant fait la proposition
h Caton , h sa femme et a ses sœurs, toutes ces
femmes parurent très -satisfaites de cette al-
liance, a cause de la grandeur et de la dignité
du personnage qui s'ofiioit ; mais Caton , sans
différer im moment, sans autre réflexion, et
frappé tout d'un coup des vues de Pompée,
repondît; «Retournez-vous-en, Munaiius,
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ï44 CATON D'UTIQtJE.
« retournez-vous-en ^bien vite , et dites k
« Pompe'e, que Caton n'est point prenable
a par le côté des femmes *7 • qu'il fait réri-
« tablement grand cas de son amitié ; et que
« tant qu'il ne poursuivra que des choses
u justes, il trouvera en lui une amitié plus
a solide et plus ferme que toutes les alliances
«. les plus étroites ; mais que jamais Caton
4^ ne donnera k Pompée des otages contre sa
« patrie ». Les femmes furent mécontentes
de ce refus de Caton ; ses amis mêmes blâmè-
rent fort sa réponse qu'ils trouvèreni iucivi'e
et trop fière. Quelque temps après, il arriva
Sue Pompée, ménageant le consulat pour un
e ses amis (a), envoya distribuer de l'argent
dans les iribus. Cette corruption fut d'abord
divulguée ; car on sut que cet argent avoit
^té compté dans les jardins mêmes de Pompée.
Caton ne manqua pas de dire d'abord k sa
femme et h ses sœurs : « Hé bien , si nous
« avions accepté l'alliance de Pompée, nous
« aurions nécessairement notre part a l'înfa-
« mie de ces actions » ; et elles avouèrent
qu'il avoit été plus sage qu'elles, en la refu-
sant. Cependant, s'il faut juger par l'événe-
meut, il semble que Caton fit une faute grave
de rejeter cette alliance, et de souftVir que
(/?) Luciiis Afraniuç, comme oq l'a vu dans la vie
cl« Pompée. ^. L* D.
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* CATON D^UTIQUE. l4S
Pompée s'adressât k G^sar, et qu'il fit un
mariage j quî , en unissant la puissance de
Pompée à celle de César pensa renverser de
fond en comble l'empire romain, et ruina ait
moins la republique : ce cpiî ne seroit peut-»
être jamais arrivé, si Caton , craignant ces lé-
gères fautes de Pompée, ne lut en eût laissé
iaire de beaucoup plus grandes, en souffrant
qu^il cherchât a se fortifier des forces d'un
autre. Mais toutes ces choses ne dévoient arri-
ver que plusieurs années après les temps dont
nous partons.
Lucullus et Pompée étant entrés en grand
différent sur les ordonnances qu'ils avoient
faites dans le royaume de Pont, ( car chacun
d'eux prétendoit que les siennes fussent con-
servées et eussent heu au préjudice des autres)^
Caton parut ouvertement pour Lucullus, k
qui on faisoit une grande iu justice. Pompée ^
aj'^ant eu du dessous dans le sénat, eut recours
au peuple ; et pour le gagner, il proposa de
fnire aux soldats le partage des terres. Mais
Caton s'y étant encore opposé, et ayant fait
rejeter cette loi , le désespoir porta Pompée
k s'unir avec Clodius , le plus insolent et le
plus séditieux de tous ceux qui se mêloient
de haranguer le peuple. En même temps il
s'unit en quelque sorte avec César , Caton
liii-raêrne lui en ayant foumi le prétexte ; et
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i46 CATON d'utiqub.
Toici comment : César, de retour de son gou-
vernement d'Espagne , brigiioit le consulat
dans le mème^ temps qu'il demandoit Phoii-
neur du triomphe. MaLs comme il y avoît une
loi qui ordonnoit que ceux qui poursuivoient
les diarges fussent présents dans Rome , et
que ceux qui demandoient le tripmphe de-
meurassent dehors, il pria le sonal de lui ac«
corder le privilège de briguer le consulat par
des personne^ interposées. La plupart des
sénateurs y consentoient, Caton seul sV op-
posa ; et comme il vit que, malgré son oppo-
sition, tout le sénat, pour faire plaisir h César,
alloit accorder ce privilège, il p»ria tout le
reste du jpur, et consun^a ainsi tout le temps
4e rassemblée, de pianière qu'elle ne put rieu
résoudre. César donc , abandonnant le triom-
phe, entre dans la ville, et s'attache d'abord
a se concilier l'amitié de Pompée, et k briguer
]e consulat. Il fut élu consul , et aussitôt il
flouna en raariagç a Pompée sa fille Julie.
Ayant fa(t ensemble une ligue contre la ville ,
l'un proposoit des lois pour faire distribuer
des terres aux pauvres citoyens , et Pauti-e
paroissoit pour appuyer ces lois et poiur les
défendre contre ceux qui Qseroient les com-
battre. LucuUus et CicéroQ se joignirent k
Bibulus, qui étoit Tautre çqnsïd, pour s'y op-
poser. JVlais çe?*iï ^ui piontra^ le plus de rcsiî-
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CATON d'uTIQUE. lij
iincp, c<» fut CatOD k qui Talliance de Pompée
et de César étoit déjà suspecte, et qui vovoit
bien qu-e la ligue qu'ils avoient faîte ensenible
n'avoît pas un motif louable ; aussi dit-il en
plein sf^oat, <( qn'il ne craignoit point cette
K distribution de terres, mais qu'il redontoit
ki la récompense que demanderoient infailli-^
a blement ceux qui par de telles largesses al-
H ioîent flattant et amorçant le peuple ». Le
séoat fut de son avis, et plusieurs autres ci-
toyens honnêtes se joignirent h lui, témoigna ni
kuteinent leur douleur et leur indignation de
l'étrange conduite de César, Car tout ce que
les tribuns les plus insolents et les phis séai^
tieux mettoient en avant pour plaire an peu-
ple, il l'appuyoit de toute l'autorité consulaire
dont il étoit revêtu, s'insinuant ainsi honteu*
sèment et bassoment dans les bannes grâces
de la multitude. C'est pourquoi César et Pom-
pée, craignant d'échouer dans leurs desseins
par les voies ordinaires, curent recours b la
ibrce. D'abord, comme le consul Bibulus des-
cendoit k la place, on lui jeta sur la tète un
panier plein de fiunier; ensuite on se jeta sur
les licteurs qui marchoient devant lui , et on
mit leurs faisceaux en pièces ; et enfin, on en
vint aux pierres et aux traits ; de sorte qu'il
y eut beaucoup de gens blessés , et que tous
Îç5 autres prirent la fuite. Çaton se retira le
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i48 CATON d'utiquk.
dernier, mardiant lentement, tournant sou-
vent la tête, et maudissant de tels cîtayens.
Non seulement les séditieux firent passer
la loi du partage des terres, mais ils y firent
ajouter encore que le sénat jureroit de la
maintenir et de la défendre si quelqu'un vou-
loit s'y opposer , et ordonnèrent de grandes
peines contre ceux qui refuseroient de prêter
ce serment. Ils jurèrent donc tous par néces-
sité, se ressouvenant de ce qui étoit autrefois
arrivé k l'ancien Mételliis (a)," qui, ayant
refusé de jurer pour une loi semblable , fut
banni de rltalie, sans que le peuple se mit
en peine de l'empêcher. Toutes les femmes
de la maison de Caton, fondant en larmes, le
conjuroîent de céder et de prêter le serment
comme les autres; ses parents et ses amis les
plus intimes l'en pressoient aussi. Mais celui
qui le persuada le plus et qui le porta k y '
consentir , ce fut Cicéron qui lui représenta
et lui insinua, {* Qu'il n'y avoit peut-être pas
« tant de justice qu'il croyoit a vouloir s'op-
te poser seul a ce qui avoit été résolu et arrêté
« par tous les autres ; que de se jeter dans un
« péril évident, pour vouloir changer quelque
« chose dans ce qui est déjk faît^ et où Pon
« voit qu'il est impossible de réussir, c'est
« agir en insensé et en furieux; et cnfia que
(a) Métcllus ^'amidicu5. Voye^ la vie de Marius^
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CATON D*ITTIQUE. lig
« le dernier des maux, c'est qu'en abandon-
« nant et en livrant ainsi a la discrétion des
« séditieux et des mal-intentionnés, la ville
« pour laquelle il faisoit toutes ces choses, il
« donnoit lieu de penser qu'il se retiroit avec
a grand plaisir des combats qu'il avoit k sou**
« tenir pour elle. Car, ajouta-r-t-il, si Caton
« n'a pas besoin de Rome, Rome a besoin de
<( Caton ; tous ses amis en ont besoin. Et je
<i suis, continua-t-il, le premier de ses amis
« qui en ai encore plus besoin que les autres,
« poursuivi et persécuté par Clodius , qui ,
n armé du tribuuat , marche ouvertement
<( contre moi, pour me faire bannir )). On dit
que Caton , amolli par tous ces discours et
par toutes ces prières qu'il entendoit soit dan»
sa maison soit dans la place publique , fut
enfin forcé quoiqu'avec beaucoup de peine,
h aller prêter ce serment, et qu'il se présenta
le dernier, k l'exception d'un seul qui étoit
Favonius, un de ses amis particuliers*
César, enflé de oe succès, proposa une
autre loi pour faire partager aux plus, pauvres
et aux plus indigents des citoyens , presque
toutes les terres de la Campanie ( a ). Per-r
sonne ne s'y opposant que Caton seul , César
le fit saisir par ses licteurs, le traiu^ de la
(/t) Atijourd'hui laTerr^ de Labour ,. an. rojraujiie
Digitizedby Google
l5o CATON d'uTIQUB*
tribune^ et le mena en prison , sans qiie poin^
cette violence il rabattît rien de sa liDerté; awi
contraire, en marchant il contiouoit de par-
ler contre cette loi, et exhortoit le peuple k
imposer silence a ceux qui avoient Taudace
d'avancer des propositions si pernicieuses. Le
sénat le suivoit dans uo grand abattement ^
avec la plus saine partie du peuple, qui, paij
son morue silence, tëmoignoit assez qu'il ëloi<
très-fàche' de l'in^ligne traitement que l'on
Jaisoit a Caton, et qu'il ne le supportoit qu a-i
vec peine. César s aperçut bien que le peu-i
pie ctoit mécontent 5 mais il s'opiniàtra à le
conduire , dans l'espérance que Caton lui-^
môme en appelleroit an peuple, et qu'il s'a-|
baisseroit jusqu'aux prières. Mais voyant a sa
contenance fière et assurée qu^il n'en feroil
rien, enfin vaincu par la honte et par l'infan
mie de sou action , il envoya secrètement uo
des tribuns , pour^nlever Caton h seslicteursj
Ce que les séditieux gagnèrent par toutes ces
lois et par toutes ces largesses, c'est qu'ils firent
décerner a César le gouvernement des deux|
maries et de toute la Gaule, avec une ar-
mée de quatre légions pour cinq ans, quoique
Caton leur prédît et leur annonçât qu'eux-
mêmes, par leurs propres suflVages, ils éta-
Wissoient dans la forteresse le tyran qui ne
manqueroit pas de les assujétir. Us fiicur
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CATON dVttQUE. l5l
aTissî passer PubliiisClodius de la famflle pa-
u icieDûc dont il ëtoît , dans une famille plé-
Wïenne, pour pouvoir, selon la loi, le faire
élire tribun. Clodius obtint en effet celte
charge, sur la promesse qu^il leur fit d'exécuter
tout ce qu'ils vou<lroient, pourvu qu'en ré-
conipenseilslni accordassent le bannissement
de Cicéron. Ils firent encore de'signer con-
suls, pour l'année suivante, Pison, père de
la fcnime de César ^ et Aulas Gabinius, un
ies mignons^' de Pompée, comme l'assurent
eeim qui ont connu sa vie et ses ra<purs.
Mais quoiqu'ils fussent par Ih maîtres des
affaires, et qu'ils eussent obtenu la domina-
ûoa dans la ville, par l'affection des uns et
pair la crainte des autres, ils ne laissoient pas
encore de redouter Catqp^car dans les cno-
<^es mêmes onJls a voient eu le dessus contre
lui , ib voyoient bien qu'ils n'en étoient venus
b bout qu^avec de grafudes difficultés et avec
des .peines infinies, et non !sans une grande
honte de leur part. Or ils ne trou voient rien
de plus triste , de plus fâcheux et de plus
imsu^)ortable, que le reproche de ne Pa-voir
remporté que jjar la force , et encore bien
difficilement. Clodius même n'osoit espérer
de chasser Cieéron , tant que Gaton seroit
présent. Cherchant donc les moyens de l'é-
îoijuer-j la première chose qu'il fit, des qu'il
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l52 CATON D'UTIQUE.
eut pris possession de son tribnnat, ce fui
d'envoyer chercher Caton. Quand il fut venu,
Clodius commença k lui» dire: « Qu'il le
« croyoit le plus homme de bien de tous les
(( Romains, et celui dont la conduite étoit la
« plus pure ; et que telle e'tant Topiuion qu'il
« avoit de lui , il étoit prêt de la lui confirmer
« par des effets ; car quoiqu'il y eut plusieurs
« personnages considérables qui lui deman-
« doient le commandement de Cypre, et qui
« prioient instamment d'y être envoyés, il le
« jugeoît seul digne de ce gouvernement; et
« que, par l'affection qu'il lui portoit, îi étoit
« ravi de lui faire ce plaisir en lui donnant!
<v la préférence ». A ces paroles, Caton se
récria, « que c'étoît un piège et une injure,
« et non pas un plaisir ». Eh bien, lui ré-
partit Clodius avec un regard fier et mépri-
sant, « puisque tu n'y veux pas aller de gré,
a je t'y ferai aller par force ». Clodius se
rendit aussitôt h l'assemblée du peuple , fit
passer le décret qui décernoit h Caton cette
mission; et quand il partit, il ne lui donna
ni vaisseaux, ni troupes, ni officiers publics.
Il envoya seulement avec lui deux greffiers,
dont l'un étoit un voleur et un scélérat , et
l'autre un des clients de Clodius. £t comme si
la commission d'aller conquérir Cypre, et
d'en chasser le roi Ptolêmée, étoit trop légère
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CATON d'utiquk. ^55
«t tr(^ aîséc pour l>û , il y en fit ajouter imer
autre, qui etoit d'aller ramener daïî3 Byzance
lesbaquis^etles rétablir dans leurs bien^, vou-*
lant, b quelque {>ri}C que te |ul, le tenir e'ipi-»
goé de R^me^le plus long-temps au,'!! sçroil;
possible ^ et l'eâipèciiefr au moins a y reveuiç
pendant sc^n. trîbaija^, Calon, se voyant ré-
duit a cette dure neof^s^il^v^'^l^^^i''^ '^ C^^^'*
roB, que Q^dius poursuivoit à o^itrance pour
le faire banni^^ àft.ne çoit^t ejtciicr de séJi-r
tioQ, en ^''qp^IM ^' sfQn.eni^eini ^^ de ué
pas jeter sa :ville' dans^ «Ije. g^ierre ci y île j da
ne pQim lajrem|)lir.dQ'flieurti:jî&; n\ais de ^e%
der au t^mps , pour pouvqfr, etjce encore unç
fois les«*.rçi(r ae s^patriq» ^ . ^.
Cafoiif^ai[o^a def^^int lui ëa Cypreun dç
ses Hmhji^omfn'4 CanidiiiiLS,, pofir conseiller
à Pto|éu)fé0 décoder son Ue'i^aDS comba;, l'asr
siirant qij^'il ne inanqûcroîj )ainiais x^i de bien^
ni d'kooiM^u)r^9 et que :ie peuple romain liu
doâfierQÎt 1^1 grande prêtrise deV^'nus dans
la vimi>d^,PftpîîOp*?:>cepeiidai|t ,il séjonnm
k RWd^Sv ponr y foii*é ses préparatifs , et pou v
y atlead^j^la réponse de Ptolémée. Dans ce
même tempsy Ptolémée (a), roi. d'Egyte , ir-
rité de quelque différent qn'il ;>voii eu avec
ses sujets, al>aiHlonna Alexandrie pour aller
(a) Plolémëe Aulélés, suroomciié aussi JYoiJuts*
'■'^' D,g,t,zedbyL.0Îgle
/S4 CÀTON D'UTïQtTE.
\k Rome, se flattant dé Fesperance que Potnpee
et César le ramcneroient dans son ifoyaunie
avec une grosse année. Chemin faisant , il
voulut voir Caton. Etant donc abordé k Rho-
des , il cnvoj'â chez luî , ne doutant point
que, dès qu'il sauroît son tttrivée, il ne vînt
le visiter. Quand son eUvOyé arfîra, Caton
étoit par hasard dans sa garderobe; il dit à
renvoyé, « que Ptolémée irtnt leftrouTer s'il
<( avoît afFaireàluî ».Quaî*d le roi entra, Ca-
ton n'alla point au-devant de hiî; 3 ne daigna
f»as même se lever de soïi'sîége: maïs après
'avoir salué comme im simple particulier , il
lui dit de s^asseoîr. Cette l^ceptîon si sèche
déconcerta un peu le roi, qui lut'feit étonné
de trouver, avec des dehors si populaires et
si simples, des manières A fières et si baiitaî^
nes. Mais quand il eut commencé')! lui parier
de ses affaires, H entendit de lui des discours
d'une sagesse profonde , et tout fitim de fran-
chise et de libei té^ carCaton blâma ibiteequ^ii
faîsoit,etlui remontra quelle grande f(Aicîté et
quelle vie royale il abandokknoi(".^pioilr arller se
Inrer a une dure servitude , îi des travaux in-
finis, et k toute la conuption et )) toute Ta varice
des puissants de Rome, que l'Egypte même,
quand elle seroit toute convertie en or, poitr-
roit «.peine rassasier. Il lui conseiUoit donc
4e 5'^ retourucr et de se reconcilier avec ses
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CATON d'uttquk. l65
sujets; 11 lui offroit même de l'accompagner^
Four ménager cet accommodement* Alors
tolëmëe, comme un homme qui, d'un grand
accès de frénésie ou d'un long délire, auroit
été rappelé k son bon sens par la vertu de
3uelques pardes, fut frappé de la vérité et
e la grande sagesse de ces remontrances de
CatoB, et se mit en état de les suivreJMais
en ayant été détourné par ses apis, il ne fut
pas plutôt arrivé à Rome , et n'eut pas plutôt
fait pour la première fois la cour i la porte
d'un des premiers madstrats, qu'il se repentit
de sa foli^, et gémit d avoir suivi un si mau->
vais conseil, sentant bien qu^il a voit méprisé,
non l'avertissement d'un homme sage^ mais
véritablement l'oracle d'un Dieu.
Cependant Ptolémée , roi dfe Cypre , par
un coup inespéré de la bonne fortune de
Caton , se fit mourir lui-même par un breu-
vage empdsonné. Comme il avoit laissé des
ridhesses immenses , Caton , résolu d'aller
lui-même h Byzance , envoya en Cypre soa.
neveu Brutiis , parce qu'il ne se fioit pas trop
aCanidius. Après avoir remis les bannis dans
Ips bonnes grâces dès Byzantins , et rétabli la
concorde et l'union dans la ville, il suivit
son neveu , et revint en Cypre, Il y trouva
des richesses immenses , et véritablement
royales f en meubles précieuz , en vaisselle
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•î56 tîATON d'utiqûe.
'd'or et d^argent , en tables , en pîerrerîes , en
•tapisseries et en étoffes de pourpre , qu'il fal-
Joit vendre pûiir eh retirer Fargent. Comme
il vonloit toui faire avec la jjernière exacti-
tnd'e, et por'ei:^toutes choses ^ leur plus haut
^rîx , il assista lui même h la vente , pour
tenir ctNnqpte'du prodiiit jusqu'au dernier de-
' nier, ne se fiant point aux usages des encans,
er ay?iiiit pour également suspects les officiers,
Ifs crietïTs , les mjjrcliands et ses amis mêmes.
^Oest pourquoi il prt H oit en piarticulier sux
' acheteurs , et les oWigt'oit a faire des enchères
phîs hautes.' Atusî la plupart de tous ces meu-
blas îfurent vendus leur juste valeur.
*" Tous les amis de Caf on furent très-offensés
de sa défiance. Munatius surtout entra daes
' ime' côlèfre qui pensa êti;e implacable ; de
sorte que César' é(5rivant ensuite un livre
coritrè Çatôn , Muniatius lui fournit stir cela
des mémoires qui font l'endroit le plus pi—
Cfuant de sa satire. Cependant Munatius
écrit lui-même que sa colère ne venoit pas
' tant de la défiance de Caton , que du peu
• de cas que Caton faisoit de lui , et de la ja-
• lousî^ qu'il avoit Inî-mênie contre Canidius ;
car il publia un pcrit contre Caton , et c'est
celui que Thraséa ^** a principalement suivi
dans son hîstoive. 11 dit qu'il arriva le dernier
^ a Cyyre , qu'on lui donna un logement dont
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CATON d'ittTQUE. 1^7
les antres n'avoîoBt point voulu ; qiic s'rtairt
présenté pour entrer chez Caton , on lui re-
fusa la porte , parce que Caton e'toit alors
occupé a faire embf^ller quelques meublos
avec Canidius ; qu'il s'en plaignît niodesîe-
ment , et qu'il reçut une re'pouse qui n'éloit
DuUement modérée. Cal on lui dit eu pmpres
termes , « que de la f;rande amitié , comme
« dit Théophraste , vient souvent la grande
<( haine ; car tu vois toi-même , ajouta-l-îl ,
« que parce que tu ni^aimes beaucoup , tu es
« aussi très-faché de ce qtie tu crois que je
« ne fais pas de toi tout le cas que tu rac'rites.
a Mais j'emploie Canidius préférablement à
« ton» les autres, a cause de sa grande expe-
m rience et de sa fidélité , et parce qu'il est
« venu des le commencement , et qu'il a sur-
« to«t les mains pures 3" ». Caton ne dit cela
qu'^ Munatius seul sans aucun témoin ; mais
ensuite il en fit confidence a Canidius. Mu«
oatÎBs, l'ayant su , ne voulut plus aller souper
chez Claton , ni assister au conseil quand il y
étoit appelé ; et Caton Payant menacé qu'il
le traiteroit conmie oâ traitoft ceux qui dé-
sobëiasoient , et ferait prendre chez lui dès
gages^^*, il ne s^en mit point en peine , et
s'en retourna a Rome , oà il conserva encore
long- tçmps sott ressentiment. Mais après une
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l58 GATON D'UTiQUfi.
conversation que Martia , qui étoîl encore
dans la maison de Caton y eut avec lui , il
arriva qu'il fut prié avec elle, k souper chez
uu de leurs amis communs , nommé Barca.
Caton arriva comme ils étoient k table , et
demanda où il pourroit se placer. Barca Itii
répondit que ce seroit où il voudroit , et qu'il
pou voit choisir la place qu'il aimeroit le mieux.
Caton , aya*it bien regardé, dit qu'il se mct-
troit auprès de Munatitis ; et ayant fait Je
tour de la table , il alla se placer auprès de
lui , et ne lui donna aucune marque d'amitié
pendant tout le souper. Mais quelques jours
après , a la prière de Martia , (Jaton lai écri-
vit qu'il nvoit k lui parler. Munatius ne nian<
ijua^pas de se rendre chez lui dès le matin , et
Martia le retint jusqu'à ce que tous ceux qui
étoient allés faire leur cour a Caton , fussent
sortis. Après quoi, Caton entra dans la cham
bre de Martia , se jeta au cou de Munatius,
Tembrassa tendrement ^ et lui fit toutes sortes
de caresses. Nous nous somities attachés a ra-
contpivçesparùcularités un peu en détail, per-
suadés que ces petites choses , qui se passent
flans la vie privée, ne servent pas moins k
faire connoitre le natiu^ et les iitteurs des
hommes , que les actions ks. plus grandes ,
et qui se sont passées dans le* public*
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CA.TON d'utIQVE. l5g
Cat(m rapporta de Cypre près de sept mille
talents (a); et comme il craignoit les dangers
d'une longue navigation , il fit faire plusieurs
coffres , dont chacun tenoit deux talents cinq
cents drachmes (&), et attacha k chacun une
lougiie corde , au bout de laquelle il mit une
grande pièce de b'cge , afin que 9 si le vaisseau
venoit a se briser , les pièces de liège qui na-
gf^roîent surl'eau indiquassent Pendi^oit ou les
eoffi-es seroient tombe's^ «et qu'on put |e« reti-
rer. Tout cet argent arriva a bon port ^ saqs
qii'tt s'y trouvât aucu0 mécompte considéra-
ble. Caton portoit avec lui dans ce voyage
deux registres , ou il avoît écrit avec grand
soin tou^ ce qu'il avoit fait dans cette expé-
dition V ^<^ut ce qu'il avoii içq^ y et tout ce
qu'il avoit.dépen^ ; mais il ne put conserver
ni l'un ni l'autre. L'un étdit entre les mains.
de son affranchi , nommé Philargyrus , qui ,
s'étant embarqué au port de Cenchrées (c) ^
fit naufrage , et perdit le registre avec tous
les ballots. L'autre étoit entre les mains de
Caton , qui le porta )i«squ'k Corcyre ^djj oh
il Ic^ea y et fit tendre ses tentes au milieu de
la place qui étoit sûr le rivage. La nuit, les
(a) Fias dé 34 mOlioiDS de notre moimoie. A* L. Ë^
{b) Environ tT>,3ai fr. A. i.i).
(c) Port oriAntftl de Corinthe. ui, L.iJt^
(<0 Aajonrdlini Corfau. A^L^fi^
Digitizedby Google
1 6o éAtON D'iTTiQUE.
niatelôts atatit §frand froid aHtiiitïèrent beau-
coup de feiw 5 de sorte que le feu prit maï-
heiireuseiiieDt 'aii^c itti^ts qtïi ftirent toutes
brûléesy avec le rfeglstpe que Càfon avait
conserve jns<j[ué-ra. Maïs, par bonheur pour
\m j les officiers Au feu roi-Ptolémëe , qui
étoîent préscntg', qui «voient eu soin de ses
WeuWés , 'et qui avoient ^assisté V la vente ,
sNtfts6ïéiii JjOur fértaer k bouehe^ ses eime-
infeyfet'S iJOlis'fcèîtx qtû aiiroiènt vonlti le
'(^loinWrèr. l( i!^ laissa ipas d'être affligé de
cette jîëilé; G»til ti'iftVôit parfait» ces i-egis-
tre'iS'f)6uV 'dï>ntiéi*î(îeâ '^rétives *^e sa ^fidélité,
* mais pour avoir^rhonneur de'doiiner.aux
auti^es un eiëuiiple et u» toodfiedel^exactir-
tuBe Ijitë ydti*«3ft*avoJr djaiîs cbsocca^îons,
honneur qtfèlSllbrtutte lui envia.' r^ ■•
Bès qit^oii st\l' a' 'Ro^ne qu'il approcboit
• Avec seà vëfeseadx 'y ' tôtis< «les magistrats , les
prêtres, te sénrit et' la plus grattée |>»rtîe du
peuple, aCcounitem au-d©vaint de lirf k long
du Tib]^e;'*dfe sone'qite lès deux iîves du
' fleiive étoiei/t <îo^iVéM:e$ d^one foule iiîiniçnse.
' A' voir ces vaisBeaox retn^iet^ \ik civière au
milieu dé cette mitllittiide iaiiWmbrabie , on
v^ùt cru.qucc'étoi^. i^n trioii^^hç superbe et
éclatant. On trouna cependant qu]il.y eut de
sa part tii)^ sorte:: d'impolitesse et .de fierté
mal-en tendue ^ en ce ^ue> Jq& : <soa&i js et les
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ckTos d'utique. l6l'
prêteurs étant sortis au-devant de Un , il ne
descendit p»s où ils étoient , et ne fit pas
seulement arrêter son vaisseau ; mais conti-
nua de vo«^ier sur sa galère royale , qui éroît
a six rangs de rames , laissant derrière li]i la
rive ou ëioîeut ces magistrats , et ne s'arrêta
([ne lorsqci'il fnt arrivé dans le port avec toute
sa flotte. Mais quand on vit tout cet or et cet
argent qu'on pottoit au travers de la place ,
pour le déposer dans le trésor publie , le
çeiiple ne put revenir de sa sui'prise ; ^t le
sp'nat s'éiant assemblé décerna a Caton, avec
de grands éloges , une prérure extraordi-
naire 33 , et le privilège d'assister aux jeux et
aux spectacles avec la robe bordée de pour-
pre. Mais Caton refusa tous ces honneurs ,
er demanda seulement au sénat la liberté de
Nicias, intendant du feu roi Ptolémée , aux
6f)ins , exactitude et fidélité duquel il rendit
des ténioîgn âges très- avantageux. Philippe,
père de Martia , éîoit alors consul. Mais on
peut dire que toute la dignité et l'autorité
entière du consulat re'sîdoient dans Calon ;
Paulre cbnsul, qui étoit Lentulus Marcelli-
Diis , ne faisant pas moins d'honneur a Calon
a cause de sa vertu, que son beau -père
PLiKppe lui eji faisoil ^ cause de ralliance.
Cependant Cice'rnn , qui éîoît revenu de-
puis peu de l'exil auquel Clqdius Tavoit fait
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l62 CATON D'UTIQUE.
condamner , et qui avoît plus de crédit i
d'autorité que jamais, profatant de Fabsenfj
de Clodius, alla au Cfapitole arracher p
force les tables que Clodîusy avoît consacre^
lui-même , et dans lesquelles il avojt ëc«
tout ce qui s'e'toit passé pendant son tribuDsj
Le sénat s' étant assemblé sur cette affaire , I
Clodius y accusant Cîcéron de violences j
de voies de fait , Cicéron répondit que CU
dius ayant été créé tribun contre les lois
tout ce qu'il avoit fait et écrit pendaut sq
fribnnat cfevoit être nul , et qtril falloir |
casser. Mais Caton l'inteiTompit, et se leva
prit la parole , et dit : n Qu'il étoit ira
« persuadé que dans toute Fadminîstratio
« de Clodius , il a^y avoit rien de saia ni i
<( bon ; mais que , si l'on cassoit tout ce quj
« avoit faitdans son tribunat,on casseroit au^
« tout ce qu'il avoit fait lui-même a Cypre, j
^( que sa commission ne seroit pas légitime
« si elle lui avoit été donnée par le décn
« d'un tribun créé contre les lois ; que CW
<( dius, pour être d'une maison patncieune
« n'avoit pourtant pas été nommé tribu
« contre les lois , puisqu'il étoît passé dafl
<< une famille plébéifenne , en vertu de la le
\ qui le permettoit ; et que ^ s^il avoit éti
a mf'cbaiit et scélérat comme plusieurs aui
« très, il étoit jubte de le punir personnelles
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CATON dVtique. i65
« ment , et non pas de s^en prendre 'a ]a
« charge , qui avoi't assez souffert de son fii«
« justice ». Cicëron fut si irrite de ce dis-
cours, qu'il cessa long -^ temps de regarder
Caton comme sou anii ; mais ils se réconci-
lièrent ensuite.
Pompée et Crassos étant allés s^aboucber
ivec César , qui , pour cet effet , avoit repassé
les Alpes, ils résomrent qti'ils demaoderoient
tous deux un second consulat , pour Tannée
suivante, et que dès quMls seroîent en char-
ge, ils feroient ordonner que César seroft
continué dans son goiiyemement , pour cinq
autre» années , et se feroient décerner k eux
ks pins grandes <ît Jeà roeilletires prorînces,
avec de puissantes armées , et les fonds né-
cessaires pour les entretenir. Ce traité étoît
proprement une confurAtion pour ruiner ]h
république , et" pour partager Pèmpîre entre ^
sux* 11 y avoit alors beaucoup de gens de
Wen qui se préparoient k demander le consn-
at ; mais quand ils virent Pompée et Crassns
u}T les rangs , ils se retirèrent tous, excepté
r.ucios Domitius , mari de Porcîe , a qui ,
[laton , son bean-frère , persuada de ne pas
(e désister, et de ne pas atrândoniier nne lice
>à on ne combattoit pas' f ant pour le consulat
}<ie poor la liberté de Rome. On commen<-
^it même k djre, parmi ceux du pquple qui
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ï64: CATON d'utiquet.
cqnservoîent encore du sens et de la raison ,
« qu'il ne falloit pas souffrir <jue la puissance
« de Pompée et celle : de Crassus s'unissent
«par le consulat ; que cela rendroit leur
« charge trop forte et trop insupportable ; et
« qu'il falloit les séparer , et ne faire consul
a que l'un des deux ». En v^^aa^ temps , ils
se rangèreqjt autour jie Doi^itius^ l'exhortant
^ Tencourageant à opaûpuèr sa lirigue^ parce
que la plupart ^e ceivx k qui la crainte fer-
moit alors jl^ bouche, lel fa vomeroient le
jour de{r.^QCtion. PompéQ)eiJGra§s\is, craî-
guaçlq]!^ cela n'arrivât effectivement , dres-
seront uiie embuscade. k; Qpmitius , oomme ii
descendoit av,^^t;)e )ou^*^ jL$i x*.lai!^é des flam-
t>eaux ^u champ deMafs pii;,^; Revoit tenii
rassemblée dtipeupl^. ,Le,pre)iiiQr qui portoii
le flambeau devant Dloai^tuis fyt blessé mor-
tellx^meiTt ^.^ tomb^ a sea pjeds , toiis la
anli^i^s ftuîçm blessés et pi'irqût la fuite. Il
n'y eii| ^ue:Qomititis et Galon qui isestèrcnt
seuls ^ Giir Catou y q(U>iqive blessé au bras, prit
Domitius, Je. retint çt^\e pri^; de .demeurer:
n Pepdant qu'il no up^i?e&tera un. buffle de \ie
M lui dit-ii', n'abandonnons poiïit ce combat
a pour la liberté cootrei des- tyrans qui foui
44 assez çoam^ltre l'usage qu'ila feront d^une
« charge k laquelle ils veuleiît s'élever pat
« des injustices si énormes et.{liir4e si çrandj
DigitizedbyCjOOgle
CATON d'utiqub. i65
«attentats ». Mais Domitius ^ De pouvant,
soutenir plus long -temps €e danger, prit la
fiute, et se retira dans sa maison.
Alors Pompée et Crassus fure^ nomm^
consuls. Caton.ne permit pas courage et se
présenta pour la préture, afin que n^étant
plus simple particulier , il eut dan^ cette
charge^^ comme une forteresse d'où il pourroit
encore faire des^orties et combattre contre les
consuls. Crassus et Pompée y alannës de cette
démarche , parce qu'ils sentoient bien que la
prêt lire entre }es mains de Caton dcyiendroit,
par sa vertu, d'une autorité si g^nde qu'elle
Eourroit tenir tète au consulat , firent assem-^i
1er le sénat li la hâte , saps q|ue la plupart .
des sénateurs^ en fiissent avertis^, jL^ iU firent
ordonner que les préteurs qui si;proî^pt.4uSj
entrerpient d'abord jbn exercice., saji? attein-
dre les déla^ prescrits ^^j pendant lesquels on
pou voit appeler en Justice .cpiv5q«,iî,i|\:oi€.nt
acheté les sufiiiragès du peuple. Et^aprç^ 'avoir,.
3ar ee de'cret , as^iju:^ l'iu^punil^à c^^^ qui.
jeroîent coupables de cette corr¥.pt^6u , ils.
moussèrent en avant quelquesi- uns de leurs
unis et de l^'urs ofiiciers , et les obligèrent k
;e présenter pcjiir demander la préture, four-»
lissant Pargent poiu: corrompre le3 jnges , et
)rësidant eux-mêmes k l'élection. Mais mal-
ré toutes ces intrigues , oii voyoit que la
DigitizedbyCjOOglè
l66 ' CATON D^DTrQlTE^
vertu et la réputation de Catbn alloîent le
feîre triompher saïis peine de tons ses con-
currents , le Deuple ayant pour lui tant de
respect, mi'il regardoit comme uae très-
grande înaignîté de le vendre par ses suffra-
ges , lui que la ville même airroit du acheter
pour préteur. La première dés tribus qui fut
appelée lui ayant donné sa voix , Pompée
supposa faussement qu'il a voit entendu ton-
ner , et rompit l'assemblée d'une manière
honteuse , les Romains ayant coutume de
regarder le tonnerr^ç comme \\û malheureux
présage, et de «e rien ratifier quand il arrive
de ces signes célestes. Darjs la suite , Pompée
et Crassus, ayant fait dîstribijer encore de pins
grandes sommes au peuple , et chasser diij
champ de Mars tous les plus honnêtes gensJ
ils l'emportèrent enfin, et firent élire prêteur
un Vatinius , au lîeu de Caton. On dit que
ceux qui aWent donné leur voix avec tant
d'injmlice et contre la loîy touchés de honte
et de repentfr, prirent d'abord, la fuite , et se
reiir^rent chez eux. Tous ceux qui rcsioieDt
g' étant rassemblés , «et témoignant la douleur
et le ressentiment qu'ils avoient de ce q:ii
venoît de se passer, M se trouva Ik uafribiio,
qui tînt dans ce même endroit l'assemblée du
peuple. Caton s'avança «lors au milieu ; et ,
comme s'il eût été inspiré par quelque dieu;
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CATON D'uTIQUE, ^ 167
il prédit tous les maux qui dévoient arriver a
la ville , et excita contre Crassiis et Pompée
tous les citoyens, en leur faisant voir qu'ils
se sentoient tons deux coupables de tant de
crimes , et qu'ils pre'paroicnt un gouverne-
ment si injuste , qirils avoient craint d'avoir
Caton pour préteur , parce que les éclairant
de près, il auroit éventé toutes leurs iutri-
giies et renversé tous leurs desseins. Quand
il eut fini et qu'il s'en retourna daos sa mai-
son y il fut suivi lui seul d'ime plus grande
foule de peuple , que n'en avoient eu tous
ensemble ceux qui avoient été élus préteurs.
Caïus ïrébouius , tribun du peuple , pro-
posa alors un décret , pour faire aux consuls
la distribution des provinces. Ce décret por-
îoit que l'un d'eux auroit sous lui toute 1 Es-
[)ague et l'Afrique , et l'autre la Syrie et
'Egypte , avec un plein-pouvoir de faire la
guerre k qui bon leur sembleroit et par mer
et parterre. Tons les autres citoyens, déses-
pérant de pouvoir rempècher et le faire cas-
ser , renoncèrent k ie combattre. Caton seul,
avant que l'on commençât k donner les suf-
frages , monta a la tribune , et demanda a
parler. Le peuple ne lui accorda qu'a peine
deux heures ; et quand il eut employé tout
ce temps a haranguer les citoyens , k leur
faire des remonuaiices , et kpt'edire tout qq
DigitizedbyCjOOgle
xQ8 . CATON d'utkjue.
qui leiirarriveroit, on ne voulut pas lui
pennettre de continiierj et comme il s^opi-
niâtroit a parler encore , un des licteurs vint
l'arracher par force de la tribune. Quand il
ftit en bas, il ne laissa pas de crier encore
plus, fort ; et il y a voit beaucoup de gens qui
lui pi êtoîent Foreille et qui çDtroîent dans ses
seniinients. Le licteur 1 alla prendre pour la
seconde fois, et l'emmena hors de la place*
Maïs il ne l'eut pas plutôt relâché , qu'il re-
prit aussitôt le chemin de la tribune , criant
avec plus de force, et exhortant ses conci-
toyens k le secourir , et à venir de'fendre la
liberté publique. Ayant répété ces mots plu-
sieurs fois , Trébonius , fort embarrassé et fort
alarmé, commanda au licteur de le saisir et
dé le traîner en prison. Maïs le peuple le sui-
vit, très-attentif d tout ce qu'il disoît; car,
en marchant , il continuoit toujours de leur
parler ; et Trébonius , craignant les suites ,|
commanda au IJcteur de le relâcher, Caton
fut cause que l'on consuma tout ce jour-lk
inutilement et sans rien conclure. Le lende-
main , ceux du parti contraire ayant intimidé
une partie du peuple par leurs menaces ; ga*
gné l'autre par de belles paroles et par des
largesses ; empêché, par la force des armes,
l'un des tribuns , nommé Aquilius , de sortir
du sénat pour venir k l'assemblée j chassé de
DigitizedbyCjOOgle
CATôN d'utiqtte. i6g
la place Caton qui crîoit de toute sa force
qu'il avoit entendu le tounerre , et blesse' un
grand nombre de citoyens , dont plusieurs
restèrent morts sur la place, ils firent passer
par la violence le décret ; de sorte que plu-
sieurs s'étant attroupés pleins de fureur al-
loient renverser les statues de Pompée ; maïs
Caton qui survint les en empêcha.
Quand on proposa ensuite le décret pour
le» provinces et pour les troupes que Pon
donneroit k César , Caton ne s'adressa plus
au peuple , mais se tournant vers Pompée ,
il l'avertit et lui protesta devant tout le mon-
de , qu'il se metfoit lui-même sous le joug de
César; qu'il ne s'en apercevoit pas alors,
mais que, quand' il commènceroît k le trou-^
ver trop pesant et'k en ètrfe accablé , et qu'il ^
ne pourroit ni le rejeter, ni trouver en lui
les forces nécessaires pour le porter, il tom-
beroit avec lui surla ville ; et qu'alors il se
souviendroit des avertissements deÇaton , et
reconsiihron qu'ils "étoient aussi utiles pour
Pompée en particulier , qu'honnêtes et justes,
en eux-mêmes. Caton fit t)lusiears fois les
mêmes remontrances k Pompée, qui n'eti
tint auctm co^ipte ;> car il ne pouvoit croire
que César dût jamais changer , et il se con-
fioit \m peu trop en sa piroôpérité et en sa
grande puissance,
. ' - DigitizedbyCjOOgle
Ï70 CATON d'uTIQUB.
Caton , ëiu prêteur pour FaDoee suivante,
{mrut n'avoir pas tant relevé et rehaussé
'honneur et rëclat de cette charge eu s^ac*^
quittant parfaitement de ses devoii's , que
Tavoir ternie et ravalée en allant nu -^ pieds
et sans robe k son tribunal , et assîstaut sou-
vent en cet état au jugement de procès cri-^
minels, contre des gens très -considérables
Il y eu a même qui disent qii'ii donnoit sou-
vent ses audiences après dîner et chargé de
vin : mais cela n'est pas véritable. Comme le
peuple étoit entièrement corrompu par lea
distributions et par les largesses de oeux qui
aspi voient aux cnarges, et que la plupart re-
gardoient cette corruption comme un métier
Kur gagner leur vie , et qu'ils comptoient
-dessus comme sur un revenu certain, Ca-
' ton, pour déraciner de la ville cette maladie,
persuada au séuat d'ordonner par un décret^
qixe ceux qui seroient nommés aux charges ,
s'ils n'avoient personne qui les accusât , ser
roient obligés de se présenter eux-mêmes eu
jugement; et, après avoir juré devant les
juges de dire U vérité, reqdroient compte des
moyens qu'ils avotent pris pour y parvenir.
Ceux qui briguoi^t lesu obaiîges furent fbrti
irrités de cette ordoonaiice , et le peuple en ,
fut encore jAxis mécontent ^ ^ Qfiuse du profil i
cju'eile lui ôtoit, I
" _XoogIe
CATON BOUTIQUE, l^i
Un matiû Caton s'étant rendu k son trl-*
buDal, tous ces séditieux y accoururent en
foule , et se mirent k crier contre lui , a lui
dire mille injures, et k lui jeter des pierres ;
de soite que tout le monde sortit de Tau-
dience et s'enfuit , et aue lui-même y poussé
et emporté par la foule , eut beaucoup de
peine a gagner la tribune. LU il apaisa d'abord
te tum^die , et calma le bruit par la fermeté
et par Taudace qui parurent sur son. visage» ,
l:insiiite par les remontrances qu'il fit , telles
que les circonstances Texigeoieut ^ et qid fu-^
lent écoutées avec le plus gran.d silence , il
«'cheva de dissiper la sédition. . Le sénat le
loua beaucoup de sa fc^rmcté : <( Mais moi ^
« leur dit-41, je ne vous loue point, vous qui
u avez abandonné votre prêteur dans le dan*
K ger, et qui n'êtes point venus le secourir et
«le défendre )>. Cnacun des candidats se
ttouva dans un embarras extrême; car dam
côté il n'oscil donner de l'argent au peuple ^
a cause du décret du sénat j et de l^autre il
.craignent que son concurrent; n^en donnât
et ne fut préféré. Epiin y s'étant assemblés ^
iis convinrent qu'ils d^seroient diacun la
£omme de cent vingt-fcinq mille drachmes ^^ }
qu'ensuite ils fbroient cnacuQ leurs biiguei^
^vec toute la droiture pessible, et que celui
gui çQntirçyiendroit |i la loi ea donnant dft
DWizedbyCjOOgle
172 CAtON d'uTIQUE.
Targent pour gagner les voix , perdroit 1^
somme qu'il auroit déposée ^^. Cela érantri
convenu, ils choisirent un dépositaire quil
seroit en même temps témoin et arbitre , et
ce fut Caton. Ils porièrent tous chez lui leur
argent , et mirent entre ses mains leur traité ;
mais il ne voulut pas se charger de l'argent ,
et se contenta d'avoir des cautions. Le jour
de l'élection , Caton se tint toujours auprès
du tribun qui y présidoit; et en observant avec
beaucoup de soin tout ce qui se passoit, et la
manière dont on dpnnoit les suffrages , il s'aper-'
eut qu'un de ceux qui avoient déposé l'argent
prévariquoit. En même temps il lui ordonna
devant tout lé monde de payer aux autres la
somme dont on étoit convenu. Mai» les au-*
très concurrents, louant et admirant la jus-
tice et la droiture de Caton , refusèrent Va-
mende , disant « que le prévaricateur étoit
a assez puni y et eux assez vengés , puisqu'il
<( avoit la honte d'être condamné par Ca-
« ton ».
Cette action déplut k tous les autres ma-
gistrats y et suscita l'envie contre Caton ,
comme s'il eût voulu fe^arroger k lui seul
toute l'autorité du sénat et de tous les autres
juçes. Car de toiites les vertus, il n'y en a
point dont la réputation et la fidélité attirent
plu:> d'envie k ceux qui les possèdent, que la
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CATON B'UTIQÛfi. ^ I7S
JHStîce; parce que le peuple, se confiant en
elle, 1qi donne par conséquent une grande
puissance et une grande autorité. Car îl n'ho-
nore pas seulement les justes comme îl ho-»
nore eeux qiri sont vaillants, ni ne les admire
pas comme il admire ceux qui se distinguent
par teur prudence et par leur sagesse ; mais il
fait plus encore, îl les aime , îl s'assure en eux ,
et il leur donne tonte sa confiance. Au lieu
qu'à Pégard des autres, îl craint ceiix-lb , et
se défie de ceux-ci. De plus , il croit que leur
valeur ou leur, pnidence viennent plutôt de
la force de la nature que de leur volonté, es-
timant que la prudence est Peffet d'une con^
oeption vive et prompte, et la valeur celui
d'une force et d^ine fermeté naturelle de
J^âme qui ne s'étonne de rien. Il n'en est pas
de même de la justîée; pour être juste , il faut
le vouloir. C'est pourquoi on. a surtout honte
de l'injustice , comme d'un vice volontaire
Îue rien ne peut excuser. Et voila la raison
e la haine que les plus grands de Rome con-
çurent contre Caton : ils regardoient la grande
idée qu'on àvoit de sa justice comme un re-
proche fSit h eux-mêmes. Pompée surtout^
prévenu que la réputation de Caton étoît la
ruine certaine de sa puissance, lui suscîtoit
continuellement des genôpourle harceler et
pour lui dire dçs injures. De ce nombre étdît
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tyi CATON d'uTIQCK.
Clodais quls'ëtoit raccommodé avec Pompée ^
et qui, déclamant coatiouellement coutre Ca-
ton j l'accusoit d^avoir détourné beaucoup
d'argent en Cypre , et de ne faire la guerre a
Pompée que parce que celui -ci a voit refusé
dVpouser sa fille.
Caton répondoît : « Qu'il avoît rapporté
« de Cypre plus d'or et plus d'argent k la
«(république, sans avoir tiré d'elle ni uu
« cheval ni un soldat, que Pompée n'en avoit
« rapporté de toits ses triomphes et de toutes
« ses guerres où il avoît boulev^sé la terre
i( entière. Que jamais il n'a voit pensé k faire
a son gendre de Pompée , non qu'il le jugeât
« indigne de son alliance, mais parce qu'il
<( le voyoit suivre dans le gouvernement des
« vues et des maximes fort contraires aux
« siennes. Car pour moi, ajouta-t-il, lorsqu'au
« sortir de ma préture , on m'a décerné une
« province, je t'ai refusée; au lieu que Pom-J
a pée prend les unes de force, et donne les!
<( autres k ses amis. Et encore tout récem-
« meut, il a prêté k César ime armée de six
« mille hommes pour la guerre des Gaules,
K s»ns que César vous l'ait demandée, ni que
« Pompée l'ait donnée de votre conâentemeutt
#( Mais désormais nos armées, nos armes,. nos
<( hommes, nos chevaux, en un mot les for-
«( pes d^ Tempiie , deviennf!|it des plaisirs que
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C\TON dVtIQITE. 175
tK (les particuliers se font les uns aux autres ^
« et qn^ils fe rendent réciproquement , et
« Pompée en est si libéral , que retenant seu*
« lemént le titre d'empereur et dégénérai , fl
« donne volontiers ses armées et ses provinces ,
« aux autres^ et reste ici dans la TÎfle pour j
i( exciter des séditions dans les comices , com-
« me sMI proposoit des jeux , et pour y suscî-
u ter de nouveaux troubles. D^oii il rat aisé
« de vofir que, par le moyen de cette anar-
« chfe qu'il introduit, il se prépare et se mé-
« nage ]à monarchie». C'est ainsi qu'il re-
poussa \e^ instiltes de Pompée.
Citton avoit un ami particulier, nommé
Marcus Faronius j qui éioit son grand parti-
san et son grand admirateur, tel qu'on dit
qu'étoît Appollodore de Phalère pour So-
crate ^K Cet homme ne' fut pas médiocre-
ment frappé dfe son discours 5 fl éri fut si ému^
qu'il en sortit hors de lui-même, comme s'il
eût été véritablement ivre ou fiijîeux. Il bri-
gua quelques années après l'oflBce d'édîlej
mais ït fut refusé. Caton, qui éloît pr&ent,
et qui le faVorisoit, s'apeicnt que les ta-
blettes des 'suffrages étoient toutes écrites de
la même maîn ; et ayant fait voir clairement
<jettc fraude, il en appela aiix tribuns, et par
cet rppel, il rendît Fautre élection nulle. De-
puis, Favonius ayant été nommé édile, Caton
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J76 CATON D'UTIQUE.
lui aida k se bien acquitter des fonctions de
sa charge 9 et régla toute ia dépense des jeux
qu'il de voit donner au peuple , selon ia cou—
tume des édiles. Car au lieu des couronnes
d'or que les autres donnoient 4Ux agteurs,
musiciens, joueurs d'instrun^ents et autres
qui servoieujt aux jeux, il leiur donna des
couronnes debranaies d'olivier, comme ou
faisoil aux (eux olympiques; el pour JT^m^pla'
cec les riches. jdons que iesau^rcs distrihuoient
au peuple, il.$t distribuer aux Grecs quan-
tité de poireaux,, dé laltutBs^ de jpayes.-.et de
céleri , et aux Romaiiis de§ pot^^^^ vin, de
la chair deporc, desfigu^, ^^s .cpo^ombres
et des brassées, de bois. Les uns sç.moquçieiit
de ces présents si vils et s| méprisables, et
lesiiu^r^'s eo^ etojevt ohatmâi.a f(;af iïs vçyoient
avec giand^jlaisîr; cm/ç l'austéric^/^ V. sévé-
rité de Catpç'jse rjeîàchojenl: et.qu'iLçe .prê-
toit volontiers, k ces jeux» En^^^Fâvpnius
lui-môme se jetant ^u. milieu du peppl^^, alla
s'asseo^ panpi .les spectateurs,. pù^l b,^ttit le
premier desinains en applaudissant a Caton,
et en lui criant qu^il donnât aux acteurs qui
s^acquittoient bien de . leur rôle, , qu'il tc$' ré-
compensât honorablement, et demandant en
même temps pour les spectateurs, comme
ayant donné k. Caton un pouvoir sans réserve
€t l'ayant fait maître de .tout. Pendast que
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CATON D'UTIQÛE. I77
cela se passoh, Cnrion, Tautre édile, donna
dans un autre théâtre des jeux magnifiques;
mais le peuple le quitta pour venir k ceux de
Favonîus où il se divertissoit beaucoup a
voir. Favonîus, qui donnoit la fête, jouer le
rôle d'ua simple spectateur ^ et Caton celui
de présideut des jeux* Caton agissojt ainsi
pour se n()oquer de la folle dépense qu'on fai^
soit dans ces occasions , et pour montrer que^
quand on d<mne des jeux , il faut les dopner
eu jouâjit, et les accompagner plutôt d!un^
grâce |sîmple et sans osten^tioa^ que delou^
ces préparatifs et id^ito^t^ ceft mii^g^ifiçences
qui coqtejQt»bea<icoup9> et qui demandât que,
pour de^ choses de néant, on se consume ea
soins y en peines et en fatigues.
Quelque temps apr,ès,, Scîpîoq, Hypséus
et Milon brigujerept Je.co»6tdat,^i^>n seiile-»-
ment par ces çorruptipns ordinaires et invété-
rées dans l'état, je veuy dire par .les présents
et par les distributions de deniçr^ , poui: rga^
gnei^ les suffrages,, n^ais k force quverte, par
la voicj d^'arn^es et des meuriçes, par lou?
CCS moyens, d'une audace et d^une ytéiuériié
effrénées qui tendpient k exciter une guerre
civile. Quelques-uns Cirent alofô, d'avis «qu^il
« falloil préposer Pompée, sur .les comices,
«afin quil présidât aux élections,, et que
<( tout s'y passât avçc. plus.de sûreté et d'or- •
X. Digilizedby^Ogle
178 CATON dVtIQUÊ.
« dre ». Caton s'y opposa d'abord, et dit^
« oiie les lois ne dévoient pas tirer leur sûreté
« de Pompée , mais que Pompée devoit tirer
« la sîenoe des lois». Mais voyant que celte
anarchie dnroît trop long-temps, qu'il y avoit
tous les jours sur la place trois aimées, et
qu'il s'en falloit bien peu que le mal ne fut
devenu incurable, enfin, il fut d'avis qu'a-
vant que d'attendre la dernière nécessité, on
devoit, avec Tagrément du sénat , remettre
toutes les affaires entre les mains de Pompée,
choisissant un mal médiocre pour en préve*
nir et pour en guérir de très-grands; et ai-
mant «mieux établir volontairement une es-
pèce de monarchie, que de laisser sans re-
mède une sédition qui produiioît immanqua-
blement ia plus ïtedoutable des t3rrannies.
Diaprés cela, Bibullis, quiHétoit allié de C»-
ton , opinant dans le àto«t , ait , « qit'il fitUoit
<( élire Pompée seul consul; car, dit-il, ott
« les affaires en iront mieux par le bon ordj€
« qu'il y mettra, ou la ville sera soumise a
« celui qui est le plus digne d*en être le mal-
« tre ». Caton s'étant levé approuva cet avis
contre l'attente de tout le monde, et ajouta,
<( qu'il n'y avoit point de domination qui ne
« valût mieux que l'anarchie; qu'il cspéroit
« que Pompée useroit bien de son autoriié;
« qu'il remédieroit h tous les désordres, e(
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CATON d'UTIQUE. I79
ft qu'il se piqueroit de conserver une ville
« qu'oB avoit commise à sa foi ».
Fompëe fut donc nomme seul consuL D'a-
bord il envoya prier Caton de le venir- voir
^aos les jardins qu'il avoit dans un des fau-
bourgs de Rome. Caton ne manqua pas d'y
aller, et Pompée Tayapt reçu avec de grandes
caresses et les plus tendres démonstrations
diamitié, lui témoigna d'abord combien il
^toit sensible k l'obligation qu'il lui avoit , e|
ioit en le priant « de vouloir l'aider de ses
«conseils- dans l'administration de sa charge^
« et de faire comme s'il étoit le premier con-^
«sul», Caton lui répondit, a que jusque-lk
M. il n'avoit poi^t agi par aucun sentiment de
«haine contre lui; et que ce .qu'il faisoit
« alors, il ne le faisoit pas non plus par aucune
a bienveillance qu'il lui portât , mais qu'en
« tout il avoit eu en vue l'utilité de la repu-
«blique. Que, lorsqu'il lui demanderoit ses
«conseils pour ses affaires particulières, il
«les lui dooneroit volontiers; mais que,
«pour ce qui regardoit le public, quand
« même il ne les demanderoit pas, il ne lais-
« seroit pas de dire ce qui lui paroîtrpit juste
« et raisonnable » . £t il le fit comme il l'a voit
promis; car comme Pompée proposoit de
faire une loi pour établir de grandes peines
et des amendes nouvelles contre ceux qui^
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l8o CATON d'uTTQUK.
par leurs largesses, a voient acbeté les voik
pour parvenir aux charges, il lui conseilla
d'oublier le passé, et de ne penser qu'à Pave-
nîr, parce qu'il seroit difficile de fixer un
terme pour la recherche des prévarications
passées, et que d'établir des peines nouvelles
pour d^anciennes fautes, ce seroit faire une
trop grande injustice aux coupables, que de
les punir en vertu d'une loi qu'ils n'auroîcat
pas transgressée. Depuis ce moment , pliH
sieurs des principaux de Rome , des amis
mêmes et des parents de Pompée, étant appe-j
lés en justice pour de pareilles prévarications,!
Caton qui vît qu^il mollissoit et qu'il se relâ-
choit en plusieurs choses, pour leur faire plai-
sir, lui fit des réprimandes très sévères, et le
remît' dans l'ordre. Pompée avoit aboli par
un édit la coutume établie depuis long-tepips ,
de louer en pleine audience les criminels aux-
quels on faîsoit le procès. Cependant il viola
lui-même sa loi, il fit l'éloge de Munatiiis
Plancus ^*^, et l'envoya au tribunal le jour du
jugement; quand on voulut le lire ^9, Cafon,
qui étoit un des juges, se boucha les oreilles,
et défendit qu'on entendît ce témoignage.
Munatius, après la plaidoirie, récusa Caton,
mais il ne laissa pas d'être condamné. En im
mot , Caton tenoit tous les accusés dans im
£rand embarras et leiu^causoit beaucoup d'in-
DigitizedbyCjOOg^e
quiétude, car ils ne voirioient pâfiParroîrpottt
juge, et ils n'osoient le i*ëcl)ser. H y eivett^
plusieurs qui furent ernidamaés , pfliH^e qn^en
récusant Catoa^ ils a voient paru se défier de
leur innocence j et il y en avoit d'autres k qifi
on reprochoit, comme un grand opprobrcT^
de n^avoir pas voulu Caton pour juge.
Pehdamt que ces choses se passoieni k
Rome, Cisar, k la tète de ses aîmées, fat-
soit la guerre dans les Gaules^ mais auoiquHl
parût entièrement occupé de ce côte'-la, il ne
lâissoît pas de se servir utilement de ses rl^
chesses et de ses amis, pour acquérir du cré*-
dit dans la ville , et pour «Y ipénager une
grande puissance. Déik les^vertissiements^què
CatoQ avok donnés de longue main a Pom-*-
pée^.commencoient a le tirer de l'assoupisse-^
raént où il étoiti, et a lui faire voir, comtme
en songe, le gvand péril quil couroit, et
3n^iln'avoit jamais voulu croire. Mais comme
étoit encore plongé dans la paresse et dans
le doute, dîflféraiit toiqourset n'osant mettre
la main k l'œuvre pour empêcher César
d exécuter ses desseins^ Catofi se mk sur lot.
rangs p<>ur briguer lèjçoDsutlat^ se faisant fort
ou d^^rrachet les armcfe dés mains de César^
ou de découvrir, le» embiîwAes. ou'îl dressoït k
lairépul>liqu^..Il fivoà po^iinxsdi^pëistdars de^
gesô trèweçîQmmandablcs;^>4ont Tua éioU
D,g,t,zedbyCj^g^le
ï8a eATQN D*UTIQtrB.
Sulpieîos^**, k mii la grande i^épufation et le
graa4 crédit de Caton aroieot été d*un grantij
^eoours pour l'avancement de sa fortune | de
sorte qu'il parut à tout le monde qu'il f^îsoit
une action très^nalhonnète, et se niontrojt
très-ingrat de disputer le consulat ^ Caton,
après des obligations si marquées. £aton ne
6*en plaignoit pourtant point : u Car , disoti-
« il, faut il s'étonner qu'un hoipnie ne cède
« pas a tu autpe cç^ii'il regarde çonime un
a très-grand bien n ? Mais il persuada au sé-
nat d^ordonner que ceux qui Lrigueroieiit les
charges , feroient eux-rmemes les sollichations
auprès du peuple^ et ne les feroient point
faire par d'autres, et ne prieroient p^sonne
de paroitre pouf eux. Çle décret irrita encore
davantage U peuple de ce que Caton , non
content de lui avoir pté legi|in qu'il faisoiten
vendaxit s^es suffrages 9 le privoit encore du
seul avantage qui lui restoit de faire plaisir a
JbeaucQup de geps, et le réduisoit ainsi k la
pauvreté et au mépris. Il arriya fiussi de la
que, comme i| étoit peu propre k gagner les
suffrages par ses ^iticiutions, et qu'il aima
mieux conserver la dignité de scai caractère,
![fie d'acquérir edle dtt consulat, il sollicita
ui-mème eu personne, e^ ne voulut jamais
Mrmettre qn^ ses amis osselet aifcime des dé*
fmçhç^ ^ iajjcnt le peu^e t\ gagiienl
DigitizedbyCjOOgle
CATON d'UTIQUE. lÔS
les copurSy et il fut refusé. Cetic disgrâce avoît
coutume de jeter iioo spiiléinent ceux qui
avoient été refu^, mais encore leurs parents
et leims amis, daû$ un abattement et dans un
deuil qui daroient plusieurs jours, et qui
étoient accompagnés d^une sorte de boute ;
mais Gaton la reçut avec si peu de chagrin ,
et en fit si peu de compte, que le jour mèrae
il se fit frotter d'huik, alla jouera la paume
dans le cbamp de IVIars ; et après son dîner se
Tendit , selon ^ cotitume ^ k la place publique
•'^ns souliei!^ et sans tunimie , et ae promena
avec ses amis. Clcéron le blâma extrêmement,
tf de ce que les affaires demandant un consul
« comme lui , il n'avoit pas employé tous ses
a soins ^ et ne s'ëtoit pa^ étudié a gagner , par
« des caresses et par des manières insinuantes,
«la faveur du peuple ^ mais s^étoit d'abord
« rebuté et y avoit renoncé peur le reste de
usa vie, quoiqu'il eût demandé encore la
«prétiireapi^s avoir étéreiVisë une première
« fois. Gatoo répondit a cela j que , quant k
« la {Nréture, le p^ple ne la lui avoit pasre-.
«fusée dejon pur mouyement) mais parce
« qu'on l'avoit corrompu par argent, et qu'on
(( lui avoit iSlit yiolence) au Heu que dans la
M brigue 4u consulat il avoît été refusé sans
K qu'il en prit' accuser la comiptibn; ce qui
%m WfÇP' ^ît connoitre qu'il n'étoit pas
■ ' " .* D,g,t,zedbyL.60glê^
184 CATON d'utique.
« agréable au peuple a cause de ses mœurs,
« et que de les changer au gré des autres y ou
(( en les conservant , de s'exposer encore k de
« pareils refus, cela n'éloit pas d'un homme
« sensé » .
Cependant César ayant attaqué des nations
très-belliqueuses, et les ayant subjuguées en
hasardant beaucoup, et en s'exposant k de
grands périls, marcha ensuite contre les Ger-
mains malgré un traité de paix que les Ro-
mains avoient fait avec eux, et leur tua trois
cents mille hommes. Sur le premier bruit qui
s'en répandit k Rome , ses amis demandoient
que le peuple fît des sacrifices pour remercier
les Dieux de cette heureuse noûvielle. Mais
Caton étoit d'avis qu'on livrât César entre
les mains de ceux k qui il avoit fait une si
grande injustice , et qu on ne fit pas retomber
sur la ville la punition due k l'infraction du
traité. «Je sms pourtant d'avis, ajouta-t-il,
« que nous fassions des sacrifices aux Dieux;
« mais c'est pour les remercier de ce qu'ils ne
« pum'ssent pas l'armée de la. folie et de h
«témérité du général, et iqu'ils épargnent
.« notre ville. César , informe de tout , écrivit
ail sénat ime lettre pleine d'injures et à^accvr
sations contre Caton.. Quand. on L^éut lue ea
plpine. assemblée ^ Catbn seieva, nomeahoBir
me possédé par la colère et parl'eiivie.de dSsf
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CATOK PÎUTIQUE. ï85
pnter, mais en homme qui etort de sens froid
et de sens rassis , et comme s'il avoit préparé
ce qu'il alloit dire ^ il fit voir que toutes ces
accusations ëtoient semblables k ses injures «
et qiie c'étoient de pures plaisauteries que Cë-r '
sar avoit inventées pour s'amuser. Mais ejK
revanche , il s'attacha si bien ii développe?
tous ses desseins dès leur jccmm^ncen^ent, et
k exposer le but qu'il s'étoît proposé , qu'il le
fit voir très-clairement, non en ennemi, mais
comme s'il eut été le complice de la conjura-
tion ; et montra que ce n'étoient ni les peu-«
pies de la Bretagne ** , ni ceux des Gaules,
qu'ils dévoient craindre y mais César seiil^
s'ils avoient du sens. Ces réflexions frappè-
rent si vivement les sénateurs et les irritèrent
an point, que les amis de César se repentirent
d'avoir fait lire ces lettre^, et d'avoir donn^
par^lk occasion k Caton de dire une infinité
de choses très- justes, et de charger César d^?
beaucoup d'accusations véritables et qu'on
ne pouvoit nier. Il n'y eut donc rien de ré -
solu ce jour-lk; on dit seulement qu'il étolt
nécessaire d'envoyer un successeur k César j
mais ses aniis demandoient que Pompée dé-*
sarmât aussi de son côlé, et qu'il rendit le»
provinces qu'il bccupoit j ou que , s'il n'e»
iaisoît rien, Ci'sar ne fût pas non plus tenu
de le faire. Alors Catoa se récriai, u que Ciér
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bl86 CATOW D'UTÎQtTB.
<' toit Ik ce qu'il leur ayoit toajoars prélfï 9
« que César venoit opprimer la république et
H se servir ouvertemeot contre elle des troupes
« qu'il eu avoit obtenues, en la trompant et
u en l'abusant par ses artifices. Mais il eut
lieaa crier , il ne gagna rien ; car le peuple
ç'opiniâtra k Touloir que César (ut le plus
grand. Le sénat étoit véritablement de l'avis
de Caton y mais il craignoit le peuple.
Les rlioses restèrent en cet état jusqu'k ce
que les nouvelles vinrent que la ville d'Ari-
mium étoit prise, et que César s'avancoit k
grandes journées vers Rome avec son armée.
Alors tous les Romains tournèrent les yeux
sur Caton , et le peuple et Pompée lui-mèine
avouèrent qu'il étoit le seul qui eut presseolî
dès le commencement , et qui e&t prédit le
but de César : « Si vous aviez cru, leur dit
« alors Caton , ce que je vous ai si souvent
« prédit, et que vous eussiez suivi mes con-
« seils , vous ne seriez pas maintenant réduits
« k craindre un homme seul, ni k mettre non
« plus en un seul toutes vos espérances. Pom-
«pée répondit, qu'il étoit vrai que Caton
«avoit prophétisé plus véritablement, mais
«que lui en avoit agi plus amiablement».
Caton conseilla au sénat de remettre toutes
les affaires entre les mains de Pompée, disant
que ceux qui savoient &ire les plus grands
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maux^ sarcieat ausri 7 apporter les re«»
laèdes.
Mais Pompée , n'ayant point d'armée prête
pour potiToir attendre C»ar^ et voyant que
le peu de soldats au'il avoit levés étoient
d'assez mauvaise volonté ^ quitta Rome. Can-
ton, r^lu de le suivre \et de s'enfuir avec
hif envoya d'abord le plus jeune de ses en-
faots k Munatius dans le pays des Bruttiens^
ttprît l'ainé.avec lui. G<»nine sa maison et
m filles avoient besoin de quelque personne
k confiance qui les gouvernât et qui en prit
soin , il reprit Martia qui étoit demeurée veuve
avec de grandes richesses; car Hortendius, k
vjfA il Pavoit cédée , l'a Voit ifistîtuée son heri-
tià*e par. son testainent. £t c'est sur cela que
portent |ifineipalemeBt les reproches que Cé^
sar fait k'Caton dans le livre qu'il composa
coDti« lui, lorsqu'il l'aocitse d'aimer les ri-*
chesses, et de trafiquer de ses i^ariages par un
sordide intérêt : « Car, dit-il, s'il a voit her
u soin de femme, .pourqiioi la cédoit^il ? et
<( s'il n'en avoit pas besoin , pourquoi la re*'
« prenoit-^il? A moins qu'il n ait donné cette
«femme k Hortensius comme une amorce e^
«un appât, et qu'il ne V lût prêtée feune
« que pour la retirer riçbe ». Mais sur ces
reproches il faut imiter la modération d'Eu*-
ripide, et dise Q91{»ne jifui i « Ce sont de vain^
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i8S cïTON t)*UTi(itmi
« reproches; car quels reproches plus vaîns,
H ô grand Hercule , que de vous accu&er de
« lâcheté 4* »? En effet , c'test la même chose
d^accuser Hercule de Im^hetë^ et de reprocber
a Caton 1- avarice et la convoitise é'un gain
honteux. Mais si b ({uelque autre- égard il a
fait une faute eu 'c^dîmt sa femme à Hortein
siiis , c'est une qnèsticm h eiaminer. Apr^
.^u'il eut repris Mania , et qu'il lui èutic^ofié
fea niaison et sesfilfes , il suivit Ponipeè , et Toa
dit que depuis ce jdur-lhjil ne serasani les che-i
veux ni la barhe , qu'il ne se mit pas une seule;
foiede«ouronne sur la tête, et qu'il* persévérai
]u£qti'kia mort dans Ici deuil , dans Fabatte-|
ment et la tristessé^'çémissant surles calamités
de sa patrie ) él nû changeant rien-^ s^n ex-*
lérlewt., soit que soa prti Eut vain^eur oi
yaiïkîti.'
Lk Sidle hiî éîstm ^écEue par le sort, il
classai Syracuse. Lb il eut a vis que. PollioR
ijid étoit du parti de X^ésar venoit- d'arriver k
^lessine avec 'ime«î|rmé0. Il enroya d'abord
^ui demander la cause de sqn> passage. Pollion
'û son tour lui deioai^a compte du changer-
aient qui ét>oit amvéd^ns lès a&ire^Gajon)
ayant appriâ en inème temps que Pompée
a voit abandonné entièrement Fltalie , et
qu^'l étoît campé sousies murs dé Dyrradiium,
«îPécria ; u Qwe ies voiei^ de^la Providence sont
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CATON d'uTîQXTE. 189
i obscures et înap'nétrables l Lorsqne Porn-
ïpëe n^a suivi ni raison ni justice, il a tou-
(jours été heureux; et aujourd'hui qu'il ne
ï travaille qu'a sauver sa patrie , et qu'il ne
( combat que pour l'a lil)erté, tout son bonheur
( l'abandonne ». Il ajouta qu'il étoît assez fort
>our chasser Pollion de la Sicile; mais que, sa-
vant qu'il arrivoitk ce général une armée plus
brte que celle qu'il avoit déjb , il ne vouloit
^s exposer cette île a une entière ruine, ea
a rendant le théâtre de la guerre. Et après
iroîr conseillé aux Syracusains de se ranger
k parti le plus fort pour se conserver , il
^embarqua. Quand il fut arrivé auprès de
*ompée, il persista toujours dans le même
emiinent de traîner la guerre en longueur,
lansPespérance qu^on pourroit trouver quel-
pie voie d'accommodement ; et ne voulant
mit que Rome donnât contre elle-même
me bataille oi!i le parti le plus foible éprou-
^eroit les derniers malheurs, et seroit passé
m fil de Pépée. Dans cette vue , il persuada
i Pompée et ^ son conseil d'ordonper qu'où
le saccageroit aucune des villes qui étoient
oiiraises aux Romains, et qu'on ne tueroit
mcnn Romain hors du champ de bataille» Cet
ivis fit beaucoup d'honneur a Caton , et attî-
a dans le parti de Pompée une infinité d«
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jgO CATON D'tlTIQtTE.
gens qui fureot charmés de sa bonté et de soil
Imiiiaûitë.
De la Caton , envoyé en Asîe , pour aider
ceux qui avoient ordre d'assembler des vais-
seaux et des troupes, mena avec lui sa sœur
Servilie et un petit enfant qu'elle avoit eu de
Lucullus; car elle le suivoit. toujours depuis
son veuvage; ce qui diminua beaucoup les
bruits qui couroient de sa mauvaise conduite^
quand on vit qu'elle se soùmettoit volonlai-
l ement k la garde de Calon y a toutes les fa-^
tigues de ses voyages et k son étroite manière
4e vivre. Cependant César ne laissa pas de
reprocher encore h Caton les débauches de
cette sœur , et de lui en faire un crime. Les
lieutenants de Pompée n'eurent besoin du se
cours de Caton que dans une seule occasioD,
et ce fut k Rhodes; car par ses remontrances
il gagna les p.hodiens; et ayant laissé che2
eux sa soeur Setvilie et son enfant , il s'en re-
tourna vers Pompée qui avoit déjk assemblé
une grosse armée de terre et de mer. Ce fut
1^ que Pompée donna manifestement k con-
noître ses vues et ses desseins. D'abord il avoit
eu intention de donner k Calon le com-
mandement de son armée navale , qui étoit
composée de cinq cents vaisse^^ 'de guerre,
sans les frégates, les flûtes. et autres petits
\aisseaux découvert3 dont lé nombre étoit in
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CATON d'UTIQUB. I9I'
ini ; mais ayant promptement fait réflexion ou
le lui-même, ou sur les remontrances de sea
mis, que Tunique but de toute la politique
le Caton étoit de rendre la liberté k sa patri^j
:t que, s'il venoit a être le maître d'une si
prande puissance, le jour qu'ils auroienl vain-
;u César, ce jour-la même Caton voudroîc
obliger Pompée a poser les armes, et k nbéir
mx lois, il changea de résolution, quoiqu'il
l'en fut déjk ouvert k lui, et donna le com-
mandement k Bibulus.
Malgré tout, il ne s'aperçut point que
Caton lui fut moins affectionné, ni qu'il mon-»
[rât moins de zèle pour le service du paitî ^
m contraire, on dit que, dnns un combat qui
Tut donné devant les murailles deDyrrachiiim
comme Pompée haranguoît son armée pour
la porter k bien faire son devoir, et qu'il
îiit commande k tous ses capitaines d'en faire
lutant aux troupes qu'ils avoient a lei^rs or-
1res , les soldats les écoulèrent très froidement
ît dans un silence qui marquoît leur courage
ibaltu. Mais quand âpres tons les autres , Ca-
ton vint k leur parler , et qu'il leur expliqua
autant que le temps le permet toit, ce que la
philosophie enseigne sur la liberté, sur la va-
leur, sur la mort et sur la gloire ^^ , m ac-
(^ompagnant ses paroles d'une véhi^monce
pleine de passion, qui marquoit combien ik
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jgî CATON d'utique.
étoil pénétré de ces maximes; et qn'îl finit
sou discours en invoquant les Dieux comme
pre'sents k ce combat, et témoins de la valeur
que chacun marqueroit pour la défense de la
patrie, il s'éleva tout-d'un-coup un si grand
cri de joie, et il se fit un si grand mouvemeBt
dans cette armée ranimée j)ar ces paroles, que
tous les capitaines pleins d'espérance marchè-
rent tête baissée, et chargèrent l'ennemi avec
tant de fureur, qu'ils le renversèrent et le dé-
firent. La bonne fortune de Céfear ravît ce
jour-lk k Pompée Phonneur d'une victoire
complet te, en se servant pour cet effet delà
précaution et delà défiance de Pompée même,
quiTempêchèront de profiter de sou bonheur,
comme nous l'avons plus amplement écrit
dans sa vie. Tous les officiers se réjouissoieut
de ce grand avantage , et le rclevoient conme
un exploit trës-signslé ; mais Caton seul ver-
soît dos larmes sur sa patrie , et déploroît cette
pernicieuse; et maudite ambition de régner,
en voyant étendus sur le champ de bataille
les corps de jtant de bons et braves cîtojei'S
qui a voient péri les uns par la main des
autres.
Après cette défaite, César prît le chemin
de la Thessalie, et Pompée leva son camp
pour le suivre, laissant h Dyrrachium quan-
tité d'armes et d'argent, et un grand nombre
•
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CATON D^UTIQUB, Ij^S
Ae ses parents et de ses allies, a qu! il donna
Caton pour capitaine, avec quinze cohortes
seulement, b cause de la crainte et de la dé-«-
fiance où il étoit de lui. Car il étoit très- per-
suadé que, s'il venoit b perdre la bataille
qu'il alloit donner en Thessalie, il ne pou voit
laisser Dyrrachium entre les mains d'un hom-
me qui lui fut plus fidèle que Caton ^ mai»
a'il venoit a la gagner, il savoit bien aussi
que, tant que Caton seroit présent, jamais il
se le laisseroit maître des affaires, comme
nous l'avons expliqué plus haut. Il y eut en-
core beaucoup d'autres personnes d'un rang
distingué, qui furent comme rejetés et laissés
ï Dyrrachium avec Caton.
La nouvelle de la défaite de Pharsale étant
arrivée avant qu^on en sût encore le détail^
Caton forma la résolution , si Pompée étoit
mort, de. ramener en Italiç les troupes qu'il
coramandoit, de prendre la fuite , et d'aller
vivre quelque part Jeplus loin qu'il pourroit
delà tyrannie j et s'il étoit encore vivant, de
lui conserver fidèlement ses troupes. Ayant
pris ce parti , il passa dans Tîle de Corcyre
où étoit l'armée navale. La il trouva Cicéron,
pt voulut lui céder le commandement comuie
k un homme déplus grande dignité que lui;
car Cicéron avoit été consul , et il n'avoit
été que préteur, liïajs Ciçérojp ^le voulut pas
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194 CATON D*UTIQUB.
f aceepter, et s'embarqua ppur l'Italie. Caton
voyant que Pompée le iils^&ar une arrogan-
ce et par ime fierté hors ae saison , vouloit
punir tous ceux qui se retiroient , et qu'il alloit
conunencer par taire arrêter Cicéron , lui fit
«n particulier de si fortes remontrances , qu'ilj
le ramena k des sentiments plus modérés y de
sorte qu'il sauva évidemment la vie k Cicé-
ron, et procura aux autres une entière sûre-
té. Comme il conjectura que le g^rand Pom-
pée se seroit sauvé en Egypte ou en Afri-
Îue 44, et qu'il avoit une extrême impatience'
e l'aller joindre , il s'embarqua avec tous sesi
gens; mais avant que de mettre a la voile , il
donna a tous ceux qui ne montroient pas beau-|
coup d^empressement k le suivre , la liberté
de demeurer ou de s'en aller oiiîls voudroient.
Etant arrîvé^n Afrique et rangeant la côtc^
îl rencontra Sextus, le plus jeune des fils de
Pompée, qui lui apprit la mort de son père
qu'on avoit assassiné en Egypte. Ils en furent
tous très-afBigés; et il n'y en eut pas un qui,
après la mort de Pompée , voulût seulement
entendre parler d'obéir a aucun autre capi-
taine qu*k Caton. C*est pourquoi , touché de-
compassion pour tous ces braves gens qui
avoient donné tant de preuves de leur fidélité,
et ayant honte de les laisser dans une terre
étrangère, seuls., saps secours et sops.chef
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GATON I>'UTIQUE. igS
pour les€onduIre,il accepta le commanderaent^
et passa à Cyrène. Les Cyréniens, qui, peu
âe jours auparavant, avoîent fermé leurs por-
tes a Labiébus, le reçurent avec plaî^^^i- . î h il
apprit que Scîpion, be^u-pèrc^ de Por.p^^e,
fi^e'toît retiré vers leroîJiiba qniravoitrf: ji:
et qu'Accius Varus, à qui Poipp*''e avo.'î doiv f :
le gouvernement de l'Afrique , étoiî r. vrr, . ,
et avoit une année considérable. Il j ( s '
les aller joindre; et comme on étoit » n U
2 prît U route par terre, après avoir asseî:
grand nombre de mulets pour porter de IV
beaucoup de vivres et de bétnil pour sa pi
vision, et quantité de chariots; et me:iî' i
avec lui plusieurs de ces homm<*s, aipc'
dans le pays Psylles , qui gnélissent b?s niT-
siires des serpents en suçant le venin, et q» >
par leurs charmes et par leur? etïchantemeut^
émoussent toute la fureur de ces animaux , et
les adoucissent de manière qu'ils ne font ai»-,
cun mal 4^. La marche fut de sept jours en- .
tiers, pendant lesquels il étoit tOTijours a
la tète des troupes, sans jamais se ser\ ir ni.^
de cheval, ni de chÉrîot pour se dél;»sser, il
Be mangea plus qu'assis degm's le jour qu'il
eut appris la défaite de Pharsale 4^^ ajoutant ku
son deuîï ordinaire, de n'être jamais couché^
que la nuit pour dormir. Ayaot passé l'hivt »î-
% Afçiquej il aç. remit eniimrche avec soil%
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19b CATON d'UTIQUE.
armée, qni étoît d'environ dix mille hommes*
Il trouva les affaires de Scipion etde Varwsep
très -mauvais état, par suite de la division et
de la mésialelligence qui étoient survenues
entre eux , et qui les obligeoiept k ramper de^
vaut Juha, et k faire la cour k oe prince in—
supportable par la fierté et par l'orgueil que
lui inspiroient ses richesses et sa grande puis-
sance. Cette fierté et cet orgueil parurent dès
le premier jour qu'il donna audience k CatoD;
car il fit placer son siège entre C.^ton et Sci—
pîon. M lis Catoii , sans balancer , prit sou
$ie'ge et le mit k côté de Scipion qu il plaça
par la au milieu, quoique Scipion fut ç(hi en-
pemi , et qu'il ei!it écrit contre lui un libelle
lempli d'injures. Cependant les ennemis doi
Caton n'ont point vouhi hii tenir compte de
celte action pleine de vertu et de courage ^ et
pîirce qu'étant en Sicile, il lui est arrivé de se
pioiuener avec Philostrate 47 , et de mettre ce
philosophe au milieu par honneur pour la
philosophie, on lui en fait un i^proche qu'on
ue lui pardonne point. Caton réprima donc
eu celte occasion la folleiarrogancc de ce roi,
qui faisoit de Scipion et de Varus ses satrapes,
el il réconcilia ces deux généraux.
Comme tous les oiliciers le pressoient de
prendre le commandement , et que Scipion
et Yai'us lid çédoienf eux-paèmesi cet hon^
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CATON n'UTIQUE. jgyr,
Bfiir , îl protesta « qu'il ne violeroît point
« les lois , puisque ce nVtoit que pour les
« maiotenir qu'ils faîsoient la guerre k celui
« qui les avoît violées , et qu'ainsi , n'étant
« que propréteur , il ne coniraanderoit point
fc en préâ»ence d'un proconsul » . En effet ,
Scipion avoît été' fait prooonsul ; et sur son
Dom le peuple avoit cette confiance que leurs
affaires iroient bien en Afrique pendant qu'un
Scipion y commanderoit ^^ Scipion , ayant
donc pris la conduite de l'armée , vouloit
d'abord , pour faii e sa cour k Juha , que l'on
passât au fil de Tépée tous Içs habitants d'Uti-,. .
que (a), sans aucune distinction d'âge ni de
sexe , et que l'on rasât la ville , parce qu'elle
tenoit le parti de César. Caton ne voulut pas
le souffrir , protestant en plein conseil , et
appelant les Dieux a témoins contre une in-
humanité si inouïe , dont il eut bien de la
peine h garantir les habitants d'Utîque. Mais»
en partie k leur prière , et en partie aussi a
Wustante sollicitation de Scîpîon , il se char-
gea de garder la ville, et d'empêcher que de
gré ou de force elle ne tombât entre les mains
de César; car c'éloît une place très-forte,
très- bien approvisionnée , et d'une grand©
utilité pour ceux qui en étoient les maîtres.
(a) Sur la côiA-#Afr(annw>sjjrès au promontoiir«
d'ApoUoo, viU^^UJ^^m^- L. a.
igS CATONT D*UTIQUE.
Câton la fortifia encore considérablement ; car\
il y fit de grands amas de blé, répara les
muraiîlles , haussa les tours ,1a revêtit en de-
hors d'un fossé profond, défendu d'espace
en espace par de hons forts , mit dans ces
forts tous les jeunes gens d'Utîque , après les
nvoir désarmés , et retint les autres dans la
ville , apportant un très-grand soin k empê-
cher qu'ils ne reçussent aucune injure , ni le
moindre tort de la garnison romaine^ Il en-
voya aussi quantité d'armes , d'argent et de
blé k ceux qui étoîent dans le camp ; et fit
en un mot de cette vîlle le magasin de l'armée.
Le conseil qu'il avoît donné auparavant à
Pompée , îl le donna k Scipîon : c'étoit de ne
pas livrer bataille à un capitaine aguerri et
très-redoutable , et de gagner du temps ; car
le temps affoiblit et émousse toujours la pointe
et la force de la tyrannie. Mais Scipîon , en-
flé d'une vaine pr&omptîon , se moqua de
ses remontrances ; et dans une lettre qu'il lui
^rivit pour lui reprocher sa timidité , il lui
disoit en propres termes : « Ne vous suffit-il
« pas d'être bien k votre aise dans une bonne
HL ville et derrière de fortes murailles, sans
<( venir encore intimider mes gens dans l'oc-
« casion , et les empêcher d'exécuter coura-
« geusement ce qu'ils ont résolu » ? Caton lui
Ç^ réponse qu'il étoit tout prêt de. reprendro
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CATON D'UTIQUÉ. I99
les troupes qu'il avoit amenées en Afrique ^
de se' mettre k leur tête , de repasser en Ita-
lie , et d'attirer après lui César en les dëli^
Trant eux-mêmes. Mais Scipion ne fit que se
moquer de pes offres ; et alors Gaton fit bien
connoître qu'il étoit très-faché, et qu'il se
repentoit de lui avoir cédé (e commanaisment^
voyant bien que Scipion conduiroit mal cette
guerre ; ou que , quand même par un coup
de hasard et contre toute apparence^ il vien—
droit k remporter la victoire , il ne se com-*-
porteroît pas envers sçs concitoyens avec
beaucoup de modération. Il se cOnfiri\ia dona
dans son opinion ; et il avoua a ses amis ^
u qu'il n'a voit point du tout bonne espérancd
«de cette guerre k cause de l'ignorance et de
<( Tinsensée présomption des chefs; maisqucsi^
« par un bonheur inespéré^César -étoit déifait, il
« ne dçmeureiîoit point k Rome, et qu'il fui-
« roîtla cruauté. et l'inhumanité de Scipion^
a qui faisoît déjk des menaces très-vives et
(( tvès-insolentes contre plusieurs Romains »é
Le malheur qu'il avoit prévu arriva'encore
plutôt qu'il ne l'attendoit ; car le jour même
qu'il parloit ainsi , il arriva le soir fort tard
un courrier qui vint de l'aîmée en trois joure^
«t qui apporta la nouvelle que tout étoit perdu,
et qu'il y avoit eu une grande bataille près,
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20Ô gXton d'utïqué.
de la ville de Thapse (a) ; qne César avoit
remporte la victoire ^ et forcé les deux camps
dont il étoit demeuré maître ; que Scipioii et
Jttba s'étoîent enfuis avec peu de gens , et que
tout le reste avoîi été passé au fil de Pépée. ,
Cette nouvelle, apportée dans un temps de
guerre et dans les ténèbres de la nuit, devoit,
comme on peut le penser , jeter le trouble
dans la ville ; les habitants f(M*ent si effrayés ,
qu'ils pou voient k peine se contenir dans
leurs murailles. Maïs Caton , courant partout,
arrêtoîttous ceux qu'il rencontroit, et qui
fuyant , crioient comme des gens éperdus ;
l^s cousoloit le mieux qu'il lui étoit possible ,
ôtoît au moins de leur frayeur Pétonnement
et le trouble , leur disant qné la p^rte n'étoit
peut-être pas si grande qu'on la disoit , que
c'étoit la coutume de faire toïijours le mal
plus grand ; il parvînt iaînsi k apaiser le
tumulte. Le lendemain , dès la pointe du jour,
il fit publier a son de trompe que les trois
cents qu'il avoit choisis pour son conseil , et
qui étoient tons des Romains qnele négoce ou
la banque avoit attiras en Afrique , s assem-
blassent sur l'heure dans le temple de Jupiter,
avec tous les sénateurs qui étoient k Utique,
(n) Sur la côte d'Afrique, à droite en descendant
de Carthage; elle regarde presque l'tle de Malte.
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ÇATON D L TIQUE. 20l
ît fous leurs enfants. Pendant qu'ils s'assem-
Joient^il vint de son côté sans iàiie paroi ire
i moindre émotion , et av.ec une contenance
ussi ferme que s'il n^étoit rien an ivé^ tenant
ans sa main un petit livre qifil lisoitenniai-
bntj c'étoit un état des armes, des machines,
Q un mot, de toutes les munitions de guerre
t de bouche , et de toutes les troupes qu'il
voit en son pouvoir. Quand ils furent tous
ssemblés, il s'adressa d'abord aux trois cents ,
\ un grand éloge de la bonne volonté et de
a fidélité dont ils avoient donné des preuves
Q servant de leurs biens, de leurs personnes
t de leurs conseils, la bonne cause. Il les
xhorta k ne. pas se décourager , et k ne pas
e séparer , en perdant l'espérance , et en cherr
bantk se retirer et k prendre la fuite chacun
eleur côté. 11 ajouta que s'ils restoient unis,
lésar les mépriseroit moins pendant qu'ils
uroient> les armes a la main , et leur léroit
leilleuré composition si la fortune les rédui-
)it k être ses suppliants. 11 les pressa de pen-
îrk ce qu'ils avoient k faire , et ne blâma
ucun de ces deux partis. Au contraire, il
iur dit : (v Que si c'étoit leur sentiment de
changer avec la fortune , il regarderoit ce
changement comme l'ouvrage de la néces-
( site ; mais que s'ils prenoîent le parti de
(résister au malheur, et de s'exposer aux
?^« ' D,g,t,zedbyl300gle
îfcOÎÎ eATON D'tnfiQTTE»
M dernkrs périls pour défendre leur liberté^
<( non seulement il les loueroit , mais il ad-
« mîreroit leur venu, et se mettroît k leur
« tête pour combattre avec eux , jusqu'à ce
« au'ils eussent éprouve' la dernière fortune
« de leur patrie. Que leur patrie a'étoit
« ni Utîqiie, ni Adrumette (a), mais Rome,
« qui souvent s'étoit relevée de plus gran
« des chutes par ses propres forces et J)ar sa
K< seule grandeiu\ Qu'il leur restoît encore
« plusieurs ressources pour le salut et la sûreté
« de lefurs personnes , dont une des pluî
« grandes étoit qu'ils faisoient la guerre contre
\( un homme que la nécessité de ses affaire*
^ appeloit en plusieurs lieui en même temps;
x< que l'Espagne s'étoit révoltée- et jetée
« entre les bras du jeune Pompée, que Roin<
a même n'avoît pas encore subi un jôAg au-
x< quel elle n'étoit pas accoutumée , mai
« qu'elle se soulévoit et se cabroit contre Iî
« servitude ; qu'il nefalloit point fuir le dan-
« ger , mais suivre l'exemple de leur ennem
(( même , qui ne ménageoit nullement sa ru
K< pour parvenir k commettre les plus grande!
« iniquités, au lieu que pour eux , toiiK
« l'incertitude de cette guerre ne pouvol
« jamais aboutir qu'k leur faire mener une
{à) Sur la même côte que Thapse , mais ao peu auj
dessQS , à GQté de la petite Leptis. ^. L, D,
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CATON D^UTIQUB. »o5
<t vie trës-heureiise , s'ils réussîssoien t ; ou qii'h
« leur procurer une raort très-gloiîeuse s'ils
« vendent a siiccon>ber. Qiie cependant il
« falloit qu'ils en délibérassent entre eux J en
« priant les Dieux, qu'en récompense de leur
« vertu , et delà bonne volonté qu'ils a voient
(( toujours fait paroiti e , ilsleur fissent la gi ace
<( de prendre le parti qui leur seroit le nieiU
«leur».
Gaton ayant ainsi parlé , il y en eut plu-
sieurs que ces paroles vives et pleines de feu
ranimèrent et rassurèrent ; mais le plus grand
jDorabre voyant son intrépidité, sa générosité,
Sâ constance et son humanité , oublièrent
presque le danger cxtrêmeoù ils se trouvoientj
et le regardant seul comme un capitaine în-n
vincible et supérieur k tous les accidentis de
la fortune, ils le prièrent de se servir de leurs
biens et de leurs armes comme il le jugeroit
\i propos; car ils étoient persuadés qu'il leur
etoit meilleur de mourir en lui obéissant , que
de sauver leur vie en abandonnant et en tra-»
bissant une vertu si parfaite. Sur cela quel-
qu'un ayant proposé qu'on fît un décret pour
donner la liberté aux esclaves , et la plupart
approuvant cet avis , Caton s'y opposa , en
disant que cela n'étoît ni juste ni raisonnable ;
raaîs que si les maîtres qui avoient des esclaves
en âge de porter le^ armes , vQuloient les af:*
DigitizedbyCjOOgle
2o4 CATON d'uTIQUE.
franchir , il les recevroit volontiers dans ses
troupes. Il y en eut beaucoup qui promireDt
de le faire ; et Caton , après avoir ordonne
qu'on enregistrât les noms de ceux qui fai-
soient ces oflfres, sortit du conseil et se retira.
Bientôt après , il reçut des lettres de Jubt
et de Scipion. Juba , qui ëtoit caché avec
S eu de gens dans une montagne, lui deman-
oit « quelle etoitsa résolution; ajoutant que
« s'il prenoit le parti d'abandonner Utique,
« il l'attend] oit; et que s^il prenoit celui de
i< soutenir le siège , il marcheroit avec une
« armée )). Et Scipion, étant a l'ancre au-
dessons d'un cap , assez près d'Utique, atten-
doit aussi qu'il eût pris une résolution. Catoa
jugea k propos de retenir les courriers qui lui
avoient apporté ces leltres jusqu'à ce qu'il
fût assuré de ce que les trois cents au-
roîent résolu. Car tous ceux qui étoient du
co^-ps du sénat avoient témoigné leur bonne
volonté ; et après avoir mis en liberté leurs
esclaves , ils les avoient enrôlés. Mais les trois,
cents qui faisoient le commerce maritime, iwi
la banque , et qui avoient la plus grande!
pàrlie de leur bien en esclaves, ne conser-j
vèrent pas long-temps l'impression des dis-
cours de Caton , et les laissèrent s'écouler Irè^
vite de leur esprit. Car , comme il y a vs
corps qui reçoivent très-promptement la cha*
Digit^edbyCjOOgle
CATON d'UTIQUE. UoS
ienr , et qui la perdent trës^-promptement
aussi, se refroidissant dès que le feu s'éloigae^
il en étoit de même de ces marchands ; la
présence de Caton les echauffoit , les enflam-
moit ; mais sitôt qu'éloignés de ses yeux , ils
faisoîent réfles^on. en eux-mêmes , alors la
crainte de César chassoit toute sorte de con-
sidération et de respect pour Caton et pour
tout ce qui étoit Honnête. « Qui sommes-
^ nous, disoient-ils, et k qui refusons-nous de
« prêter obéissance ? N'est-ce pas k ce César
« qui a présentement entre ses mains toute la
« puissance romaine ? £t quelqu'un de nous
<t est-il un Scipion , un Pompée y un Caton 7
« Cependant , dans le temps que tous les
« hommes plient , et que la terreur les j^orte
« à se rabaisser encore plus qu'ils ne devroie,nty
« nous voulons combattre pour la liberté de
« Rome ; et renfermés dans Utique , nous
<< prétendons faire la guerre k celui k qui
«Caton lui-même, fuyant avec le grand
<( Pompée , a abandonné toute l'Italie, et
^nous affranchissons nos esclaves contre
^ésar , nous k qui il ne reste qu'autant de
' î liberté q-u'il lui plaît de nous en laisser,
le venons donc k nous, insensés que nous
ttnmes , cessons de nous méoonnokre ; et
pendant qu'il est encore temps , implorons
clémence du vainqueur , et envoyona-le
D,g,t,zedbyA%Ogle
206 CATON dVtIQVE»
«prier àe nous recevoîr ». Tels étoîentles
conseils que donnoîenl les plus modérés des
trois cents ; mais la plupart pcnsoîent à se
saisir des sénateurs, ne doutant point qiie,
s'ils les avoient en leur puissance , ils ne fis-
sent plus facilement leur paix avec César.
Gaton eut d'abord de grands soupçons de
ce changement , mais il ne voulut pas Pap-
profondir ; il se contenta d'écrire k Scipîonet
k Juba , de ne pas venir a Utique li cause du
peu de confiance que ces trois cents pou voient
inspirer , et renvoya les courriers. Les gens
de cheval qui s'étoient sauvés dé la batailk
en assez grand nombre , s' étant approchés
d'tjtique , envoyèrent k Caton trois d'entre
eux , qui ne lui rapportèrent pas une résolu-
tion unanime de toute lair troupe , mais trois
différents sentiments qui les part ageoîent; car
les uns vouloient aller trouver Juba , les autres
aimoieUt mieux se rendre auprès de Caton,
et il y en avoit qui crai^noient de s'enfermer,
dans Utique. Caton , informé de cette divi-
sion d'opinions , chargea Marcus Rubrius ds,
veiller sur les trois cents , de recevoir avec
douceur les signatures de ceux qui affranclii
Toient leurs esclaves, et de ne les point forcer;
et prenant avec lui tous ceux qui étoient
membres du sénat, il sortit d'Utique , et a/la
sfabpiicher avec les officiers de cette cara-
DigitizedbyCjOOgle
• CATON B'uTIQUE* ÛOf
lerîe. Il les conjura « de ne pas abandonner
« tant de sénateurs romains qui étoient des
<( premiers personnages de Rome, de ne pas
«prendre Jiiba pourgënéralau lieu deCaton,
« et de pourvoit* en commun au salut de tout
« le parti , et chacun a leur propre salut , ea
« entrant tous dans Utique , ville qui n'étoît
« pas facile à prendre d^emblée y maïs qui*
« avoit assez de mimitions de guerre et de
« bouche pour plusieurs années ». Les séna-
teurs leur faîsoîent les mêmes prières les lar-
Bies aux yeux. Ces officiers vont pai*ler à leurft.
troupes , et Calon s'assied sur un petit tertre
avec ces sénateurs ea attendant la réponse.
Dans ce moment arrive Rubrius , transporté
de colère , et se plaignant du désordre et du
tumulte de ces trois cents qui s'étoient muti-
lés et qui vouloient faire soulever la ville. Les,
sénateurs désespèrent alors de leurs affaires^
€t se mettent a verser des larmes et k déplorer
kiir malheur. MaîsCaton n'oublioitrien pour
l<îs rassurer, et envoya dire aux trois cents
^WvQÎr encore un peu de patience. Cependant
îçs officier? reviennent avec des propositions-
^îh-dures; carilsdéelarent : « Qu'ils n'avoient
♦ipas besoin d'être k la solde de Jnba , et
^^ qu'ils ne craîgnoient point César tant qu'ils.
« aiiroient Caton a leur tête ; mais qu'il».
« Irouvoient qu'il étoit très- dangereux à^
DigitizedbyCjOOgle
:io8 CATON D'utiQtriî. •
T« s'enfermer dans une ville dont les habitan fs
a ëtoîent Phéniciens , nation la plus chaa— I
« géante et la plus déloyale du monde. Cai^
(( ils ne remueront point maintenant , mais
« dès que César viendra k paroître , ils pren-
« dront son parti et nous livreront. Si Catonj
« veut donc que nous nous joignions k lui
a pour faire la guerre de concert , il faut qu^il
« chasse tous les habitants d^Utique ^ ou qu'il
« les fasse tous passer au fil de Tépée jusqu'au
« dernier , et qu'il nous appelle ensuite dans
« sa ville , lorsqu'elle sera pure et nette d^
« Barbares et d'ennemis ». Caton trouva ced
conditions trcs-cnieiles et d'une barbarie af-
freuse. Il leur répondit pourtant avec dou-
ceur qu'il en délibéreroit avec les trois cents;
et étant rentré dans la ville , il alla conférer
avec eux. Tout le respect que ces gens-Ik
portoient k Caton ne les obligea point k cher-!
cher des adoucissements et des défaites ; mais
ils lui déclarèrent ouvertement qu'ils ne souf-
fiiroient pas qu'on voulût les forcer à faire
la guerre k César ; qu'ils ne le pouvoient ni
ne le vouloîent. Il y en eut même quelques- 1
uns qui disoient tout bas , qu'il falloit rete-
nir les sénateurs dans la ville jusqu'à ce que
César fût arrivé. Mais Caton ne fit pas sem- !
blaut de l'entendre , d'autant qu'il avoit
l'oreille un peu dive.
Digitizedby Google
CA.TON DUTIQUB. 2109
Dans ce moment quelqu'un vint l'avertir
lie toute la cavalerie se retiroit ; Caton, qui
raigoit que les trois cents ne se portassent k
juelque extrémité contre les sénateurs^se leva
t counit avec ses amis vers ces cavaliers ;
^mme ils étoient déjà assez loin , il monta
cheval et se mit k les suivre. Quand ils le
irent ils en furent charmés^ le reçurent aveo
3ie, et Fexhortèrent k se sauver avec eux*
)d dit qu'alors Caton se mit k pleurer k chau-
les larmes , en les conjurant de sauver les se-
uteurs^il leur tendoit les mains, faisait tour-
ter bride k quelques-uns y et saIsi.ssoit leurs
rmes j enfin il ootint d'eux qu'ils demeure-
oient encore ce jour-lk^pour faciliter aux sé,-
latcurs le moyen de se retirer en sûreté. Etant
lonc retourné avec eux dans la ville^il pi aça les
lus aux portes, et mit les autres dans le châ*
eau pour le garder. Alors les trois cents crair
;oânt qu'on ne les punit de leur changement^
nvoyèrent supplier Caton de venir les trou-
er;mais les sénateurs, l'environnant en foule^
le voulurent pas le permettre ; et dirent
[u'ils n'abandonneroient jamais leur protec-r
eur et leur sauveur k des perfides et k des
raîtres ; car la vertu de Caton étoit alors
éaéralement reconnue , respectée et admirée
le tous ceux qui étoient dans Utique ; et l'on
r'oyoit clairement que dans toutes ses actions^
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21 6 CÂTON d'UTIQUE^
il n'y avoît ni Fausseté ni le moindre artifice.
Quoiqu'il y eût déjà long-tenues qu'il avoii
résolu de se tuer lui-même , il ne s^épargiioii
pourtant ni travaux, nî inquiétudes, ni pcinei
pour les autres , afin qu'après lés avoir tous rei
en sûreté, il pût s^ôter la vie ; car cette impa-
tience qu'il avèît de mourir n'étoit point ca-
chée , quoiqu'il n'en laissât paroître aucun
signe. 11 se rendit donc aux prières des troii
cents ; et après avoir consolé et rassuré fa
sénateurs , il alla seul les trouver. Us le remer-
cièrent d'abord de ce qu'il étoit venu , et k
prièrent « de les employer et d'avoir en euî
« une entière confiance , et de leur pardonnd
« leur foiblesse , s'ils n'étoient pas tous da
<( Gâtons , et s'ik n'avoîent pas sa fermeté de
« courage et sa magnanimité ; ils ajoutèrent
,¥. qu'ils étoient résoins de députer vers César,
\i( pour lui demander grâce ; qu'il seroit le
jK premier poiir lequel ils la solliciteroîent; et
I« que s'ils ne pouvoîent l'obtenir , ils ne rece-
;« vroient point celle qu'il voudroit leur ac-
!« corder *a eux-mêmes ; et que, pour l'amonr
t( de hn seul , ils feroient la guerre jusqu'au
« dernier soupir ». Caton , après les avoir
Remerciés de l'aflection qu'ils lui téinol-
gnoient , leur dît « que sans perdre un nio-
« ment , ils dévoient envoyer travailler à
a leur propre salut, mais qu'il ne falloit point
DigitizedbyCjOOgle
; parler pour lui;. car, ajouta-t-îl, c*est aux
1 vaincus a prier , et a ceux qui ont mal fait
I k demander pardou ; mais pour moi , non
seulement je me suis maintenu invincible
toute ma vie; mais j'ai toujours vaincu
autant que je l'ai voulu ; et j'ai encore cet
avantage sur César ^ que rhonnèteié et la
justice sont de mon côté. G^est lui-^mème
qui est vaincu et pris dans ses propres pa-
1 rôles; car ses projets- criininels contre sa
t patrie^ qu'ils toujours nie's., sont aùjour-
(d'hui pleinement découverts et reconnus»»
Âpres avoir ainsi parlé aux trois cents , il
e& quitta j et ayant «iu avis que Gésar étoit
léja en: marche avec toute son armée pour
renir k Utique*: « Eh.quôi'j dit-il , il vient
k donc contre nous comme contre des liom^»
K mes » ! Et se tournant vers les. sénateurs, il
leur conseilla de ne pas différer, etde&esau-«
^er pendant que la cavalerie étoit encore
dansla ville. II ferma ensuite toutes les portes^
excepté une seule qui menoit au port , distri-
Wa des vaisseaux k tous ses gens , eut soia
qiie tout se passât avec ordre , empêcha le tu-
multe et la confusion, ne souffrit point qu^on
Ht la moindre injustice ni le moindre tort k
personne, et fit donner k ceux qui étoient
Pauvres toutes les provisions dont ils avoient
besoin pour $e sauver* Sur ces entrefaites ^
DigitizedbyCjOOgle^
dtaviui5(a) arrive avec jdeux lég
assez près d'Utiqiie , il envo
Caton un officier pour n%ler ai
dmaiidénient qu'ils dévoient aY«
utre; Caton ne r^mndit rien k <
aisse tournant vers ses amis : ce No
3ns nous^ leur dit-il, que ipos <
iftial, lorsque nous voyos^ que <
reuse ambition de commanaer i
)us jusque dans les bras de la xntort» i
oit k peine ces mots y qu'on ^û
e les cavaliers en seretirantpilloia
)ient les biens des habitants, <
lilles ennemies. Il courut d'à
»yant joint les premiers , il leur s
butin. A cette vue , xhacûn <
ka d'abandoBBeretde jeter sapr
e confusion et de hcHite , ils se ]
s les yeux baissés et sans dire ui
le. Caton ayant fait assembler t
3ts, il leur parla en faveur des
ss conjura de ne point irriter CésH
s: ; mais au contraire de travaittfli
n k leur salut. De la il retourna sne
embarquer tous ceux quipartoienl;
;s derniers adieux k seç amis et k
[ui il avoit conseillé de se sauver^
te mâne qui avoit oommnndé la flotte (}«
Google
CATON d'uTIQUEv 21 5
il leâ embrassa et les conduisît jusqu'à leur
vaisseau. Quaut à son fils ^ il ne lui proposa
point de partir ; car il vit bien cfu'il n'étoit
pas juste de le presser d'abandonner son père
auqiiel il étoit fort attaché.
Parmi tous ses amis , il y avoît un jeune
homme nommé Statyllius , qui se piquoit de
fermeté de courage , et qui imitoit la cons-
tance de Gaton et son impassibilité. Caton le
pressoit de s'embarquer comme Jes autres y
car' il étoit connu pour grand ennemi de
César. Comme il refusoit de lé faire , Caton
se retournant vers Apollonidës , philosophe
stoïcien , çt vers Démétrius le péripatétiden :
« C^est a vous y leur dii-il, k amollir et k
« dissiper l'enflure de ce jeune homme 48, et
<( k le pOkTter k ce qui lui est utile ». Ensuite
conduisant tous les autres , écoutant les prières
de ceux qui a voient, quelque chose k lui de-
mander^ il passa k cette occupation la nuit en-
tière et une grande partie du lendemain.Luchis
César fut député vers César, de qui il étoit
proche parent , afin qu'il intercédât pour les
trois cents. Avant que de partir, il pria Caton
de lui composer un discours le fAus touchant
qu'il seroit possible : «Car, ajouta-t*il,
tt en parlant pour vous ^ je ne rougirai point
« de baiser les mains de (Jésaret d'embrasser
« ses genoux » . Mais Caton ne voulut jamais
^» DigitizedbyCi^Ogle
2l4 CAirON BVtKÎUÈi
permettre qu'il parlât pour !uî : <( 6âr y dît-
« il , si je vouloîs tenir la vie de la grâce
«de C;»sar, je n'auro's qu'k l'aller trouver |
«( moi même sans autre intercesseur ; mais je
« né veux pas avoir k un tyran l'obligation i
\i d'une chose qu'il usurpe , et sur laquelle il |
« n'a aucun droit» Car de quel droit donne-
ii t-il la vie comme maître k ceux qui ne dé- |
Xi pendent point de lui et qui sont aussi libres
M que lui ? Mais , si vous voulez ^ venons i
« ensemble ce que vous pourrez dire pour
« obtenir le pirdon des trois cents »• Il fut
doncqnelque tempsà en conférer avecLucîus. 1
Et quand il fut sur le point de partir , il lui !
recommanda son fils et ses amis , et après <
l'avoir accompagne, il l'embrassa et se retira |
dans sa maison , où ayant assemblé sou iils
et ses amis particuliers^ il les entretint de
beaucoup de choses , et défendit surtout k
son £ls de se mêler jamais dit gouvernement:
(( Car y dit-il , de s'en mêler d'une manière
a digne de Caton , c'est ce que les affaire»
<( ne permetteilt plus; et de le faire autrement
<( ce seroit une honte et une indignité ». Sur
le soir il alla se préparer pour le bain. Conune
il se baignoit, tout d'un coup il se souvint de
Statyllius , et s'écria : a H»^ bien , ApoUo-
c( nidès , tu as donc enfin fait partir btatyl-
M lius^ en rabattant cette fierté et «ette graor
DigitizedbyCjOOgle
CATON B'UTÏQUE. 3H 5
(( deur de courage dont il se pîqiioît , et il
(( s'est embarqué sans nous dire adieu ».
Comment embarque, rf^partit ApoIIonidès ?
(( Nous avons disputé long-temps ensemble;
« mairîl est plus fier , plus ferme et plus in—
(( flexible que jamais ; et il proteste qn'il veut
« rester , et faire ce que vous ferez ». A cela
on dit que Caton répondît en souriant : « C'est
« de quoi l'on sera éclairci bientôt )»•
Après le bain il soupa avec beaucoup de
personnes , mais assis , comme il avoit cou-<-
tume depuis la bataille de Pharsale ; car de-
puis ce jour-lk il ne se coucha plus que pour
dormir. Il avoit chez lui ses amis particuliers
et les principaux d'Utique. Après le souper^
on se mit à noire et a* entamer une conver-
sation aussi agréable que savantt ; l'on pro-i
posa tour-}i-tour des questions de la plus
profonde philosophie , et on finit par dispu-
ter sur ces dogmes fondamentaux,que l'on ap-
pelle les paradoxes des stoïciens; par exemple^
« que l'homme de bien est seul libre , et que
« tous les méchants sont esclaves ''** ». Dès
que ce paradoxe fut proposé, le pérîpatétî-
cien, comme on peut penser, voulut le com-
battre ^* ; mais Caton lui ayant répliqué avec
beaucoup de force , et avec un ton de voix
Elus rude , continua la dispute encore très—
»ng--tefflp8, €t avçc ime telle véhémence
DigitizedbyCjOOgle
2l6 CATON D'tTTIQTJE.
cpi'îl n'y eut personne qui ne vît clairement
3u'il avoit résolu de se tuer , pour se délivrer
e Pétat pénible où il se trouvoit. C'est pour-
quoi, quand il eut cessé de parler, et qu^il
vit qije tous les assistants étoient plongés dans
le silence et dans Jia tristesse , il voulut les
rassurer et leur faire perdre le soupçon qu^ils
a voient conçu. Il recommença donc k parler
des affaires présentes , témoigna de l'inquié-
tude pour ceux qui s'étoient embarqués , et
ne parut pas moins en peine pour ceux qui
se sauvoient par terre et qui avoient k passer
par des déserts sauvages et sans eau.
Ayant alors congédié ses convives , il se
promena encore quelque temps avec ses amis
particuliers , comme c'étoit sa coutume après
souper ; donna aux capitaines des corps-de-
gardes les ordres que les circonstances exi-
geoieht ; et quand J voulut se retirer dans sa
chambre , il embrassa son fils et tous ses amis
l'un après Fautre , et leur fit plus de caresses
qu^h l'ordinaire ; ce qui renouvela leurs soup-
çons , et leur fit appréhender ce qui arriva.
Quand il fut couché , il prit le dialogue de
Platon , sur l'immortalité de Pâme ; et après
en avoir lu la plus grande partie , il regarda
au-dessus de son chevet ; et voyant que son
épée n'y étoit pas suspendue ( car son fils l'en
avoit ôtée pendant qu'il soupoit ), il* appela
DigitizedbyCjOOgle
CATON d'uTIQUE. 217
fDD esclave, et lui demanda qui lui avoît pris
on épée. Uesclave ne répondant point , il
»e remit k lirerj et ayant laissé passer encore
iD peu de temps, comme ne montrant aucun
empressement ni aucune impatience d'avoir
*0û épée , mais voulant seulement savoir ce
{libelle étoit devenue , il lui commanda de la
tti apporter. Cela traîna quelque temps , et
)ersonne ne lui apportoit cette épée ; de sorte
[ti'il acheva de lire le livre entier. Après
jiioî il recommença K appeler ses domestiques
l'un après Pautre, haussant extrêmement la
roix , et demandant toujours son épée ; il
lonna même un si grand coup de poing dans
e visage du premier esclave qui entra , que
iamain en fût toute ensanglantée ; s'emper-
ant et criant de toute sa force , « que son
( fils et ses domestiques le livroient aéja na
( et sans armes k son ennemi ».
Dans ce moment, son fils fondant en larmes,
mtra dans sa chambre avec ses amis ; et se
eiant k son cou , il se mit h déplorer ses mal-
leurs, et k le conjurer, par les prières le»^
)Ius tendres , de renoncer k ce désespoir^
Hors Caton se levan^siir son séant , et jetant-
ur lui un regard t^rible : Quand et en quel
( lieu , lui dit-il/m'a-t-on vu l'esprit trou-
i blé sans que j» m'en sois aperçu ? Personne
( ne chercneirme détromper et a me désa-
DigitizedbyCjOOgle
221 8 CATON dVtIQUB.
« biiser si le parti que j'aî pris est si mauvais;!
n mais on m empêche d'exécuter ma rësolu-
i( tioD , et on me désarme. Que ne fais-tu
c( aussi attacher ton père , et que ne lui lies-
se tu les mains derrière le dos jusqu'à ce que
« César arrive , et me trouve nors d'état de
« me défendre ? Mais crois-tu qiie j'aie bc-
« soin d'épée pour m'ôt^rla vierEn retenaot
« mon haleine un peu de temps , ou en me
« frappant la tète contre cette muraille,
«cela ne suffît il pas pour me donner la
« mort »? A ces paroles le jeune homme
sortit de la chambre en versant des torrents
de larmes , et tous ses amis le suivirent. Alors
Calon adressant la parole k ApoUonidès et
k Béniétiius , restés seuls auprès de lui , et
leur parlant avec plus de douceur : a El vous
<( autres, leur dit-ïl, voulez-vous aussi rete-
« nîr par force d^îus la vie un homme de
<( mon âge , et u,'ètes-vous la que pour me
« gaider en vous .tenant dans le silence? On
<( m'apportez - voik'^ quelque belle et forte
« démonstrafion, pot r me prouver qii^il n'est
<c ni terrible ni hontetiij pour Caton, lorsqu'il
« n'a p^s d'autre moye-,. pour sauver sa vici
!« d'atteadre à la recevoir de son ennemi?
<( Que ne travaillez- vous dont" kme persuader
« cette belle maxime et à me détromper , ato
fii querejetanttoutesIesautresrah^^A&s et toute!
DigitizedbyCjOOgle
CATON d'uTIQUE. Si 9
« lesaiftresopiniomque noitsavons tenues jus«^
« qu'ici) et dans lesquelles nous avons vécu, et
n devenus plus sages par le moyen de César ^
« nous lui eu rendions des actions de grâces
« d'autant plus grandes ? Je ne dis pourtant
M pas que j aie encore rien déterminé relati-
(( vement k moi , mais quand ma résoluliou
« sera uue fois prise y il faut que je sois le
« in^aitre de l'exécuter. J^en délibérerai en
« quelque «orte avec vous, puisque je ne ferai
« rien sans avoir examiné les raisons dont vou&
« vous servez, vous autres philosophes. Allez-^ '
« vous en donc hardiment ; et dites bien a
<( mon fils , que ne pouvant parvenir a per-
« suader son père y il ne cherche pas k le
«forcer »•
Démétrius et Apollonidès ne répondirent
rien a ces paroles ^* : mais après avoir versé^^
beaucoup de larmes, ils sortirent de la charn-
ière , et OB lui renvoya son épée par un
enfant. Caton la prenant la tira du fourreau,,
regarda si elle étoit en bon état 5 et voysme
que la pointe en étoit bien acérée et le tran-
chant bien aiguisé, /^ suis maintenant mon.
maître « s'écria*t-il ; et mettant son épée au-»
près de lui , il reprit son dialogue de Platon
qu'il relut , dit-on , par deux fois 5^. Il s'en-
dormit ensuite d'un sommeil si profond, que.
ceux mii é^ieat hox^ de la chambre l'eoten^^
DigitizedbyCjOOgle
320 CATOW d'UTIQUE.
doieDt ronfler. Vers le minuit , il se rëveîlla
et appela deux de ses affranchis, l'un appelé
Cléanthe, qui étoit médecin^ et l'autre nommé
Butas , dont il se servoit le plu» ordinaire-
ment pour les affaires qui regardoient la répu-
blique. Il envoya ce dernier sur le port ,
afin qu'il vît si tout le monde étoit embarqué
et avoît fait voile , et qu'il vînt lui en dEîre
des nouvelles. Âpres quoi , tirant sa main qui
étoit enflée du coup qu'il avoît donné
k son esclave, il la donna .k son médecin ,
afin qu^il y mît un* bandage. Cela causa
beaucoup de joie dans toute sa maison y cac
on crut qu'il étoit encore attaché k la \^îe.
Peu de temps après , Butas revint , et lui
rapporta que tous ceux qui de voient s'en aller
avoient mis k la voile , excepté Crassus , qui
étoit demeuré pour quelque affaire , et qui
alloit bientôt s^erabarquer ; il ajouta que le
vent étoit très -grand , et que la mer étoit
agitée d'une violente tempête. A ce rapport
Caton soupira , car il craignoit pour cçux qui
s'étoient embarqués par un temps si contraire»
et renvoya Butas sur le port , pour voir si
quelques-uns, obhgés d'y relâcher, n'auroient
pas besoin de secours.
Comme les oiseaux commencoient k chan-
ter , il se rendormit encore quelques moments.
Butas étant revenu, et lui ayant idit que tout
DigitizedbyCjOOgle
CATON D'uTIQUK. Ml
étoit f<Ht tranquille sur le port, il lui ordomiA
de se retirer et de fermer la porte après lui ,
et se renfonça dans sou lit comme pour repo-
ser jusqu'au jour. Butas ne fut pas plutôt sorti
qu'il tira son épëe et s'en frappa au-dessous
delà poitrine; mais Pinflammation qu'il a voit
à la main Tayant empêcha de la bien enfoncer,
il ne se tua pas du premier coup ; et se debat«-
tant contre la mort il tomba de son lit et
renversa une table qu'il avoit auprès, et oui
servoit k tracer des figures de gëomëtrie. l,^
bruit.qu'il fit en tombant fut entendu de ses
dometiliques qui se mirent aussitôt k crier ;
en même temps son fils et ses amis entrent
dans la chambre , ils le voient e'tendu k terre,^
tout couvert de sang, et la pluà grande partie
de ses entrailles répandue autour de lui. It
vivoit pourtant encore et les regardoit. A ce
spectacle, ils furent tous saisis d'une douleur
très-vive 5 et le médecin étant accouru , et
ayant trouvé que les entrailles n'étoient pas
oiTensées , il tacha de les remettre et de cou'^
cire la plaie. Mais dès que Gaton fut revenu
de son évanouissement, et qu'il commença k
3e rotîonnoltre , il repoussa le médecin , et
avec SCS propres mains rouvrit la plaie, dé-
chira ses entrailles , et expka sur rheure
nleme. ' ; i .. , i
On lie croyoitpasque tpus ceintiîe IskWai^
X. DigitizedbyCjOOgle
son pussent encore être avertis de ce triste
évëaemeat , lorsc[ii'on vît arriver k sa porte
les trois cents y et un moment après tout le
pe«iple d'Utique , qui y tous d'iwe commune
voix , Ta^eloient leur bienfaiteur, letir sau-
veur , le seul libre et le seul invincible ; et
qui lui donnoient ces noms dans le temps
même qu^ils avoient des nouvelles mie César
^rrivoit ^^. Mais ni la crainte , ni 1 envie de
flatter le vainqueur y ni les différents y ni les
Cfuerelles qui les divisoient, ne purent affoi-
blir le respect qu'ils portoîcnt a Caton. Ils
couvrirent magnifiquement son corps, lui
filent desfunépailles très-hoaoraMes , et Ten-
Xerrèreiit sur le rivage de la mer , où l'oo
voit encore aujourd'hui sa statue qui tient
«ne épée. Ils s'occupèrent ensuite deleur sa-
lut et de celui de leur ville. Cependant César
ayant appris de ceux qui alloient se rendre k
lui , que Caton restoit dans Utique et ne
I s'enfuyoit point, mais qu*ilrenvoyoit tous les
auties , et que son fils et lui et ses amis par-
ticuliers, s'y tenoientsans témoigner la moin-
dre crainte, il jugea que le dessein d'un tel
homme éloit très -difficile h pénétra; et ^
comme il en faisoitun trèsHgranâ cas, il mar-
choit avec son armée le plus diligemtnent
qu'il lui étoit possible. Mais comme on lui
ajppcit sa mort en chemin, on écrit qu'il s'é-
DigitizedbyCjOOgle
CATON D^UTIQUE. 225
iria : « Caton, je t'envie ta mort, puisque
tu m'as envié la gloire de tesaaver ia vie»*
In effet, si Caton eût souffert que César l'eût
luvé 5 il n'auroît pas tant terni sa propre
loire , qu'il auroit orné et relevé celle de
«sar. Mais ce que César auroit fait, s'il avoit
Li C^ton en sa puissance , est fort incertain.
>n conjecture seulement en sa faveur qu'il se
îroit porté )> ce qui étoit le plus généreux et
plus honnête. *
Caton mourut k Page de quarante -huit
Qs. Son fils ne reçut aucun mauvais traite-
ent de César. Mais on dît qu'il fut homme
îpeu de vertu , fei fort décrié par son amouf
iur les femmes. Etant enCappadoce, il étoit
►gé chez un prince du sang royal , nommé
faphradate , qui avoît une fort belle femme ^
il y 'fit wii plus long séjour qu'il ne falloit
>ur sa réputation ; car il donna lieu h des
ocards et ^ des railleries que l'on faisoit
)urir contre lui. Tantôt on écrivoit : « Ca-*
ton paît demain en trente jours ; tantôt ,
Porcios ctMaphradôtesont deux boas amis,
ils n'ont qu'une âme » ; car la femme de
[aphradate s'appeloit Psyché ^ qui signifie
ne. Et une autre fois : m Cnton est noble et
généreux, il a une âme royale». Mais il
kuvrît et effaça toute cette infamie par une
or t généreuse j car combattant vaillamment
DigitizedbyCjOOgle
224 CATON D'iTTIQUE.
k la journée de Philippes, contre le jeune Césa
et Antoine, pour la liberté , et voyant soj
armée en déroute , il ne chercha ni a fuir m
k se cacher; au contraire, défiant lesenne-
' mis y se jetant au-devant d'eux , et encouiâ'
géant ceux de son parti qui étoient restés,!
fut enfin accablé par le nombre , et toislx
«ans vie sur im monceau de morts , laissant
ses ennemis une grande admiration pour s
vertu et pour son courageî Sa sœur Porcie s
fit encore admirer pat ses vertus; car ellcn
céda a son père ni en sagesse , ni en magna
uimité. Ayant été marié k Brutus qui tu
César , elle participa k la conjuration , <
s'ôta la vie avec un courage héroïque et digi
de sa vertu ,, et du noble sang dont elle éio
issue , comme nous l'avons écrit dans la v
de Brutus. Statyllius,qui avoit promis d'imi
ter Caton en tout, voulut aussi se tuer; ma
il en fut empêché par les philosophes Àpollc
Xiidèset Démétrius; et enfin après s^êtremoi
tré très-fidèle et ti*ès-utile k Brutus , il moi
rut glorieusement avec lui k la bataille <
Philippes.
FIN DE LA VIE DE CATON D'uTIQUE.
!
- Digitizedby Google !
COMPARAISON*
DE PHOCION ET^DE CATON.
JjiN lisant les vies de ces deux grands per-
sonnages, on y trouve des confbrmite's si
grandes et si sensibles , qu'on voit d'abord
les raisons qui nous ont portes à les comparer.
Car ils n'ont point entre eux seulement ces
ressemblances communes et générales qui se
trouveôt souvent entre des hommes, d'ail-
leurs très-différents; mais leurs vertus , comme
nous l'avons déjà dit , jusqu'à leui-s plus pe-
tites et plus imperceptibles différences , por-
tent toutes le mêmjs caractère, la même
forme et 1^ .memq couleur de mœurs et de
icntînaenis. Ç'es^ çie qui éclatera davantage
3ar la cojtiparaison qqe nous en allons faire ,
it où lîoûs alîpQs exppser aux yeux du lec-
eur totït çe,q}i;îl$ ont dé sen^Hlable et de dif-
erent , aé'n que ^ cpnnpîssant leurs vertus et
eurs/yîçès, il juge l}U-roèrae lequel a l'a van-
âge , et mérite a êlr« préféré.
La pïtt$ graj^de diiTérence qui soit entre
* Cetléyoinparàiie^ iî'fte stjppUée par le tradac-
teur. ,:'. -..,..:
' DigitizedbyUOOgle
^26 COMPARAISON
eux , c^esl celle de la naissance. Gaton avoit
des ancêtres illustres^ il éloit arrière •petit-
fils de Caton le censeur ; et Forigine de Pho-J
CLOU est incoaime : on conjectiu^e seulemeu^
de la bonne éducation qu'il avoit eue^ qu^il
n'étoitpas de bas lieu. Mais cette conjecture
est peu sûi^e; on voyoit tous les jours des gens
très-obscurs aussi bien élevés qtie les premieis
de là réjiublique.
Les mêmes principes que Phocion aroit
puisés dans Pécole de Platon et de Xéno-
crate ^ Caton les puisa dans celle d'An tipa ter ^
célèbre philosophe stoïcien. Ainsi ils formè-
rent Puu et l'autre leurs mœurs et leur vie
sur le modèle de la plus parfaite vertu. C'est
delk qu'ils tirèrent cette austérité et cette sé^
vérité qui les caractérisent.
L'éloquence est un instniment nécessaire
k un homme d'état y pour exécuter heiureustH
ment les grandes choses qu'il entreprend dad
son ministère. Elle suit a ordinaire les moeurs
et le tempérament. Voici une exception a
cette règle : la même austérité de mœurs pro-
duit ici deux caractères d'éloquence très dif-
férents. Celle de Phocion étoît nourrie de
conceptions nobles et heureuses, conci-^e,
pleine de force et de sens , mais elle n'étoic
mêlée d'aucune douceur. .Et celle de Catoo ,
avealâ même roideur, la même solidité , et
* * DigitizedbyCjOOgle
DE PHOCION ET DE CATON. 227
lâ m^me brièveté, étoit entremêlée de grâces
qui flattoient l'oreille des auditeurs.
C'étoit tout le contraire dans les maximes
qu'ils suivoient Pun et Tautre pour le gou**
vernement. Le ton de la politique de Catonr
éloit l'austéi'ité 9 la sévérité j la force ; et
celui de la politimiede Phocion étoît un mé-
lange bien entendu de douceur et de gt ace
avec la sévérité et la majesté. De ïk vint que
Caton n'eut aucun crédit dans sa république,
et que Phocion , au contraire, ouoiqu'il n eût
pas plus d'égards pour le peuple que Caton' ,
(t Qu'il ne cherchât pas plus que lui k lui com-
plaire y ^veooit h bout de oe qu'il entrepre-
noit j et qu'on lui donnoit même ce qu'il ne
demandoit pus. On vit le peuple aller- aeman-
dcr avec larmes qu'on otât le commande-
ment aux autres capitaines, et qu'on remit
la ville entre ses mains.
Les temps où ils entrèrent dans le gouver-*
nement purent produire cette diflférence ;
Phocion prit la conduite des affaires , loi'squQ
sa patrie étoit dqa ruinée ; et Caton y entra
pendant que la sienne étoit encore battue
d'une affreuse tempête. D'ailleurs, l'exces-
sive vertu deCaron retrouvant tropdispropor-
tiounée a son siècle , où les vies et les mœurs'
étoient eniicrement corrompues, il étoit iïn-
pQ8$ible qu'il n'éprouvât la contpadiotion el
DigitizedbyCjOOgle
328 COMPAKAISON
Penvie ; une vertu moins voideauroît plus ob-
tenu , et aiiroît été d'un plus grand usage. On
en jugera par ce seul trait : Phocion fut élu
q.uarante-cîn(j fois capitaine général ; et , ce
qui est remarquable, toujours absent. Et Ga-
lon, après avoir été déposé de sa charge de
tribun , et eu la douleur de voir un Vatinius
emporter sur lui la préture, essuya encore un
honteux refns dans la ftoursuîte du consulat
cju'il soliicîtolt en personne. Il est vrai que
par la magnanimité avec laquelle il soutint
ce te disgrâce , il en effaça la honte , et fit
voir que la vertu est indépendante des suffra-
ges des hommes , et que rien d'étranger n'en
peut jamais ternir l'éclat.
Si l'on considère leurs exploits militaires ,
leurs commencements sont assez semblables;
mais enfin l'avantage se trouve tout entier du
côté de Phocion. Celui-ci fit ses premières
campagnes sons le général Chabrias , et a la
bataille de Naxe il commanda l'aile gauche
qui décida de la victoire.
Caton commença k servir en qualité de
volontaire sous Gellius, dans la guerre contre
les esclaves, et il s'y distingua.au point qu'on
le comparait déjk a son bîsaïevil Caton le cen-
seur , et que son général voulut honorer sa
valeur des prix les plus considérables ; mais
il les refusa : chose bien extraordinaire et
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DE PHoaem iït de caton. 2291*
îen rare dans un jeune giiemcr : t^irt le
londa trouve qu'il mérite les plus ^vaniê
ouneurs, et il est le seul qui s'en juge in—
igné. Nommé tribtm de soldats , îl ftit en—
fiye en Macédoine sous le préteur llubriu»
ni lui donna une légion h commander. Il ne
; passa point h d'actio» considérable ^li
ut servir a relever lé mérite deCaton; mais ,
Dnirae la vertu trouve toujours lieu ^ se'
joutrer, il y rendit im service plus împor-
int que n'auroit été l'action de çueite la
lus heureuse; iMkvoir qu'itn J^dmme quî
ommande ne dctit pas se contenter d*etre
ertueux lui-même , mais qu^il doit rendre '
ertueux tous ceux qu'il a sons ses ordres. Il
endit se» soldats anssi paisibles que belli-*
lieux , et aussi justes que braves.
La commission qu'il eut malgré lui d'aller
liasse de J^île de Cyprfe le roi Ptolémée , et
e rétablir lesl>annis dans Byzancc , ne donna
ïiciine matière a sa valeur; sa bonnefortune
B délivra de Ptolémée qui s^empqîsoBna , et
2 rendit par Ik maître de l'île , et son ^0-^
iience seule ramena lés bannis dans Byfcan-
e, et rétablit^ dans cette ville divisée 4 la
oncorde et l'union. Tout ce qu'il fit de plus
einarquabley c'est que, datis la vente des
ichesses immenses qui furent trouvées dans =
eUe Ue^ îl donna lexempk de Texactitude
D,g,t,zedy?lCfeOOgle
23o COMPAKAISOH
la plus scrupuleuse , 4c l'ordre le plus aârnî--
rable y et du désintéressement le plus par-
fait ; et qu'il ne souffrit pas que lafaveur en-
richit aucun de s^ amis aux dépens de la
justice. Le sénat lui décerna sur cela de
grands honneurs ; mais il les refusa , et de-
manda seulement pour toute grâce la liberté
de l'intendant du roi Ptolëmëe qui Favok
servi très-utilement.
Tout cela ne peut être mis en balance avec
les^ actions de guerre de Phocion qui rem-
porta dans l'Eubée sur les Macédoniens une
victoire signalée uniqu^nent due k sa bonne
conduite; qui repara les échecs que les auti^
généraux des Athéniens avoient reçus par
leur incapacité et par leur imprudence ; qui
chassa Philippe de i'Hellespont ; qui ^ envove
au secours de M^are j mit cette ville en 1a
disposition des Athéniens; et qui^ âge de
plus de quatre-vingts ans 9 gagna une grande
Lataille contre le général Micioo , ravageant
alors l'Attique k la tète des Macédoniens.
II. est vrai que la fortune servoit mieni
Phocion qu'elle ne servît Caton : car Phocioft
f )it toujours ala tète de sa pairie ; au lieu qiic
Caton ne fut presque jamais qu'en second.
Mais cela même tourne a son avantage , puis-
que, bien que toujours subalterne , il soutint
pourtant y. par sa seule vertu ,, sa république
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DE FHOGIOK ET VE CATON. 2?»t
Rontre la fortune résolue de la rufticr, et
qu'il s'cQ fallut bien peu m'il ne la fit triom*»
pher de tous les efforts de cette redouti^le
eonfifinie.
Si Phocion l'emporte sur Caton par ses
exploits de guerre y Caton parott , de son cô-
té , l'emporter sur Phocion du côté de la po-
litique et des actions d'homme d'état.
Ce fut Tëritablement k Phoeîon un ar.te-
d'une grande prudence y d'aveu' corrigé l'u-
sage moderne de son pays , qui faisoit de la
fuerre et de la politique deux métiers sépa-
rés , et d'avoir repris la manière de gouver- '
lier de Périclès et d^Aristide y en réunissant
ces deux talents.
Caton ne pouvoit pas faire k Rome un pa-
reil changement y puisque Minerve n'y étott
pas moins servie comme politiqueque comme
guerri^ y et que les capitaines romains n'^-
toient pas moins soigneux d'étudier l'art de
régir les villes , que celuî detes conqiiérir.
La manière dont Phocion y avec lin seid
vaisseau y s'acquitta de la recette- des con-
tributions desiles, marque sa bounecoaduita^
eisa force dfos l'art de persuader.
Ce qu'A fit en Eubée y en empêchant les
Athéniens de nrendre les Grecs prisonniers y
de peur que le peuple , venant k se portée
coatce eux k quelque extrémité; ne dbnn&t
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23^ , COBTPARATSON
Hcu k des divisions et a des gticrrcs cruelles ,
mai qne encore sa grande sagesse. Ce fut par
lin effet de cette même sagesse qu'il ennpocha
les Athéniens de faire des n^joviîssances sur les
nouvelles de Ja HK»rt de Pniiîppc, non seii-
Jément parce qu'il y a de la bafisesse h se ré-
jouir de la mort d\m ennemi ^ mais encore
par une raison pUis.proftHide: il craignoit qne^
par ces démonstrations de joie, ils n'irritas-
sent Alexandre , et qu'ils ne l'attirassent sur
eux.
Lje conseil qu'il donna k ces mènDesr Al he-^
niens , de livrer ratre les mains d'Alexandre
les principaux des Thiébaîns qu'il demandoit^
et qui s'éioient retirés dans Atbènes^^ mérite
encore d'être loué. Rien: n'est plus conti-aire
k la }H)litique que de s'attirer/a soi— même de
^ran4s malheurs par la compassion qu'on a
des autres y et encore par • une compassion
impuissante et infructueuse. Il faut être le
Î)lus fort par les armes ^ ou Tami de ceux qui'
e sont : c'étoit son principe.
La grande habileté dé Phocion dans la po-
litique pnroît avec plus^dVclat encore dans le
service qu'il rendit aux Grecs, ^squ'il re-
présenta a Alexandre qu'il devoii renoncer k
la guerre s'il vouloit vivre en repos ; ou que ,
a'il étoit avide de glojre , et qu'il voulût sa-
wifiw ^oft repos a Bm 9Xobinm j il devoît
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BE FIIOCION £T PE CAT077. 253
sser la les Grecs, et porter ses aimes con-
? les Barbares. II lui fit des images si vives
t rhonneiir qu'il acquerroit, qu'il diangea
adoucit l'esprit de ce jeune prince,' et pro*
ira a la Grèce un calme dont elle n'auroit
is joui sans lui.
La confiance qu'il s'éloit attirée des insn-
ires et des alliés des Athéniens, fait aussi
rail coup d'honneur )i sa sagesse. La saine
^litique enseigne qu'il vaut mieux gagner les
>nimes par la bonne foi , que de s'en rendre
s raaiires parles armes.
Un des grands principes encore ^e la po-
jqiie de Pbocîon, c'est que la paix doit être
! but de tout gouvernement sage. Dans cette
ne , il s'opposoit k toutes les guerres ou imp-
rudentes , ou sans nécessité. Les grands ^uc-
hs de Léosthène dans une guerre qu'il avoit
oulu empêcher , ne l'obligèrent point k chan-
>r de sentiment ; il continua de s'opposer k
ïtte guerre contre les Béotiens , et iV'véne-
leut fit honneur k sa politique en justifiant
js craintes.
Cette prévoyance , qui est une partie des
lus essentielles de la politique , parut en-
ore d'une manière bien sensible , lorsqu'il
opposa k ceux qui vouloient qu'Athènes fût
omprise dans la paix que Philippe proposoît ,
t qu'elle entrât dans rassemblée générale de
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334 coMFABAisoir
la Grèce, Avant d'y consentir, îl voulait sa-
voirquelles seroient les demandes de Philippe.
L'avis contraire l'emporta ; mais les Athé-
niens ne, furent pas long-temps sans s'en re-
pentir y accablés. des demandes onéreii^sdc
rhilîppe. Le conseil qne Phocion leur donna
dans cette occasion nemarquoit pas moins d€
sagesse que l'avis qu'il leur avoit donne, el
qu'ils avoient refusé de suivre. Il leur fit en-
tendre que la désobéissance feroit leur perte ,
et leur proposa l'exemple de leurs ancêtres ,
qui, tantôt donnant la loi, et tantôt la re-
cevant , et faisant leur devoir dans ces deux
éiats, avoient sauvé .leur ville et toute h
Grèce. ' ^
La nouvelle de la mort d^ Alexandre ayant
été portée a Athènes, le peuple , que la grandi
réputaîion de ce prinee tenoit en respect ^
commença aussitôt k lever la tète et k penser
k des nouveautés. Phocion , qui vit le aanger
auquel la ville s'exposoit par cette impru-
dente précipitation y si la nouvelle se trou-
voit fausse 9 les retint , et leur dit ce mot si
célèbre qui marquoit sa grande prudence î
« Si Alexandre est njiort , il le sera encore
« demain , et enisore après demain , et nous
a aurons tout le temps de délibérer en repos
a et avec plus de sûreté n,
A ce» actions de la politique de Phocion >
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DE FHOCION ET DB CATON. !i5S
li sont GertaÎDemejit grandes, Caton en
Hit orooser de plus grandes encore, et par
iir utilité et parles dangers dont elles et oieut
^compagnées. 11 brigua le tribunat pours'op«
oser a M<*telhis , homme très- dangereux , et
EHit la puissance auroit éXé funeste £^ome ,
elle n'avoit été contre-balancée par Tauto*
té d^un homme sage et ami de son pays; il
éleva avec courage contre César dans l'af-
ire de Catilina; il s'exposa au plus grand
es dangers en combattant le décret de Mé-
dius qui voulolt rappeler Pompée ; et étant
eau a boutide chasser Métellns , et de dé-
ruire en lui toute la puissance de Pompée , il
t ime action d'une plus grande prudence en-
nre ^ en em^yèchanl le sénat de noter d'infa-
Bie le même Métellus , et de le dt'poser ; ce
[ui n^auroit pas manqué d^irriter Pompée ,
[ui se seroit porté aux dernières extrémité Si
II brigua de même la préture, pour avoir
ieo de s'opposer aux atH'iitats de Crassus et
le Pompée qui venoieot d'être nommés con-
uls. 11 s'opposa avec le même courage au dé-
cret de Trébonins ; et arraché de la tribune
^ar un licteur , il ne se rebuta point, il eon*
linua de parler ccmtre ce décrdt ; et ce décret
étant passé par force , et 1^ peuple en fureur
s'éiant altroiipé pour renverser les statues de
Pompée , il 1 emjpèoha ^ et ppdviut , par sa
DigitizedbyCjOOgle
256 ' COMPARAISON"
priuleoce , le désordre que cela alloîl cause]
Le décret qu'il-it rendre par le séoat , e
qui portoît que ceux qui seroient noinoiés au;
cliarges , viendroient , s'il n'y avoir persoii»
qui les accusât , se présenter eux-mêmes , «*
l*endre <^ompte des moyens qu'ils avoient pri
pour y parvenir, fut un coup très-hardi
mais très-nécessaire pour déraciner celte cor
rgption qui gagnoit les sufFi^ages.
On ne découvre pas moins de prudeocc
dans ce qu'il fit , lorsque les brigues de Sci
pioii , d'Hypséus et de Milon , alloient ex-
citer une guerre civile , et.qii'o» voj-oit ton
les jours s^ur la place publique trois armre
prêtes a en venir aux mains f il choisit d
commettre un mal médiocre poiir> en guéri
de très-grands ; et pour en prévenir de plu
grands eûc<>re, il to d'avis^ que l'on remit le
affaire^ eno-e les radins de Pompée , et qu oi
le nommais seul cbnsuL Le couseilqu'il donoi
ensuite k Pompée, qui, par une nouvelle loi
vouloit étabUr des peines contre ceux qui ai»
roient acheté ks suffrages pour parve aui
dignités , ne fut pas.imDins sage. II nt voii
qu'il y auroit|me grandie injustice à oidonnei
des peines nou-veiles ^otttr« d'anciennes fau-
tes , et a leslpunir papr^iue loi qui n'auroit pas
^téviolée-
On pourroit-geut être traiter de. faute cou*!
Digitizedby Google
DE rKOCION ET DE C\TON. 237
<re la politique , le refus qu'il fit de rallîance
de Pbmpée, qu'il obligea par Ta de s'adresser
à C^r , et d'épouser sa fille Julie, ce qui
fut cause enfin de la ruine de la république.
Mais ^ outre que Catôn ne ponvoit pas pré-
Toir ce mariage, il suivoît en cela sa maxime,
qu'un bon citoyen ne doit jamais recevoir
oanssa famille un ambitieux qui ne recherche
son alliance que pour abuser de son autorilc,
et pour en abuser contre sa patrie.
Une des plus sures ressources d'un éfat ,
c'est la sage administration des finances. Co-
ton, dans sa questure, rendit de ce côte'-là
trois services frès-iraportants.
Le premier fut qu'il exigea avec la der-
nière rigueur tont ce que les particuliers dé-
voient au trésor publié, et qu'il fit aussi
eyer sans aucun retranchement tout ce que
trésor devoit aux particuliers, en détruî -
sant uti abuB très- considérable qui s'étoît
glissé par la" connivence ou par la trop grande
facilité des 'autres questeurs. 11 y avoît une
infinité de fausses ordonnances qu'on allonoit
parfiiv<»ur, et qu'on |)ayoît sans les exami-^^
nêr. C^tôn se les fit représenter toutes , Ici
annuila , et rèmpît le <3biir& de ceâ waiversa-*
lions très-huïliehsés. '• ' " • .
Le second fui qu'il appela ëti pfst?ce lei
satellites dont Sylla s'éloit servi potir exécWr
X^ D,g,t,zedbyCat»Ogle
2f!8 COMPAKATSON
ter ses proscriptions ; qu'il les obligea îi res-^
tituer te$ sommes immenses qii'iJs avoient
acquises par cet horrible minisière ; et qu'a-
près les avoir forces k rendre gorge , il les
nt condamnera mort tt exécuter comme a:^{
»assins.
. Le troisième encore plus considérable que
les deux premiers , ce fut d*erapèclier les gra-
tiiications peu ntéritëes. Il n'y a pas de plus
grands de'sordres dans un e'tpt , que de rcaJre
les finances la proie de la faveur y au \\t\\
d*en faire la récompense des services. Il ar-
rive de ïk «deux choses également pernicieu-
ses : l'état s'épuise en vain en donnant sans
recevoir j et le mérite qui se voit négligé s^
rebute , dépérit , et s'éteint enfin faute de
nourriture , personne ne s'érertuant et né
cherchant k rendre k la patrie des services
qui ne sont point reconnus , et auxquels les
gens les plus inutiles ravissent les récompenses
qui leur sont dues. Les abeilles mêmes don-
nent sur cela une grande leçon afix politiques
et aux hommes d'état : elles chassent de leurs
ruches les frelons qui ne savent que se nour-
rir de leur miel sans rien contribuer de lenr
part. Çajço^ tout jeune encore, fit voir qu'une
ville peut devenir riche sans Taire la moindre
injustice , et que la règle et l'ordre ^iti&ent
pour l'enrichir,
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Dits PHOdON ET BE CATON. 2^9
Phocion ii*a rien en ce genre qu^on puiss<!
lui compai^r) quoique les finances ce fussent
pas mieux r^le'esk Athènes qu'elles l'ëtoicnt
a Rome y et qu'on les dissipât en des choses
aussi inutiles k l'état.
Caton ne se contenta pas de rëgler les
finances de la république ,. il étendit ses soins
jusque sur la fortune des particuliers , en
modérant les dépenses exorbitantes qne le luxe
et une mauvaise émulation avoient introdui-
tes dans les jeux mie les édiles donnoient an
ruple. Il y rétablit la simplicité des jeux de
Grèce y et fit voir qu'il n'y a rien de plus
ridicule qne de se consumer en frais pour des
choses de néant , et de^fatre d'un divertisse-
ment public la ruine des familles.
On peut aussi compter y parmi les actions
politiques de Caton , ce qu'il fit en entrant
presque dans le monde , lorsque n'étant en--
care que^ tribun de soldats^ il profita d'un
congé ) non pour aller vaquer k ses affaires,
comme c'étoit la coutume^ mais pour aller en
Asie faire tous ses efforts pour emmener avec
lui le philosophe Athénoaore , célèbre par sa
grande sagesse, et qui a voit résisté aux pro-
positions les phis avantageuses , que des gé-
néraux et des rois mêmes lui a voient faites
pour l'aturer auprès d'eux. Il y réussit : il
«inrichit sa patrie d'un homme sage dont elle
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24o COMPARAISON
avoitgrand besoin; et il eut tant dejoîe <le ce
succès , qu'il le regarda comme un exploit
plus utile que ceux de Lucullus etde Pompée.
Dans ce qu'il fit a Rhodes au roi PtoFéiuée
en l'obligeant de le venir voirie premier , et
dans la manière sèche et fière dont il le reçut,
sans se lever de son sie'gc, et en* le recevant
pomme im simple particulier ^ il soutint bien
ia grandeur romaine; mais en même temps il
lui donna de grandes marques de sa bont^par
les remontrances qu'il lui fit. Les dégoûts que
ce prince eut a essuyer lui en firent bientôt
coirnoitre la vérité et la sagesse.
Caion soutint encore avec plus d'éclat la
majesté de l'empire dans l'audience que le
roi Juba lui donna en Afi*ique. Ce roi y plein
de fierté et d'orgueil, traitant les proconsuls
romains comme ses satrapes, avoit fait pla-
ctT son siège entre Caton et Scipion. Caton
ne put supporter cette arrogance*et<;e mé-
pris; il prit son siège et le plaça k cofé de
celui de Scipion qu'il mit par Ik au milieu ',
déféiant ainsi tout l'honneur aiu proconsul ^
quoique son ennemi : action si pleine de
grandeur, de verùi et de courage , qu'on ne
la peut assez louer.
L'humanité est une vertu si essentielle 1t
l'homme, que, sans elle, il cesse d*èfre
homme ; c'est la base et le fondement de
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Ï)E PHOCION ET DE CATON. 24l
tontes les autres vertus. PhocioD^ avec toute
sa se'véritc cjiïî le rendoit inflexible quand il
s'âgissoit de k république , ëtoit si doux et â
humain , que ses ennemis tuèmesle trouvoient
toujours disposé a les secourir. Gaton ne l'é-
toit pas moins ; il a même donné de *plus
grandes marques de celte vertaque Hiocion;
et comme lui il a fait voir qu'il n^^toil ter*-
rible et intraitable que dans les assemblées du
peuple et darf^ le «énat , lorsqu^il sVgîssoît du
tien public. Cet homme , qui étoit lasévc^rité
et l'austérité même ^ cet homme , élevé dans
nne école qui condamnoit la compassion ,
s'est montre l^omme du mondé le plus com-
patissant. C'est par un effet de cette compas,^
sion qu'il abandonne la Sicile ^ pour ne pas
l'exposer îi son entière ruine en la rendant le
théâtre de la guerre ; il fait ordonner par Pom-
pée qu'on ne saccagera aucune ville de l'ti-
héissance des Romains, et qu'on ne tuera au-
cun Romain hors do champ de bataille ; après
que César a été battu k Dyrracfaium ^ il s^a£-
flige mi milieu de la victoire , et pleure en
voyant les corps de tant de braves Romains
qui ont été tués dans le combat ; après la ba-
tfiille de Fharsate , le fils de Pompée veutar-
rêter et punir tous ceux qui se retiroîent, et
commencer par Cicéron même; Caton l'a-
doucit, et sauve la vie a Cicéron et a tous les
Dig,t,zedby(ogggle
aiî COMPARAISON
autres. Scîpion , pour faire sa cour au roî
Juba , veut qu'on passe au fil de l'cp<fe tous
les habitauts d'Utique , sans distiuctioa d*àge
Bide sexe , et qu'on rase la ville ; il s'oppose
à cette cruauté et l'empêché. La veille de sa
mort y il confère avec Lucius César y et lui
enseigne la maaière dont il doit parler pour
fléchir César } celui qui a r&olu de se tuer
s'intéresse encore pour les autres , et leur ins-
pire ce qu'ilë doivent dire et fah*e pour aJour
cir leur ennemi Qt pour obtenir leur grâce.
Caton l'emporte encore sur Phocion dn
c6ré de la prévoyance. On diroit que ce n'est
pas un homme qui, par seslumières, pënëtre
dans l'avenir , mais que c'est un Dieu «joi le
développe et qui l'annonce* Il jàédit auxRo-
mains tous les maux qu^ l'amitié de César et
de Pompée versera sur eux. Crassuset Pom-
pée n'ont pas plutôt fait élire Vatinius préteur^
«pi'il les avertit de tous les malheurs qui ao
câbleront la ville. Sur le décret qui décerne
}k César des {Nrovinces et des troupes ^ il an«
nonce k Pompée les maux qu'il se prépare
par Ik, et qui retomberont sur Rome. Il dé-
veloppe aux Romains tous les desseins et
toutes les vues de César, comme s'il avoit été
son confident; il leur expose le but où il tend,
et leur fait yoîrau'ils n'ont que César k crain-
dre. U prévoit le malheiu: de Scîpion, et la
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DK PHOCÏON ET DE ÇATON. ^43
fia malheureuse qu'aura la guerre d'Afrique y
et. il les pëdit. \
Caton faifloit profeBsioQ d'une justice së-
yère, qui ne mollit ui par grâce , 01 par ft-
Teur, et Phocionensuivoit uue plus douce et
plas humaine, qui sait quelquefois se relâcher
de se» droits. Mais cet homme si dur et si in-
flexible, en s'élevjmt contre ceux qui avoient
acheté les suflBrages pour parvenir aux char-
ges y s'aikttache. \k poursuivre Miiréoa , qui , h
force d'ai^ent, s'étoit fait nommer collègue
de Silanus au consulat; et ce même Silanus y
coupable de la même corruption , il le laisse
la , parce qu'il est son beau -frère. L'alliance
fléchit cette justice inflexible en toute autre
occasion. Phocion , quoique moins sévère ^
fut pourtant plus juste lorsqu'il refusa de se-
courir songendie Chariclès, appelé en justice
pour rendre compte des sommes qu'il avoit
reçues d'flarpalus ; et qu'il lui dit ce beau
mot : « Je t'aifait mon gendre, mais c'est pour
« toutes choses bonnes et honnêtes ». Cepeu^
dant, ce même Catan qui avoît épargné son
beau-frère par une exception si injuste et &t
marquée, voyant Pompée se relâcher en plu-
sieurs choses , pour favoriser ses amis et se&
fkirents accusés de pareilles prévarications %
ui fit de sévères réprimandes. Il ne p inionne
pas ^ Pompée^ ce qu il se pardonne k lui*^
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nVt COMPARAISON
même. Dans ces vertus outrées, c'est souvent
rhnmeur mû gouverne et i^ii se glisse sous
le masque ae ta raison et de la vertu.
Le désintéressement est une qualité sî né-
cessaire dans un homme d'état surtout , que,
sans elle , toutes les autres sont souvent inu-
tiles , et quelquefois même pertiîcîcu5cs. De
ce côté-la, Ptecîon et GatQp paroissent d^a-
bord assez égaux. Phocion reftisa cent talents
que lui envoyoit Alexandre, et une viHe cra'il
vouloit lui donner. Il rejeta avec la même
grandeur d'âme les sept cents talents que lui
envoyoit Hai^lus, et une grosse somme de
Ményllus. Caton vendit une riche succession
qui lui étoit échue, en prêta Fargent h ses
amis sans intérêt ; souvent même il engagea
pour eux ses terres et ses esclaves, et il ren-
voya les riches présents que le roi Déjotarua
lui envoyoit pour gagner sa faveur.
On dira que la différent infinie des offre»
en met une très -grande dans leur vertu , et
qne de cecAté-lî!, Phocîon atout Pavantagej
mais il semble que ce n'est pas par Ik cpi'il en
faut juger. Gaton auroit résisté de même a
tout l'or du monde; d'ailleurs , on peut dire
que celui qui donne fait plus que celui qui
refuse de recevoir. C'est la différence de leur
fortune qui' donne seule tout l'avantage a la
magnanimité de Phocion, Le riche qui se rend
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DE PHOCION ET DE CATON. 245
«sclave de l'or dont il n'a pas besoin , est iin
moDsIre f et le pau^TC qui résiste aux ai^iil-
Ions de la nëcessVé toujours si impérieuse ,
est un homme divin. L'extrènie pauvreté où
uiourut Phocion, après avoir été tant de lbî&
capitaine-général, donne a son désintéresse-
ment un irès^-grand lustre.
La simplicité de vie étoit é^ale dans l'un
et dans 1 autre. Mais celle de Phocion n'étoît^
pas si admirable dans son siècle et dans sa
ville y où l'on en voyoit de grands exemples^
que celle de Caton Tétoît dans le sien, où ]«
luxe étoit monté b son Gom]|)le. Il faut dire
aussi au désavantage de ce dernier , qu'en
poussant Taiistérité jusqu'b mépriser les usa-
ges reçus, jusqu'k p^roître sur la place pu-^-
Wique nu-pieds et sans robe , et aller en cet
éiat k son tribunal^ il s'attira justement le
reproche d'avoir terni et ravalé sa pt éture par
ses manières indécentes. Son principe de faire
le contraire de ce que Ton feisoit , et de ne
rougir que des choses véritablement honteu-
ses, en se mettant au-dessus de celles qui ne
le sont m}e dans l'opinion, doit avoir des bor-
nes. Il faut faire le contraire de ce que font
les vicieux , et de tout ce qui est véi^itable-
inent blânlable^* mais ce qui est établi' par le
consentement général et par la pratîqtie cons-
tante des houimes y ne dok pas être regardé
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346 COMPARAISON
comme une vaine opinion ; car il fait partift!
de la décence dont il n'est jamais permis k
Personne , et moins encore k un homme pu-
lie y de s'écarter. Autrement on ouvrira ia
torte h Pimpudence : eh ! <]u'j a^t-il de plus
onteux ?
Le mariage est un point si essentiel, qu'il
^ peut seul empoisonner la vie la plus I)eureuse,
et adoucir la plus infortunée. Phocion et Ca-
ton furent mariés deux fois, mais avec un sort
bien différent. On ne sait rien de la première
femme de Phocion , et ce n'est pas une mau^
vaise marque pour elle. La seconde fut ui^
modèle de vertu et de modestie; elle s'attin
en plein théâtre les éloges et les applaudisse-
^«ments des Athéniens ; au lieu que ta première
femme de Caton se déshonora par ses dé-
bauches, et qu'il est accusé d'avoir désho-
noré lui-même la seconde, en la donnant ei
mariage k Hortensius. Il est certain que cetu
complaisance auroit été plus pardonnable \
Phocion qui vivoit dans ime ville oii un grave
législateur avoit voulu introduire cesmariagei
qui paroissent si indécents, et les autoriseï
par une loi formelle.
Si Caton fut plus malheureux en femmes
Îue Phocion , il tut plus heureux en enfants.
le fils de Phocion, malgré le soin que son père
avoit pris de le faire élever k Sparte dans toute
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DE PHOCION ET DE CATON. 24;
h r%ueur de la discipline lacédémonienne^
pour le corriger de son luxe et de son pen-
chant aux plaisirs y vécut toujours dans la dé-
bauche ; et celui de Caton fut d'abord extrê-
mement décrié par son amour pour lesfemmes,
maïs il effaça cette tache par la générosité de
sa mort. Il fut tiie a la bataille de Philippes y
après aToir fait des prodige^ de valeur et donné
de l'admiration k ses ennemis mêmes ; et sa
fille Porcia ne céda k son père ni en sagesse
ni en magnanimité.
Pour acjiever la comparaison de ces deux
grands hommes, il ne noua reste qu'a parler
de leur mort. Phodon mourut par i!in|ustice
de ses .^concitoyens. Il est vrai <{u'il y donna
lieu par la faute qu'il fit de ne pas arrêter
Nicanor. Mais cette faute n'est pas seulement
pardonnable, eUe est glorieuse. On ne peut
pas douter que, s'il avoit connu les desseins
de NicaDor, il n'eût préféré le salut de sa pa-
trie aux intérêts de son ami , mats il les ignora ;
et de t?ahir et de livrer un ami eacpi on a une
entière confiance, et dont on n'a micub sujefr
de se défier, c'est une extrén^ité si violente
et si effrayante pour un homme généreux ^
qu'il aime mieux mourir qu^ de s'y porter*.
Caton se tua lui-;miême pour ne pas survivre»
k salib^té etk^isli^ Î^M^ pattie j. etpiur cetift^
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ailî COMPARAISON
mort généreuse et libre , il triomphe seul de
son ennemi qivi trioniphoit de la terre entière.
. Les suites de la rtiort de Phocion lurent plus
honorables que cellfes de la mort dteCaton. On
donna k c«îlai-çi de très-grands éloges, tout le
peuple d'Utîqiié l'appela d'une commune voix
son bienfaiteur , son sauveur, le *ieiiî libre, le
seul invincible; la crainte même de Ciënt qtîî
arrivait ne put refroidir en eux le resj:>ect et la
vénération qu'ils atoieA t pour kii.* Ils lui ixent
des funérailles honorables, et kïi élevèrent swr
le rivage de la met un tdniubeaii , avec ime
statue qui lient Une épée. Mais tout cela n'aj^-
Î roche pas d^ la gloire q\ii suivit la mort de
hocion. tJrte fetttm^ de M^gfirè hii éleva un
tombeau v^de , et eitiportf^ chez elte ses osse-
ments qu'elle entjertra dafiS soa fover. Les
Ath^nienâ, accablés de ioâixt^ èeutîretft bieu-
tôt la laufequ'ikôvoientfalte, et recoiraurent
qnei vigilant ifttfgisWat Mt quel gardien de la
t^utpëramce et dfe la jiWtîce ils avoiew fait
mourir ; d touché» de repèntîr, ils firent re-
veriif ses o«Q«dffes"j lès ènfenr8^nt honorable-
ment aux: défient du p^îic, lui élevèrent
^ne'«a«ue dè'bi^oriïeV^'t (î<)ti<ïànaiièrent k ii
mort sf s .accttisaté^rs^. Phbtiôfai ttpfès avoir
été ibis .k mtjrt îcè*tfÉlé SéeVîÂe, l^plui sage
Digitizedby Google ^
DE PHOCTON ET DE CATON. 24j)
Le soîn qu^ils eurent l'un et l'autïre de leurs
imis jusque dans le sein de la mort, mérite
le n'être pas oublie. Phocion se condamne
tti-raème pour adoucir ses juges , et n'oublie
ien pour sauver ses amis accuse's av'ec lui. 11
a'accorde qu'avec la dernière peine k Kicoclès
a grâce qu il lui demande de boire le premier
!e poison , et il lui fait sentir combien lui
coûte celte triste complaisance. Et Caton ne
j'épargne ni travaux , ni soubis, ni peifles pour
mettre ses aniis en suretë; il les pressée de se
sauver , il leur fournit tout ce qui leur est ne-»,
ressaire ; il va sur le port pour les voir em-
barquer j il témoigne pour eux la dernière
incjmetude ; il envoie plusieurs fois pour sa-
voir de leurs nouvelles; et sur ce qu'on lui
rapporte que I9 mer est fort srosçe , il «oiipir%
pn pensant au dai^gçr ai^queflls sont exposés.
Enfin, dès qu^îl sait qu'ils sont embarques,
il se tue. Les véritables gens de bien poussent
les soins de l'amitié au-delà de la mort même,
et ils s^ublient eux-mêmes pour ne penser
^y\\ sauver leurs amis.
Les ordres qu'ils donnèrent l'un et l'autre
a leurs fils en mourant , font honneur h leur
politique et a la philosophie qu'ils professoient.
niocion manda b son fils de ne «chercher ja-
mais a se venger des Athéniens, et d'oublier
X. aa
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25o COMPARAISON DE PITOCION , etc.
leur injustice ; et Caton défend au sien de se
mêler jamais du gouvernement.
Enfin , pour donner en un mot une idée
générale de l'un et de l'autre, il suffit de flire
que Phocîon périt , et livra sa patrie k de
grands malheurs, pour avoir suivi ses propres
conseils, et pour ne s'être pas défié d'un ami
Îu'il . méo^geoit pour elle ; et que Scipio.n ,
^onipée et Rome, périrent pour n'avoir pas
suivi les avis de Caton :.difl^rence bieo glo-
rieuse pour ce dernier, et qui lui donne sur
rhocîon un grand avantage.
FIN DB LA COMPAKAISON DE PHOCION ET
PE CATON d'uTÏQUE,
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\
NOTES.
* Voici la généalogie de Caton d'Utic[u« :
CatoQ te renseur eut deux femmes.
De sa femme Liciaia il eut ,
M. Porcius Cato Lieinianns , mort désigné prétevAP
du Ti?ant de son pire. Il laissa
j
M. Poroius Cato BJ. F. M, N. qui fut consul avec
Q Marcius Rez, et mourut en Afrique. Il eut pour
Sis I
M. Porcius Cato M. F. M.N. M. P.N. qui mourut
dans tes Gaules. i
De sa femme SaloAÎa il eut
M. Porcius Cato Salonianus , M. F. crai laissa deux
fils, f
M. Porcins Cato , et L. Porcins Cato, M.F.M.N.
Ce M. Porcius Cato, mort daas la poursuite de la
préture , laUssk |
M. Porcius Cato , qui fut ce Caton d'Ulique.
* Caton n'en eut pas une seule , il en eut trois , maiiT
ceiilement soeurs de mère L'une fut mère de Brutiis ,
<|ui tua César ; la seconde fut mariée à LuculUis , et
la troisième à Junins Silanus. Csepion n^étoît non
plus son frère que de mère.
' Il manque un mot au texte y B-tly fin êvn
ft1Tp9Ç y il faut suppléer comme dans un manuscrit ,
$«« fiif ofTt ^poç w jtcvjTpcç 5 car Lirîus Drusua
n'étoit pas oncle de la mère de Caton, mais soa
frère.
^ C'est ce qu'ils appetoien t^'dciieia luden. Les j ea«
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25-2 ^ NOTES.
des enfants sont ordinairement tires de ce qo'iU ont
le plus devant les yeux. CVst pourquoi les enfants à«
Bomç représeotoient dWdinaire dans leurs jeux , '^n
des jatjemenLs , ou des commandements d^armée , on
des triom|)lies , ou des empereurs. Nous lisons dans
Suétone que Néron commanda à ses gens de iet-^r
dans la mer son beau-fils Kufîniis Crispinus, fiJstle
Poppée , encore enfant , qma ferebatar ducatus et
imperia tudere. Cet empereur prii les jeux de ceteo'
' £ant pour des ma>rques de son ambition.
^ Cet excès est vicieux; car la justice portée à Ii
dernière rigueur , devient souvent iojnstice. Lajas-
tice la plçs 4>6Q<i ^Q L^homme , c^est une justice mo^
dérée , qui se relâche quelquefois de ses droits.
Cicéroa, dans son oraison pour Muréna, reproche à
Caton cette sévérité outrée, mais en même temps il
tâche de Tescuser , en disant : « Que tout ee qui
« l'on admiroit dans ce grand p^^rsonnage , vennit M
n son heureux naturel , et lui appartenoit en pr'>
<t pre ; et que ce qui lui manquoit et qu^on auroil
« voulu y trouver ,. ne venoit que des maîtres c^a'il
ft avoit suivis , dont le savoir et Pautorité Pavoiesl
a entraîné , et qui lui ^voiept enseigné que le sageofl
« donnoit rien à la faveur ; qu'il ne pardonnoit jamai
M iiucuae faute ; qu'il n'y avoit que des fous et dn
« hommes légers qui fussent touchés de pitic, etqne
« ce n'étoitpas être homme que de se laisser apai^
« et fléchir. Les publicains Tiennent vous demander
a quel((ue grâce , lui disorenl^ils , prenez bien ganlf
« que la faveur n'ait quelque pouvoir sur tous. Drt
te gens accablés de calamités et de misère viennenu
a, vos pieds, vous jserez un méchant et un scélérat
'tt si la compassion vous fait faire la moindre cb'^se
« pour les soulager., Quçlqu*un vous avoue qu'il i
<i fait une faute, et il vous en demande pardon, c><i
« un crime qae de pardonner. Telle est la diicirln*
« que Catoa a suivie ,. non pas pour dispater, mais
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KOTE5. 255
n po^r en faire la règle de sa y\e », Cîo<^Qii lui oppose
rnsuite le seo liment des autres philosophes , surtout
d'Aristote et de Platou , qui enseignent « que )a fa-
« venr â quelque fois du pouroir sur Pespritdu sage 5
« ffu'il est de rhommie de bien d'avoir pilié j que
a toutes les fautes pMiant pas égales , les peine»
« doivent être différentes; que Tho/Dine constant et
« forme sait pardonner dans Toecasion ; ot que s'il s«
« hiet quelquefois en colère, il se laisse aussi queU
«c quefois apaiser et ile'chir. Et il ajoute , que si la
« fortune avoit jeté Calon entre les mains de ces
a mattres , il ne seruit véritablement ni phis homme
H de bien, ni pins vaillant, ni j>lus tempe'rant, ni
« plus juste , car cela est impossible ; mais il auroit
« un pen plus de pench?mt à la douceur ». Quel art,,
quelle délicatesse et quel éloge dans cette censure !
* C'est un grand avantage pour tin homme qui a
à parler à des assemblées nombreuses j c'est pourquoi-
Homère la compte parmi les qualités des héros.
7 Caton fait allusion au coup de dés qu'on appelle-
P'énus , et qui étoii le pluf favorable.
• Qnrm VaiiQ* arbitriim
Dic«4 bibeudi ?
CV'toît le coup de trois six , rajfle de six. On peut
voir les remarques sur le passage d'Horace. Od. t^ij ,
liVé ij.
^ Celte maxime est fnrt bonne dans un état entié-
rement corrompu, et q4Û n'p rien de sain. Mais elle
doit avoir ses bornes , aussi bien que Ci^lle qui suit :
c< Qu'il faut ne rougir que des choses honteuses , et
it mépriser celles qui ne le sont que dans l'opinion )>.
(Jalon les poussoit à un excès trcs-vicicux , en fou-
lant aux pieds les usages de sa patrie. Ces usan;<»s »
âès qu'Hs sottt géttéralement reçus, font.partie de la
D,g,t,zedbyijO'§gJe
254 k0T£S.
-ûétsenet , et ve âoÎTent. pas être regardés éommt des
caprices de l'opiaion.
9 Je voadrois bien savoir quelle action la jurlspro-
dedce de ce temps-là lui aqroit donoée contre son
riyal j car aujourahui un tel prucés paraltroit bien
ridicule.
.^^ Archiloqne , piqaé contre Lycambe , qui lui
avoil refusé sa fille en mariage , fit contre lui des
vers ïambes sî violents, que 'Lycambe .se pendit de
«)ésespbir. Ce poète fut rinventeur du verstamb».
Voyez xiorace dans son Art poétique. ^. Ij.D.
^^ Comme c^ëtoit alors une politesse et une mar-
que d'estime de nommer les gens par leur nom » en
les saluant, ceux qui briguoient les charges ne pou-
vant par eut-mémes savo'rlcs noms de tout nn4;raDd
peqple, menoient avec eux des esclave» qui, nViyaot
eu d'autre ocoipatîoa toute leur vie que d'apprendre
les noms des citoyens , les savoient parfaitemcnl , et
ies disoient aux candidats. C'est de ces gens-là qu'Hoi-
race parle dans son épîtrevj du livre iw
6i fOrtuiiAlavi apeci«i et gratis pr»stàt ,
Mcrcemar srrTam qui dictai nomina.
*" Caton obéit seul à cette loi. Le grec dit ftiftt
hrtà'iT^lf fôfut* Xylander a cru que ce verbe t^tri'
dvff'd'afi y avec un datif ne pouvoit signiGer suivre, prêt"
tiefuer, obéir , et qu'il sigoiGôit au contraire Jcfo^^êf»
résider. Mais outre que ce deruier seqs ne peut con-
venir en aucune manière k l'endroit où Flutarque
• l'applique , puisqu'il ajoute que Caton lui-m^me ap-
pela tons les citoyens par leur nom , vnri^T^m y
avec le datif , signifie fort bien pratiquer. C'est ainsi
qn^Hcr dote a dit i^tri^to^ut tautrfXltiTi ^ suit're y
pratiquer la mannes dans un manuscrit, on lit îsrst*
', BiTê î ce qui peut fort bien être la glose de »r6^rs'
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NOTES. aSJT
â)« , dtt*<ni , ce nassage parott entièrement oon«
aire au passage célèbre de Cicéron , qui , aur cette
éme matière , dit à Catoa , dans Toraison pour
jiréoa, sect. 36. Quid quod habeê nomenclatotem?
avoue que ce passage parott contraire à celui de
Itttarque , et )e ne saurois les concilier. £t s'il fal-
it opter entre le témoignage de Cicérùn et eelni de
lotarque , qui doute qu'il ne fallût plutAt se rendre
celui de Ciceron ? Mais pcut-élre qu'ils parlent de
;ux temps différents. Car cette loi qui dcfendoitauz
indidats d'avoir des nomenclatenrs , ne fut guère
livie. , ,
'3 Car en ce temps-là , les gén^nx d'armée et le»
)is éioient curieux d'aroir auprès d'eux de ces phi-
»sopbes célèbres par leur doctrine et par leur yertu ,
ont le commerce ne leur étoit pas inutile.
'^ C'e'toit avec raison $ car l'expérieiice de tons lei
ècles nous apprend que l'exploit de guerre le plus
daUnt n'est pas si utue » i|n étal que cet exploit de
olltique» d'j amener un homnaesage , gomme il n'y
rien de plus pernicieax ni de plu5 funeste que d'y
ooaer entrée à un fou. Le sage est le salut des états p
i Je fou leur perle ^ Platon cl Aristote l'ont démontré.
*^ L'tle de Thasos étoit près la côte méridionale
e la Tbrace. Le marl>re ^ue Caton employa pour le
'imbeau de son frère' étoil de plusieurs couleurs et
^ri estime. Ce tombeau coûta plus de 39,000 ùf
ï6 Plutarque parle ici de César, et fait entendre
lie c'est lui qui avoit écrit dans son Anti-Caton ,
ettc particularité des cendres du bûcher passées par
e tamis j et il dit fort bien que César ne s'éloit pas
;ontentë de faire la guerre à Caton ayec l'épée ^ maia
m' il la Itsi avoit faite encore avec la plume ,' pour
kcîiirer la répuUtioo de ce giand pecsoxmage » que
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bsl verf u nn^Udit Au-dessus des reproches et des calon
nies. iVIais Plulaçque ne nomme pas César par respet
pour son grand nom. L'expression de Plut^rquer*
remarquable et singulière,, hnf&iif i 1» |r«€i fiw
mhXa tta) yp«^6Mtf , H abandonna non seulement
son epée, mais aussi a sa plume.
*7 Rien n'est pins ordinaire ; le peuple juge prcsqn
toujours mal des maîtp(*s dont les miels sont modest»;
et ne font pas beaucoup de bruit, cl il croiiqiiec
sont dos hommes de néant , des misérable^. C«
ainsi que dans Térence , Thrason juge de PhéJrfa
sur. la modestie de son valet Pacménoa » qui pad
poliment et civilement à Thaïs.:
t Appifet serram hanc esM domini pauperis mJserique»
« On voit bien que c'est le valet d'au gueux et êS
« misérable ». JBunuq, iij. x
*^ Pltttarque ajoute ce vÈiot , par hasard ^ ponrf^
entendre à ^es lecteurs qu'il ne d'tnnnit pas dancl
ridicule superstiliou de ceux qui crojoieot qn'ooi
•poil voit transporter par mer un mort , sans r<»«i
quelque danger. Car c'était dans cette idée qH- Il
amis de Caton lui avoient conseillé de mectmbi
un autre vaisseau les cendres de son frère. Cetu^»*^
superstition duce encore aujourd'hui dans qnd
esprits.
'9 Rien n'est pi us utile dans un état que de rcra"î*^
chaque offiiciçr dans les bornes de son office ; ii
tout est perdu quand l«s premiers ministres lai^5fl
entre les mains de leurs subalternes leurs foncUîs
et leur autorité.
*® ,D'aprps l'interprétation proposée par M. Duso»*
îl faudroit lire : v Vous vous exposiez à dire chas
« d'ici par nos licteurs ». ^, L. iX
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ÎÎOTE». ' 257
" Voiià une exception qui ne fait pas honneur à
Catoa , surtout dans une ville où Ton ayoit vu de»
pt'res condamieT leurs propres enfants. Silanus et
Muréna t:< an t consuls ensemble, et ayant tous deux
donné de rargeoi par parvenir à cette aigntté , il étoit
lionteux à Caton de poursuivre Mureoa , et de laisser
en repos Siianus , parce au'il e'toit son aliie' , quoiqu'il
ne fîit pî^s moins coupable. Je ne sais si je me trompe «
i\ auroit encore mitntx valu, que la considération de
Siianus eàC sauvé Muréna , que d*aceuÀer Tun sans
l'autre.
''* Ce fut Tannée qui précéda le consulat de Sila-r
nus. Je crois que Cicerons'étoit servi Je ces écrivains
par notes dans la cause dé Muréna , pour avoir Torai^
son de Caton qui l'accusoit.
*5 Ce passage est une preuve convainquante de U
fausseté du reproche que des savants ont fait à Plu-
tar(|ue , d'avoir écrit qu'il étoit permis chez les
Bomains de donner ou de prêter sa femme à un au-
tre , afin qu'il eût des enfants , et de la reprendre
ensuite. Si c'eût été un usage permis, Calon n'au-'
Toit jamais dit qu'il Irouvoit étrange la demande
d'Horlensins. Ilestvrai que Strabon dit que Caton
dr)nna,sa femme selon P ancienne coutume des Ro^
mains. Je ne sais pas si cette coutume étoit autorisée
dans les premiers temps de la République ; je n'en,
ai vu aucua exemple ; mais si elle l'avoit été autre«*
fois, cette réponse de Caton fait voir que de son
temps elle étoit entièrement abolie et ouoliée.
'^ Des savants ont encore reproché à Plutarque de
s^être trompé , en disant que Caton avoit prêté sa
femme a Horténsius^ et ils ont prétendu que cela
éioiifai^^ en quoi ils se sont trompés eux mèmfs,
comme nuauld l'a fort bien remarqué. Première-
nient , Plutarque avoit tiré celte particularité df »
àiii mémoires de TUraséa j et Munalius , Tami par-
■ DigitizedbyCjOÔgle
258 NOTES.
ticulier de Caton , Pavoit ainsi ëcrît , lui qui en aToit
été témoin. En second îiéu , Strabon ec^it formelle- i
ïnent dans ronzîéme livre : « El âm notre temps,
« Catoo a donné sa femme Martia à Horlensius }'. Il i
dit de notre temps , parce que' cette aventure ctoit
»ir rivée pendant son enfance. Enfin , cela est fonds ;
sur le consentement unanime de tous les autcars qui i
en ont parlé. Voyez Ruauld, animadv, zxv*
*^ Cette somme sMleyoit à 6,179,839 fr. 5o cent. {
de notre monnoie. U fait la somme moins forte dans !
la Tie de César : car il ne la porte qu'à 4,888,88d fr. j
ëg cent. A. L, 1>.
I
*^ Des savants ont pensé qu'il y avoi t ici une allé-
ration dans le teste j car Caton o*a été ni déposé ni
forcé d*abdiquer lu trihunat. Les derniers éditeurs
d'Amyot proposent de lire : « Caton bravant les im-
« pntalions des séditieux qui lui reprochoient d'abuser
« tyranniquement du pouvoir de sa charge , poussa
<< sa pointe avec t>.ni de rigueur*, qnu lVm{)orU
« enfin , ei réduisit Memmius , etc. » jé, X. />.
*7 U y a à la lettre , a n!est point prenable par
« Pappartement des femmes » , et cela est plaisam-
ment dit. Caton parle de cette proposition de Fompee
comme de Fattaque d'un homme qui Passiégeoit , et
<^ui prétendoit le prendre par Pappartement des
iemmes, comme par Pendroit le plus foible.
■^ Je suif forcé de me servir d'un vieux terme , la
langue ne m'en fournissant pas d^autre pour exprimer
ee que Plutarque dit ici ; car c'est le sens de ce mot,
■ « 7dfv nof^TPyju KùXjTtff uf^^anr^v - qui a été on ne
fpeutplus mal expliqué. Cet Aulus Gabinius e'toit fort
' décrie pour ses infâmes débauches. Voici comma
en par!e Cicéron dans son f)raison pour Sextius, Cian
'sciât duo-illa reipub pcûrtefatd GahiniumetPisonemj
mltarum ( Gabiniian )haurirc ^uotiiiie ex pacatissimi
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Mtifue cpulmtiissimis Sfriœgazis innumérahile pondus
auii ; bellu/n inferre quiescenUbus , ut eorum vêtons ^
iliibal usque diyitias in profundissimum libidinuim
marumgurgitern pro'undati viUam œhficars inook^
Us omniiun tantam , tugurium tU jam vldeatur etse ilùi
villa quàm ip^e tribunus fUûbit pUtam olim in concio^
fùbus tsxpUfiahat , quo fot Ussimwn ae sunwmm ciVent
vt inuidiam « hon^o àastus ae non cupidus , f^oeareU
Ce cjue Piiitarqiie ajoute, « comine l'assurent (S9n%
«.qoi ont connu ^ ▼!« et ses mœurs », àiarque assev
ce (ju'îl a voulu dire par ks mots qu'il Tient d*«m'*«.
ployer.
•9 11 falloîl que celle grande-pretrise fût quelque
chose de bien consideVable , puisqu'on la regardoit
comcne un dédommagement du royaume de Cypra*
fions savons pur i'anti(juit(5, et surtout par le temoi-
snage. d'Honièr»^ qu« les grands prêtres des Dieux
etoient des hommes, non seulement d'une grande
lignite , mais tréspuissants et très-riches.
5" Thr.isea PœtnS , de la ville de Padoûe , ^toi^
BU homme «l'un rare mérite. Tacite l'appelle dans \m
sfizicme livre de ses Annaleé, la vertu même. Néroi)
le fit mourir : il ayoit écrit la vie de Caton d'Utique.
^' Cependant Plntarqne noos a dit plus hfnt qutf
Caton ne se fioit pas trop à lui. Apparemment depuit
soQ arrivée à Cypre , il aroit reoonmu ces benne« qua^-
lités dans Canidius , cm bien Caton parla ainsi A
Munatius pour justifier la préférence qu'il doanoic
s Canidius sor hd.
'" C'est ai^si qu'on doit traduire ce passage , qui
ae peut âtr^ entendu que par ceux qui, sont instruits
des coutume^ d^ Homains. Quaua ibq envoyoit uti
liclenr k un sénateur , ou à. un magistrat , pour hi^
todonnoi; d« w i^(^fp^ a», séiiat o^ au. conseil , «%V
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^O KaXES.
refu5oit , on envoyoit prendre cliez Ittî quclqoe
jneublc; , qui ctolt comme un témoin rie sa déso-
béissance/et on appcioit cela , /7r^/}ora capere ,
*2 . C'cst*à dire une |>rëturc ayant l'âge porté nar
les lois pour Ci^tle magistrature. Ceci se passa lan
^e Rottie 69t. CatdVi mourut dix ans après , c'est-à-
dire l'ande Rome 707 , à l'à^e de quarcinle-huit ans.
It n'en àvoit donc qne trentè-'lmil lorsque ce décret
du sénat €ut donné, r.t par coriséqtiént Sf Ion ce passade
de Plntanpie , confirmé par Dion , irente-huit ans
n'éloient pas encore l'âge suffisant pour la préuirc.
èela confirme le sentiment de ceux qui croient qu'on
ne pou^oit la demander qu'à treule-neuf aus , tC
l'exercer qu'à quarante.
' 5* Entre la nomination et la prise de possession
des charges /les Romains laissolcnt toujours un cer-
tain temps , afin que Ton put informer contre cens
qui se S;eroient servis de mauvaises voies pour y par-
venir. 'Pompée et Crassus , en faisant ordonner que
Iss préteurs qu'on éliroit entreroientd'akord en exer-
'.:_ ' : * 1 li A :_*- 1.:^ ;.. I-
s;
ie tou4o CQcli^;! dbe ceux qu'ils auroient' âiit élire.
^^ Il y a dans- le grec dovke. myriades et demie -^
C'est-à-dire > cent Vingt^cmq mille drachmes, qui
ianl enviFôot; i:;r.i»jii fr. de notre monnoie, . juste-
ment la moitié de ce que les Romiains appeloient
deiies. Cicéron parle de cette convention dans la
qo^trième lettre An quatrième livre â Àtticus , qui fut
, écrite dân* ce raâmêieihri^-là , t'<»st-à-dire sons le con-
l^ulat dér L\ Dbnrititts AEnobarbus" et d'App. Clau-
JinsPiîUîbér. Tribunitii eanïiLdaiijurârurits&arhiuio
CM^nis pêUiUtoi: Jpuâ éum H S-^tf^dngena éepo-
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VOTES. 261
itierunt ; ut oui h Catone damnatus esset, idp^rde-
Tel et compeduoribus trihueretur.^
^^ On supposait qu'il n'y auroit point de candi-
dat assez fou pour s'exposer à perdre Targént qu'il
doaneroit^ et la somme qull auroit déposée. Cepen-
dant l'expérience lit voir que ce îîen .n'*ét'oit pas asïfx
ifort , et que rambitioo Pemporte encore sur i'avii-
rioc.
57 Ap(4lodorc de Phalére zk'admiroitrien tant que
Socrate. Cela parott surtout par la fin du dialogue
de Piaton d€. ViwnipruUité de Vdme j et par le commen-
cement de soti Banquet , où l'on Yoit qu'il ëtoit
extrême dans ses passions j c^est pourquoi il étoit
appelë f€ttniç9Ç y un possédé.
58 C'estainsi qu'il faut 4ire Munatins Ptancus , «t
bon pas Mwtatius Fluccus. Car Plancus est lé «ur-
nom de la famille de Murmtius, T. Munatius Plan-
cus étoit alors tribun du peuple. Ce Plancus fut ac-
cusé oar Ctcéron , défendu par Pompée , et condamna
tout d'une Toiz. '
*» L''intelli^ence de ce passage dépend d'un pas-
sade de Dion , qui écrit que Pompée envoya au tri-
bunal un écrit ( c't'toit une espèce de facinm ou de
requête ) , r*-«< w 7« «^ àurn *««i %\ IfUTîUt t)CPf »
qui conlenoit V éloge et les supplications de Plancus,
*o Servilius Sulpîcius Rufus et M. Claudius Mar-
cellus, qui furent nommés consuls, dit Dion , le pre-
mier à cause de >a grande science dans les lois, et
rauCre à cause de son .éloquence.
** Pourquoi Plutarqtie parlerolt-il ici dei penpléd
de la Bretagne , auxquels les Romains ne pensoient
nullement, et qu'ils ne pouvoieiit craindre ? Au lieu
de BptTTêtvm , Plutarque avoit écrk sans doute Ff ar
a€2 NOTES.
^Hff^ ni les peuples de la Germanie. Et c*tslh»heii
qu'Amjot a suivk -avec raison.
** Copassage d^Euripide , que PIntarque rapport
ici, est pris du premier acte de son Hercule furieozj
où Lycos ayant ^iazc Hercule de peu de courage, fl
dit en propres termes quUl avoit une réputation (}ui
#ie me'ritoit point, Amphytrion répond : « CesTaioi
« reproches , 7«p/>9r«e , ( car c'est ainsi qu'il faut lire,
« et non pas '}u fiiTti ) car quels reproches plusTain^
« grand Hercule, que de tous accuser de lâcheté)
« il faut qu^avec le témoignage des Dieux, je leséloi-
« gne de tous ». V. 174.
^^ Les harangues que les anciens historiens oo&s
-rapportent des généraux et des capitaines , et cella
3iMlomére met dans la ^uche de ses héro» , ne s<4)
ODC pas hors de yraisemhlance , poisqu'en foifl
«ne de Gaton dont on ne peut douter. ,
^^ Le texte porte en Lybie; mais ce nom désîgv
ici, non une province particulière, mais l'Afriq«^
même, ainsi nommée pai* les Grecs, et dont r£gyi4f
liaisoil partie, u^. X. jU-
** Il y avoit en Afrique une nation entière fA
faisoit métier de guérir les morsures des serpeoU e^
suçant la plaie , et cela n'est pas bien extraordinaii
car nous lisons dans Homère même , que dès (
temps anciens, on goérissoit les plaies eu les suçai
Hais ces mâmes Psylles se vantoient d'enchanter I
serpents et d'adoucir leur furie , ou de les endono'
£t nous voyons dans la Bible qu'il y avoit de t
enchanteurs qui se piquoient défaire de ces miracllj
C'est sur cela qu'est iondé ce que Jérémie , viij, S'
éitsMxJuiïs'.Ecceegomittam vobis serpentes reguk
€juibus n/on est incanLaiio, Ces malheureux eochai
ttiurs étoient souTcat punis deleur pr^mptton. Ce
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NOTES.. afiî
ponrqaoî Pautenr de PEcolesiaste dit: Quis misertbitur
incantatori à serpente percusso ?
^^ Voilà dose une marc^ne de deuil. C'est ce que
nous ne <K>niprenoDS pas aujourd'hui. Cette situation
demauger couché sur des lits nous parott au contrairs
très-incommode. .Mais ce seul exemple de Catoa
prouve incontestamemcnt quUls regardoient comm*
aoe chose délicieuse de maueer couchés, et comme
mie incommodité insupportable de manger assis. Si
cela ii'avoit pas été, tant de nations auroient- elles
SQÏyi cet usage, et auroit-il duré si long-temps?
^7 Philostraie est le même philosophe dont Plu*
tarque parle dans la vie d'Antoin* , et dont il donno
une idée qui s'accorde peu avec T honneur que Caton
lai lait ici. Car il- parott qu'il fait semblant d'être
de la secte académique lorsqu'il démentoît cette
doctrine par la vie qu'il menoit , et qui étoit d'un
Véritable épicurien.
^^ Les Romains croyoient que c'étoit la destiné»
des Scipionsf de vaincre toujours en Afrique.
^9 Par ces paroles , Caton fait entendre que la dis-
position d'âme où ce Statyiliussecroyoit, étoitpluiôt
Qne enflure de vaine gloire , qu'une véritable fermeté,
et que le parti qui convenoit à Caton , qui avoit tou-
jours fait profession d'une yertu austère , et qui étoit
égal à Céfiar , ne convenoit pas à un jeune homme
comme lui. Epictète a ^ort bien dit que « pour imi-
« ter une vertu très-rare , il faut être un homme très»
« rare ».
^° Ce paradoxe est d'une vérité incontestable. C'est
le cinquième paradoxe de Gicéron qui le prouve ad«
mirablement. Ce n'est pas seulement le sentiment des
Stoïciens , c'est celui de Socrate.
'* Les Péripatéticieas soutenoient que ni la Vert^
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364 NOTE5.
ni le vice ne faisoieot rien ni pour la serritnde ni
pour la liberté , prenant trop au pied de la lettre
les mots de Hherté^el de servitude,
^^ Je ne m^étonne pas qu'Apollonîdés , philosophe
stoïcien , ne répondit rien pour combattre une réso-
lution q^ui e'toil conforme a ses d<^me$. M«is pour
Deïnéirius , j'en suis surpris^ car il avoitbien des
raisons à opposer y et Aiistote même lui en «uroit
fourni de trés-fortes.
^^ Ce dialogue est pourtant bien îongponr être fa
*\evix fois en si speu a& temps« Mais ce qu^il y a ici
de. plus incompréhensible , c'^est qu^avam que de se
tuer^ Caton lut ce dialogue, qui assure cp&^il nVst
pas permis de se tuer. « Un philosophe , dit-il , ne se
« luera Jamais iui-méme ; car. on ait que cela n'est
ft pas permis j cela n^est pas permis même a ceux à
n qui fa mort seroit meilleure que la vie. Ils ne peu-
« vent se procurer cet avantage , qui leur seroit si
(f- nécessaire. Car Dieu nous a mis dans cette vie
« comme dans un poste que nous ne d#?on5 jamais
<( quitter sans sa permission. Les Dieux ont soin des
<( nommes, elles hommes sont une des possessions
« des Dieux. Si un de vos esclaves se tuoit sans votre
<c ordre , vous seriez en colère contre lui , et vous le
« châtieriea si vous pouviez ». Malgré ces raisons i
Caton persista dans sa résolution. Apparemment il
se fondoit sur ce que Socrate ajoute : « Il faut at-
« tendre que Dieu vous envoie un ordre formel de j
« sortir de la vie ». Et il prenoit pour un ordre Pétât
où il se trouvoit. Et c'est ainsi que Cicéron Ta ex-
pliqué dans son premier livre des j usculanes, sec. ^.
Cato autem sic abiit è uita , ut causant moriendinac*
tum se ess^ gauderet. foetal enim dominans iUe in
nobis Deus , injussu hinc noi^suo demigrare ; cum
vero causant justam Deus ipse dederit , ut lune.
SacraU, nunc Ca$oni, sœpe multis^ nt ilU^ médius
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NOTES. 265
fidius f vir sapiens Icetus ex is tenehris in lucem illam
€x cessent j nec tamen lUe vincla caiceris mperit ,
le§es enim vêtant ; sed tanquam a magittratu, aut ab
aliqua poteslale légitima , sic à Deo evocatus atqum
tmissus , exierit,
^^ Cette circonstance de temps rel^-ve infiniment
ces éloges ; car quelle impression ne failoit-il pas que
Ja vertu de Caton eût faite sur l'esprit de ces hommes ,
pour leur inspirer Taudace de le louer si hautement
ai^approche de son «*nnemi, et d*un ennemi victo-
rieux y et à la discre'iion duquel ils alloient dans on
moment se voir eux-mêmes f
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»3»
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CLEOiHEKE.
Digitized by VjOOÇ le
AGIS ET ÇLÉOMÈNE.
Le n^cst BÎ mal a propos ni sans gi'ande
ipparej^ce de raison , que la plupart de^
bommes tiennent que Ja fable d^Ixion est faite
mr les ambitieux. Car comme Ixion , croyant
imbn^sser Junon , n^mbrassa qu'une nuëe ,
et que de cet embrassement na<|uirent le&
Centaures y moitié hommes et moitié chevaux y
les ambitieux de mème^.elD suivant la gloire^
n'embrassent qu^une yaine image de la vertu ;
et emportes par les divers mouvements de
l'envie, de la colère et de toutes les autres
passions, ils ne produisent rien de piur, ni qui
f misse être reconnu et avoué ; mais, toutes
eurs productions sont bâtardes et mixtes; de
manière que ce que des bergers disent de
leurs troupeaux dapa une pièce de Sophocle,
a malgré que nous soyons leurs maîtres, nous
« sommes forcés de les servir et de les eu--
<( tendre , quoiqu'ils ne parlent point » , c'est
ce qui arrive véritablement k ceux qui , dans
le gouvernement, ne suivent que les vues ,
les caprices et les mouvements de la multi*
tude ; ils servent et obéiss^t réellement, pour
avoir le vain titre de gouverneurs et de maer
" DigitizedbyCjOOgle
268 AGIS ET CLÉOMÈNE.
glstrats. Car, comme les matelots qui sontk
la proue voient mieux ce qui est devant eux,
que les pilotes qui tiennent le timon , et ce-
pendant se tournent souvent de leur coté ,
et font ce que ces pilotes leur ordonnent; d«
même ceux qui, dans Iç gouvernement, ne
croient que la gloire , ont bien le nom de ma-
gistrats, mais sont effectivement les esclaves
du peuple pour exécuter ses ordres. Au lieoi
que le véritable et parfait homme de bien n'a
aucun besoin de gloire, qu'autant qu'elle lui
ouvre la route k de grandes actions par la con-,
fiance qu'on a en lui * .11 n'y a gueles jeunes gens
ambitieux d'honneur à qui il faille permettra
de s'enorgueillir en quelque sorte, et de fait^
parade de la gloire qui leur revient de leurs
telles actions; car les vertus qui germent et
qui poussent dans cet âge-lk , confirment et
fortifient, comme ditThéophraste, ces bonnes
dispositions par les louanges , et croisseut
elles-mêmes k mesure que croissent la fierté et
le courage qu'elles inspirent.
Si l'excès est dangereux en tout, le trop
d'amour poiur la gloire est surtout pernicieux
dans le gouvernement des étais; car il pré-
cipite dans une folie et dans une fureur dé-
clarée ceux qui sont revêtus d'une grande au*
torité , lorsque prenant mallieureus^ent le
fihan^e, ils veulent que ce œ $oit pas le beau
DigitizedbyCjOOgit:
AGIS ET CLÉOMÈNE. tîSg
l'honnête quî soit glorieux , maïs que ce
it le glorieux qui soit le beau et riionnète*
ais ce que dit un jour Phocion a Antipater
li IiTÎ demandoit quelque chose qui n'étoif
is honnête : « Vous ne sauriez avoir en même
temps Phocion pour ami et pour flatteur » ;
est cela même , ou quelque chose d'appro-
laut , qu'un'homme a'ëtat doit dire au peu-
e : « Vous ne sauriez avoir le mêmehomihe
pour esclave et pour magistrat ». Car il
rrive alors ce qui arriva au serpent dont
arle la fable : la queue s'étant re'volte'e un
►ur contre la tête , voulut commander et
Miduirè k son tour , et n^être pas réduite
ontinuellement a la suivre; elle prit donc le
Dinmandement, et s^en trouva bientôt très--
lal elle-même , allant comme une folle ; et la
>te en fut toute meuitrie et irbissëe en sui-
ant contre sa nature cette partie sourde et*
veugle qui ne savoit où elle allait. C'est ce
lie nous avons vu arriver k la plupart de
eux qui , dans leur manière de gouverner ,
l'ont eu en vue que de complaire au peuple;
;ar en dépendant toujours de cette multitude
[ui marche au hasard et qui n'a point de
rues sures et certaines , ils se sont mis en état
le ne pouvoir dans la suite ni corriger ni ar- -
èterle désordre qu'ils avoient causé par Uur
[:o0iplaisance»
* X D,g,t,zedbyC>OOgle
270 AGI» ET CLÉOMÈNE.
Ce oui m'a jeté dans ce discours contrt
• l'ambition de plaire au peuple y c'est la coo-
sidération de la grande puissance ({u'ellea,et
des terribles effets qu'elle cause , comme 00
le voit par les malheurs qui sont arrivés aur
deux Gracques, Tibérius et Caïus. Il étoieor
tous deux heureusement nés; ils avoient été
tous deux parfaitement bien élevés, etétoient
entrés dans le gouvernement avec de grandes
qualités et avec tout l'agrément possible; ce*
pendant ils se perdirent tous deux, moins par
le désir immodéré de la gloire , que par la
crainte excessive de la honte , crainte qui nei
procédoit en eux que d'un fond de noblesse'
et de générosité. Car ayant reçu de grande
marques de la bienveillance de leurs coDci-
toyens , ils eurent honte de ne pas répondre a
ces obligations qu'ils reçardoient comme une
dette. Tâchant donc todjours de surpasser
par des décrets favorables au peuple les hon-
neurs qu'ils en rece voient, et étant toujours
d'autant plus honorés qu'ils témoignoient da-
vantage leur reconnoissance, en lui complai-
. sant eo tout : par cette ambition qui se trouva
égale et réciproque , ils allumèrent dans leur
cœur un si violent amour pour le peuple , et
dans le cœur du peuple un si ardent amour
pour eux, qu'enfin, sans qu'ils s'en aper-
çussent , ils se trouvèrent tout d'un coup dans
Digitized^CjOOgle
AGIS ET CLÉOMÈMË. 371
es affaires où Ds ne pouvoieut plus reculer^
î dire : « Puîsque la chose n'est pas belle, il
est temps d'en voir la turpitude et d'y re-
noncer » . Et c'est ce que vous verrez vous*
lème (a) en lisant leur vie. Nous allons leur
omparer deux autres hommes, tous deux
ortës pour le peuple , et tous deux rois de
iacédémone, Agis et Cléomène, qui, ayant
oulu augmenter comme eux la puissance du
leuple , et rétablir le gouvernement si beau
t si juste de la république Lacédémonienne,
[ui étoit aboli depuis long-temps , encoum-
eut la haine des nobles et des puissants , qui
le voulurent rien relâcher de leur ambition
t de leur avarice. Il est vrai que ces deux
^acédémoniens n'ctoient pas frères comme
es deux Romains; mais ils suivirent tous deux
lans le gouvernement la même route, comme
mroient pu faire les deux frères les plus unis;
;t voici quel en fut le commencement.
Dès qu'une fois l'amour de l'or et de l'ar-
gent se fut glissé dans la ville dé Sparte j que
la possession des richesses eut attiré k sa suite
ime sordideavarice,etqu'avecla jouissance se
turent introduits le luxe, la mollesse, la dé-
pense et la volupté, Sparte se vit d'abord dé-
chue de la plupart des grandes et belles préé-
minences qui la dîstînguoient ^, et se trouva
(fl) Q parU à Sénécion^ à qui U a dédié ces Vies.
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27 2^ - AGÏS ET/CLéoMÈNE.
indignement ravalée et réduite dans un é
d^huiui.liation et de bassesse, aiii dura jusqu^
temps du règne d'Agis et de jLéonidaft.
Agis éioit de la maison des Ëurytionidi
fils d'Ëudamidas , et le sixième descendi
d'Agésilas, qui passa en Asie, et qui fut
pemier des Grecs en puissance et en aut^
rite} car Agésilas eut un fils nommé Arcli
damus y qui fut défait et tué dans un co:
par les Messapiens, devant une ville d'Iti
appelée Mandonium [a). D'Archldâi
naquirent Agis et Eud^Piiidas. Agis , quiéK
Painé, ayant été tué |>ar Antipater, devail
les murailles de Mégalopolis, ville d' Arcadi^
et n'ayant point laissé d'enfants , son frè^
Eudauiid^s monta sur U^trône , et eut ud &
nommé Archidamus, du nom de son grand
père ; a cet Archidamus naquit un fils qui ti
nommé Eudamidas; et de cet Eudamidas vit
cet Agis dont nous écrivons la vie.
Pour Léoûidàs ^ fils de Cléonyme , îl élo
de l'autre maison royale, de celle des Agide:
. et il fut le huitième qui régna a Sparte aprt
Pausanias qui avoit vaincu Mardonius a I
bataille de Platée. Car Pausanias eut un fi
appelé Plistonax; celui-ci eut Pausajuiasll
{a) Il D^yapoiotdeYilledeoeTiom.Lesgéogrflpii
tiennent qu'H faut lïitA/andurium, ville de la J
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Agis et cléomènk. 27 S
qiùy sVtaDt enfui de Sparte a Te'gée , eut pour
MiccLSseur son fils aîné, appelé Agésîpolis. Ce
dernier étant mort sans enfants, son,fièie
Cléonibrotns régna après lui. Ce Cléombrotiis
eut deux fils , Agésîpolis II et Cléomène,
Agésipolis ne régna pas long -temps, et ne
laissa pas de postérité. Son frère Cléomène
régna ensuite, et eut deux fils, Acrotatus et
Cléonyme. Mais de son vivant , il perdit son
aîné Acrotatus, et laissa Cléonyme, le plus
jeune , qui ne régna point ; la couronne pa^^sa
k son neveu Aréus , fils d' Acrotatus. Cet
Aréus ayant été tué près de Corinthe , son fils
Acrotatus monta sur le trône; et ayant été
défait et tué k ime bataille près de la ville
de Mégalopolis, par Be tyran Aristoraède, il
laissa sa femme enceinte j elle eut i^j;^ fils dont
ce léonidas, fUs (Je Cléonyme , eut la tutelle.
Cet enfant étant en bas Age',, le royaume
tomba a ce tuteur, dont les nuEurs ne con\e-
noient pas trop 9^ celles dç ses concitoyens^
Car, quoique tous les Spartiates fussent déjk
abâtardis et corrompus par la corruption ge%
nérale où étoit tombe le gouvernement, il y
avôit cependant dans Léonidas une déprava-
tion plus marquée et un éloiguenient plus sen-
sible des mœurs et des usages de son pays ,
comme dans un homme qui avoit fait un long
séjour daiis les palais des satrapes, qui avoît
i. * 'ai
DigitizedbyCjOOgle
27^ AGIS ET CLÉOMÈNE.
fait plusieurs années la cour a Séleucus , et
qui , ensuite , sans garder ni mesiu^es ni bornes,
avoît voulu tr(ïnàportcr tout cet orgueil et
tout ce faste dans les affaires des Grecs et
dans un gouvernement juste et légiiime.
Agis, par son hâireux naturel et par sa
grandeur d'âme, se montra bien supérieur ^
non seulement ^ Léonidas, mais encore î
presque tous ceux qui avoient régné après
Agésilas-le-Grand. N'ayant pas encore vingt
ans accomplis, et quoicju'il eut été élevé dans
le faste et dans les délices par sa mère Agé-
sistratc et son aïeule Archidamie , qiiî possé-
doient plus de richesses que tous lés autres
Lacédémoniens ensemble, il renonça d^âbord
k toutes les voluptés , n'eut plus aucune at-
tention nî la moindre compiàisance*pour la
beauté de sa personne, rejeta tbutes les pa-
rures et les ^ètihs ornements , dépouilla et
fuit toute sorte de Snperfluîié et de magnifi-
cence , et fit gloire d'aller vêtu d'un simple
manteau et der^chercher les repaë , îe^ bams
et toute Fanciennemaniîëredè vivre de Sparte,
et dit liauténient, « Quil n'auroit que faire
<( d'être roi, si , par le moyen de la royauté,
<^ il n'espéroît de faire revivre lesJbis , et de
« rétablir dans son ancienne vigueur la dis-
n cipliue laconique ».
Cette discipline et les affaires des Lacéde^
DigitizedbyCjOOgle *
AGIS £T CLÊOMÈNE. 27 5
monîens avoîent commencé k dégénérer et k
se corrompre depuis le moment où , après
avoir miné le gouvernement d'Athènes, ils
eurent commencé k se remplir d'or et d'ar-
gent. Cependant le partage des terres que
Lycurgue avoil fait , et le nombre des hérî-
lagcs qu'il avoit établis, s'étant conservés dans
les successions , cbaque père laissant k son fils
sa part telle qu'il l'avoit reçue, cet ordre et
cette égalité , qui persévérèrent sans aucune
atteinte, relevèrent en quelque sorte la ville
de toutes les autres fautes qu'elle avoit faites
contre son ancien gouvernement, et la con-
servèrent encore entière K Mais un des plus
puissants citoyens, nommé Epitadès, homme
fier et opiniâtre , ayant été nommé éphore ,
et ayant eu un différent avec son fils, fit une
loi par laquelle il étoit permis k tout homme
de disposer de sa maison et de son héritage * ,
et de le donner de son vivant, ou de le lais-
ser par testament après sa mort, k qui il vou-
droit. Cet éphore fit cette loi pour assouvir
son resseniiment particidier, et Jes autres ci-
toyens la recevant et la confirmant par des
motift d'intérêt et d'avarice , renversèrent la
plus belle de leurs institutions. Car les puis-
sants acquéroient tous les joui*s sans garder
aucunes bornes , en chassant les héritiers des
successions qui leurappartenoîentj et tous les
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276 AGIS ET CLÉOMÈNE.
biens se trouvant bient6t entre les mains d'un
très-petit nombre, la pauvreté gagna et rem-
plit toute la ville ; et a la place des arts hon-
nêtes et libéraux qu'elle en chassa , elle y
introduisît tous les arts mercenaires et méca-
niques y et avec eux la haine et l'envie contre
cf*ux qui retenoient injustement ces posses-
sions.
Il ne resta dans la ville qu'environ sept
cents Spartiates naturels, et de ces sept cents
il n'y en avoit k-peu-près que cent qui eussent
conservé leurs héritages. Tout le reste n'etoît
qu'une multitude accablée de pauvreté, qui
demeurait dans la ville sans y avoir le moin-
dre degré d^honneur , soutenant à contre-
cœur et très-mollement les guerres contre les
ennemis du dehors, et épiant toujours l'occa-
sion de changer la situation présente des af-
faires, et de se tirer d'un état si violent. CVst
pourquoi Agis, persuadé que c'étoîtxme très-
telle chose, comme ce l'étoit en effet, de re-
peupler la ville et de la ramener k son an-
cienne égalité, commença k sonder les senti-
ments de ses concitoyens.
Il trouva d'abord , contre son attente , les
plus jeunes disposés k lui obéir, et tout prê's
à embrasser la vertu , et k quitter pour la H-
btTto leur manière de vivre , comme on
quitte un itiéchant habit pouf un meiileur-
DigitizedbyCjOOgle
AGIS Et CLÉOMÈNE. ^'J'J
Mais les plus âges, déjk entièrement pénétres
par la corruptiou , envisagèrent d'abord
comme une chose très- redoutable , la réforme
de Lycorgue, et tremblèrent an seid nom de
ce législateur, comme des escla\es fugitifs
que Ton ramène k leurs maîtres. C*est pour-
3uoi ils blâmoient extrêmement Agis, quand
déploroit l'état présent des choses , et que,
regrettant Pancienne dignité de Sparte, il
chercboit les moyens de la rétablir. II n'y eut
Îue Lysandre , fils de Lybis, Mandroclidas ,
Is d'Ëcphanes, et Agésilas, qui approu-
vèrent ses vues, et qui l'excitèrent fortement
\ les suivre et k les exécuter. Lysandre étoit
éelui des Spartiates qui a voit le plus de ré^
putation , et qu'on honoroit le plus; Mandro-
clidas étoit le plus propre k conduire des pra-
tiques secrètes; car sa ruse et son adresse
étoient accompagnées d'audace et de fermeté;
et Agésilas étoit oncle du roi et homme très-
éloquent, d'ailleurs foible et possédé de l'a-
mour des richesses ; mais il étoit excité et
aiguillonné par son fils Hippomedon , qui
s'ëtoit acquis beaucoup de gloire dans plu-
sieurs guerres et dans plusieurs combats, et
qui avoit beaucoup de crédit et d'autorité k
cause de l'affection que lui portoit toute la
jeimesse. Cependant , la véritable raison qui
l'obligea d'entrer dans les desseins d'Agis, ce
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378 AGIS ET CLÉOMÈNB.
fut la quastité de dettes dont il étoit accablé,
et dont il espéroit de se décharger , en chaD-
géant le gouvernement. Agis ne Peut ps
plutôt gagné ^ qu'il travailla avec lui a gagner
sa mère , sœur d' Agésilas , laquelle avoit beau-
coup de pouvoir dans la ville , a cause du
grand nombre de ses esclaves, de ses amis et
de ses débiteurs, et qui influoit beaucoup dans
les affaires les plus importantes.
Dès qu'Agis se fut ouvert à elle de son
dessein , elle en fut d'abord étonnée, et vou-
lut faire changer ce jeune homme , en lui
représentant qu'il entreprenoît des choses qui
n'étoient ni possibles ni utiles. Mais Agésiias
lui fit voir qiie cette entreprise seroit aussi
utile que belle , et qu'elle réussiroît infailli-
blement ; et le roi, étant revenu a la charge,
la conjura de vouloir sacrifier son or et son
argent k l'honneur et a la gloire de son fils.
Il lui représenta : « Que par ses richesses, il
« ne pourroit jamais s'égaler aux autres rois,
« puisque même les domestiques des satrapes
« et les esclaves des tuteurs de Ptcdémée et
« de Séleucus, possédoient plus de biedsque
K n'en a voient jamais possédés tous les rois
« de Sparte ensemble * ; au lieu que s;i , par
« la tempérance , par ime vie simple et fira-
« gale , et par la magnanimité , il pouvoit
c( effacer le luxe de tous ces rois, et rétablii
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AGIS ET CLÊOMÈNE. 279
K panni ses concitoyens réalité et la com-
u munauté des biens , comme elles étoient du
« terops de Lycurgne, il acquerroit yérita-
cf blement la réputation et la gloire d^un très-
« grand roi ».
Alors la reine et toutes les femmes qui lui
étoient attachées y animées et excitées par la
nobleambition de ce jeune prince , changèrent
tout d'un coup de sentiment; et^ comme par
une inspiration divine, elles furent tellement
frappées de la beauté de ce projet y qu'elles
pressèrent Agis de le mettre promptement k
exécution y et qu'envoyant chercher leurs
amis y elles les exhortèrent k se joindre au
roi. Elles parlèrent même aux autres Lacédé-
moniennes, sachant bien que les Spartiates
avoîent de tout temps beaucoup de déférence
pour leurs femmes, et qu'ils leur laissoient
plus de pouvoir et d'autorité dans les affaires
publiques, qu'ils n'en prenoient eux-mêmes
dans leurs affaires particulières et dans l'in-
térieur de leurs maisons. La plus grande partie
des richesses de Sparte se trouvant alors entre
les mains des femmes, Agis éprouva par Ik les
plusgrandesdifficultéspour son entreprise, car
elles s'y opposèrent d'abord, voyant bien
qu'elles alloient perdre non seulement leur
luxe et leurs délices , par le moyen de cette
vie rustique et grossière qu'on vouloit réta-
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2i50 AGIS ET CLEOMENE.
blir, et k laquelle on donnoit tant d'ëloges;
mais encore tous leurs honneurs et toute la
puissance qu'elles avoient k cause de leurs
richesses; elles recoururent toutes k Léonidas,
et le conjurèrent, puisqu'il etoit le plus âgé,
de retenir Agis, et de r empêcher d'exécuter
son projet.
Léonidas étoit très -porte' k secourir les
riches; mais comme ilcraignoit le peuple qui
souhaitoit fort ce changement , il n'osa pas
s'opposer k Agis trop ouvertement ; mais , sous
main , il chcrchoit k le traverser et a faire
ëtîhouer son dessein. Il parloit enr secret aux
magistrats, et caïomnioit Agis en disant : « Qu'il
« offroit aux pauvres les biens des riches, le
a partage des terres et l'abolition des dettes,
« comme le prix de la tyrannie qu'il vouloit
(( usurper; et que par la il cherchoit k faire
« non des citoyenspour Sparte, mais des sa-
« tellites'et des gardes pour sa personne.
Cependant Agis, e'tant venu k bout de
faire nommer éphore Lysandre , porta d'abord
au consçil une ordonnance qu'il avoit dressée ^
et dont les principaux articles étoient : que
tous les débiteurs seroient déchargés de leurs
dettes ; que , de toutes les terres qui étoient
depuis la vallée de Pellèoe ^ jusqu'au inont
Taygètc, au promontoire de Mallée et k Sel-
lasie, on en feroit quatre imlle cinq cents
AGIS ET CLéOMÈNB. 28 1
>ls; cpic de celles qui étoîent au-delk de ces
mites, on en feroit quinze mille; que ces
ernières portions seroient distribuées It ceux
m voisinage qui étoient en état de porter les
rmes ; et que celles (jui étoîent aiî*-dedan»
eroieatpour les Spartiatesliaturels, au n(Hn-
ne desquels on compteroit les voisins et les
itrangers qui auroient eu une éducation bon-
lète et noble y et qui se trouveroient bien
informé» de leur personne , et dans la fleur
le Page : qu'ils seroient tous distribuais eiï
juinzc tables , appelées Pbidities , dont la
noiddre seroit de deux cents r , et qu'ils ob-
îcrveroîent la même manière de vivre et la'
nênae discipline que leurs ancêtres. Cette or-
jo/inance ayant été écrite , et les sénateurs
d'étant pas tous de l'avis de l'accepter , Ly-
saudre fit assembler le peuple, et parla avec
beaucoup de force a ses concitoyens, pendant
que de leur côté , Mandroclidas et Agosilas
les conjuroient que , pour complaire k un
petit nombre qui même les insultoit et les
fouloit aux pieds, ils ne vissent pas d'un œil
indifférent la dignité de Sparte entièrement
avilie et perdue; mais qu'ils se souvinssent
des anciens oracles qui leur a voient été
rendus autrefois, et qui tous leur ordonnoient
de se donner de garde de l'amour des riches-
ses, comme d'une passion qui seroit certaine^
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advt AGIS ET CLÉ09IÈKB.
ment pei^nicieiise a Sparte, et qui càuseroitsa
ruine totale , et encore de ceux qa^ils avoiait
tout récemment reçus de la déesse Pasiphaé;
car dans la ville de Thalames, il y avoit un
temple et un oracle de cette déesse , <juî étoit
en grande vénération *. Quelques-uns pré-
tendent que cette Pasiphaé est une des At-
lantides , fille de Jupiter , et qu'elle eut
pour fils Ammon 9. D autres assurent qu'elle
n'est autre que Cassandre , fille de Priam ,
qui mourut dans Thalames ; et que , parce
qu'elle rendoit ses oracles a tout le monde y
elle fut appelée Pasiphaé »°. Mais Phyiar-
chus (a) écrit que la fille d' Amyclas, appelée
Daphné , fuyant les vives poursuites, d'Apol-
lon, fut changée en laurier, et que ce Dieu
l'honora du don de prophétie. On dit donc
que ses oracles ordonnoî^nt aux Spartiates de
revenir tous k l'égalité prescrite par la loi que
Lycurgue avoit établie.
Par-dessus tout cela, le roi Agis, sWan-
çant au milieu de l'assemblée , après un dis-
cours fort court, dit qu^il alloit beaucoup con-
tribuer pour sa part au gouvernement qu'il
vouloit établir, et qu'il mettoit d'abord en
commun tous ses biens qui étoient trës-con-
(rt) Phylarclius , auteur de plusieurs ouvrages his-
tnricjues et mythologiques, ëtoitoontemporaind^Agts.
Oq igaore sa patrie. A^L^D.
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AGIS ET CLÉOMÈNB. 283
. JéraWes , et qui consistoîent en terres la-
5 >iirables5 eh pâturages et en six cents talents
l'argent (a) comptant; que sa mère et son
areule alloient suivre son exejnpie, aussi bien
[^le tous ses parents et tous ses amis qui tous
etoient les plus riches des Spartiates. Tout le
peuple fiit e'tonné de la magnanimité de ce
jeune prince , et en même temps ravi de joie
de ce qu'après trois cents ans on revoy oit enfin
un roi digne de Sparte. Mais alors Léonidas,
levant le masque, s'opposa h lui de tout son
pouvoir; car venant a penser qu'il seroit
obligé de faire la même chose, et que ses con-
citoyens ne. lui en auroient pas la même obli-
gation, mais que tout le monde mettant éga-
lement tous ses biens en commun , Phonneur
en reviendroit toujours a celui -Ik seivl qui
avoit donné l'exemple, il demanda tout haut
à Agis , « s'il ne pensoit pas que Lycurgue fût
« un habile homme et un homme de bien ».
Agis ayant répondu, «qu^ille tenoitjpout
« tel : Où avez--vous donc vu , reprit jCéo-^
<( nidâfs , qi^e Lycurgue ait jamais ordonné
« une abolition des dettes, ou qu'il ait donné
« droit de bourgeoisie aux étrangers, lui qui
« étoit tièspersuadé que la ville ne pourroit
« être pure, si tous les étrangers n'en étoient
(( chassés » ? Agis lui rrpondit : « Qu'il ne
[a) Envirou 2,962,963 f. d^ notre monnoic.^.Zr.i?.
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984 ACîS ET CL^.f)]VîhNE.
« s'étonnoit point que luî qui avoît été élevé
4t dans les pays étrangère , et qui s'ëtoît marié
« k la fille d'un satrape , ne connût pas Ly-
« curgue , et qu'il ignorât qu'en chassant de
« sa ville 1 or et l'argent, il en ayoit baoïii
M toutes dettes actives et passives. Que, pour
« ce qui etoit des étrangers qui venoieot dans
« sa ville , il n^en vouloit qu'a ceux qui ne
<i pou voient s'accomnvoder aux mœurs et à la
« discipline qu'il établissoit ; que c'étoient là
« les seuls qu'il chassoit , non qu'il fît la
« guerre a leurs personnes, mais c'est q»ril
<( craignoit leur manière de vivre ex la cor-
« ruplion de leurs. mœurs; il. appre'hendoit
« que , mêlés et confondus avec ses conci-
<( toyens , ils ne leur, inspirassent insensiblcJ
« ment l'amour du luxe et de la mollesse, e^
« une envie démesurée de s'enrichir. Ignord
« t-on que Terpandre, Thaïes et Phéréçyde'^
« étoient tous trois étrangers? cependaiit,
« parce que, daçs leurs poëmes et dans leur
« philosophie, ils débitoient les mêmes maxi-
« mes que Lycurgue , ils sont honorés à
¥ Sparte avec distinction. Et vous-même,
« continua -t- il, vous louez extrêmement
« Eçprepes qui , étant éphore , coupa les
« deux cordes que le musicien Phrynis avoil
, « ajoutées aux sept dont la lyre étoit garnie '-;
tt vous louez de même ceux qui après lui firent
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AGIS ET CLBQAIÈNE. 285
« la même chose à Timothée * ^ ; et cependant
« vous me blâmez, moi qui veux bannir de
« Sparte le luxe, les délices > la de'pense et
u toute vaine supei*fluité. Ceux que vous ap-
« prouvez ponr avoir coupé ces cordes de la
<« lyre avoient-îls donc un autre but que
« (Tempêcher que tout ce fracas et cette su-
« perfluité de musique ne se glissassent dans
« une ville dont tous les excès qui s'étoient
« introduits dans la vie e( d£|ns.les mœurs ,
« avoient déjk fuiné Tbannonie qui régnok
n aupar4vaut dans toutes ses parties » ?
Apçès ce discours ) tout le peuple se déf
clarapoùr Agis,, et tous- les riches se rangè.-
rent au côté de Léonidas, en le priant de ne
pas le$ abandonner. Ils s'adressèrent ausslaux
sénateurs qui avoient sur cela le principal
pouvoir , en ce qu'ils avoient seuls le droit
d'examiner lespropositions avant qu'ellespufr-
sent être reçues et confirmées par le peuple ;
et ils firent tant par leurs prières et parleurs
instances, que ceux qui rejetoient l'ordon-
nance d'Agis, l'emportèrent enfin d une voix.
Mais Lysandre , qui étoit encore en charge ,
se mit aussitôt^ poursuivre Léonidas en vertu
d'une ancienne loi qui défendoit : « Qu'au-
« cun descendant d'Hercule eut des enfants
« d'une femme étrangère , et qui ordonnoit
« la peine de mort contre celui qui , sorti de
X. D,g,t,zedbylj£&^gle
286 AGIS ET CLÊOMÉNÉ.
« Sparte, seroit allé s'établir cliez lesétran-
« gers ». Après avoir aposté beaucoup de
gens pour teilîr contré Léonidas le raêmelan-
gage , il se lùit avec les autres éphores a ob-
server le signe du ciel. Et vôîcî comment se
fait celte observation. Toiis les neuf ans , les
éphores choisissent une nuit où le ciel est le
plus pur et le plus serein , mais sans lune, se
tiennent assis en rase campagne dans un pro-
fond silence, les yeux attachés au ciel ^el s'ils
voient une étoile traverser dHm côté du ciel
k Vautre, ils mettent en jugement leurs rois,
les accusent d^avoir commis quelque faute
énorme contre la Divinité', et les déposent
iûsqu'a ce qu'il vienne de Delphes ou d'O-
ympie quelque oracle qliî ordonne de lesré-
tabhr H. Lysandre, cKsant'donc qu'il avoii
observé ce signe , appela Léonidas en juge-
ment, et produisit dés témoins qui déposoient
3u'il avoit épousé une femme d'Asie qn'im
es lieutenants de Seleucus , chez lequel il
logeoit , lui avoit donnée ; qu'il en avoit eu
deux enfants; qu'ensuite étant devenuodieiu
et insupportable k cette femme, il étoit re-
venu quoi qu'k regret dans sa patrie ; et
qu'ayant trouvé le trône sans successeur lé-
gitime, il s'en étoit emparé. Ep même temps
il persuada k Cléombrotus d'intervenir aî«
pjrocès, et de demander la couronne, comm*
DigitizedbyCjOOgle
r
AGIS ET CLéoUÈNE. 387
tant de la race royale^ et gendre de Léo-
ildas.
Léonidas , effraye de cette poursuite dont
I craignoit l'issue ^ alla se réfugier dans le
ample de Minerve, appelée Chalcioicoa *^ ;
ît la ferame de Cléombrotus , quittant son
oari y alla solliciter pour son përe en se ren-
iant suppliante avec lui. Léonidas fut donc
K)înnié de se présenter ; et comme il ne com-
>anit point , on lui ôfa le royaume^ et on le
lonna k son gendre Cléombrotus.
Cependant Lysandre cessa ses fonctions 9
le temps de sa charge étant expiré. Les épho-
res qui lui succédèrent ^ rétablirent Léonidas
jui s^étoit jeté entre leurs mains , et intentè-
rent un procès k Lysandre et k Mandrocli-
ias , sur ce que contre la loi ils avoient dé-
cerné l'abolition des dettes et le nouveau
partage des terres. Lysandre et Mandroclidas^
ie voyant donc en danger d'être condamnés ,
persuadent aux deux roîs qu'ils n'ont qu'k
s^jnir , k se bien entendre ensemble , et k se
moquer de toutes les ordonnances et de tous
les décrets des éphores : « Car , disoient-ils^
« toute la force de ces magistrats ne vient
« que de la mésintelligence des rois , parce
u qu'ils appuient par leurs suffrages celui des
« deux qui ptopose le meilleur avis, lorsque
« Tautre le combat et s'oppose k ce qui est
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288 AGIS ET CLÉOMÈNK.
« expédient et utile j aulieu, ajoutoîcnt-îls ,
« que , quand les deux rois sont d'accord et
a ne veulent que la même chose , rien ne
« peut s'opposer k leur volonté ni a leur
« puissance; et c'est contrevenir aux lois que
« de leur résister , les éphores n'ayant qiie
« le pouvoir d'arbitrer et de décider entre les
« deux rois quand ils sont de différent avis j
« et nullement le droit de s'ingérer dans leurs
« affaires quand ils sont d'accord » • Les deux
rois , persuadés par ces discours , se rendi-
rent a l'assemblée, firent sortir les éphores de
leurs sièges , en établirent d'autres en leur
place, du nombre desquels fut Agésîlas ; et
ayant fait prendre les armes a quantité de
jeunos gens, et délivré les prisonniers , ils se
rendirent très- redoutables k leurs ennemis,
qui crurent qu'ils alloient faire main- basse
sur eux. Cependant il ne périt personne ; au
contraîi e , Âgésilas ayant voulu faire tuer
Léofiîdas comme il s'enfuyoit a Tégée , et
ayant envoyé après lui des gens pour exé-
' enter ce meurtre, Agis, qui en fut averti ,
dépêcha en même temps des gens-fidèles qui
accompagnèrent Léonîdas , et le conduisirent
en sûreté jusqii'k Tégée.
Leur entreprise marchoit donc vere so»
exécution sans aucune opposition ni la moin-
dre résistance^ lorsqu'un seul homme ^ Agé-
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IGM ET CLÊOMÈNI?. 2?9
lias , renversa et mina tout , en corrompant
H plus belle de toutes les institutions et la
>Ius digne de Sparte, par la maladie la plus
lonteuse, par son avarice ; car , comme, il
possédoît une des plus grandes et des mejl-
leures terres du pays , quMl devoit de grosses
>oinraes , et qu'il n'étoit ni en état de payer
ses dettes , ni en volonté d'abandonner sa
terre pour la mettre en commun , il persuada
k Agis que le changement seroit trop grand ,
trop violent et même trop dangereux, s'ils
entreprenoient de faire passer en même temp^
l'aboutioQ des dettes et le partage de* terres ;
mais que, si on commencoît d'abord )! gagner
les possesseurs des terres par l'abolition des
dettes , *îls supporteroîent ensuite le partage
des terres avec plus de douceur et de facilite.
Cet expédient fut goûté parLysandré'même ,
trompé par Agésilas. Prenant donc aux créan-
ciers tous leurs contrats et toutes leurs obli^
gâtions , que les Lacédémoniens appellent
clana , ils les portèrent a la place publîque y
les assemblèrent en un nfK)nceau y et y mirent
le feu. Dès que la flamme s'éleva en l'air , les
riches et les banquiers^qui avoient prêté leur
argent, s'en retounièrent très-désolés; et
Agésilas leur insultant encore , dît : « Que
« de sa vie il n'a voit vu un feu si beau ni
« de flamme plus claire >^.
SgO AOIS ET CLÉOMEME.
Aussitôt après le peuple demanda qu'on
fit le partage des terres , et les rois ordon-
noient que cela s'exécutât; maïs Agésibs^
faisant toujours naître de nouvelles difficul-
tés pour l'empêcher, et alléguant prétestes
sur prétextes , gagna du temps , jusqu'k ce
qu^Agis fut obligé de partir h la tête d'une
armée ; car les Achéens , alliés de Lacédé-
mone, leur avoieut envoyé demander du se-
cours contre les Etoliens qui meiiacoîeDt
^'entrer par les terres des Mégarîens dans le
Péloponèse, Ara tus, général des Achéens,
avoit déjà assemblé des troupes pour s'op-
poser a leur marche , et il avoit- écrit aux
éphores. Sur ses lettres, les éphores firent|
partir Agis , dont le courage étoit f<Jrt élevé'
par son ambition naturelle, et encore par la
bonne volonté que ses troupes lui marquoient;
car c'étoîent pour la plupart des jeunes gens
pauvres , qui , se voyant déj^ déchargés de
toutes dettes et libres , et espérant encore
qu'ils partageroicnt les terres s ils revenoient
de cette expédition, se montroient merveil-
leusement affectionnés pour Agis. C'étoit un
spectacle admirable pour les villes , de voir
ces troupes traverser le Péloponcse , sans faire
le moindre dégât ni commettre le moindre
désordre , et sans que le bruit de leur marche
ifut presque entendu. Les precs se deman-
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AGIS ET CLÊOMÈNE. 29 1
Soient cntr'eux avec ëtoonemeqt^ miellé de-
voit être autrefois la discipline de 1 armée de
Lacédémoiie , quand elleavoitasa tête Agé-
silas, Lysandre, ou Pancien Léonidas, puis-
que commandée par un général , plus jeune
que tous ceux de son camp, elle témotgnoit ,
pour lui tant de respect et tant de crainte ?
Aussi ce jeune prince ne faisoit gloire que de
vivre da^s une grande simplicité y d'aimer le
travail , et de n'être jamais ni vêtu ni armé
plus magnifiquement (|ue le moindre soldat
de son armée ; et c'est ce qui le faisoit admi-
rer et aimer du peuple; mais celte nouveauté
qu'il introduisoit déplaisoit infiniment aux
riches , qui craiguoient que son exemple ne
fût suivi par tous les peuples des environs.
Agis joignit Aratus près de Corinthe, pen-
dant qu'il dclibéroitdansun conseil de guerre
s'il hasarderoit la bataille, et quelle disposi-
tion il donneroît k ses troupes. D'abord Agis
lui marqua beaucoup de re'solution et de
bonne volonté , et fit paroître une audace
qui n'étoit ni furieuse ni téméraire. Il lui dit :
« Qu'il étoit d'avis de combattre , et de ne
a pas soufirir que la guerre forçat les porJes
« du Péloponèse, mais qu'il feroit ce qu'Ara-
« tus jugeroit a propos; car, ajouta-t-il, ou-
« tie la supériorité de l'âge qu'il ^a sur moi ,
« il est encore capitaine général desAchéens,
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/
292 AGIS ET CLÉOMÈNE. l
« et je ne suis pas venu a la tête des troupes
« auxiliaires pour les commander , maïs seu-
« lement pour combattre avec eux et les sé-
« courir » . Bâton de Sinope (a) écrit pour-
tant qu^Agis ne fut pas d'avis de combattre ,
quoîqii'Aratns le voulût j mais cet historien
n'avoit pas lu ce qu'Aratus lui-même avoit
écrit sur cela pour sa justification ; car ce gé-
néral dit que les laboureurs ayaut déjk ré-
cueilli et serré tous les grains et tous les fruits
de la terre , il avoit jiigé plus a propos de
laisser entrer les ennemis , que de hasarder
une bal aille où 11 s'agissoît de tout '*». Dès
qu'Aratns.eut pris la résolution de ne pas
combattre , îl congédia ses alliés y après les
avoir comblés de louanges.
Agis , étonné de cette conduite , partît
avec ses troupes, et reprit le chemin de
Sparte où les affaires étoîent déjb brouillées,
et où îl trouva un grand changement. Car
Agésilas , qui étoit éphore , se voyant déli-
vré de la crainte qui le rendoit auparavant
bas et timide, osa tout, et ne s'abstint d'au-
cune injustice qui pouvoit lui procurer quel-
que argent; car il ajouta k l'année un trei-
zième mois, quoique la période ne le de-
mandât point , et que cela fut contre l'ordre
(a) Historieu qui avoit écril Thisloire de PecseJl
^loîi plus jeune (jti'Aratus,
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AGIS ET CLÉOMÈN8. SgS
es temps, pour faire payer pour treize mois
îs impots qu'on ne devoit que pour douze,
lais craignant ensuite ceux k qui il a voit
lit un sî grand tort , et se voyant haï de tout
î monde , il prit et entretint des satellites
uî lui servoient de gardes lorsqu'il alloît au
énat ; et quant aux deux rois , il témoignoit
•oiir l'un (a) beaucoup de mépris, et vouloit
[u'on crût que rhonueurqu'il portoit )i l'au-
re (6) , étoit un respect quHl rendoit plutôt
L la parenté qui les unîssoit , qu'k sa dignité
le roî. Comme îl fit courir le bruit qu'il seroit
ïncore épborç l'année suivante , ses ennemis
e lignèrent promptement ensemble, et s'ex-
)osànt au dernier péril, pour éviter les maux
iont ils étoient menacés , firent venir ouver-
:ement Léonidas de Têgée, et le rétablirent
5Ur le trône , k la grande satisfaction du peu-
jde même , qui étoit très-irrilé de voir qu'on
l'avoit abusé par l'espérance d'un partage de
ferres qu'on n'avoit point exécuté. Agésilâs
iut son salut a son fils Hippomedon, qui
étant bien vu de tout le monde à cause de sa
valeur , fit tant par ses prières , qu'il parvint
^ le tirer d affaires. Et quant a,ux deux rois ,
Agis se réfugia dans le temple de Minerve ,
appelé Chalcioicos , et Cléombrotus alla se
{a) Pour CUombrotus.
{b) A Agis. ^ .
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agi AGIS ET CLÉOMfeî^lî,
rendre siippliant dans celui de Neptune* Ce-
toit surtout contre ce dernier que Léoaid»
paioissoit le plus irrité ; car laissant pour le
inoment Agis , il alla d^abord à Cléombrotos
avec une troupe de soldats ; et étant entré
dans le temple, il lui reprocha d'un ton pleia
de colère qu'étant son gendre , îï s'étoitëlcve
contre lui , lui avoit oté le royaume , et IV
"voit chassé de sa patrie.
Cléonibrotus qui n'a voit rien ^ répondre a
ces reproches, se tenoit assis dans un profond
silence et avec une contenance qui marquoit
son embarras. Sa femme Chélonide , fille de
Léonidas, avoit d'abord embrassé le parti de
spn père si injustement traité ; et après qae
son mari eut usurpé le trône j elle le quitta
sans balancer, et se rendit la compagne à
son père dans ses malheurs, le servant et ne
l'abandonnant point pendant qu'il resta dao$
i^arte , et se rendant suppliante avec lui ; et
depuis qu'il fut sorti , elle persévéra dans son
df'uil, toujours pleine de ressentiments contre
Cléombrotus. Mais alors changeant comBie
la fortune, on la vit assise auprès de son niarit
suppliante comme lui , le tenant étroitement
s,erré contre son sein , et ayant ses deux en-
fants k ses pieds , l'un d'un côté , l'autre de
l'autre. Tous ceux qui étoîent présents fon-
doient en larmes et admîroient la vertu et h
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AGIS ET CLÉOMÈNÈ. 298
liaritë de cette femme et cet amour conjugal.
Ihëlonide moatraot ses habits de deuil et ses
lie?eux épàrs et négliges : « Mon père , s*é-
cria-t-ellc , ces habits si lugubres , ce vi-
sage abattu , et cette grande affliction oti
vous me voyez , ne viennent point de la
: compassion que j'ai pour Cléombrotus ; de
; sont les restes et les suites du deuil que j'ai
: pris pour tous les mauiL qui vous sont arri-
: vés , et pour votre fuite de Sparte. Que
[ faut -il ddiid que je fasse présentement?
( Faut-iil que , pendant que vous rë^z k
( Sparte , tet que 'vaus triomphez de vos ert-
r nemis^. je continue de vivre dans la dësa-
( lotion on je me trouve? Ou 'faut-il que je
( prenne des robes magnifiques et royales* ^
i lorsque le rfiari que vous m'avez donné
< dans ma jeunesse y se trouye sur le poiilt
ic d'être égorgé par vos propres'mains? S'il nte
( peut désarmer votre colèr«,:ni vous fléchir
X par les larmes de sa femme et de ses enfants^
K sachez qu'il sera plus puni desmauv«iis con-
K seils qu'il a suivis , et qu'il souffrira on sup-
K plîce plus cruel que celui que vous lui pre-
i( parez, lorsqu'il verra sa femme qui lui est
(< si chëre , tiiourir avant lui. Car, comment
« pourrois-je vivre, comment pourrois^jeme
« trouver avec les autres femmes de Sparte ,
u moi qui n'aurai pu par mes prières toucher
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S9^ AGIS in: clkomènb.
. « de compassion ni mon mari pour mon pen^
(( ni mon père pour mon mari , et qui , ti
<( femme et fille y me serai toujours' vu %i^
« lemeut malheureuse , et toujours un objtt
«de mépiis pour les miens ?, Quant k mot
n mari y s'il a pu avoir quelques raisons ap-
« parentes pour excuser ce qu'il a fait, je les
« lui ai ravies en le quittant, en prenant vorie
« parti y et en seiTant presque de tëmoio
iK contre lui-même. El vous ^' vous lui foiir-
<( nissez des moyens bien plausil>les de justi-
« fier sou injustice , en faisant voir par voue
« conduite que la royauté est. un si grand
« bien et un bien si désirable , que y poir
« l'obtenir y on peut avec justice égorger s(^
, 4i gendres y et sacrifier tout le bonheur desfs
« enfants ». En faisant cçs tristes plaintes,
.Cbélonide appuya son visage sur la tête 3e
Cléombrotus:, et tourna sur les assistants da
yeux abattus par la tristesse y et dont les lâi*
mes avoient terni \tout l'éclat.
Léonidas , après s'être entretenu un intv-
ment avec ses amis y ordonna k Clëombrotiis
de se lever et de sortir promptemeot A
Sparte. En même temps il pria instamment a
fille de demeurer et de ne pas TabandonDer ,
après la marque de tendresse qu'il venoîl de
lui donner, en lui accordant cette faveur in^
signe y le salut de sou mari ^ mais il ne put la
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AGIS IBSt CjÀOVtkvt. ^9^
îTsnader^ et dès que son mari se fut lev^^.
le lui remit un de ses enfants entre les bràs^
il l'autre «ntre les siens j tt aprè^ ftTDir (kit '
prière k la Déesse (a), et adoré sonttutel y
le alla en éxii avec uii^de sorte que > $t
léombrotuis n'eût eu le cœur entièrement
)rminpu par la Vaine gloire, et par cette
mbitioHxiémesuréeder^ner ^ il auroittroUVé
lie l'exil, avec une compagne si vertuetiae^
toit pom: liii un bonheur préférable k la
>yautèw
Après que Léonidas eut chassé Cléombro*-
us, et déposé les premiers archontes^ et
|U'il en eut mis d^antres en leur place, il stt
ait a tendre des embûches k Agis. Il tâcha
l^abord de lui persuader de quitter son asile
!t devenir régaer avec lui , et lui faisoit cn-^
endre que ses concitoyens lui pardonnoient
ont le passé , parce qu'ils voyo^nt biea
|ii'étant encore jeime, ambiiieux d'honneur
!t sans expérience , il s'étoit laissé tromper
}ar Agé^las. Mais comme Agis doutoitde la
»'mcérité de ses paroles , et qu'il s'opiniatroit
1 demeurer dans ce temple , Léonid» re^
lonça au dessem de l'abuser par de fausses
(a) n me semble qu^tl féci a^e U9ÈB9 «t.qu^U
Faut mettre : «.•pr^axau^MMi^^pnère au dieu »^
Platarque a difcnkfCîiif M(ÛlSâN^2tllS t'étoit ré;
fitgië dut k Ulî^^ n^SU^
a 98 AGfô £T CLÉomENE.
})romes$es. Ampharès , Démocbarès et Arcé-
silâs , qui avoient coiitume de lui rendre soq"
veut visite, lui continuèreut leurs soins, H
quelqyefois ils le nienoient du temple jusqu'aoi
-étuvjes^ et après qu'il s'étoit baigné ils le rs-
menoient en sûreté dpns le temple; car ils
étoient tous trois ses amis particuliers. 11 ar-
riva un jour qu'Ampharès avoit empnmié
d'Agésistrata , mère d'Agis , de riches tapisse-
lies et de la vaisselle d'argent très-magnii-
<jue. Ces richesses lui firent naître Teii^Te
de trahir le roi et le3ieî(te$ , ds^m Pespéraoce
que ces meubles précieux lui demeureroieut.
L'on dit même que ce fut lui qui, plus que
les deux autres , prêta l'oreille poujr ce des-
sein aux suggestion^ de Léonida&, et qui ex-
jpita le plus contre Agis , les éphores, du
nombre desquels il étoit* Ce prince rtstà
ordinairement daqs le temple ^.m^is ccMumeS
sortoit quelquefois pour aller au bain , ils ré-
solurent de profiter d'un de ces moments
poiurlesurforeiidre. L'ayant donc épié un jour
comme il s'en retournoit après s'être baigné*
ils allèrent au-devant de lui , l'embrassèreiit,
et se mirent k l'accompagQer, en s'enttete-
nant et en badinant avec lui comme avec oa
|eun^ h(»nme y et «n homme aveo lequel ils
vîvoîent avec beaucoup de familiarité. ^^
lout de la rue, il y av(Ht vq détour qui xb^
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AGIS ET CT.tOMi'NK. Sgc^
Kt k !a prison ; quand ils furent k ce coin ^
tapharës , en yertn de sa dignité , saisit Agis^
: lui <lit : « Agis, je vous mène aux ëphoresy
afin que vous leur rendiez compte de votre
'conduite >». En même temps, Démochar es ^
li étoir grand et fort, lui jetant son manteau
itour du cou , se mit k le traîner ; et les au-
es, comme ils enëtoient convenus, le pous-
rent par derrière. Personne ne paroissant
ynv le secourir , et la rue étant d^rte , ils
jetèrent dans la*prison.
Lëonidas arrive aussitôt avec un grand
>Tnbrc de soldats étrangers, et environne la
rison ; les éphoi es s'y rendent également et
3rès avoir fait venir ceux des sénateurs qui
loient dans les mêmes sentiments qu'eux, ils
iterrogèrent Agis comme dans un jugemeqt
iridicjue , et lui ordonnèrent de se justifier
ir ce qu'il avoît voulu innover dans la ré-
iblîque. I^ jeune roi ne fit que rire de leur
'ssimulation. Ampharès, prenant la parole ^
i dît : « Qu'il n'étoit pas temps de rire ,
qu'il pleureroit tout-à-l'heure, et qu'il por-
teroît la peine de sa, folle témérité ». Vn
itre des éphores, faisant semblant de le fa-*
>rîser, et de lui ouvrir une voie pour se ti-
;r de cette affaire criminelle , lui demanda ,
s'il n'avoît pas été forcp par Lysandre et
pnr Agésilas. // répondu : qu'il n'a voit
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nOO AGIS ET CLEOMENE.
« étë contraint par personne ^ mais que, pleio
«d'admiration pour Lycurgue, et voulant
« Tiiniter, il a voit entrepris de remettre la
a ville dans le même état où ce législateur
« Pavoit laissée ». Le même éphorè lui de-r
manda, « s'il ne se repentoit point de ce
« qu'il a voit fait ». Le jeiine prince répondil :
n qu'il ne se repentiroit jamais d'une enlre-
<c prise si l^elle, si noble et si vertueuse,
« quand même il verroit la mort devant les
« yeux ». Alors ils le conèlimnèrent k mort,
et sur-le-champ ik ordonnèrent aux oi&ciers
ptiblics de le mener dans la chambre appeléôj
Décade *' y qui est l'endroit de la [A-ison ouj
l'on étrangle ceux^quî soi^t condamnés.
Démocharès, voyant que ces officiers n(U
soient mettrelamain sur Agis , et que lessoUj
dats étrangers se détournoient , et ne vou-j
loient point prêter leur minis;tère a cette exé^
cution , comme n'étant ni pieux ni juste de
porter ses mains sur la personne du roi , les
àqcabla d'injures et de menaces , et traîna
lui-même Agis dans le cachot ; car déjà le
peuple avoît été informé qu'il étoit pris, déjà
pn s'assembloit ^devant les portes de la pri-
son où il y avoit un grand tumulte , déjà
' toute la rue étoit éclairée d\in nombre infini
de flambeaux, et l^mëre d'Agisetson aïeule
étoient accourues reniplis^ant tout de levrs
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AGIS ET CLÉOMÈNE. 3oi
i is , *et priant que le roi des Spartiates eût
:U moins le'prîvilége de se défendre et d'être
iigé devant ses concitoyens. Cela fut cause
|u'on hâta encore son exécution , de peur
[!i'on ne l'enlevât celte nuit-là même , si
m donnoit le temps au penple de s'assembler,
domine on le menoit au lieu où il devoit être
itranglé, jl vit un des exécuteurs qui pleu-
oit et qui étoit touché de son infortune ^
« Mon ami, lui dit-il, cesse de me pleurer ;
(( car , périssant ainsi contre les loi^ et la jus-->
« tice, je suis en meilleur état et plus digne -
K d^envie, que ceux qui m'ont condamné »•.
Eu finissant ce peu de paroles , il présenta
volontairement son oou au cordon.
En même temps Araphapès sortit a la porte
de la prison ; et Agésistrata , s'étaut d'abord
jetée a ses genoux , comme il avoit toujours
^écu avec elle d^ns une étroite liaison , il ia
releva en lui disant :, « qu'Agis n'avoit a
(( craindre aucune violence ni anoun mauvais
<( traitement » , et qu'elle étoit libre d'entrer,
si elle vouloit, dans la prison pour Voir son
fils. ^Ile demanda que sa mève put entrer
aussi avec elle : Riea n'empêche, dît Am-
pbarès ; et les prenant l'une et l'autre , il les
introduisit dans la prison; et ayant commandé
qu'on fermât là porte, il livra d'abord à
Vçxéciilçur Archiaauiiç j ffuî étoit très avûa-%
3o2 AGIS ET CLÉOMKNE.
cée en âge , et qui avoît vieilli parmi ses con-
citoyens avec autant ou plus de dignité , de
réputation et d'estime , qu'aucune femme de
son temps. Quand elle eut été exécutée, il
ordonna k Âgésistrata d'entrer dans le cachot
En entrant elle vit d'abord son fils étendt
mort par terre , et sa mère attachée encore
au funeste cordon. Elle aida elle-même aui
exécuteurs k la détacher , et l'ayant étendue
auprès du corps de son fils, elle l'ensevelit
et la couvrit d'un linge; ce pieux office ren-
•du, elle se jeta sur le coips de son fils, et le
baisant tenarement , elle lui dit : « Mon fils^
« c'est l'excès de ta piété, de ta douceur,
« de ton humanité , qui t'a perdu, et q'û
<( nous a perdues avec toi ». Ampharès, qui
de la porte entendoit et voyoit tout ce qui se
disoit et tout ce qui se passoit, entra , et adres-
sant la parole k Agésistrata , il lui dit avec
emportement : « puiscfiie vous avez su et ap-
<( prouvé les desseins de votre fils , voussouf-
<( frirez aussi la çiême peine ». Â cjes mots,
Agésistrata se levant et courant au-devaut
du fatal cordon : « Au moins ,' dit-elle, que
« ceci puisse être utile k Sparte » !
Dès que le bruit de ces exécutions se fut
r.»pandu dans la ville , et qu'on vit emporter
les trois corps, il n'y eut point de crainte as5?z
grande pour empèclier les cî^^einjs de témoi-
AGIS ET CLÉOMÈNli. 5o5
gner ouvertement la douleur qu'ils avoient
de tout ce qu^on venoit de faire , et la haine
dont ils étoient remplis contre Lëonidas et
Ampharès, bien persuadés que, depuis que
les Doriens étoient établis dans le Pélopon-
nèse , on n'avoit rien fait de si atroce m de
si impie que ces horribles exécutions. Car les
ennemis mêmes dans les combats, venant k se
trouver devant les rois de Sparte , ne met-
toient pas facilement les mamssur eux,. mais
ils se détournoient , craignant et respectant
ce caractère. Cest nourquoi, dans toutes lei
batailles des Lacédémoniens contre les Grécs^
il n'y a eu que le seul Cléombrotus (a), qui ^
avant le règne de Philippe , fut tué d'un coup
de javeline , k la bataille de Leuctres. Il est
vrai que les Messéniens disent que Théo-
pompe fut tué par Aristodème j mais les La-»
cédémoniens le nient et assurent qu'il ne ftit
que blessé. Quant k cela , il y a grand sujet
de doute et d'incertitude. Il est toujours cer-*
tain qu'k Lacédémone , Agis fut le premier
roi qui liiourut par l'ordre dèfii éjjipres , pour-
avoir entrepris des choses très-belles et trè§-^
dignes de la grandeur de Sparte, et qui mou-
rut dans un âge oii les hommes qui font dea.
fautes trouvent ordinairement de l'indùîgen-*^
ce , et obtiennent facilement leur pardou. Gê
(a) C'e&t Cléombrotus premier. ,d^ L^Ik.
5o4 AOI8 ET CLKOMÈNB.
prince Inè^le mérita plus les reproches deseî^
garnis , que de ses ennemis , en ce qu'il laissa
vivre Léonidas , et qii jl se confia aux autres
magistrats par un effet de cette douceiir et
de cette bonté qui le distinguoient paroii les
hommes.
Afifès la mort d'Agis , Léonidas ne fit pas
assez de diligence pour se rendre niaitred'Ar*
chidamus , frère de ce priqce , qui m^it aussi-
tôt la fuite 'y mais il fit enlever de la maison
d'Agis sa femme avec un enfant qu'elle avoit
#u de lui , et la fit épouser par force h son fik
Cléomène, qui n'étoit pas encore en âge d'être
marie. D ne vouloît pas que cette veuve toui-
))ât entre les mains d'un autre ; car Agîatis ^
c'est ainsi qu'elle s'appeloit , avoit hétité de
aon père Gylippe detres-grands tiens j d'ail-
leurs, elle surpassoit par sa beauté et par ses
grâces toutes les ^utres femmes grecques , et
se distinguoit encore davantage par sa sa-
gesse et par sa vertu. C'est pourquoi elle fit
tout ce qu'elle put pour n'èîre point forcée à
ce mariage; elle pria et conjura, mais tout
fut inutile. Etant donc unie k Cléomène,elle
eut toujours une haine mortelle pour Léo-
nidas , mais beaucoup de bonté , de dou>
çeur et de complaisance pour sou jeune mari ^
3 ni, dès le premier jour de leur union, Vsâma^
perdument, et partagepît, eff quelque ^x^^t
AGIS ET CLÉOMÈNE. SdS
I tendre amitié qu'elle conservoit pour Agis y
t le plaisir qu'elle prenoit k s'en souvenir,
cuvent même il lui faisoit raconter tout ce
uî s'ëtoit passé , et l'écoutoît avec beaucoup
"attention quand elle lui expliquoit les grands
esseins et les grandes vues qu'il avoit po%r
i gouvernements
Cléoroène étoit ambitieux d'bonneur et
rès-magnanime ; il n'étoit pas moins né k la
erapërance et k la ^simplicité qu'Agis ^ mais
I lui luanquoit celle grande bonté et cette
;rande douceur que ce prince avoit eues, la
ature ayant mêlé dans son tempérament un
iguillon de colère et une véhémence qui le
^ussoit avec ardeur k toUt ce qui lui parois-
oit honnête. Il ne trou voit rien de si beau
[ue de commander k ses concitoyens de leur
)on gré et de leur propre consentement î mais
1 trouvcit beau aussi de les réduire malgré
îux et de le^ forcer k embrasser <se qui leur
îioît le meilleur et le plus utile. 11 étoit mé-
content de voir dans Sparte, tous les ci-^
toyens amollis par l'oisiveté et parles volup-r
:és ; le roi montrer la plus grande insou-r
fiance pour toutes les afiaites , pourvu que
personne ne l'empêchât de vivre dans 1 a-
uondance et dans les délices ; l'intérêt publie
négligé, et chaque particulier tâcher d'attirer
a lui tout le profit | et d'enrichir sa maison
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5o6 AGIS ET CLÉOMÈNË.
aux dépens de la ville même. Et en effet si
on avoit voulu exercer les jeunes gens et les
ibnner k la tempérance , k la patience et à
l'égalité , il auroit été très -dangereux seule-
ment d'en parler, car on se rappeloit la cause
de la mort d' Agis. On dit aussi que Clporaené
encore jeune avoit eu quelque teinture de
philosophie dans le temps que Sphérus, qui
venoît des bords du Borysthcne * • , passa \
Lacédcmone , et s'appliqua avec assez de suc-
cès k instmire les jeunes garçons et les jeund
hommes. Ce Sphérus étoît un des prîncîpaujj
disciples de Zénon-le-Citicn *9. Il parott qu'i
fut d'abord charmé de la vigueur , de 1^
force et de la générosité qui éclat oient dani
le naturel de Cléomëne, et qu'il s'en servii
pour allumer davantages^n ambition. On de
mandoit k Pancien Léonidas ce qu'il pensoil
du poète Tyrlée : « Il me paroît très-proprt
« répondit'il, k enflammer les âmesdes jeunes
(c gens ; car ses poésies les remplissent d'un
a tel enthousiasme et d'une telle fureur, crue
« dans les batailles ils se jettent dans les pm
« grands périls sans ménager leur vie ». Là
philosophie stoïcienne a de même pour les
grandes âmes , pour les âmes vigoureuses et
fortes, quelque chose de daijgereux, et qui
les porte au dernier excès de la témérité *' ;
mais quand elle vient k se mêler avec un na-
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AGIS ET CLEOJttÈNE. So^
brel grave , modéré, donx et sage , alors elle
produit les fruits qui lui sont propres.
Après la luort de Léooîdas, son fils Cleo-
ène lui sucèéda au trône , et vit t(»2s les
palliâtes entièrement relâchés et corrompus;
s riches négligeant les affaires publiques pour
abandonner h leurs volupté , et pour rem^
ir leurs cupidités insatiables^ et le peupks
:caUé de misère , ne se portant point volon-
ers k faire la guerre, et renonçant h Phon*
hte ambition de bien élever ses enfants. Il
it encore qu'il n'a voit lui-même que le vain
tre de roi , et que toute l'autorité étoit entre
s mains des éphores. Il conçut d'abord le*
rojet de changer le gouvernement. Il avoit
Q anai , nommé Xénarès, qui Tavoit tendre-
tent aimé; les Lacédémooiens appellent cet
ttachement {^72^ inspiration divine *^ Il le
mda d'abord en lui demandant quel roi avoit
té Agis, et de quelle manièreet avec quelles
ens il s'étoît jeté dans la route qu'il avoit
livie. Xénares prit d'abord grand plaisir k
î ressouvenir de toutes ces affaires dont il
voit été témoin , et k lui raconter en détail
omment elles s'étoient passées. Comme il vit
lléomène sç passionner et s'enflammer pour
îs changements qu'Agis avoit voulu faire
ans l'état, et nepointse lasser d'en enten-
Ice le récit, il le reprit tout en colère en It,
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So8 AGIS ÈTCLÉOMèNE..
traitant d'homme peu sage ; et enfin il rom-
pii avec lui tout commerce , et n'alla plus le
voir. Il n'expliqua U persoàne le sujet de cette
ruptui*e, et se contenta de dir^que le roi k
savôit^
Xénarès ayant aiûsi repoussé cette tenta*
live , Gléomène se douta bien qu'il troute-
xoit tous les autres dansles mêmes sentîmeois;
c'est pourquoi il résolut d'exécuter son projet
par lui-même 5 et persuadé que la guerre se-
toit plus favorable k son dessein ^ que la paa^
il commit sa ville avec les Achéeim , qui heu»
reusemènt lui avoient donné quelques sujets
de plainte. Car Aratus^qui avoit parmi eut
la principale autorité ^ avoit voulu dès le
commeocement de son administration , foi^
mer une ligue de tous les peuples duPélopo-
nèse. Cétoit la le but où il tendoit dafl
jtoutes ses guerres et dans toutes les vues pc^
litiques qu'il avoit pendantla paix, persua<le
que cette ligue étant faite, ils n'aunneot
rien a craindre des ennemis du dehors. Tom
les autres peuples avoient déjk donné lev
consentement, «t il ne restoit plus que h
Lacédémoniens , les Eléens , et ceux des Ar^
cadiens qui marchoient sous la bannière à
Lacédémone. Aussitôt après la mort de Léo*
nidas , Aratùs se mit k harceler les Arca-
diens^ et k (ûre le dégât fturtom dans te
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XGIS ET CLÊbMÈNB. 5o$
ierres de cenxqui coofinoient auxAcbëess^
roulant tâter par Ik le courage des Lacédémo*
lieos, et faire connottre en même temps qu'il
aéprîsoit Cleomène comme un homme fort
eune et qui n'avoit aucune expërience. Des
me les épfaores furent informes de cet acte
r hostilité , ils envoyèrent Cle'omène s'em'*
parer du temple de Minerve qui est près de
avilie de Belhine (a); car celieu-la est l'eu-
irée de la Laconie^ et faisoit alors Je sujet
Fune contes;tation entre les I^acëde'moniena
îi les Mégalopolitains. Cléomène s'en étant
Pendu maître et Payant fortifié , Aratus n* ea
it aucune plainte , mais il leva son camp la
Huit y et s'approcha de IVgée et d'Orcho-^
(aène (&). Les traîtres q^ii dévoient lui livrer
les portes de ces villes ^ ay^nt été retenus par
la crainte dans le moment qu^ils dévoient ei^é-*^
cuter leur trahison^ Aratus s'en retourna sans
rien fairSi) croyant que sa marche avoit été
bien cachée. Mais , le lendemain , Cléomène
lui écrivit comme k son ami , et lui demanda
par ironie y « où il meuoit son armée la nuit
« dernière. Aratus lui fit réponse y qu'ayanC
« eu avis qu'il alloit fortifier Belbine, il étoit
<4 sorti avec ses troupes pour l'en empêcher»
« Cléomène lui récrivît, qu'il étoit bien per-
(a/ Sur la froniièrede TArcadie.
[by Vîlks d'Arcadit. ^. L* D, .
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5 10 AOISL^T CLÉOMÈNBU
ç( suadé de ce qu'il lui disoit; mais, ajouta*
« t-il y je vous prie de m'expliquer , si cela
« ne vous importe pas beaucoup , pourquoi
« vous faisiez suivre tant de flamoeaui et
« taDtd'échdles». A cetraitde plaisanterie^
Araîus se mit k rire , et demauda ce que c'^
toit que ce jeuue homme. Démocrate Je La-
cëdémooien , qui éCoit hdcam de son pays, là
répondit : « Si vous ayez quelque chose keft-
« treprendre contre iesSpartiates, il est tem|)i
« de vous hâter avant que les«rgots nesoietf
« Vénus k ce jeune coq ».
Peu de temps après, Cléomëne étant eaafi-
pé dans rArcadie avec, très- peu decavakric
et trois cents hommes de pied , les ëphore»,
tmi cra^noient la (guerre , lai envoyèresc
1 ordre de revenir. Il étoit k peine de letouc
à Sparte, qu'Aratns s'empara de Ja ville de
€aphyes(a). Les ^hores nrent repartir Qp(h
mène tout aussitôt^ et dans sa marohe , il pri
la place de Méthydrie (6), d'où il fit <te
courses dans tout le pays d'Argos. Les Achéev
«e mirent d'abord en campagne, et marché-
xent contre lui avec vingt nulle hommes (k
(a) Ville d'Arcadie , présd^'OrchomènedaPélop^
nése , qu^tl ne faat pas confondre avec Orchomènede
Séotie. A. L. D,
I
{b) L'une des -villes dont la réunioA formoitla cite
de..M^galopolis. ^. J&. i^.
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AGIS ET CLÉOMÈNB. 3ll
lied et mille chevaux , sous la conduite d'A-
istomaque. Cléomène les rencontra près dfe
± ville de Piallantium (o), et leur présenta la
bataille ; mais Aratus^ effrayé de cette au-
lace ^ ne voulut pas que le général hasardât
è combat , et se retira chargé d'injures par
es Achéens , et baffoué et méprisé par les
Lacëdémoniens qui n'étoient pas en tout cinq
nille hommes* Cette retraite enfla tellement
le courage k Gléomèn'e , qu'il montroit plus
ie confiance et de hardiesse auprès de ses con-^
c^itoyens , et qu^il les faisoit ressouvenir d'un
mot de leurs anciens rois ^ qui disoit : « Que
^ les Lacëdémoniens ne demandoient jamais
« combien les ennemis étoient , mais oi^
«ils étoient ** ».
Quelque temps après , Cléomène étant
allé au secours des Eléens k qui les Achéens
faisotent la guerre , il rencontra près du mont
Lycée (b) les Achéens qui revenoient déjà de
leur expédûion , et tomba sur eux avec tant
de furie, qu'il effraya et mit en dérouté toute
leur armée 9 leur tua beaucoup de monde, et
fit grand nombre de prisonniers. Le bruit
courut même qu'Aratus y avoit été tué. Mais
(à) Ville d'Arcadie , «jui lîroit son nom de Fallas»
bisaïeul d^Evandre- ainsi il faadroillirePallanteumy
eomme dans Virgile. Enéide , liy. viij, Vt 54* A'LMm
[b) Montagne d'Arcadie. A.L.V,
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5 1 2 AGIS ET CLÉO^IÈNE.
ce bniît étoît faux ; car, au contraire , Aratus,
en habile capitaine, profitant de l'occasion et
de sa déroute même, alla d'abord se jeter sor
Mantinée ; et avant que personne pût s'en
douter, il se rendit maître de la ville , et y
mit garnison.
Les Lacedémonîens alors découragés , et
résistant toujours a Cléomène qui vouloit les
mener k la guerre , il se mit en mesure de
faire venir de Messène le frère d'Agîs, Ardii-
damus, qui , étant de l'autre maison royale
de Sparte, avoit un droit incontestable a la
royauté. Car il se persuadoit que Faiitorité
dos éphores seroit beaucoup plus foîble, quand
le trône de Sparte seroit rempli par ses deux
rois , qui , étant bien unis , pourroîent la
contre- balancer. Mais ceux qui avoîen't fait
mourir Agis , ayant été informés de ce pro-
I'et , et craignant qu'ils ne fussent punis de
eur injustice si Archidamus revenoit , allè-
rent secrètement l'attendre k son retour,
l'accompagnèrent jusque dans la ville , et le
tuèrent dès qu'il y fut arrivé , ou k l'insu de
Cléomène , comme l'écrit Phylarcus , ou
même de son consentement, que ses amis lui
arracbèrenl en le forçant de leur abandonner
ce prince qui leur étoit si suspect. Car pres-
que tout le reproche de ce crime tombk siir
pes amis qui parurent lui avoir fait violence.
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^OTS ET CLÉOMÈKE. 5l3
C^pendûDt j comme Clëomëne coDtiuuoit
toujours dans le dessein de changer Tétat
de âparte, il persuada aux ëpfaores, b force
d'argent, de liii décerner le cominandenient
d'une armëe. Il gagna encore plusieurs autres
citoyens par le moyen de sa mère Cratt^sicléa^
qui lui fournissoit en abondance tout l'argent
qui lui étoit nécessaire, et qui étoit ravie de
servir son ambition. Car on dit même que ,
quoiqu'elle ne se souciât point du tout de se
remarier, elle épousa uniquement pour Fa-
mour de lui le premier homme (a) de Sparte
en réputation et en crédit. Cléomène s'étant
mis en marche avec son armée, alla occu-
per im poste appelé' Leuctres «^ , près de la
ville deMégalopob's* LesAchéens accoururent
f^rompiement au secours de cette place, aoua
e commandement d'Aratus. Cléomène don-
na la bataille sous sesmiurailles, et imé partie
de son armée y fut battue ; et comme Aratus
De permit pas aux Achéens de passer un ravin
qui étoit trop profond , et qui les empêcha
de continuer leui* poursuite, Lysiadas de
Mégalopolis , mécontent de cet ordre, se dé-
tacha avec la cavalerie qu'il commandoit ;
et poursuivant les ennemis , il s'engagea im-
prudemment dans un lieu plein de vignes ^
de fossés et de murs de clôture , où a fui
(«) Mëgistonns. v
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5l4 AGIS ET CLéOM^NX*
obligé de séparer ses gens , et encore ftvoit-
il beaucoup de peine li s'en tirer. Ce que
-voyant Clëomène , il envoya contre lui ses
Tarentin» et ses Cretois. Lysiadas combattit
avec beaucoup de valeur , et fut tué k cette
charge. Ce succès ralhuna le courage et Pau-
dace des LacédémoBiens ; ils se jetèrent sur
les Âchéens en poussant de grands cris , mi-
rent toute leur armée en déroute , et en firent
un grand carnage. Cléomène accorda udc
trêve aux vaincus , et leur rendit les corps
de ceux qui avoient été tués ; mais il fit en-
lever celui de Lysiadas, et ordonna qu'on le
lui apportât. Il le vêtit d'une robe de pour-
pre y mi mit une couronne sur la tète , et
l'envoya en cet état jusqu'aux portes de Mé-
galopoiis. C'est ce même Lysiadas qui avoit
déposé volontairement la tyrannie , rei^ÔM la
liberté k ses concitoyens , et uni sa vtUe k la
ligue des Achéens *4.
Depuis cette victoire , Cléom^ ne con-
çut plus que de grands desseins ; et persuadé
que j s'il pouvait di^ser des affaires comme
il le prétendoit , il feroit plus &cilement la
guerre aux Achéens et lesvaincriHt avec moins
de peine , il repi^éseala k M égistonus ^ qui
étoit le mari de sa mère^ qu'il fatloît secouer
le joug des éphores, remettre tous les biens
en commun^ et par cette égalité relever la
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AGIS ET CLÉOMfeîïE, 5j5
grandeur de Sparte, et redonner a leur vîlle la
principauté de toute la Grèce, telie que Fa-
voîcnt eue leurs ancêtres. Megistoous ayant
donné les mains k cette proposition, Cléomène
gagna encore deux ou trois oe ses amis.Il arriva,
dans ce même temps , qu'un des éphores ,
couchant dans le temple de Pasiphaë , eut \m
songe extraordinaire »^. Il hû sembla que ,
dans le lieu ou les é(Ji0Des tenorent l'audien-
ce, il n'y avoit qu'un siège, et que les quatre
autres étoient otés; et que, comme il atoit
étonné de ce changement ,: ii entendit une
voix , qui , venant du fond du temple , lui
dit , « que cela ëtoit plus avantageux pour
<c Sparte ». L'éphore rapporta le lendemain
cette visiou a Cléomëne qui- en fut d'abord
troublé , dans la pensée que l'épbore , sur
qiielqiie soupçon qu'il àyei;t de son dessein y
venoit le sonder par ce songe fiiit h plaisir.
Mais un moment après , voyant que Téphore
l(ii disoit la vérité ,> il se remit ^ et prenant
avec lui tous ceux de ses concitoyens qui lui
étoient suspects, eomme les plus capables de
s'opposer h son entreprise ^ il s'empara des
villes d'Héréa et d'Afôéa)(a), qui obéissoient
aux Âchéens, ravitayia Orchomèse, et alla
établir son camp devaot Mantinée^ oà Ara--
tus avOit laissé une garnison» Enfin, il fatigua
(ii^ Daa&TiUesd'AraAdie.
51. D,g,t,zedbyL.O*gle
SïS AGIS ET CLÉOMÈNS.
tellement les Lacëdémoniens par ses longues
marches , qu'ils le prièrent de les laisser dans
FArcadie prendre quelque repos j il y consen-
tit, et , avec ses soldats étrangers , il s'en
retourna k Sparte. £n chemin il communiqua
son dessein k ceux qui tëmoignoient le plus
d'affection pour lui. et en qui il a voit le plus
de confiance , et s avança tout k son aise j
pour nVrriver qu'au moment oiii les éphores
seroient k table.
Quand il approcha de la ville , il envoya
Euryclidas k la salle où soupoient les ëphores,
comme pour leur dire de sa part quelque»
nouvelles du camp. Euryclidas ëtoit suivi de
Théricion , de Phœbis et de deux autres jeunes
hommes qui avoient ëté ëlevës avec Cleo*
mène, et que l'on appelle k Sparte Samp-*
thraciens ^^ ; ils avoient avec eux un petit
nombre de soldats. Pendant qu'Euryclidas
{mrloit aux ëphores, les autres entrent dans
a salie l'ëpée k la main , et en frappent ces
magistrats. Agésilas fut le premier qui tomba
«ous leurs coups. Comme on le crut mort, il
profit^ de cette erreur, ramassa toutes se&
forces, et se gHssani tout doucement hors de
la salle, il se coula , sans qu'on s'en aperçût^
dans un petit temple consacre k la Peur.' Ce
temple ëtoit CMr<Unairement ferme, mais par
liasard il se trouva ouvert ce jour^k} Agé-
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AGIS ET CLÉOMÈNE. Si/
sîlas s'y étant glissé , ferma la porte sur lui.
Les quatre autres furent tués , et avec eux
plus de dix de ceux qui avoient pris les armes
pour les secourir* On épargna rous ceux qui
se tinrent en repos , et on n'empêcha per-
sonne de sortir ae la ville. On fit grâce aussi
a Agésilas qui sortit le lendemain tle son asile.
Les Lacédémoniens avoient des chapelles
consacrées non seulement h la Peur, juais
aussi k la Mort , au Ris et a toutes les autres
passions. Ils honorent la Peur, non comme
ces démons que Ton ahhorre et que l'on dé-»
teste 9 ni comme la croyant nuisible et per«
nicieuse , mais au contraire , persuadés que.
la Peur est le lien de toute bonne police.
C'est pourquoi les éphores entrant en
charge , comme ('écrit Aristote , (aisoient
IM-oclamer 'k son de trompe que les citoyens
eussent k &ire raser leurs moustaches , et a
obéir aux lois , afin qu'ils ne fussent pas ohli*
gés d'user de sévérité conti-'eux. Et je pense
qu'ils ne Êusoient mention de la moustache
que pour faire entendre par Ik aux jeunes
gens qu'ils dévoient s'accoutumer h ohf ir dans
les moindres choses et dans les plus indifie-»
rentes. En effet il me parolt que ces anciens
honoroient du nom de valeur non Te^iemp-»
tien de crainte , mais au contraire la crainte
de tout reproche et la peur de l'infaniie* Car
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3l8 AGIS ET CLÊOMÈNSr
ceux qui sont les plus craintifs et les plus ti-
mides pour les lois ^ sont ordinairement les
plus vaillants et les plus intrépides contre les
ennemis ; et ceux qui craignent le plus la
mauvaise réputation, craignent le moins les
douleurs , les peines et les blessures. C^e^t
pourquoi celui~lk a eu grande raison , qui
a dit : « la où est la peur , la est aussi la
«honte »' ». Et c'est ce qu'Homère avoît
bien compris , quand il fait dire par HélèDe
k Priam son beau -père : « Seigneur, je suis
<( saisie de honte et de crainte (a) ». Et
quand , dans un autre endroit , il dit , en
parlant des troupes grecques: « Elles sui-
« voient leurs chefs avec crainte ,* dans
« un profond silence (b) ». Car, pour l'or-
dinaire , on a de la honte , c'est-k-dir e de Isr
réve'rence pour ceux que l'on craint. Voila
pourquoi , près de la salle oii mangeoient les
ëphores , on avoit dédié une chapelle k la
Peur , en égalant par Ik cette dignité k la
monarchie même *•.
Dès le lendemain , Cléomène fit publier
les noms de quatre-vingts citoyens qui dé-
voient être bannis. Il ôta de la salle d'au-
dience tous les sièges des éphores , excepté
\m seul où il devoit être assis pour rendre la
(a) Iliade, liv. iij , v. 17a. y/. Z. /).
(6) Ibid. liv. iv , V. 43i. A. £. J>,
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ÀJQÎS ET CLÉOMÈNB. S)^
|mistice; et ayant convoqué une as^mblëe du
peuple 9 il y déduisit les raisons de ce qu'il
â^oit fait : « Lycurgue , leur dit-il , avoit
4< mêlé les sénateurs avec les rois , et la ville
« a été gouvernée long -temps (a) de cette
4C manière y sans avoir besoin d'aucun autre
«c magistrat ; dans la suite , ks Lacédémo*
4( niens s'étant trouvés engagés dans une lon-
« gue guerre contre les Messéniens, lesrois^
<ic obligés d'aller commander les armées ,
« n'ayant pas le temps de rendre la justice lu
« leurs sujets, firent choix de quelques-uns
« de leurs amis qu'ils laissèrent en leur place ^
« sous le nom aépliares , et qui ne furent
« d'abord que les ministres des rois *9 • mais,
ce dans la suite , ces magistrats attirèrent in-
« sensiblement k eux toute l'autorité t^et par
« ce moyen y sans qu'op y prit garde y ils se
« firent une juridiction particulière et indér-
« pendante. Et une marque sûre que .cela
« est, ajouta- 1- il, c'est qu'encwe aùjour-
« d'hui , quand les épbores mandent le roi ^
<c il peut désobéir h leur sommation une fois^
4K deux fois ; mais 43'ils l'appellent une troi-
« sième fois, il faut qu'il marche et qu'il aille
i< les trouver 3«. Une autre preuve encore de
« cette vérité , c'est qu'Astéropus, cpii fut le
« premier qui rendit les éphoresysi in^épcn-
(a) CoBl trente ftos9Jusc[Q'att roi Théopompe.
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520 AÔIS IBT CLÉOM^NS.
« dams, et qui augmenta leur autorité et
« leur puissaoce^ ne fut éphore que piusienn
<( siècles après l'établisseineut des ' rois. S'ils
C( a voient usé de leur pouvoir avec modéra-
« lion j il eut été peut-être plus avantageux
« de les supporter : mais, puisqu'ils ne se
« servoient de cette puissance qu'ils a voient
«. usurpée , que pour 'déîriiire et anëanlir
« toute autorité légitirae et reçue de tout
« temps dans leur pays ; pour chasser leurs
«rois, ou |>our les faire mourir même sans
« aucune forme de justice ; et pour menacer
« ceux qui désiroient de revoir dans Sparte
« le plus beau et le plus divin de tons les
a gouvernements, cela n'étoit nullement sup-
« portable. S'il avoit été possible d'extermi-
« ner , sans effusion de sang, ces pestes qu'on
H avoit introduites dans Lacodémone , les
n délices , le luxe , la dépense , les dettes^
« les usures et ces fléaux encore plus aiiciens,
a la pauvreté et l^s richesses , je me seroîs
« trouvé le phis heureux de tous les rois, et
« me serois regardé comme un médecin ha-
it bile , qui auroit guéri sa patrie sans en ve-
« nir aux remèdes douloureux. Présentemenr,
« si la dernière nécessité m'a forcé b verser le
« sang , j'ai pour ma justification l'exemple
« de Lycurgue même , qui n'étant ni roi , ni
« magistrat j mais siiupU particulier qui ch«r«
• ^ • \
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AGIS £T CLÉOMlkNB. Sil
[( choit 4 se faire mi s» , se rendit en armes
< sur la place publique, et effraya tellemeDt
( le roi Charilaus, que ce prince chercha un
( asile au pied d'un autel ; mais y comme
< Cbarilaûs ëtoit naturellement doux et ai*-
< moit sa patrie, il se rangea bientôt du parti
( deLycurgue, et reçut le diangement qu'il
i< vouloit établir. Dans cette occasion , Ly-
I curgue a donc témoigne, par sa conduite ,
( qu'il est très-difficile de changer le gou ver-
« nement d'une ville , sans le secours de la
« force et de la crainte. Je me suis servi de/
«'ces moyens avec beaucoup de modération,
K en me intentant de bannir ceux qui s'op-
« posoient au salut de Lacédémcme , et en
« proposant aux autres de mettre toutes les
« terres du pays en commun , d'annuller
« toutes les dettes , et de faire un choix et
« un discernement des étrangers , afin que
^< les plus gens de bien devenant Spartiates,
u défendissent la ville par leurs armes , et
« que nous n'eussions plus la douleur de
u voir , faute de défenseurs, la Laconie la
« proie des Etoliens^et des Illyriens ^ft».
Cléomène fut le premier î mettre en com-
mun ce qu'il possédoit. Son beau-père Mé-
gistonus en fit de même, eiisuite ses amis et
tous les autres citoyens suivirent son exem-
ple. Toutes Us terres furent partagées ; il
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522 AGIS ET CLÉOMBKE.
assigna même une portion k chaciin de cra
qu'il avoit bannis , et promit qu'il les vdffA
leroit dès que la tranquillité seroit rëtabk
Après avoir complété le nombre des cilojai
des plus honnêtes gens des pap circoDvoi*
sins , il forma un corps de quatre milk
.hommes de pied, et leur enseigna k se serri
<le piques k dtvtx mains au lieu de javelineS)
,et k porter des boucliers avec des anses , «I
>non avec des courroies qui &'attachoient avec
des boucles ^^. Ensuite il tourna tons sd
soins du côté de Téducalion de la jetmesse,
et travailla a rétablir la discipline appelée
laconique y k quoi le philosophe Spaèil
l'aida beaucoup. Bientôt les exercices et !tf
repas reprirent leur ancien ordre, la plopatf
des citoyens se pliant volontairement k cem
façon de vivre sage , noble et réglée , et le
reste qui étoit en petit nombre s'y rangeai
par nécessité. Mais pour adoucir ce nom lit
monarque, et pour 1 empêdier d'efiarouchtf
ses concitoyeils , il nomma son frère Eucli^tf
roi avec lui ; et ce fut la première fois tf»
les Spartiates eurent deux rofô ensemble à
la même famille.
Eu même temps , se doutant bien que le!
Achéens et Aratus , qui voyoient les afiire
de Sparte encore mat assurées , k cause <Î6
changements qu'il venoit dç fiûre^ croiroie:ii
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AGIS ET CLÉOnSNE. OoS
idttbitableaient qu'il n'oseroit sortir de La-
édémone, ni quitter sa ville dans l'agitation
il Vavoient mise tous ces grands mouve-
lents y il pensa crue rien ne seroit plus hono-
sible j ni plus utile , que de faire voir k ses
DneiQÎs la bonne disposition et la bonne vo«
^nté de son armée. Se jetant donc dans les
erres de M^alopolis, il y fit un grand de'-
ikt y et assembla un butin trè5^<;0Dsidërab]e«
lyant surpris quelques comédiens , qui vc-
loient de Messëne , il fit dresser tm théâtre
lans les terres mêmes de l'ennemi , proposa
m prix de quarante mines (a), et passa une
oiirnëe entière a voir ce spectacle , non qu'il
ie souciât de ces jeux ^ ui qu'il y prit grand
plaisir, mais il insultoit par la k ses ennemis;
H par ce trait de mépris , il leur faisoit voir
combien il se tenoit assuré de les vaincre.
Car d'ailleurs , de toutes les armées grecques
et royales , celle-là étoit la seule qui n'avoit
pas h sa suite des troupes de mimes , de ba-
teleurs, de danseuses et de chanteuses. Son
camp étoit pur et net de toute sorte de dis-
solution , d'intempérance , de bouffonnerie y
et d'assemblées de débauche ou de plaisir.
Les jeunes gens passoient la plus grande par-
tie de leur temps k s'exercer , et les vieillard»
k les former et k les instruire ; et ils ne fai- ^
[a) Environ 35,556 fr. de notre monnoie. A» L, Dm
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5:24 AGIS ET CLÉOMÈNK.
soient consister leurs jeux tt leurs divertkse^
, ments , quand ils étoient de loisir, qu'a faire
des plaisanteries sages et honnêtes , et qu'à
lancer les uns contre les autres quelques
traits agréables , vifs et piquants. Et quant a
l'utilité qu'on retiroit de ces sortes de jeux^
nous l'avons assez fait oounoltre dans la vie
de Lycurgue.
Cléomène étoit lui-même le maître, et
IMnstituteur de tous ses concitoyens , faisant
"voir en tout une vie simple et frugale j et qiii
n'avoit rien au-dessus du moindre de ses
sujets , et l'exposant simplement aux yeux
comme un exemple de sagesse et de tempe-
lance. Celte conduite l'aida infiniment ï
exécuter les grandes choses qu'il fit en Grèce;
car ceux que leui^ affaires atûroieut 'à la cour
des autres rois , n'admiroient pas tant leurs
richesses et leur magnificence j qu'ils déres-
toient leurs manières hautaines y leur vanité
et la durelé insupportable avec laquelle ils
parloieut k ceux qui les approchoient. Au lieu
que ceux qui aiioient k la cour de Cléomène,
qui étoit roi , et qu'on appeloit roi h juste
titre , n'y voyoient ni amei.y)lement,ni robes
de pourpre, ni lits superbes, ni voiturfss somp-
tueuses ; ils n'y rencontroient point une foule
d'officiers ni d'huissiers ; ils n'y trouyoient
point de ces princes qui ae donnant leui*s
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AOJB ET CLéOMÈNff. SlS
kdîences que par billets ^^ , et qu'on n*ob-
pot encoi-e que âîfficîlemeiit et avec peine ;
ais il^trouYoîeot Clëomène lui-même ', qui ,
îtii d'une robe très-simple, venott au-devant
eiix , les recevoit agréablement , les ëcou-
lit et leur parloit aussi long-iemps. qu'ils le
îsiroient , et toujours d'un ton plein d'hum-
anité et de douceur. Ges manières obli-
ïantès lui gaguoicnt tellement les cœurs ,
; lui concilioient si bien leur affection et leur
(time , qu'ils s'en retourôoient , disant et
rusant que Cléomène étoit le seul digne des*
codant d'Hercule.
Sa table ordinaire n'ëtoit que de trois lits ,
L sa frugatitë^ la reodoit véritablement spar-
ate. S'il avoît k recevoir des ambassadeurs
a des étrangers, on ajoutoit deux autres lits,
t alors elle étoit servie par ses officiers un
eu plus splaididement. Cette bonne chère
e consistoit ni en r^outs ni en pâtisserie y
lats en une plus grande quantité de viandes^
t en un vin un peu meilleur ; car il reprit
Il jour un de ses amis, qui , traitant des^
Irangers, leur servit le brbuet noir et le gâ«
eau, comme on e|i servoit aux tables publia
|ties , appelées phidiiieSj et il lui dit , n que
( dans ces occasions , et surtout avec des
i< étrangers^ il ne faUoit pas être si rigoureu*
K sèment attaché k la di^ipUae laconique ».
A
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326 AGIS ET CLiOMksB.
Quand on avoit desservi , on apportoit trae
ta})le "a troi-: pieds , sur laquelle il y av<Ht une
urne d'airain remplie de viu , d^ix coupes
qiii teDoieui chaeuue deux petites maures (a),
et quelques tasses d'argent que l'on présen-
toit k ceux qiii vouioient boire; car personne
fi'y étoit forcé. Il n'y avoit ^ ces repas aucun
divertissement ni aucune musique, et on n'en
désiroit point ^^. Gléomène instruisit agréa-
blement les convives , et les égayoit par sa
conversation 9 soit en faisant des questions ,
soit en racontant lui-même dés histoires plai-
santes et utiles. Ses discours les plus graves
et tes plus sérieux étoi^at toujours mêlés
d'enjouement; et ce qu'il y avoit de gracieux
et d agréable , n^étoit jamais corrompu pr
aucun trait trop libre, ni par la moindre
dissolution. La manière dont les autres rois
attiroientk evn les hommes, eu les leurrant
et en les corrompant par Pappàt des richesses
et des présents, lui paroissoit grossière et in-
juste ; au lieu que ce les gagner par la dou-
ceur de son commerce et par des propos où la
grâce fat accompagnée de franchise et de
bonne foi , cda hii paroissoit la plus belle de
toutes les voies, et la plus digne d'un grand
roi ; il irouvoit qu'il n'y avoit d^autre difle-
rence entre l'ami et le mw'oeaaire , sinon que
(a) Trokdemi«6«tiprf.
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AGIS Et- CLisOMÈNE. 5*27
te prcfmîer se prend par les mœurs et par les
discours honnêtes ^^'ét l'autre ne se prend que
par Vintërêt.
Les Mantinéens furent le^ premiers qui
l'appelèrent : car , étant tombés la nuit sur
la garnison des Âchéens , ils la cbassèrent et
remirent leur place entre ses mains. Cleo-
mène, après leur avoir rendu leurs lois et
leur gouvernement , partit le jour même , et
alla h Tégée. De Ik , côtoyant l'Arcadie, il
se rendit k Phères dans l'Achaïe, dans le
dessein de donner bataille aux Achéens, ou
de décrier Aratus comme un lâche qui avoit
fui le combat , et livré tout leur plat-pays au
pillage ; car il est bien vrai que l'armée des
Achéens étoît alors commandée par Hyper-
batas : mais c^étoit toujours Aratus qui y avoit
la principale autorité. Les Achéens s'étant
mis en campagne avec toutes leurs troupes ,
et s'étant campés dans 1rs terres de Dymes ,
près du temple d'Hécatombœon 5«,Cléomène
les y suivit , et il parut avoir fait Ik une
grande faute de s'être placé entre la ville de
Dymes , qiii étoit contre lui , et le camp des
Achéens. Mais ,^ en les harcelant et en les
défiant tous les jours avec audace, il les
contraignit enfin a en venir au combat y où
il remporta sur eux une grande victoire ; car^
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SaS AGIS ET CLitoMEKS.
il mit leur armée en fuite , leur tua beau^oap-
dc gens , et fit grand nombre de prisonniers.
De h il marcha contre Langon (a) y d^où il
chassa la garnison d'Achaïe, et rendit la ville
aux Eléens.
Les Achéens se trouvant découragés par
ces grandes pertes, Aratus, qui avoî t coutume
d^être capitaine général alternativement de
deux années l'une , refusa cette année -la
celle charge y pria qu'on l'en dispensât ; et,
malgré les prières et les instances de ses
concitoyens , il laissa honteusement le timon
de l'état , et abandonna a un autre te com-
uiandement , dans le temps qu'il voypit son
pays battu d'une tempête plus violente que
jamais. Les Achéens, réduits k cette eitré-
mité , envoyèrent des ambassadeurs k Cléo<
mène, et Cléomène parut d'abord leur impo«
ser des conditions trop dures ; mais il envoya
lui-même des ambassadeurs de sa part ienr
Sroposer de lui céder seulement le comman-
ement de la Grèce ; que , pour le reste , il
n'auroit aucun différent avec eux , et qu'il
leur rendroit leurs prisonniers et leurs places.
Les Achéens, très-disposés a recevoir la paix
(a) îl n'y a point de ville de ce nom. Je croîs
3118 Platarque aToit éctil Lasioriy qni est «ne vilk
Digitized by VjOOQIC
AGIS BT CLkOTKhnS. $2^
I ce» conâitioDS , prièrent Cléomèrtc de se
endre k Lerne (a) . où ils deyçient tenir une
ËBsemblée générale , pour conclure ce traité j
nais il arriva que Cleomène s- étant échauffé ^
in marchant avec trop de hâte y et ayant bu
ie Feau froide mal ^^- propos, fut attaqué
Pane violente hémorrhagie , accompagnée
3^ une extinction de voix. C'est pourquoi il
renvoya aux Achéens les plus considérables
de leurs prisonufers , remit l'assemblée h un
autre temps , et s'en retoui*na a Lacédé- ,
mone.
Ce contre -tiemps nu'na entièrement les
affaires de là Grèce , qui , sans cela y alloit
se relever de l'état où elle étoit réduite , et
s^affranchir de l'insolence et de l'avarice des
Macédoniens. Car Aratus, soit par défiance^
soit par crainte de Cléomène , soit enfin qu'il
portât envie k ces grands succès qui lui étoient
arrivés contre toute espérance , et qu'il pen-
sât q^u'ayant eu le commandement de la Grèce
pendant trente*trois ans , il lui étoit honteux
q4i'un jeune homme vint comme s'enter sur
lui , et lui enlever toute sa gloire et sa puis-
sance , et se mettre en possession d'une do«
mi nation qu'il avoit acquise , augmentée et
conservée pendant si long-temps , il lit tous
ses efforts pour empêcher les Achéens d'ac-
(a) Entre Argos et Mjccoe. À» ^» D-
N . ■ Digitizedby Google
SSo AOIS ET CLBOMÊNB.
cepter les conditions qu'on leur proposett.
Maïs comme les A«héens n'adhéroient point
k soù. sentiaient , parce qu'ils étoient efifrayés
de Faudace de CléotneDe , et que d'ailleurs
ils tronvoieat très- juste et très -raisonnable
le dessein des Lacédémoniens , de remettre
le P<^loponèse dans Tëtat où il étoit ancien-
neraent , il entreprit une action qui n^aoroit
été ni convenable , ni honnête k aucun des
Grecs , qui étoit trës-infame pour lui , et qui
répondoit lual k taot de grandes choses qu'il
avoit faites et dans la paix et dans la guerre :
il appela Antigonus en Grèce , et rempHt le
Péloponëse de Macédoniens , lui qui les en
avoit chassés dans sa jeunesse , et leur avoit
arraché la citadelle de Corinthe ; lui qui ,
devenu suspect k tous leurs rois, s'étoit dé-
claré leur ennemi, et surtout d'Antigomis,
dont il dit tant de mal ^ comme cela paroit
par les écrits qu'il a laissé». Dans ces écrits ,
il déclare lui-même qu^il avoit beaucoup
souffert, et qu'il s'étoit exposé k de grands
dangers , pour délivrer Athènes de la garni-
son des Macédoniens ; et , après cela , il ap-
pelle lui-même ces Macédoniens dans sa
patrie y les fait entrer en armes dans ses
foyers , et les introduit jusque dans les appar-
tements des femmes; et cela pour ne pas con-
sentir qu'un descejidant d'Hercule > un roi de
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AGIS ET Cl.é[>MikKE. '55 1
&parle^ et un roi qui , ayant troavëlapcrftce
de sa ville dans un grand désordre , conioie
une harmonie entièrement déréglée et cor-
rompue , vouloit la rétablir et la ramener k
ce naade si sage da ton dorien y inventé par
Lycurgue ^7 , pour ne pas consentir , ois-
le, qu'il fut appelé , dans ses titres,* ca-
pitaine général des Sîcyoniens et des Tric-
céens 3*. Pour fuir ceux qui mangeoient du
gros pain , qui portoient le gros mauteau de
SpsHTte , et ce qui lui paroissoit encore plu»
terrible , et dont il faisoit le plus grand re-
iirodie b Cléomène, qui rouloient retrancher
es richesses et soulageç la pauvreté, il suivît
le diadème et la pourpre ; et de peii^de passer
pour obfir k Cléomène , il se jeta et jeta avec
liii toute PAchaïe aux pieds des Macédo^-
niens , pour exécuter les ordres de leut$
satrapes. Il faisoit des sacrifices k A ntigonus:
sacrées qu'il nomma Antigonéeè ; et la
têl^îoiironnée de fleurs,ilcliflfjtoit des hymnes
en son honneur , comme s^il eût été un dieu,
tandis qu'iln'étoit iju'un homme, et im, homme
dont le corps tomboit en pourriture. Ce qué|
nous disons ici ^ n'est point pour accuser
Âratus et pour invectiver contre lui : car en
plusieurs choses il s'est moptré un grand per^
sonnage et très-dîgne de la Grèce; maïs nous
.voulons seulement déplorer la foibl^ise de k
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SSa ' AGIS trt CLi:oMÈN£.
nature humaine, mii, dans les ^œnrs mmB
les plus lespectabtes et les plus excelleotes
pour la vertu^ne sauroit former cette perfec*
lion de beauté qui est exemple de tout nlâmt
Les Achéens s'^tant. rendus liArgos, qu'ik
âvoient encore choisi pour le lieu de lets
assemblée générale , et Cléomène s'y était
rendu de Tégée , ou eut de grandes espé-
j^duces que le traité de paix y seroit coDck.
Mais Aratus, qui étoit déj^ convenu des prin-
cipaux articles avec Anttgonus, et qui crai-
guoit que Cléomène ue ruinât et ne renversât
tout , soit en gagnaot le peuple par ses belles
parole8>9 soit eu employant la force , luift
• dire : « Qu'il enteiidoit au'il entrât seul dais
« Argos , et que, pour la sûreté de sa pfr-
. a sonne , on Uii donneroit trois cents otages;
« ou , s'il n'^toit pas coiitent de cette offre,
« qu'il n'avoit qu'a s'aj^rocher avec ses troih
«L pes du jgymnase, appelé Cyllarabium [a\
« qui étoit hws des portes de la ville; et que
<i Ik on lui donneroit audience, et oo traite»
.« ix)it avec lui » . A ces propositions, Cléomèoe
s'ébris ^le e'étoit une ^ande injustice, (^
qu'on devoit lui faire cette déclaration arsnt
^>on départ, et ne pas attendre qu'il fut arrivé
(a) U rappelle ailleurs Cyllarabîsj cVloilualiet
d*%xercice à trois cents pas d'Arsos. ainai appelé di
CyiUralNiii liUde Stheaditf.
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AGIS ET CLÉOMÈNE.. 5o5
aux portes <Jc leur ville, pour lui signifier,
qu^on se défioit de lui, et pour le reiivoyet:
sans rien conclure. En même temps il r'crivit,
aux Acbéeus uiie longue lettre dont la plus,
grande partie étoit une accusalion contre.
Aratus. De son côté, Aratns répondit a cette
accusation, en l'accablant d'injures danslcfc.
discours qu'il fit au peuple.
Cléomène partit suV-le-champ, pour s'en
i-etoiirner, et en même temps il envoya nu
héraut aux Acliéens leur de'claror la guerre.
Il ne l'envoya pas h Argos , maïs a iCgion ^
comme l'écrit Aratus , pour avoir le temps de
les prévenir et de les surprendre avant qu'ils
eussent fait leurs préparatifs 3 9. Cette décla-
ration excita de grands troubles dans tonte
la ligue des Achéens, et la plupart dçs ville»
songèrent a se révolter et 'a se séparer ^ parce,
que d'un côté le peuple espéroit le partage des
terres et l'abolition dés dettes , et que de
l'autre les nobles et les puissants étoient las
de la domination d'Aratus; la plupart même
étoient irriés contre lui, de ce qu'il avoît
appelé les Macédoniens dans le Péloponèse*
Ces circonstances augmentant la confiance et
Paudace de Cléomène , il se jeta dans l'Achaïe,
où d'abord il prit d'emblée la ville de Pellène j
et en chassa la garnison des Achéens^ ensuite
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53.4 A-GIS ET CLÉOMfeNK,
iVs'empara de Phënéé (a) et de Pentelée. Les
Achéens, craignant «ne trahison qui se tra-
iiïoit k Corînthé et a Sicyone , fiifent partir
d^Argos leur cavalerie et l'infanterie étran-
gère, et les envoyèrent darts ces places pour
lt*s garder 5 pendant qir eux de leur côté sMtant
tfeiis rendus a Argos, célébix)ient les jeux né-
méens avec beaucoup de magnificence. Alors
Cléoràëne espérant , avec raison , que , s'il
slirprenoit la ville pendant qu'elle étoit rem-
plie de spectateurs qhi étoient accourus pcMir
ta fête, et qu'il Pattaquât ainsi li Pimproviste,
îî y jetteroit un plus grand troublé et un plus
gi and effroi, s'approcha la nuit de ses murailles;
et s'étant emparé d'abord du quartier appelé
Aspis , qui est au - dessus du théâtre , lieu
très -fort d'assiette et de difficile accès, il
^-aya tellement tous les habitants , qu^il n'y
eut pas un seul homme qui osât se mettre en
défense ; ils reçurent garnison , donnèrent
vingt de leurs principaux citoyens pour otages,
firent im traité d'alliance avec les Lacédénao-
nîcns, et abandonnèrent le commandement k
Cléomène.
Ce succès ne servit pas peu b augmenter
sa réputation let h accroître sa puissance , car
les anciens rois de Sparte , quelqite* efibris
i^a) ViMo d^Arcadie. ^, L. B.
Digitized by VjOOQIC
AGIS «T CLéOMENE. 335
qu^ils ei\sseDt faits , n'avoîent jamais pu s'as-
suffçr de la ville d'Argos. Pyrrhus même, qnî
étoit un très-grand capitaine , après l'avoir
prisé d'assaut, ne put la conserver, mais y
fut tué, et y^perdit une grande'partie de s^m
armée. C'est pourquoi l'on admiroit d'autant
plus la diligence et le grand sens' de Cleo-
mène ; et ceux qui auparayant se moquoient
de lui , quand il se vantoit qu'il iniitoit Solon
et Lycur^ue, en abolissant les dettes, et en
rencïanttou&lescitoyettségauxen^ienSfétoient
alors entièrement persuadés, et àvouoîent sin-
cèrement qu'il étoit seul la cause de ce retour
de courage dan^ les Spartiates; car avant ce
jour , ils étoieat si abattus et si peu capables
de se défeadce eivx-mêmes, que les EtoHens
étant entrés un jour en armes dans leur pays,
en emmenèrent en une seule fois cinquante
mille esclaves. Sur quoi un des plus vîei\x
Spartiates dit .« que les ennemis leur avoicnt
((.fait.iin très-grand bien, ien soulageant la
. « Laconie d'une si pesante charge » . Et très-
peu 4e temps .après , dès qu'ils eurent seule-
ment repris les anciens usages de leur patrie,
et qu'ils se furent remis sur les voies de cette
ancienne discipline, alors, comme si Lycurgive
eût été pre'sent, et qu'il les eut gouvernés en-r
core , ils donnèrent des preuves d'une très-
ijrande valeur, d'une entière soumiBsion a
DigitizedbyCaOOgle
33 G AGIS ET CLÉOMIUNE.
leurs supérieurs , remirent Lacédémonc en
possession de la princfpaiite de la Grèce, e:
recouvrèrent tout le Pélopouèse
Après la prise d' Argos, Cléone et Phlîonte (a
se rendirent aussitôt h Cléomène. Âratus, (jir
çti3it U Coiînthe où il s'occupoit k faire ud€
^echei che de ceux qui étoient soupçonnés de
favoriser le parti des Lacédéraoniens , n'ent
pas plutôt appris ces nouvelles, qu'il en fui
extrêmement troublé; et voyant que la ville cf '
Çorinthe'pen choit du côté de Cléomène jfi
que les Achéens vouloient se retirer, il appeht
les habitants k un conseil. Pendant qu'ils s'y
renSoient , il se glissa sans être aperçu jusqu*3
la porte de la ville , et lîi , montant siu- u
cheval qu'on lui avoit amené, il s'enfuit ï
Çicyone. Ce fut alors , parmi les Coripthiens,
k qiïî feroit le plus de diligence pour arrivei
le premier a Argos , afin d'annoncer cette nou-
velle h Cléomène. Aratus écrit lui-même qiic
leurs chevaux en crevèrent. Cléomène répri-
manda fort les Corinthiens de ce que , pou-
vant arrêter Aratus , ils l'avoîent laissé échap-
per. Aratus dit pourtant que Mégistonus le
vint trouver de la part de Cléomène , pour
^'engager a lui livrer la citadelle de Corinthe,
(a) Gléoue, vilU^ #»iiire Argos et Corinlhe. Phiinnif,
cJans la partie de TAçhaïe connue sous le nom d'-
i>ic)roiiie, entre Sicyone et Cléone, A.^ L, Z>.
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' AGIS ET CLÊOMÈKB. 5J7
DÛ il y avoit une garnison (FAchéens , moyens
riant une forte somme d'argent qu'il lui offroit j
et qu*il fit réponse, .«^ue les affaires ne dé-
« pendment pas .de lui , mais qu'il dépeodoit
« lui-même des affaires » . Yoilk ce qu'Âratus
écrit,
Cléomène, étant parti d'Argos, et ayant
^agné les Epidauriens., les Trézèniens et les
tiermioniensv alla h Corinthe avec son armée ^
sissiégea la citâddle d^où les Achéens refu^
ièrent de sortir; et ayant envoyé cLcrchec
[es atnis d'Aratus, et ceux qui étoient chargés
de ses affaires, il leur oroonntf d'avoir soin
de sa maison et de ses biens, et de les lui
conserver. £n même temps il dépêcha encore
vers lui TrîlumaHe (a) le Messénieu, pouir
lui proposer de consentir au moins que la
citadelle de Corinthe fût gardée par une gar-
nison moitié d' Achéens, et moitié de Lacé-
démouiens , et pour lui promettre a lui eu
particulier le double de la pension qu'il rece-^
voit d^i roi Ptolémée (b). Mais comme Aratus
De voulut pas écoutez cette proposition , qu'au
contraire il envoya son fils a Antigouus aveo
Les autres otages , et persuada aux Achéens
d'ordonner, par un décret , jque la* citadelle _
(a) Dansla vied'Aratus;il esi nommcf Tripylus-'
^. £. />. .
. D gtzed t^i^Ogle
f$3 AATS BT tCLéoi^E.
•eroit rembé entre :les .luaîns d'Antigonos ^
alors Clëomëne se jeta sur les terres de Si-
^ cyonem^il cavagea^ et reçut en don tous les
biens aAratus par. un décret >des 'Cann-
thiens. Sur oes^nouvelles^ Antigfmiis.se mit
en çampas;neavec une grosse armée, et passa
le mont Gerania (n). Cléomëne ne jugea pas
k propos de défendre .le passage de Flsthme,
et crut qu'il étoit plu&expédient de fortifier,
Ear de Ironnea tranchéea et de fortes mucailles»
îs pas des montagnes Onièaes^^, et<de&it«
des combats de poste, pour amuser plus long-
temps les MUoédoniens, que. de hasarder la
bataille contre des troapes exercées et très-
aguerries. Par cette conduite, il réduisit An-
tigoiiu&k une grande extrémité ; car il n'avoit
pas une provision de vivres suflisante , et il
n'étoit pas &eiie de forcer ces passages que
Cléomëne défendoît. Il essaya pourtant une
nutt de se couler dans le Péloponëse par le
port de Léchée (6), mais il fut repoussé eti
perdit Quelques soldats. Cet avantage éleva
encore ic courage de Cléomèôe et oeUii de ses
troupes , qui , enfiées de leur victoire , sd
mirent k préparer leur souper. Antigoous,
désespéré de ce que la nécessité, ne luilaissoit
que les partis les plus extrêmes et de la plui
(a) Montagne entre Mégare cl C5orîntlic^
(6) Poit d« k vUi«4a CoriQ^*
■ . DigitizedbyCjOOgle.
\ A0I5 E
tcîtfe et de la pi
ET CLÉOMÈNI^. 3%
difficile et de la plus hasardeuse éxecution y
avoit déjh réM)lu de se rendre au pronaontoîre
d'Hbérée ^^ , et de conduire de la 3011 armée ^
par mer , i Sicyone ; jnais cettç entreprise
idemandoît beaucoup de temi^, et de grands
préparatifs qui n'étoient pas aisés a faire.
Gomme il «toit dans cette perplexité, il
arviva le âoir auprès de lui des amis d'Aratus^
qui venoicnt d'Argospar mer, pour Pengager
kserendre dans cette ville, dontles habitant»
-s'étoieot révoltés cc^ntre Cléomène» L'auteiu"
-de cette révolte étoît Arîstote, quin'avoit pas
^eu «beaucoup de peine k^persuador le peuple
dé}k irrité de ce queCHéomène n'a voit pa»
.«xécuté PabolitioQ des dettes qu'il leur avoit
-fait. espérer. Aratus, prenant donc quinze
cents soldatS'de Tannée d^Antigonus , se ren«
dit par mer k Epîdaure; mais Aristote n^at^
tendit pas son arrivée, et avec les seuls ha-
bitants d'Argos , il assiégea la citadelle , H
.Tim^xène marcha h son. secours de Sicyone
avec les Acheens. Cléomène, informé de ççs
nouvelles vers la seconde veille de la nuit,
manda aussitôt Mégistoaiis; et transporté de-
col^e , il lui ordonna d'aller sur Pheure mçrae
ii Argos soutenir ses gens^ oar c'étoit lui qui
lui avoit le plus x^ndu de la .fidélité des
Argieiis, et qui l'avoît empêché de chasser de
la ville ceux ^ui lui éloient suspects. L'ayant
DigteedbyCjOOgle
5i& AGIS Et CLÉOMÈNE.
donc détaché siir-le-chanip avec deux mlte^
soldats, il s'appliqua 'a observer les démarches
d'Aiitrgonus, et k soutenir *t fortiÇer le cou-
rage desCorhïthiens, en leur faisant entendre
que ce qui venoit d'arriver k Ar^os n'etou
rien de considérable, mais une légère émotion
causée par un petit nombre de mutins que
Fon réduiroit sans peine» Mais , après que
Mégistonm, entré dans Argos, y eut été tué
en combattant, et que k garnison des Lacé^
démonîens, fort pressée, et ne pouvant pres-
que pkis résister , lur eut envoyé divers cour-
riers, pour lui demander. un prompt secours;
alors craignant que, si k^ ennemis vénoient a
se rendre maîtres d'Argos et à lui fermer les
passages , ils ne pillajssent la Laconie sans au-
cun péril, et ne missent le siège devaiit Sparte
même, qu'ils trouv croient vide et sans défense,
il leva son camp , et partit de Corintfie. avec
toute son armée.
11 ne se fut pas phitôt éloignéde cette place,
qu'Antigonus y entra, et y mit une bonne
garnison. Cléomène , s'étant approché des
murailles d'Argos , et ayant rassemblé ses
troupes qui s'étoient écartées danà leur nàar-
che, tâcha d'escalader la place ;. mais n'en
n'ayant pu venir a bout, il enfonça les voûtes
^ui étoient sous le lieu appelé Âspis , entra
par ce moyeu, et se réunit aux soldats de.Ia
DigitizedbyCjOOgle .
AGIS ET CLÉOMENE. 34 1
[garnison , qui se soutenoient encore contre les
ÂchéeDs. De Ib s'étant saisi de quelques autres
ijiiartîers par le moyen des échelles , il fit ba-
ayer toutes les rues pas ses archers crétoîs ,
:\m tiroient continuellement. Mais lorsqu^il
i^it Antigonus descendre des coteaux avec son
infanterie , et ses gens de cheval se jeter en
Foule dans la ville, il désespéra de la pouvoir
garder ; et rappelant tous ses gens , il se retira
le long des murailles, après avoir fait dans un
espace de temps fort court de très -grands
eicploits, et s'être rendu maître de presque
tout le Péloponèse en moins d'une campagne.
Mais s'il fit ces grandes conquêtes en peu de
temps , il les perdit en moins de temps en-
core; car de ses alliés qui étoient dans son
camp, les xms l'abandonnèrent d'abord, et
peu de temps après les autres livrèrent k An*
tigonus toutes leurs places. '
Cléomène, réduit b cette triste situation, con-
tinuoit sa marche , lorsqu'il reçut le soir même
à Tégée des courriers de Lacédémone qui lui
apportèrent une nouvelle b laquelle il ne fut
pas moins sensible qu'k tous ses autres mal-
heurs; ils lui annoncèrent la mort de sa femme
Agiatis, dont il n'avoit pas la force de se tenir
éloigné une campagne entière dans le temps
même de ses plus heureuses expéditions; car
il faisoit souvent des voyage b Sparte pour \p
DigitizedbyCjOOgle
345 AGI$. ET CLÉOiyièNE.
.seul plaisir de U voir, et par suite de Taisou
et de Testime qirtl. avait pour elle. I! futdow
vivcaient.touGhé d^.ceUe ^perte , comme a
peut le qroirp d*uû .JQuue homme qui vcB<i
.de percli:e une,femoae:li'ès-belle et très^a^j
et qu'il aimoU tendr^meAt. ,Cep€|nd;tiDt il m
dé$houora pas en^cette occasion «a magnaoi-
^luitéj et ue. permit pas^ ce dçuil dlabattt
Âon courage; meôs copser^ant le même ton à
voix , la mèa^ po^t^ire et .le même vissai
qu'il avoit ^upaçaiir^ut , il doupa ses ordres*
3es ofiicleifs , .et pp\irv!|it kla sûreté des Te-
,géates. fLe leodeaiaio^au -point du jour, il prit
]e :(ïbewm de .Spai(te o^i il ïirriv^ de bonat
Jbeuce ; ,Qt . spires avoir dqpué quelques mo*
meats^ $a douleur dans^a maison^.au |iii!i^i
.de,^;mère.et de^fiSrfjufauts.^ U reprit jtpssitii
.le.soin des adirés, publiques.
Ptolémée, roi d'jVgypIe^qmluLpramieftot
Jilofs du .^seçoufil, rUû «p vojia de^a^nder pour
: ^tag^SiSa ipfeîe €t sfis e^fepts. Cli^omène fec
flçspz Joiîg-tempssa«sosftr dçckçer b sa met
içetîke dcmaude du rpî 4'E^pt«.; îl alloit soi»-
-Teht chçz ^Ite pour lui ;en; parler, et.lorwfïi'j
•étoit .sijr Iç poiqt d'^n ouvrir Ja bouche, ï
iUÎeo avoit.pasria force et 3e.t^i$pit. Sa mère,
voyant 9(Hiembarras^, entra dans quelque
soupoon ret^emanda,k ce<OK qui vivoientâvev
, lux dans kfiusrôroim femiliari^e' ,.« soa i^
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AtîIS ET CLÉOMÈNK. 5*i3
e dpr.îroit pas qtielqne chose d*cl!e cpi'ili
osât lui déclarer. Enfin , Clëortiène s'éliaht
nhardî , et lui ayant explîqtTé la chose comme
Ile étoît , elle se itait k rire de tonte sa force :
Quoi, W dit-elle, c'est donc Ik ce qhé tu
; as souvent votilu mé dire , et! que tii n^as'
; osé me découvrir? Que ne nous jet i es-tu
t proiTîptement dans un vaisseau , et que ne
i m'envoies -tu sans différer pa'rtont où t;u
( croiras que mon corps pourra être utile k
(Sparte, avant qiie la vieillesse vienue le
i détruire et le consumer dans l'inaction et
ï daïis la langueur )r ? Quand tout fut prêt
K>ur le voyagé, ils se rendirent par terre au
tort de Téware (a) , accompagnés de toute
'armée. Cratésicléa , au moment de s'embar-
|ner, tita son fils a part, et le mena soûl
lans le temple de Neptune; et Ih, après l'a-
.'oir embrassé tendrement , le vidage baigné
le pleurs, comme elle sentit qu^il étoit si ému
M si attendri, qu'il fondoit aussi en larmes,
5l!e lui dît : « Allons , ror de Lacédémone ,
i( reprenons courage, afin que, quand nous
h sortirons de ce temple, personne ne nous
K voie verser des larmes, ni rien faire d'în-
« digne de Sparte 5 car cela seul est en notre ^
« puissance , et les événements dépendent
« de Dieu » . Après a voh' ainsi parlé, elle ro'
(a) Au bas de ta LâConie.
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7
544 AGIS ET CLÊOMÈNE.
prit un air plus calme , s'en retourna au vais'
seau, tenant son petit-fils entre ses bras,e!
commanda au pilote de partir sans différer.
En arrivant en Egypte, elle apprit que Pu^
lémée recevoit des ambassadeurs ^'Antigo-
nus, et qu'il écoutoit ses propositions; et
d'un autre côté, elle fut informée que sonlilj
Cléomène, sollicité par les Achéens de con-
clure avec eux un traité , n'osoît , k C2iii«
d'elle , terminer celte guerre sans le conseo-
tement de Ptolémée. Elle lui écvivît « de fdi;:
« hardiment et sans balancer tout ce qui l-
« paroi troit utile et glorieux pour Spaite,tt
« de ne pas craindre toujours Ptolémée pî»
« la considération d'une vieille femme et duo
« enfant »♦ Telles étoient les dispositions (i'
celte reine contre tous les accidents de "
fortune.
Anligonus s'étant rendu maître de Teiet'.
et avant saccagé Manlinée et Orcbomtu* •
Cléomène, réduit h défendre la Laconie seul .
affranchit tous les ilotes qui furent eu état '-
donner cinq mines Ça). De cette contributi -
il ramassa jus(ju'a cinq cents talents ( h .
a.i*ma a la macédonienne deux mille de i^^
ilcies, pour les opposer aux corps desLiv
caspides d' Anligonus , et forma le des^»^
' (<: ) Lu pea plus de 444 fr . ui. Z. 7>.
(' ) Environ 3,4%, i5C £r. A. L, D* ,
DigitizedbyCjOOgle
AGIS ET* CLÉOMÈNE, . 545.
l'une entreprise très-grapde, et à laquelle)
aersonne ne se seroit attendu. La ville de Mé-
jçalopolis élok alors très-considérable, elle ne
^ëdoit k Sparte même ni en grandeur^ni en^
puissance 5 elle ayoît encore le secours des*
Achéens, et celi# d'Antigonus campé dans;
^n voisinage, et qui paroissoit avoir été ap-i
pelc parles Achéens, a la sollicitation si^rtout
des Mégalopolitains* Cléomène se mit en tête:
de brusquer cette place, car c'est le terme
qui convient le mieux pour exprimer im ex-
ploit si rapide et si imprévu. Il commanda
donc à, ses troupes de prendre du pain pour
cinq jours, et Jes mena d'abord k Sellasie ,
comme pour aller faire le ravage dans le pays
d'Argos. Mais s'étant rabattu tout d'un coup
SUT les terres de Mégalopolis, et ayant fait
souper ses gens près de Rœtium {^^ , il marcba
droit k la ville par le chemin d'Héliconte 43.
Quand il en fut assez près , il dét acha Pantéas,
h la tête de deux compagnies de Lacédémo—
niens, avec ordre de se saisir d'un endroit de
la muraille qui étoit entre deux tours, et qu'il
savoit être r endroit le moins gardé; et avec
le reste de son armée, iHe s^uivit sans se hâter.
Pantéas ayant trouvé sans, aucune garde oi
défense , non seulement l'endroit que Cleo-
raène lui avoit dit, mais encore toute la mu-
raille qui étoit de ce coté-la, il en occupa
X 3a
•^' DigitizedbyCjOOgle
dafoorà uÀef partie , et se mit k abattre Pao^
tfe^ et pafôsr ail iil de Pépée toits I^ garées
^i^il renoonCTB' j de sorte queCléomèiieait'iTa
tf^ec soxvû¥méey et se trouva au milieu de la
ville aérant que les* Mégalopolitains fussent
joeulenient informes de ^s ^proches. Le bruit
,^' cette invasioir ne se r^andit même qtie
fort tard dans hi fMhy et aiors' les habitants
0e troii'vèrent si étonnés , cpe la plupart, ra^
massant k ta hs^e ce qu'ils avoiem de pltts pi^e-
çieux, se relirèmit siu* l'heure. Les autres en
]^tit nombre prirent les armes, et allèrent fion*
dre sur l'ennemi qu'ils'ne purent cbasser; mm
par cette défense, ils donnèrent le temps li
eeux qui fujoîent de se mettre en sftreté. H
ne resta fas plus de mrlïe personnes d^ns la
^ille , tous les autres s'étant retirés i Messène
ayec leurs femmes et leurs enfants avatit qa'on
pût penser k les poursuivre. La plupart luême
de ceux qui s'étoient mis en défense et (pli com-
battoient pour la ville , se sauvèrent anssi , el
il n'y en eut que fprt peu de pris, parmi les-
quels se trouvèrent Lysandriilaîvet Théorîdas,
fes deux plus nobles et les plus puissants per-
sonnages qui fussent parmi les M&^alopoii-
tains. Cest pourquoi ceux oui les ave «ént faît
prisonniers les menèrent d'abord k Cléomèno.
D'aussi loin que Lysandridas l'aperçut , îi
lui çiîa : « Roi de Spayle, vous arez aujour-
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AGI» ET Cljéo»|6N]&. 5if
K dlmi une grande occasioa de votrs couvrir
« degloire, eo iaisaoi une action encore plus
« belle et plus royale que celle que vous venez
« d'exécuter » . Cl^Hnène , ijuî se douta bien
fe la prière qu'il vouloîtlui faire, hn répon-
dit ! « Que voiliez- vous donc me dire, îLjr-
K saQduJas.;,Qar. sans doute yous:ne nie de*
(c luanderez pas que je ivous. rende la ville?
«Au contraire ^ lui reparut Xysandrldas y
« c'est cela vUième que.je vous demande, que
« vous ne ruiniez. point cette ville , mais que
« voiii3.1a;rempIissfcezi}'amis et d^alliés surs et
a fidelesy en rendant aia Mégalopplitains leur
«.patrie y et en devenantrle^samfur de lotit
« ce peuple qui eu est sorti». «Clléoniène ,
après < Avoir ^gardé, quelques jiianients le si-
Jenq^ : a II eist ;dtffioile , ^lit-'il , de s'assurer
4L àdjcespç vous .me dîtes là.; ma^s a -Sparte^
« oe qui est glorieux Kemparle toujours sur
«(ce qui est utile )>• Eo*>fini?^ntœsmots, Z
envoja tes deux prttonuîers^b - Messine ^avec
unb^'i^ut^poiirdéclarer de isa: part a fixMéga*-
lopolitains.qufillleur.rendoit leur ville , -k con-
-diiion qu'ib .renonc^mient li :la ligue des
Mimm , et qu^ik deviendroieftt iunis et con-
fédërés de Sparte. )PhilopoMnen.les empêcha
d'accepter ces jcanditions si dpuces et si hu-^
maiuesyealesdétouniantd&roinpre l'alliance
avefe r^^chaïe ^^ , se mit k caloiimiier Cléo^
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548 AGIS ET CLÊOMENE.
mène , et k Paccuser^« de chercher moins a
« leur rendre la ville , qii'a avoîr avec la viilc
i< tons les habitants ». En même temps îl
chassa Théoridas et Lysandtidas dcMessèue.
C'est ce même Philopœmen cjui fut ensuite le
premier des Achéens , et qui acquit parmi les
Grecs une très-grande gloire, comjne nous
l'avons écrit dans sa vie,
Cléoraène, qui jusque-lk non seulement
avoit épargné lu ville , mais Pavoit conservée
avec tant de soin qn^aucun n'auroit osé tou-
cher k la moindre chose, fut si irrité et entra
àsLDs un tet emportement , qu'il l'abandonna
au pillage, envoya U Sparte les statues et le^
tableaux ; et après avoir détruit et rasé la plus
grande partie de ses murailles et de ses quar-
tiers les plus forts, il s'en retourna h. Sparte,
et ramena ses troupes dans la crainte qu'An-
tigonus et les Achéens ne vinssent l'attaquer.
Ils ne firent cependant aucun motivenicnt;
car ils étoient k £gium^ oii ils tenoîent un
conseil général ; mais Aratus^ informé de ce
qui venoit d'arriver, se rendit aussitôt h Tas-
semblée , monta k la tribune , et pleura long-
temps , tenant un pan de sa robe devant son
visage. Tout le peuple e'tonnc lui ordonna de
déclarer le sujet de seslannes; et il leur dît:
<{ Mégalopolis a été prise et détruite par
il Cléomèpe )k
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A&U ET CLÈOMÈNE. 3i^
A cette nouvelle Passemble'e se sëpara , le^
AchéeDS étant consternes de ce malheur sr
iiîbit.et de la grandeur de cette perte, Anti-
jonus fit tous ses efforts pour marcher au se-
coure de cette place; mais comme ses troupes
dispersées dans leurs quartiers d^hiver ne s as«
sembloient que fort lentement, et que l'affaire
pressoit, il leur donna l'ordre de rester, et
alla k Ârgos avec un petit nombre de soldats*
Cependant la seconde tentative de Cléomène
parut entreprise avec une audace pleine de
témérité et de folie, mais elle fut au contraire
conçue avec bcaucoup.de prévoyance et de
bon sens , comme l'écrit Polybe 45. Car sa-»
chant, dit-iï, que les Macédoniens étoient
dispersés daiis leurs quartiers, et qu'Antigonu^
passoit Fbiver b Argos avec ses amis, et n'a-
voit avec lui qu'un très-petit nombre de sol-
dats étrangers, il se jeta dans les terres d'Ar-^
gos, ïl faisoit ce raisonnement en lui-même,
ou qn'Antigonus piqué de honte hasarderoît
le combat , et seroit sûrement vaincu , ou
que, s'il refusoit de combattre, il le décrie*»
roit et le perdroit de réputation auprès des
Acliéêns. Et cela arriva ; car comme il rava-
geoit tout le pays, et qu'il emportoit et em-»-
menoit tout ce qu'il trouvoit sur son chemin^
les Argiens, irrités et perdatit patience, s'as-.
sembloient a la porte du roi, criant après li^,
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S50 AaiS BT CLtoK&^S.
pour le pV^9ser de combattre ou jeeédirlt
ooimnandemeiat h de pUis vaQlaots. HaîsAn-
tigonus, en. eapitaïae prudent et sage , per-
suadé que la honte coosisloit, Don Vse rvk
injurié .par des étrangers, mais k Vesposs
témërairemexit et sam^raison , et.k abandoonei
k pàrtile plus sur pour se livrera kfbruuief
letusadesoriir et demeura ferme dapsta^piv-
xnière résolution de ne point oonbattre. Cléo-
mëne mena donc ses troupes ju5<]a!au ^ed
des murailles d'Argos; et après avoir impa-
sément et sans aucune .crainte saccagé et
rainé tout le plat-pays, il reprit le chemin de
Sparte.
. Peu de temps. après ^ sur l!avis 4|u'Ami-
gonus s'étoit avancé jtisqu'k .Tégée, poor
entrer de Ik dans la Laconie y il asaeiabla
promptementson armée; et prenant, un au*
tve chemin , le lendemain k la pointe àa jour,
}l parut encore aux portes d'Argos, faisant
le dégât dans la plaine, non en fourrageast
et en coupant les blés avec des fautnlks
ou de& épées, comme on fait ordinairement,
mais en les abattant avec de grandes per*
«hes faites en > formes d'^ées courbées, de
aorte que ses soldats en ne taisant que jouer et
que badiner dans leur marche, reoversoient
^t délruîsoîent tous les blés. Quand ils furent
pièb du Gymnase^ appelé Cyllabaris, ils^rou-
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|B«c9t T in9¥re le feu : a)aîs Géomène s'y op-
pasAv^is«sit4Qpie;Qe,qu'il aYi«t faita Hég^^
jopoysiAwit.^.pll^ot.l«l^elnlpoJrtQmem de
ecÂosyiqpi'u^e honpti^. ett;beUe {Mstîon. Aoti-
fpo9us.yfpjétmlJffiilQurnék:àrgo$9 et ayant
occupé fous les coteaux et toiMales hauteurs
tà€t& }amfons layfic-Mt itroupes., : Cléomèpe ^
poi»|l^n9teiri?ii'eQ|ti9«iîr^a«icuJ9iC(»Dpte , et le
nifipijier 9 leoyr^ya jdes hésa^its ^ la ville de-^
Bxaôd^ Ussckife^û teni|Aede.JunoD, comme
poDf yfaîreun saorificek Ja déesse aviant 4}»e
de sîeii itto^furaer. :S)é|aat.,aîiifii mo^iié doit
Jkr^ioBfB ft d'ApCigonns v^t 4j^tiiit fait. son sa^
crîfioe a^es$ous jdiu iemplequi étoit fermé *%
il mmeua Aoniarm<éea<Kblk>»te; de Ta , il
classa ks troupeSi<fui gardoieut.Ologoute (/i);
et deacsendît Je long d'Orellûmëae ^ ayant non
fieulenieiit .relevé le.coucage et Uaudaee de
ses coiicitûgreiis ^ . mais . tùé de ses .enaemis
iDèmes.eette louange ^ qu'il ^toit un excellent
fâiEi^ y et très-^igne' et très-capable de cod^
diiire les affaires. tes, plus. goandes et les plus
difficiles. Car avec les forœs d'une seule ville ^
c^'avoir résisté k la foisii tonte la puissance
des Macédotùensyàloutle Bélopenese et aux
fonds immenses :f6urQis.par le rei , et de n*a«*
voir pas seulement conservé la Laconîe en--
(a) P«tiu ville dîAfcadie : PolyKeriippoUt! Oio^
gjrrtus.
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553 AtîIS ET CLÉO»lèNE,
tîère et hors d'insulte, inaîs encore d'être
entré dans les terres des ennemis, de les avoir
foiirragées, et de kur avoir pris de si fortes
villes, ce n'est pas un exploit d'une médioci^
habileté dans Part militaire, ni d\me magna-
nimité commune.
Celui qui a dit le premier ^le l'argent étoit
le nerf des aiS)ires,>semlâQ l'avoir d(it par
rapport a la guerre principalement* Eti^ora-
teur Demadës, comme tes Athéniens ordon-
noient un Jour qu'on i^quipât des galères et
qu^on s'embarquâti, qd(»qu*ils n'eussent point
d'argent, dit fort bien : x< Qu'avant que de
«penser a s'embarquer. Il falloit penser h
« pétrir (a)». On rapporte aussi que l'ancien
Archidamuâ,iui peu avant le commencement
de la gueirre duiPcloponèse, se trouvant pressé
pab les alliés pour régler ce que chacun de-
voit contribuer pour sa part^ répondit, « que
« la guerre ne se nourrissoit pas avec des
« fouds ■ arrêtés et fixes ». Or, comme*les
athlètes qui se sont long -temps exercés ter-
rassent h la longue et surmontent ceux qui
liront en partage que l'adresse et l'agilité, de
même int^onus, se présentant k cette guerre
avec tous les fonds nécessaires pour la sou-
• ♦
(.7) 11 veut dire qu'avant de Vembarqaer, il faut
avoir toutes les pix>visions et toulQi les maoiUoas q«'-
cessai res. A, L. i>. *
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AGIS ET CLÉOMBKE; Ï53
tenir, fatigua et délit enfin Cléomëne, qui
ne payoit que modkpienient et avec peine la
solde k ses soldats étrangers , et l'entretien de
ses propres troupes. Car du reste, les circons-
tances étoient favorables pour Cléomène , les
affaires d'Ântîgonus se trouvant en si mauvais
état , qu'elles le rappeloient dans son royaume.
E^ effet les Barbares , profitant de son ab«
sence, couroient et ravageoient toute la'Ma-
cédoine; les Illyrieus surtout y. étoient des- ,
cendus des hautes parties du nord avec une
grosse armée , et inondoient tout le pays ; de ,
sorte que les Macédoniens, au désespoir de se
voir saccager, envoyèrent presser Antigonus
de venir les défendre. Et on peut presque
assurer que si ces courriers fussent arrivés un
moment avant le combat , et lui eussent rendu
leurs lettres, il se seroit retiré sur l'heure ,^et
auroit laissé Ta les Achéens. Mais la fortune,
qui décide des plus grandes affaires, et qui en
décide souvent par im seul petit instant , qui^
éunt manqué , produiroit des événement»
tout contraires , marqua en cette occasion
quel est le poids et la force d'un seul mo-
ment '^^ Car aussitôt après la bataille de Sel-
lasie ^^ , où Cléomène venoit d'être défait et
Ae perdre sa ville, on vit arriver les cour-
riers qui venoient rappeler Antigonus. Cette
circonstance rendit encore plus déplorable IjT
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354 A4MS £T i?L£0MiMfi« I
malheur de Cleomène ; car s'il eût Meoèd
<leiix {ours seuleisent, etou'ileât vmmé àn<
tigotius en -ëludafit le eonlLât, il n'eût pas eu
besoin de tiper P^pëe , et après la retraite des
Maeëdonieos , il auroit réduit les Aehéem à
traiter avec4ui aux conditions iju'il auroit
YOuUi.^ais comme jC'Pai dé})i dit^lemaoque
d'argent J'ayant 6b]igé de mettre -toutes ses
espérances dans les armes ^ il fîitforcé de com-
battre avec «vingt mille hommes, comme Po-i
lybe P^crit, contre trente mille. Datlsce gracdl
danger , Glëomène «e montra un capitaine
digne 'd'admiration. 'Ilfttt aussi merveilleuse-
ment, secondé par ses concitoyens qui 'firent
parôitre un ^ranà eourage , tt il t^eut pas
sujet de se plaindre de «es troupes «ëtrangères
S mi combattirent tpes^vaillamment ; mais il
ut défeit parParmure des ennemis beaucoup
rneilleure -que celle de «es troupes, et pr
Pimpétuosité et le poids de la phalange des
|iIa^(»doniens.
jfliylarque ajoute qu'il y -eut aussi fie la
4rabison, et que ce fut ce qui ruina le plus les
«flaires de Gle'omëne; car Antigonus avoit
tîoiitté ordre k ses lUyriens et k ses Acarna-
^iens d^environner secrètement et d'enve-
lopper une des ailes deCl^omène, qui étoit
commandée ]Wir son firère Euelydas, pendant
^u'il rangerait eobaiaiUe^es autres Uwpes.
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^Xê&mhoe y cpi ofefi«FviQâ tootf de imm la
DODtagpe où il étbtt ^ae y6y;aac mille part le»
triBesv des Illyriens et des AeariianieBS:^ se
loutftqu' AQtîgoi)«£| les faiaeit servir k<p.i^l<{tte
itratagème. B lit dono appeler Dowôtelès cp»
Qominaiidbk nn corps pour vdller k 1» garde
in camp, et pour empeser les eittbAebes et
les surprises, jl Itiî commandA de^bieii Toir e^
de bien exàmioer ea quel état étojeni les der*
rières de l'armée, et de visiter le l^ur dtt
camp. Bamotelès, qui, k ce que I'ob dîl^
aTÔit dëjii été corrompu par aident , kti dil^
« qu'il n'avoit que faire de se mettre en peiûe
« de ââS derrières 9 que tdut y alloît bien, et
« i|u'il pensât seulement k ceus! qu'il avoit ea
i< tète pour les bien repousser ». Glèomène,
rassui'é par ce rapport^ mavdia tète baissée
contre Amigonus^ Ses Spartiates firent une
charge si soutenue, qu'ils forcèrent les Macé^
doniens k reculer jusqU^a ctncf stades (a),
en les pressaut toujours avec la plus grande
-vigueur; mais en même temps il aperçut sur
Fautre montagne spn ft^e enveloppé par les
Acamaniens et tes Illyriens. A cette vue il
s'arrête , et cjt^prenaiit Inen lé danger où
étoit cefte aile., il s'écrie, uTu es perdu, ô
« mon frère , tu es pei'du; mais tu ni.euvs eu
u vaillant bonune 4d et ta vertu sera ét&^it
(a) Six ceiitvifi^cioq pâs«
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S56 AOIS ET CLÈOMÈNB.
« neHement l'exemple 'qiie nos jeunes Spar-
« tîates se proposeront , et le sujet des éloges
« et des chants de nos femmes ». Tout le
corps que commandoit Euclidas, ayant donc
été passé au fil de l'épée avec lui , ceux qui
les aroîent défaits tournèrent leurs armes
contre Cléomène, qui, voyant ses gens dans
tin tel désordre , et si effrayés qu'ils n'avoiect
|)lusle courage de faire ancune résistance, se
sauva par la fuite. On dit que la plupart des
.troupes étrangères périrent k cette bataille ,
^t que , de six mille Lacédémoniens y il ne
s'en sauva que deux cents.
Cléomène arrivé ,a Sparte , conseilla h ses
concitoyens de recevoir Antigonus; et leur
dit : <( que , si en vivant ou en mourant il pou-
ce voit faire quelque chose qui fût utile k Sparte,
« il le ferôit avec un très -grand plaisir n.
Comme il vit que les femmes couroient au-de-
vant de ceux qui s'étoient sauvés avec lui,
qu'elles prenoient leurs amieè^ et qu'elles leur
présentoient des coupes de vin , il se retira
dans sa maison. Une jeune esclave qu'il avoit
Ï>rise a Mégalopolis, qui étoit de condin'on
ibre, et qui le servok depuis la niort de sa
femme, courut a lui selon sa coutume, pour
lui Tendre les services dont il avoit besoin an
retour d'un combat; mais il ne voulut ni boire
quoiqu'il eut grand soif, ni s'asaemr, quoi-
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AGIS ET CLÉOMÈNi:. 55)r
pi'il fûttrës-Ias; il s'af^uya tout armé sur
une colonne, la tête sur le coude, et après
qu'il se fut reposé quelques monoients, en re-
passant dans sa tète tous les divers partis qu'il
pouvait prendre, tout, d'un coup il sortit et
se rendit avec ses amis au port de Gythîum (a^
la s'étant embarqué sur des vaisseaux qu'il
avoit fait préparer, il mit promptement k la
voile.
A peine étoit-il jparti, qu'An tigonus arriva
devant Sparte, dont il s'empara. Après avoir
traité les nabilants avec toute sorte de douceur
et d'humanité, sans outrager et avilir la fierté
et la dignité de Sparte , mais au contraire en
lui rendant ses lois et son gouvernement, et
après avoir sacrifié aux Dieux de la ville, An-
tigonus s'en retourna le troisième jour , sur
les nouvelles qu'il reçut que la glierre étoit
allumée datis la Macédoine, et que les Bar-
bares faisoient un dégât horrible dans tout le
pays. Il étoit d'ailleurs déjà attaqué d'une
maladie grave qui dégénéra en une phtisie to-
tale et en une entière dissolution du sang.
Il ne se laissa pourtant point abattre par
le mal, mais il lui résista et trouva encore ea
lui des forces pour soutenir de nouveaux
(a) Petite yUïc aa sud tie la LacoDÎe , prcs «le 1'». tu-
bouchurc de TËurolas ; elle servoil de port à Sparte.
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S58 JtGîB ET èLÊÔBribm.
combats dkns son propre' soyaame, et pour
mourir plus glorîeuscfDent après une grande
victoire et un grand carnage des Barbares.
Phylarque écrit, et cela est vraisembhble,
que, dans la bataille qn'il gagna contre les H-
lyriens dans la Macédoine , il cria tant et avec
81 grand efibrt , i{u'il se- rompit une veine; et
dans les écoles *^ on entendoit dire publicpe-
ment qu'après sa victoire, en criant dans les
transports de sa joie ,6 la belle , 6 P/teureu^s
journée ï il lui prit une hémorragie, et que
ce symptôme fut suivi d\ine fièvre continue
très-violente dont il mourut. Voilk ce que
nous avions k dire d'Antîgorius.
Cléomène étant part i de File de Cy thère (a),
aborda k une autre ile appelée £gialie (i);
et comme il étoît sur le point de passer de Ik
h Cyrène (c),un de ses amis, appelé Théry-
cion, homme qui avoit témoigné beaucoup
d^audace et de courage dans toutes les actions
de la guerre, et marqué beaucoup de fierté' et
de hauteur dans tous ses discours, le tiraot
co particulier , lui dit :* « Roi de Sparte, nous
« avons tous deux fui la plus belle de toutes
« les morts, celle que Fon obtient dans le
(a) Ile au bas de la Laconie.
(A) ile à l'orient de Cythèrc,
(c) £a Afrique. A.L.D,
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AGIS ET CLÉOKÈNE. 359
« combat* Cependant tout le 'monde nous a
« entendu dire que jamais Antigomis ne
m vaincrait le roi des Spartiates, qu'après^l'a—
u voir tue. Nous avons encore en notre pou-
i< voir une autre mort <}ui, après celle Ik, est
« la seconde en gloire et en vertu. Quel but rai*
« sonnable peut avoir notrenavîgation? Pour-
« quoi fuir une mort qui est près de nous^
« pour en aller chercher une qui est loin? Car
¥. s'il n^est pas honteux k des descendants
iik d'IIercule d'être soumis aux descendants de
« Philippe et d'Alexandre^ épargnons-nou5
« cette longue navigation^ en nous remettant
<( entre les mains trAutigonus qui doit être
f< autant au-dessus 4e Ptoléméeyqueles Ma-
« cedoniens sont au-dessus des Egyptiens. Si
4i nous dédaignons d'obéir k ceuK qui ^nous
« ont vaincus par la foroe des-Armes^pourquoi
« reconnoltrons-nous poiu* maître celui qui
m ne nous a pas vaincus? Et.pou;vant ne nous
« montrer qu'inférieurs <k un seul ^^ pourquoi
« nous montrer inférieurs k d^x y h Antigor
H nus que ndusfuyons^ et k^Ptolémée'k qijî
« nous allons faire la cour? Dirons-pousn^i^
if nous allons en Egypte k cause diC )a reine
« votre mère qui y est >en otage? Vïaiin^t ce
« 5€ra un spectacle bien beau pour elle, Qt
« x\m lui fera gr^nd plaisir , quand elle mou-
t( tfefa aux femmes de^Ptoléiiiée.soiXt&ls da-
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560 AGIS ET CLKOMÈNE.
« venu fugitif et prisonnier, de roi qu'il étoitî
« Pendant que nous sommes donc encore
« maîtres de nos épées, et que nous avons
a encore le bonheur de voir la Laconie de
« nos propres yeux , délivrons-nous de cette
« infortune , et justifions-nous par 1^ auprès
« de ceux qui sont morts dans les champs de
« Sellasie , pour la liberté de Sparte , à moins
x( que nous n'aimions mieux nous tenir lâche-
« ment en Egjrpte pour y apprendre quel sera
« celui qu'Antigonus am*a laissé k Sparte pour
M son satrape et son lieutenant » .
Thérycion ayant ainsi parlé, Cléomëne lui
répondit : « Méchant et lâche que tu es, tu
i( crois donc que parce que tu poursuis la mort
« qui est la plus aisée de toutes les* choses hu-
« maines, et celle qui est toujours en notre
« pouvoir, tu es magnanime et généreux, et
« tu ne vois pas que tu veux édiapper par
« ime fuite encore plus honteuse que la pre-
4( mière. On a souvent vu des gens qui valoient
m mieux que nous, céder a leurs ennemis, ou
« trompés par la fortune, ou accablés par le
« nombre. Mais celui cpii cède aux travaux,
K aux fatigues, aux louanges ou aux blâmes
« d€;3 hommes, celuî-lk est vaincu par sa pro-
a pre foiblesse et par sa seule lâcheté, car il
« faut que la mort que l'on choisît ne soit pas
^ la suite d'une action ^ mais une action mê-^
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AGIS ET CLÉOMÈKB. 561
<j me, n'y ayaîit rien de plus honteux que de
« ne vivre et de ne. mourir que pour soi ^» . E t
(i c'est pourtant k cela que tu nous exhortes^
« en nous pressant de nous délivrer de nos
« malheurs présents sans rien faire de beau
(.< ni d'utile. Je suis d'un avis bien différent ,
« je crois que ni toi ni moi ne devons aban*-'
« donner Véspérance d'être encore utiles k
« notre patrie. Quand cette espérance nous
« manquera, alors il nous sera aisé de mou-
a rir si nous en avons tant d'envie ».
première occasion tavoratile qu il trouva pour
vage, et se tua de sa propre main. Cléoinène
étant parti de ce même rivage , aborda en
Afrique, et eôcorté par les officiers du- roi, il
arriva k Alexandrie. Quand il salua le roi
pour la première fois, il en reçut un accueil
fort ordinaire et sans aucune distinction mar-
3uée. Mais, quand il eut donné des preuves,
e soo grand sens, qu'il se fut montré hom-*
me sage, qu'il eut fait voir dans sa conversa-
tion ordinwis la franchise et La simplicité La-^
conique , assaisonnées d^une grâce pleine
d'une honnête liberté et d'une fiecté noble qui
l'empêchoit de déshonorer la grandeur de sa.
BAipsanç.e , Qt de glie'r spus les coups de la for-^
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56'i JtOÏS HT CLÉâMfcNPE.
tune, Qtme par cette conduite il mit prni
|)1 u6 agréable cnie; les oourtîsîans , qciî ne cher-
«^^faôient qti^k plaire par lenrs flatteries et par
leurs 'bassesses^ «ilôrs Ptalëmëe fut saisi de
dionte et de mpentir d'avoir négligé un si
«grand pei%(Maiiage, et /de l'avoir abandonné
•k ÂDtigODUS y ^qûi y par sa défidte , avoit
^acquis beaucoup de n^putation ^t aug-
^tné&té infinimeat sa puissance. Il tâcha donc
'de G<»â^ler Ckomène par toutes sortes «Fhon-
neurs etdeoaresses, le rassura- et 1- encouragea
^n lui promettant qu'il. le renvenroit cq
Grèct; avec use^otte et de l'argent, et qu'il
le rétablii^it sur le Irone* Il lui as^gna une
pension de vingt-quatre talents (a ) par ao,
-dont il s'entretint^ et entretint ses amis très-
simplement et très- sobrement) épargnant
towt le reste pour remployer k subvenir aux
nécessités de ceux qui se retiroient de Grèce
en E^pte.
Mais le vieux Ptolémée mourut (b) avant
qu'il eut pu accomplir la promesse qu^il avoit
faite k Géomèné de le^envoyer en Grèce, et
Ik nouvdle cour étant tombée dans la disso-
lution, l'intempérance et la domination des
fonmes, les affaires dé Qéomcse furent
(a) Environ i i8,5j9 ft. ^. i. Z>.
(h) PtoIëm«*« Evcrgcte I momut la dernière ano^
dt Tolympiade cxj ^ i'an aïo avant Vête chréiicAoe*
DigitizedbyCjOOgle
Abam^nnees.! Lenouveati • roi (a) "Jin^^nèBie
ëtcit ^i doiro]Bf«|psir ces' infâmes d&auches,
qn« lorsqu'il ëtmt le fias sobfe et du &ens,
le pU)s f assis, il passoit $0n temps ^ célâifer
dé& fêtes et des sacrifices, et k eoiirindhiiis
son palais eu battant le r tandH>iirm pour
iissetnbkrsoiu monde, et Jais^t f;o«,iv^mer
ses affaires lesplus ihïpottantes' par une cour-
tisane , nommëe ^Agatbocl^a , qui éloit ^ sa
maîtresse, par' la nlèreideoette ooui>tisane^
et f^ar un ntwnié Oenadtes, qtû éloit le ituh-
nistre infâme de âes plaisirs. C^peivdâût dans
le coTnineacemeat de son règne, il neJaisaa
pas de se servir de- GWontène; car, comme^il
craigt^it son frère Magas, qui, 'k» cause de sa
mère, avoit beaucoup^ crédit etde pouvoir
parnii les gens de guerre, il approcha de lui
Cléomène, et l'admit dans ses'coni^ilslespltts
secrets, où il cherchoît- les moyens de se dé-
faire de son frère. Mais, quoique tous les au-
tres fussent d'avis qu'il de voit le faire mou-
rir, Gléomène seul s y opposa, disant : <i Qu'il
« vaudroît encore mieux, s'il étoit pos^ble,
« donner plusieurs autres frères au roi, pour
« plus grande sûreté de sa personne, et pour
il partager entre eux les affaires du gouverne-
« ment, qui en seroiept mieux administrées ^S
. <«} Ptalémée Pliilopator* «<#. L. D.
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564 AOIS ET OLÊQBiÈKE.
Sur cela, Sosiblus, cdui des amis an prîace
qui avoit le plus de pouvoir ,jfaiit dit: <<qu'oa
« ne pouvoit nullement s'aa^er de la fidélité
« des soldats étrangers pendant que Magas
« seroit en vie » , Cléooiène lui répondit :
« qu'k cet égard, il n'avoit qu'k être en re-
« pos, parce que, parmi cette milice étran-
ii gère ^ il j avok plus de trois mille soldats du
^^iPéloponèse^ qui dépendoient entièrement
.« de lui, et qui, au premier signal qu'il leur
a donnecoit , ne manqueroient pas d accouru:
/< avec leurs armes, tout prêts k exécuter ce
4( qu'il ordonneroit».. Cette réponse persuada
sur l'heure de la sincérité de son affection
pour le roi, et donna um grande idée de sa
puissance. Mais hientôt appès, la foiblesse de
Ptolémée augmentant sa timidité et sa dé-
fiance , et comme il arrive d'ordinaire k ceux
qui n'ont point de sens, que le parti le plus
sûr leur paroUJtoujours de craindre tout et de
se défiej* de tout, ces mêmes p^aroles rendirent
Cléomène redoutable^ k: toute la cour , comme
un homme qui avoit beaucoup de pouvoir et
d'autorité sur les soldats étrangers. Il y avoit
même plusieurs de ces coiutisaos qui disoient
que Cléomène éloît un lion parmi un trou-
jîeau de brebis. En effet, il paroîssoit tcj
dans toutes sçs manières k ces hommes ;
ç.ai: il les regardoit av.çp un ak feime et, in-..
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AGIS ET CLÊOMÈNS. 5G5
•épvde, et observoit avec soin tout ce (]iii sç
assoit.
Eofio , il se la^a de demander des vais-
ï^ux et des troupes j mais ayant appris qu'An'-
goiius étoît mort, que les Achéens étoient
Dgagës dans une grande guerre contre les
italiens^ et que les affaires le demandoient
t Tappeloient, tout le Péloponèse étant dans
3 trouble et dans la discorde, alors il de-«
aanda qu'on le renvoyât seul avec ses amis^
t c'est ce qu'il ne put obtenir. 11 ne put;
aême avoir audience du roi , qui passoit les
ours et les nuits avec ses femmes dans les^
eux et dans les débauches. Sosibîus, quL
:toît le principal ministre , et en qui le prince
*e reposoit du soin de toutes ses affaires^
v'oyoit bien que Clébmëne^ retenu contre sa
volonté, seroit dangereux et redoutable, et
que renvoyé, il devoit être fort suspect;^ car
on devoit tout craindre de son audace et de
son ambition qui le portoient a tout entre-
Ï «rendre, et de la connoissance qu'il avoit do
a foiblesse et de la maladie du gouvernement.
En effet, il n'y avoit ni présents ni lai gesses
qui pussent adoucir ce naturel; mais comme
on dit que le bœtif sacré que les Egyptiens
adorent sous le nom d'Apis, au milieu de la
plus abondante pâture , et lorsiqu'il semble le
plus vivre dans ies délices, n'oublie pourtant
. DigitizedbyCjOOgle
!V66 ÂGï» ÏT CLÉOMÈNE.
poiotla vicqwi lui estnâtureUe^et'désîredecofv
jîr et de bondir dans les campagnes, -et frf*
visiblement connoTtre qu'il ne pent soiifili
d*être retenu enirfe les mains du prêtre quiî
le soin de le garder et de le servîr^Cléo-
mène de même ne prenoit aucun plaisir k I:
YÎe molle et delideiise qu'il menoit; ma!s«
comme Homëre dit d' Acnille y « il se laisson
« dévorer k la tristesse, en demeurant dara
« son quanier sans action, et soupiroit aprè»
« les alarmes et les combats Ça),
Les affaires de Clëomène étant en cet état^
i^icagora^ le Messdnieû arrive k Alexandrie,
CV'toit un homme qui haibsoit morteifeoiert
Clp'omène, mais il faisoit semblant d'être de
ses amis. Il lui avoit autrefois vendu «ne j'>-
Ke maison de campagne.» et n'en avoit pas i\i
payé, soit que Gléomène eût manqiié d'ar
gent, soit qU il n'eût paseu le temps d'acqiu'ttc
cette dette, ou que les guerres qtû survinrent
l'î îi eussent empêche'. Cle'omènelevîtcomuM
11 débaiHijaoît , car it se promenoît âlor&parha
Siard sur le quai ^ai bôrdoit le rivage; il le sa-
lua avec amilié et iui demanda quelles af-
faires Vamenoient en Egypte. Nicagow5«
lui ayant rendu son salut avec de .grande?
marques d^affectîon , lui répondit qu'U amc-
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oit an roi de très-beaux chevaux de fçuerre;
léomèue se mettant i rire, lui dit : «11 vau-
droic mieux poin* toi que tu lui eusses ame-
né des baladiae», des chanteuses et d^s
courtisanes; car voila les choses dont le ix>i
est pr^entement le plus curieux. Nicago-
as sourît alors ^ ce mot de Cléomène; mais
iielques jout-s après, il loi fit souvenir de la
-etite maison qu'il lui avoit vendue , et le pria
le lui en donner le prix sans autre délai,
^assurant , « qu'il ne Fimportuneroit pas s'il
cn'aToit fait une perte considértible dans k'
( vente de ses marchandises». Cbiomène lui
e'pondît qu'il ne lui restoit pas la moindre
:bose de la pension que le roi lui donnoit.
^icagoras, affligé et iârthé de ce refus, alla
«r l'heure rapporter k Sosibius la raillerie de
^léomènc. Sosibius le reçut avec grand plaî-
iir; mais cherchant un sujet plus grave et
plus capable d'irriter le roi, il persuada k
Nicagoras d'écrire en partant une lettre au
rci contre CUomène, peur lui donner avis
:ju'il avoit résolu , s'il lui (îonnoit des vais-
seaux et des troupes, de se rendre maître de
Cyrène. Nicagoras écrivit cette lettré et s'em-
barqua en même temps. Quatre jours aprèi
son départ , Sosibius porta au roi Ptoléniée
celle lettre, comme s'il ne venoît que de la
recevoir, et ayant par Ta mis «e j^ui^e prinQç
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5fiK AG^IS ET CLÉOMÈNE.
en fureiir contre Cléomène, il lui coBseiij
de renfermer dans une maison spacieuse, t
de lui fournir toujours le même entrelier
innis de lui ôter tout moyen de sortir et (^
s'échapper.
Ce traitement affligea extrêmement Oe'>
mène; mais il conçut encore de plusma:-
vaises 'espérances pour l'avenir sur une ave;
tiire qui lui arriva. Ptolémée , fils de Chn-
sermus^ un des grands amis du roi, aYc:
toujours bien traité Cléomène y ils avoient T'
entre eux n-m grand commerce, et ils ^.*
voient ensemble avec beaucoup de familiarir
Cléomène l'ayant envoyé prier.de le yeé
Voir, il y alla, lui parla avec assez de mode:
tîon et de douceur, tâchant de calmer f*^
«oupçous, et de justifier la conduite du ro: .
ion égard. Quand il sortit, il ne prît f
garde que Giéomène lesuivoit jusqu'à lapoi^
la il réprimanda fortement les gardes, a de
a qu'ils siirveilloieqt avec beaucoup de uéz* ■
« geuce une bête féroce, qu'on auroit bîec c
i< la peine a reprendre si elle échappoit
Cléomène,quî l'a voit entendu .se retira pronij-
tement^vant que Ptolémée put s'apercevo'
qu'il Tavoit suivi, et alla conter k ses amis srr.
aveniure. D'abord ils perdirent tous l'esjM?
rance qu'ils avoient conçue en arrivant ;rt
pleins de colèjre, ils résolurent de repousse
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AGIS ET CXÉOMENE. $6(f
ar les armes rînjnstîce et TinsoleDce de Pto-
fiuée y de mourir d'une manière digne de
parte, et de ne pas attendre, comme des
îctîmes engraissées, qu'on vînt les immoler j
ar ils trou voient très- indigne et très-hon-
Hix que Cléoraènc , qui avoit dédaigné dé
accommoder avec Antigonns, grand homme
e guerre, et vaillant de sa personne, se tint
ï dans l'inaction , attendant qu'un roî bâte-
îur trouvât le loisir dé quitter son tambou-
in, et d'interrompre ses dëbàuclies et seà
lanses, pour venir ordonner sa mOrt.
Celte resolutîon prise, et le roi étant allé
e jour^lh li Canope (a), les amis de Cléo-
ûène firent courir le bruit par toute la ville
|ue le prince a voit résolu de le tirer de sa
irison; en conséquence de ce bruit, comme
'est la coutume des rois d'Egypte, quand
b veulent élargir un prisonnier, de lui enr
^oyer la veille un souper et de grands pré-
ents, les amis de Cléomène avoient eu soîa
le préparer un festin et des présents qu'ils
ni envoyèrent eii trompant lès gardes et en
mir faisant croire que c'éioit de la part du
oi. Cléomène, la tête couronnée de fleurs,
it un sacrifice àui Dieux , envoya k ses gardes
le bonneà portions de ce sacrifice, et se met-
(a) Ville à Peinboncbure la plus occidentale du
^il, et qui porioîi «on nom. :A. ^Z>.
^ D,g,t,zedby^Ogle
^7^ AGIS ET CLéoMÈNS^
*^ tant ^ table, fit grande chère avec ses sm
On dit qu'il commença Pentreprlse philû:
iqii^il n'a voit résolu ,. parce au'il s'aperçuî
qu^m des domestiques qui savoit tout le pro-
jet, e'toit sorti et etoit allé voir unefemiM
qu'il aimoil. Craignant donc d'être décou-
vert, et voyant qu'il étoit déjk près de m
€t queies gardes étoient encore endormis pa
suite de leur débauche de la nuit^ il prit si
colle-d'armes dont il avoit «décousu la Bcafr
lîhe droite, et sortit l'épée a la luain, a\«
lies amis équipés de même, au nombre à
treize. Hippotas, qui étoit boiteux, et un i
ces treize , sortit avec eux, et marcha d'abcri
'assez vite} mais voyant qu'ils raleutissoit£
leurs pas pour l^atlendre, il les pria «dek
« tuer et qe ne pas manquer leur entrepris
<c pour un homme foible qui ne pouvoii ètit
«d'aucun secours». Par bonne fortune,!'-
rencontrèrent près la porte un homme d'A-
lexandrie oui menoit un cheval; ils prireott
cheval, et l'ayant donné à Hippotas, ils cou-
rurent dans toutes les rues, esiiorlant eteu-
çourageant le peuple k la liberté. Mais toui
ce peuple n'avoit de force et de courage que
pour louer et admirer l'audace de Cléomène,
jet personne n'osa le suivre ni lui donner k
niomdre secours. Piolémée, fils de Chryser-
muS| sortant du palais ; fut dttaqué par trou
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AGIS ET CLÉOMÈNE. Sfl
lela troupe qui le tuèrent. Un autre Proie-
née , k qui la gardle de la ville d'Alexandrie
îtoît confiëe , étant sorti contre eux sur son
:liar, environné de ses domestiques et de sea
jardes , ils allèrent k sa rencontre , écartèrent
Tabord la foule quil'accoinpagnoit, et l'ayant
îré de son char, ils le tuèrent sur la place;
însuite ils prirent le chemin de la citadelle
lans le dessein d'enfoncer les portes de là
)rison , et de se servir d'un grand nombre de
)risohniers qui y étoient déténus. Mais les
féoliers et les gardes les avoient prévenus , et
ivoîent bien muni et barricadé les portes , dé
orte queCléomcne, déchu de cette espérance,
îrra de tous cotés dans la ville , sans que per-
ionne se présentât pour le suivre ni pour le
combattre; tous saisis de frayeur prenaient
a fuite k son approche, "^
Alors Gléomène, qui vît bien qu'il falloir
renoncer k son entreprise , se tourna vers ses
amis , et leur dit : « Mes amis , il ne faut pas
« s'étonner que des femmes commandent ici
<(k des hommes qui fuient la liberté» , et les
exhorta touskmourir généreusement et, d'une
manière qui répondît a la grandeur des choses
qu'ils avoient faites. Hîppotas fut tué le pre-
mier k sa prière par un des plus^ jeunes de la
troupe; tous les autres ensuite se tuèrent gé-
néreusement eux-mêmes, a l'exception di
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57^ AGIS ET CLÉÔMÈnB.
Pantëuscftiî le premier étoit entré dans la rîlk
de Mégalopolis. C'e'toit un jeune homme lits'
beau, très -bien fait, k la fleur de son â^t.
et plus heureusement né qu^aucun des autres
jeunes gens pour la discipline )aconîc[ue, et
ses grandes qualités avoient inspiré au to\
Ciéomène la plus tendre amitié pour lui. O
prince lui ordonna que, quand îl le Terrri'
tombé mort, et tous les autres avec lui , aloi?
il se tuât lui-même le dernier. Tous les autrf?
5' étant donc passé l'épée au travers du corp?
et étant étendus par terre , Pantéus les alla vi-
siter l'un après 1 autre, et les sondant avecli
pointe de son épée , il voulut s'assurer s'il ïï)
en avoit pas quelqu'up qui fut encore en vie.
Eu pîquani Ciéomène au talon, il anercitt
iguelque contorsion sur son visage , îl le caisa,
s'assit auprès de lui, et attendit qu^îl fut expi-
ïé ; et après l'avoir embrassé, îL se tua sur son
corps. Ainsi finît Ciéomène, après avoir ré-
gné seize années b Sparte, et s'être montré
nussi giand homme que nous venons de le
peindre.
Dès que le bruit de sa mort fut repancio
«lans la ville, Cratésicléa sa mère, quoique
femme d'un grand courage, ne conserva pis
sa magnanimité contre ce grand coup de 1*
fortune ennemie; et embrassant les deux en-
fants de CJéomène y elle se mit k déplorer ses
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AGIS ET CLBOHÈNE. Zf3,
alIieiiTS. L'-ataë s'ëtant débarrasse de ses
aîns, monta sur le toit, et sans que pçr serine
en dputât, il se jet^.en.b^s la tête la;pre^.
lière : il fut toyt meurtri, mais il n'en.mou-^
xt pas; on le releva maigre ses cris ej mal^
ré la fureur où il étoitdece qV)n l'empècboit
e mourir, h^ roi Ptolémée^ ioformé de; «vel
v^éa^meDl;, ordonna qu'on mit en croix lit
OTps de Cl^mèo^, apçèç Ifayoir env^lqpp^
e peaux pour le garantir d^ bèi^^ e^ qu on
lit mourii" tie$ enfiMitS! ayec sfi ii!ière , et; toutes
ïs femme» qui l'accompagooiient^ L'épousa
e Pantéus ëtoit. de ce. nombre^ c'étoitune
c^mme d'une gi;apde begnté et d'une; laiUc(
.majestueuse , il n'y avoit pas loog-tempi^
vi'ellc avoit épOusé Pantéus, et ils étoiçnt
ncore dans les^prieimiers fe^x de, leur amour ,
orsqu'iU tombèrent dans cette infortune*
^uand Pantéus partit. de Sparte avec Cleo*
uëne, et qu'elle voulut s'embarquer avec lui^
«sparentstl'en empêchèrent; et l'ayant ren-»
ermée malgré elle, ils la gardoient spigneu-,
uement. Mais peu de jours, après, ayant tjrou-
ré le moyen d'avoir un cheval et quelque;
peu d'argent, elle s'enfuit une nuit, gagna a.
:oute bride le port de Ténare , s'embarqua
mr le premier vabseau, alla trouver son
mari eu Egypte, et Ik elle partagea tranquille-
pnent et même gaiment avec lui la vie niai:-
D,g,t,zedby^Ogle
$7 4 AGIS ET CLÊOMbïK.
heureuse qu'il meinoit dans cette terre êbMf
gère. Quand les soldats menèrent Cratéàcl«
au supplice, elle la scmtenoit et lui portok
elle-même la robe, pour Paider a marcher,
en Pexhortant k montrer en cette occasàon
toute sa fermeté et sa constance, cpioîqu'eDe
ne demandât pas d'autre grâce, que de mou-l
rir avant ses enf;ants. Malgré ses prières,
quand on fut arrivé .aulI*îuou l'on avoit cod-
tume de faire ces exécutions, les exécutcuïs
égorgèrent d'abord ses petits-fils k ses ycui
et dégorgèrent ensuite, sans que jamais daos
cette affreuse extrémité elle prononçât d'autre
parole que celle-ci : j4fi\ mes enfànis, où
éiea-poua venusl
La femme dePantélis, çii étoît grande et
forte, ceignant sa robe, sans proférer une
igeule parole et sftns marquer le moindre troo-
l)le, prit soin ave&les litiges qui lui restoicDt
d'envelopper et d'ensevelir toutes ce&feamies
k mesure qu'îles étoient exécutées. Et quand
son tour vint de mourir après toutes les au-
tres^ elle s'ajusta elle-même^ baissa sa robe,
sans permettre qu'^upun autre Pa|^rodiât,
ni la vit même, que l'exécuteur, et mourut
ainsi avec un courage héroïque, sans avoir
besoin que personne lui rendît ce deruier of-
fice d'envelopper et de couvrir son corps après
^ mort, i^iit elle i^% i^^eu«-de.|Md^
. AGIS ET CLÉOMÈN^. . S'^S
5ans. îa mort même la pudeur et rhonnêteté^
t <ie munir et de remparer son corps de la
lème décence qu'elle avoît conservée toute
a ^e. Ainsi Lacédémone, dans celte san-
laate. tragédie où les. femmes entrèrent en
îce contre les hommes, et disputèrent avea
lux. k qui supporteroit plus courageusement
a mort 5- fit voir par cet exemple sensible .et
némorable, cpi'il n'est jamais au pouvoir de
ia fortune aoutrager la vertu.
Quelques jours après, ceux qui gardoient
!e corps de Qéomène sur la croix ^^ , virent
jia grand serpent entortillé autour de sa tète,^
Bt qui lui couvroit tout le visage; de sorte
jiVaucun oiseau de proie nepouvoiten appro-
cher ^+. Ce prodige jeta la superstition et la
Trayeur dans l'esprit du roi, et donna occa»--
sien aux femmes delà cour de faire des sacri-
fices d'expiatian et de puFification , ne dou-->
tant point qu'on n'eût fait moiiEir ua hommer
aimé de» Dieux, et supérieur k la nature hu-
maine. Tout le peuple d' Alexandrie courut
même en foule sur le lieu; et pour apaiser-^
les mânes de Ciéomène,. il l'invoquoit ea
Rappelant héros et fils des Dieux., jusqu'à ce^
que des gens plus éclairés dans les eauses na-^
tutelles, vinrent calmer leur gupefôtiiîon et
leur crainte , en leur enseignant que comme^
IpSvCorgs. des bœufs. qtianiUs sanl en gutcéW
DigitizedbyCjOOgle
SijS AGIS ET CLioMisNE.
fdction^ engendrent des abeilles "^^^ ceux des
chevaux, des guêpes ^^, etceux des ânes deses^
carbots^de même du corps des hommes^ quaud
laj liqueur qui compose la moelle du dos est
arrêtée et figée, il s'en engepdre desserpep ts ^7 .
Et c^est sur cef t e expe'rîence que les an ciens ont
choisi sur tous les animaux le serpent pour
l'approprier k Thomme,
VIN PB LA VI£ d'àOIS ST BB OLËOMlàNE,
Digitized by VjOOQIC
NOTES.
^ C^£ST one renié cme PJutarque met encore daBtff
1 grand jour dans le Traite : Comment il faut
a''un philosophe conyerseavec les princes. k L'bomm«
de bon sens , «iit- il , qui se mêlera du gouverne^
roent , ne désirera qu'autant de gloire qu'il lui ea
faut pour exécuter de grandes actions , par la cod-^
fiance qu'aile lui attire ^ car il n'est ni agréable ni
facile de servir des gens qui ne le veulent pas ^ et
c'est la coufiaiice qiii excite Ja Tolonté« U en est de
la gloire comme de la lamiére; la lumière est un
plus grand bien pour ceux qui voient que pour ceux
c|ui sont Vus \ la gloire de même est plus utile à
: ceux qui en sentent les cJFets, qu'à ceux qui en sont
: revêtus ».
* Cela est in.évitfible 3 dès qu'un état devient riche «
\ déchoit de sa grandeur. C'es^ une. vérité prou véq
par mille exemples ; et une des plus grandes preuves ,
t^est ce qui est arrivé à l'empire romain. La verta
et la richesse font la balance ^ quand l'une bai&se ^
l'antre hausse. ...
' Comme il n'y a rien de plus nréji|djcia}>le aux
villes et aux états qu'une grande még^j[\fé . cef^e é^
Vite , que le partage, des. terres, avoit ii|.tijppiyi((e,, cpi^*
tinuant dans Sparte , servit à la relever. Ce qui subsiste
encore d'un bon établissexpeiit, nefitseiÇTir à rétablir
ce qui est ruiné et perdn. Voyez la vie de I,iycii»gt»e«
^ SoloD avoit fait à Athènes la même loi » mais plus
restreinte; car il ne permettoit qu'aux jpères qui
n'avoient noint d'enfants mâles , nés de légitime m&<*
liage , de donaer leur bien à qui ils voudrpieat. PW
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578 NOTES.
tarque ju^e fort bien de ces lois , et fait roîr eoinbîei
elles ëtoient injustes et préjudiciables à l'état. Voyez
la vie de Solon.
^ Cette raison est d'une trés-grande force y et une
démonstration pour faire voir qu'un roi ne sauroit
être grand par ses richesses , puisqu'il y a ea des
domestiques de satrapes , et des esclayes mêmes de
leurs favoris , qui ont possédé plus de richesses qnc
les rois le^i plus riches, et qui cependant ont toujours
f^té trés-meprisables et très-petits. Il n'y a donc que
la vertu qui puisse rendre un prince yéritablemeot
^rand.
* Amyot écrit Pallène , qui étoît une -ville d'^^r-
eadîe , aux confins de la Laconie. il y ayoît dans
l'Achaïe une autre ville que la similitude de uom
fiiit quelque fois confondre avec celle-ci, maïs qui
doit se nommer Pelléne , snivant le scholiaste d'Apol-
lonius. Mallée , dont il est question ensuite , est na
promontoire au sud de la JLacpoie ; e.t Sellasie est
près de 1^ rivière d'Cgnus , à l'orient d'été , paç
rapport à Lacédémone. ysf . L, D,
7 On a lu dans la vie d« Lyoïirgae , que le nombre
de peittonmes qui se réuoissoient à une même table
étoit de quinze environ. D'après le nombre des lots
dont il vient d'être question , les éditeurs d'Amyet
Çensent qu'il y a' ici une altération dans le texte de
latarqqe , et que le nombre de quinze seroit oeloi
4es convives à chaque table. ^. Zî* 2><.
* On alloit coucher dans son temple , et la naît \t
Déesse fais<nt Tdir en songe tout ce oue l'on vouloit
savoir. Cicéron a parlé de cet oracle de Pasiphaé
dans le premier livre de la Divination : At^oeetiam
' qui pneerant Lacedemoniia non eonienti vigUun*
tihus euris , in Pasiphaœ fano , quod est in €tgro pnp.
tfdfurbemy tomrtiandi causa -^ocou^abant, quiavçrn
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HOTES» !?79
juieiis craeida dueehant. M^^is je crois qu'il manqiM
la mot à ce texte de Gicëron. Le temple de Fasiphaë
l'étoit pas si près de Sparte , qulil ait pu dire qu*il
koit propter urbcm , près de la rille. ^ etoit aa fond
le la Lâcotiie dans la ville de Thalames , sur le golfe
Messéniqae et par conséquent assez loin de Sparte.
Apparemment après urbemy il manque le nom de la
pille la plus prochaine de ce temple , ou peut-être
le nom même delà Tille de Thalames;car Ciceron peut
BToir voulu dire que ce temple étoit non dans Thia-
lames , mais aux portes de Thalames.
9 Cet endroit me parott corrompu. Peut-être vaa-
droit- il mieux traduire , (( est une des Atlantides ,
«i celle de qui Jupiter eut Ammon ».
*" Pausanias pourroît faire croire que c'e'toit la
Déesse Ino. «t Sur le chemin d'Œtyla à Thalames ,
^ dit-il, est le temple et l'oracle dTno. On le con-
fia suite en dormant , et tout ee que Ton ycut savoir ,>
<1 la Déesse le fait voir en songe. Dans la cour du
«^ temple , il y a deux statues de bronze , Pune do
« Papbie , (on a corrigé avec raison de Pasiphaé ,) et
«l Tautre du Soleil. Celle qui est dans le temple né
c peut être vue à cause de la quantité de couronnes
«. et de bandelettes qui la cachent. On dit qu'elle est
«aussi de bronze ». Il y'a bien de l'apparence qu»
c'est Ino même qui fut appelée Pasiphaé , parce
qu'elle rendoit ses oracles à tout le monde. Ce nom
étant composé des deux mots TluTt et 4>«/mf y décla"
ter à tout le monde,
^^ Terpandre et Thaïes étpient deux poètes musi-
ciens très-célèbres. Phcrécide eut la gloire d'instruire
Pythagore, et enseigna le premier dans la Grèce, aa
rapport de Ciceron , le dogme de Timmortalité de
l'ame. ^. £. Z>.
**^Xottt ce qui tcndoit a rendre la musique plol
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58o NOTES.
tnolle et plus efFëmint^e , étoît suspect à ees homme^
iagcs , et l'expérience n'a que trop prouvé «ju'ili
4^voient raison. Au reste le grec dit qu'il les coupa
'tnctTUfvy > que Ton a traduit avec une hache. Mab
ii faut que ce mot signifie autre chose qu^uoe
hâche ; car il est ridicule de prendre une hache poitf
couper lés cordes d'un instrument , à moins qu'on
ne veuille dire que cet éphorë prit une hache pour
Jaire craindre qu'il ne mit la lyre en pièces.
*' Timotbëe de Milel , grand poète dithyrambiquei
,«t grand musicien ; il avoit ajoute à la lyre une onzièmei
et une douzième corde. Sparte fit un décret très-
sëvère contre lui.
** Comment est-il possible que des gens, si sagps
d^aiilcurs , eussent une imagination si eKtravag^ote ?
Une étoile , c'est-à-dire une exhalaison, passant d'an
côté du ciel à l'autre, marquoit que leurs rois avoienC
commis quelque faute énorme contre la Divinité,
et méritoient d'être déposés. 11 ne faut pas croire
qu'ils donnassent à cela quelque fondement ^ c'étoit
seulement un trait de politique pour avoir toujours
quelqiie prétexte de chasser leurs rois.
** il y avoit à Sparte un temple de Minerve qui
étoit tout d'airain , c'est pourquoi la déesse fut ap-
pelée C/Ja/c/oico5 , c'est-à-dire qui habite la nmisnn
iTairain. Pausanias écrit dans les Phociques que ce
temple existoit encore de son temps.
*^ Cette raison est fort bonne } car le dégât que les
Étôliens fcroient dans le pays ne pouvoit pas êirc
'considérable , tous les biens él:^nt renfermés dans Ips
^Villes et dans les châteaux , qu ils n'étoient en état
ni d'assiéger ni de prendre d'emblée.
*7 On prétend que ce mot décade estcorrompa,
l[u'il ù^y avoit point dans la prison de Sparte de
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NOTES. 38l
chambre de ce nom, et qu'il fant lire appeUe eajade,
^aift je ne sais s'il n'y avoit point de différence entre
^cade et eajade. On appeloit cajade le lieu ou Van
jetoitles criminels après qu'ils avoient été exécutés ,
«t la chambre où on les esecutoit pou voit être appelée
^éeade. U est rrai que ce mot ne se trouve point ail*
Jeurs. Et ce n*est peut-être pas une raison.
^^ Voici un philosophe du Bosphore. On en ayoit
déjà TU du fond de la Scythîe^ la sacesse a soufflé
dans tous les pays, et il n'y a point de lieu si barbare
où elle ne se soit fait entendre. Ce Sphérus vivoit sur
£n du règne de Philadelphe , et florissoit sous celui
d'ETergètes. Diogène Laè'rce nous a conservé la liste
de sesouTraees, qui ctoient très-considérables. Il fut
disciple de Zenon , et après lui de Cléanthe.
>9 II £aut distinguer Zenon le Citien de Zenon
d^Elée , ville de la Laconte , qui florissoit prés de
deux cents ans avant la mort de ce Zenon le Cilien ^
ainsi appelé parce qu'il étoit de Citium , ville de
Cjpre.
*<* C'est avec grande raison qne Plutarque compare
la philosophie des stoïciens à la poésie de Tyriée ; car
il n'y en a point qui inspire plus de courage, et nn
S lus grand mépris pour la morl. Mais , comme ii
tt fort bien, elle est dangereuse pour les âmes vigou-
reuses et fortes. Caton d'U tique en est une preuve.
^* Les Lacédémoniens donnoient à l'amour des
garçons ce beau nom , parce qùll ne tendoit qu'ù les
porter à là vertu et à la sagesse.
** Le mot de ce roi est ibrt beau. H est attribué à
Agis l'ancien , fils d'Archidamus. M. Dacier cite
lin officier français qu'il ne nomme pas , qui en a dit
un semblable. Avec peu Je gens il attiqua une grogne
troupe , ^t fut batiu ei pris. Con^me on lui demandoil
■*• DigitizedbyCjOOgle
382 NOTE 9;
oommeniareG use poip;née d'hommes il avoit )klUiq«4
uo corps si supérieur eu nombre; il répondit : « Le roî
« mon maître nous a ordonné de vous combattre , eC
« non pas ide vous compter ».
■* Ce poste est différent de la ville de Leuclres dans
la Béotie , et de celle de la Lacouie, sur le rivage dii
Sinus Messeniacus. On a cru que ce poste est le
même que celui que Polybe appelle LaoMcii, hlcts
'^ Lysiadas avoit déposé volontairement la tyran-
J&ie , avant que la crainte d'Aratus eût forcé les autres
tyrans à se démettre. ï'olybc raconte ce fait, liv. ij.
°^ Ce passage me persuade que cette Pasiphaé est
Ja même qu'Ino; car pour la consulter on alloit coa«
cher dans son temple , et tout ce qu'on vouloît saToir,
la Déesse le faisoit voir en songe. On peut voir ce uoi
9 été remarqué ci-devant.
'^ Voici un passage singulier qui nous apprend qu^a
Sparte on appeloit Samothraciens les enfants qui
•étoient élevés ensemble. J'avoue que je n'ai tii ail-
leurs aucun vestige de cette dénomination. D^où
pouvoit-elle venir r Est-ce qu'on regardoit ces enfants
■t'ievés enseipble comme des frères initiésaax mystères
de Samothrace , pour rendre leur union plus forte ?
Ce mot a été suspect au savant Palmérius ; il a cru
qu'au lieu de ^«tfM^fkxMÇ » Samotkracieru , il fkdloit
lire IlwSiW y Ffthiens , et il fonde sa conjecture sur
ce qu'Hérodote nous apprend qu'à Sparte on appeloit
Pjrthiens , deux citoyens que chacun des rois avoit
clroil de choisir pour les envoyer à Delphes consulter
l'oracle, et .qui avoient le piivilége de manger avec
eux en public. Mais comment de Pythiens auroit^ou
fait Samoûiraciens ? ces deux mots sont si différents
^u'ou ne comprend pas commeut aucopûte aucoùp«
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NOTES. . 583
mettra Pnn ponr l'autre. "D'ailleurs , ce qo'HerocloUs '
dit est fort différent de ce que dit Plularque.
■7 C'est un demi-vers de quelque ancien poète.
Et il est constant que la honte est inséparable de la
pènr. Il est bien vrai qu'on n'a pas honte de tout co
dont on a peur, mais on a peur de tout ce dont on a
honte. Car c'est ainsi que ce vers doit être expliqué ,
comme SocraCe le fait voir dans VEutyphron.
•* Ce passage a étd mal explique' par tous les in-
terprètes. Plularque dît qu'auprès de la salle où man-»
^oient les éphores , \qs Lacëdëmoniens a voient con*
sacre aoe chapelle à la Peur , ettque par là ils avoienl
^galé cette dignité d'éphoreàla rojantc même. Gom-
ment cela? c'est que par cette chapelle dédiée à la
Pear près de lear salle , ils a voient fait voir' que les
éphore^ iievoieat 6tre respectés et craints comme le^
»oi$. *
*9 Théopompe trouvant la puissance du sénat et
des rois encore trop absolue. , lui oppoM l'autorité
âes ^phores comme un frein. Cléoméne favorise un
peu sa canse ; car il n'est pas vrai que les éphores ne
lussent d'abord que les ministres des rois.
'^ Cette liberté de désobéir deux fois étoit poui»
marquer une sorte de supériorité des rois sur les
«phares ; c'éloit une marque de la dignité de leur ca-
ractère. Mais la nécessité de marcher au troisième
mandement , détrnisoit d'une manière bien visible
-cette supériorité qui n'étoit que chimérique , et mar-
«{uoit bien l'autorité que les épho
bores avoîent dur let
'^ Cléoméne a glissé cette particularité, qui eher^
choit à se faire roi , pour trouver plus de ressem-,
blance entre Lycur^ue et lui , et pour se rendre par
Vi moins odieux. Mais il l'ajoute sans fondement { i^r
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584 • NOTES.
il n'est pas Trai que Lycurgue cherchât à se falr« roi.
Rien n^étoit plus éloigné de sa pensée , comme on Ta
vu dans sa vie.
5^ Les lUyriens étoient situés le lonç de la mer
Adriatique , et venoient joindre la Macédoine y mais
cette dénoDiination est assez vague chez les anciens ,
et comprend une plus ou moins grande étendue de
pays.
Ihid, Dans cette dernière phrase , M. pacîcr.avoît
appliqué à Lycurgue ce que Cléoméne disoit de lui-
xneme. J'ai cru devoir rétablir le sens qui m'a paru le [
plus naturel , et qui est d'ailleurs suivi par les detniers 1
éditeurs d'Amyot. ^.Z^kiD* I
'^ Ces boucliers à aoses étoient bien pi os fermes
ffue ceu)^ qui. ne. tenoifutqu'à des courroies. D'ailleurs ,
ces courroies pouvoient se rompre ou se détacher , et i
par là les boucliers devenir inutiles. |
• ^^ C'est. le sens du texte tel qu'il est écrit , ii i^à
ypufitftartm x^ijftutrS^ùrrtt \ mais cette leçon m'est sus-
pecte ; car j'avoue que je n'ai vu nulle part aucun
exemple de ces audiences données par billets. I>ansle
manuscrit de la Bibliothèque de o. Germain Von lit
5 ii)t yfctf4^«truûiv y etc. Je crois qu'il faut corriger ,
S i'iyyfUftjtMTimzpf/ttttTiXofTx , qui ne donnent leurs
audiences et ne répondent que par leurs secrjétaires. i
iCat c'étoit une chose fort ordinaire à la plupart des I
princes ^ et on voit encf^re en Orient des vestiges de
cette coutume , de ne donner des. audiences que par
leurs ministres , et de ne répondre que par leur bouche : j
ypmêAfêtiTilf sont ici ceux que nous appelons «eci«latref
' ^ La conversation de Cléoméne leur paroissoî t pi us
charmante q.ue la plus belle musique. Il me semble que
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I
KOTE8. ^3^
l^\s^«mi dît quelque part , qu'à Uhlt , quand on Mit
parler , on se paisse tort bien d^eutendrç chanter.
* ^ Polvbe dit , li?. II , tf 7f Ao/tat/tt rtft fé Kitriftmf
* F.icMTifiÇitui j mais il q?«zplique point ce que c'cs^
ijae ce lieu ou ceten^ple w^^^Xe Uecatombœon^ Pau* '
saiiias, qui a de'cr^t exactement touf ce c[uW voyoit
autour de Dyflçu*s » Ven fi^4,aiiQune mention.
^7 C'eslrà-dirc à cette aimplicilë , à cette frugalité
et à cette€ga|ité^qui^Qnt le même effet dans les états,.
que le ton dorie^n/daipis la.musique. 11 a été parl^ail*
leurs de ce t^^.dprien*
^* Les éditeurs^d*i^inyptpensent avec raison qu'il
s'^agit ici d^une Tille d'Achaïe , appelée Tritaee , aur
prés de Dymes , et qui étoit, suivant Pausanias, du
Ti ombre des Tilles peu considérables qui avoient été
réunies pou^ composer la cité,de Méealopolis ; en il
esi évident qne If nom de Tricca , Tifle de ThessaUe ^
ne peut trouTericji sa place. Les habitants de cette.
vUle d'Achaïe étoient nommés Tritaeens. jé* JL. Z>.
^9 Gomme AEgion étoit une yillemaritime de T A-
chaïe Sur le ii»prd dn^ gpl£s de Corinthe , tont an bout
presque du rcçtéidvi couchant* et par conséquent fort
«loig;né d'ArgoS;, Cléomène esperoit de surprendre
cette place avant qne I9 déclaration de cette çierre y
pût être portée* d^AEgioa , et qu'ils eussent fait leurs
préparatifs.
*<* C'étoient desmontajgnes qui s'étendoient depuis
les rochers Scironides , sur le chemin de l'Attiqtie ,
jusqu'à la Béotic et au mont Cithéron. Strabon , liv.
viij. Elles étoient appelées 4ni« éfn^ c'est^-dire , Us
montagnes des dneè,
^^ C'est le promontoire de Junoo appelée Acrcea \
le promontoire ayant donné le nom à la péesse , et la
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586 NOTES.
Dresse an promontoire qui étoit appela Herceum, Tit^
Lir^ en parle lir. xxxij. a3. Promontotium est ad~
yemus Sicjrontm, Junoms ^tuim voeant ^crœam , in
altum excurrens, Trajectus inde Crjrinthum , sepien
miHia firme passuum. Sur ce proqoioiitoire » il y avoit
un temple de Junon. Gomme les géographes n^ont
pas maitnié la situation de ce promontoire , nous ne
saurions oien juger du parti que Touloii prendre An-
tigonus. Ce temple de Jnnon est différent du temple
de la même Déesse appelé aussi Herœum , qai étoit
au-dessus d^Argos , et qui étoit commun à Argos et à
Mycénes , comme nous l^apprenons de Strabon. C'est
de ce dernier qu'il est parle dans la vie d^Agésilas.
'^* Les Géographes ne font anoune mentioa de Ko»-
tjum. Il parotc que c'étoit quelque poste , quelque
place près de Megalopolis.
^' Le P. Lubin a cm que le texte étpit cocronapu ,
et qu'il falloit lire par U, chemin d'HélistorUe, Car il
n*y a point en Arcadie de plaoe appelée Méli^ome;
mais il y en a une appelée Hélisson et une rivière de
même. nom, mentionnées par Pansanias.
^^ Polybe donne de grands éloges à cette <^nstan^e
et à cette générosité desMegalopolitains , qni aimèrent
mieux perdre leur pays , que de renoncer an parti et à
IMliance des Achéens , et qui » qnoiqu^on leur donnât
la permission de rerenir clans leur ▼tUe , aimèrent
mieux être privés de leurs terres , de leurs tombeaux ,
4e leurs temples , de leurs biens , de leur ville , et de
tout ce qu'ils» avoîent de plus cher , que de violer la
foi au'îls avoient donnée à leurs allies. Y a-t-il rien
de plus glorieux et de plus illustre? Polyb. liv. îj.
. ^^ C'est le jugement qu'en fait Pol^e après les
plus sages. » Au commencement du pnntemps , dit-
«r il , cT<^omènd se jeta dans les terres d'AVeos avae
« ttfie ^mérité désespérée , %omm^^ b croyoït le v^
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gaire y-^k cause des lieux forts li'assiette ^^if* trouvoiC
sur son passage , mais avec beaucoup de prndénc*
i et de raison , selon les gens les plus sensés , elc» '
I liv. ij. ».
*® Cela me paroît remarquable. Çleomène fait un
acrificc à Jaoon devant son temple , qui ctoit fermé.
^a religionrempéchoit d'en forcer les portes.
*7 Cet endroit est assez difficile dansToriginal j j'aî '
âché d'en rendre le sens. ?lutarque enchérit ici sur
tne réfleacion qae Polybe lui a fournie.
*** La bataille de Seibsie est parfaitement décritf
>ar Polybe , liv. ij. Antigonus e'toit entré dans4a La-
:onie avec vingt'buit mille hommes de pied et douze
rents chevaux. Cléomène o'avoit que vingt mille
lommesj mais il suppléa k cette grande infériorité
tar Tavantage des postes; il se posta sur deux.mon*
lignes presaue inaccessibles, séparées seulemeot par,
in chemin tort étroit, qui alloit le long d'une rivière
usqu'à Sparte.; et il avoit fortifié encore ces deux môn-
ag4)cs par un bon fossé et de bons remparts ; de sorter
{u' Antigonus après l'avoir reconnu., ne jugea pasà-
)ropos d^ l'attaquer, et se contenta de camper pr,è»
Je lui. Cléoménc , qui apparemment manquoit de
fivre% et d^argent , (it enfin la faute de consentir à la'
bataille, et il fut battu. 11 y a beaucoup de profit à*
faire pour les gens de guerre dans le détail que Po)yb«
1 donné' de ce combat.
^9 Euclidas mourut en effet en vaillant homme;
nais s'il fit le devoir de soldat , il ne fit pas celui de
;apitaiDe. Polybe nous apprend .qu'il ne se servit paa
le l'avantage de son poste ; car au Ifeude tomber de
ies lieux hauts sur les ennemis, de mettre le désordr»
lans leurs rangs, et de se retirer ensuite- sur ses hau»
eurs (juand la nécessité l'y obligeroit , il fit tout 1a
HonUaii;e ; et; con^nifi $'11 e^t d^rempoctepla victoire
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588 K0TK8.
•ans rien faire, il se tint ferme sur le sommet de sa
montagne « dans la pensée qa'ii devoit y attendre Pen-
pemi, afin qu'après sa défaite.; il eùt.plus de peine à
s'enfuir par ces lieux penchants et difficiles. Mais le'
contraire arriva , comme 6ela étoitbien vraisemblable j
car ne s'étant laissé derrière lui aucun espace libre
pour se retirer quand les cohortes des Illyriens lui
tombèrent sur les bras , il ne put soutenir leur effort ,
parce qu'il n'avoit pas de terrain pour se rallier.
^° Dans les. écoles , on faisoit publiquement des]
discours , des déclan^ations sur. les graiûic' hommes.!
Dans un manuscrit, au lieu de t-yM^*^ » il y a '^evjstK »
c^est-à'dire , dans les lieux o^ Ton s^assembloit pouf
discourir et pour parler de nouvelles.
^^ Voilà un précepte admirable , et qui est tiré de la
plus pi^fonde philosophie* C'est la seule pierre de
touche dont on doit se servir pour juger des morts,
qui sont ou glorieuses ou honteuses.
. ^* Gléomène parle eu homme yertueux , qui est per«
suadé qu'un roi ne.sauroit avoir des ministres plus
afFe.clionnés à spn service , et plus obliges de Paider
à porter le pesant fardeau de la royauté , que ses
propres frères. Cela devroitétre ; mais Phistoirede
ces temps-là faitass^z voir quePexpérienoe a démenti
ce beau principe , et que les frères de presque tons
ees rois ont été leurs. eimémis les pl^s dangereux, et
qu'il n*y avoilrien de plus ordinaire dans les maisons
royales que les .meurtres des frères. Plutarqae nous dit
dans la vie de Démétrius , que ce meurtre des £rères
étbit dans la politique ce qu'est en géométrie nn axiome
- que tout le monde reçoit , et que personne ne conteste.
*^ C'étoit la coutume de mettre des gardes aaprès
des corps de ceux qi;i'^on a voit exéeutés , pour em-
pêcher qu'on ne les eàlevât pour les enterrer. 3fiUs
^ui cmeûs assen^abat, ne tjfuU ad tepuùuram corpom
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NOTES. 589
etraheret^ dit Pétrone dn» sa Matrboe d'Fphése*
'est dans cet esprit que les princes des prêtres et
PS pliarisiens dirent à Pilate, après qu^on eût cru7
iG& Jésus -Christ: » Ordonnez que le sépulcre.soii
gardé jusqu^au troisième jour , de peur que ses dis*
ciple^ ne tiennent la nuitdër«ber son corps, etc.
^lattb.xxvij. 64. ». Cette remarque est de M. de
hou , je Tai trouvée écrite de sa main à la marge
e son exemplaire.
^^ Le serpent étoit autour de sa tête et lui couvtoit
wit le visage, parce qu'il n*y avoit que cette partie
111 fût découverte , le re^te étant tout couvert de peaux.
l'est ce qui faisoit le prodige, et c'est cela même qui
evoit le détruire. Car il n'etoitpas mal-aisé de ju^er
me c'éloit un serpent qui s'étoit glissé sur la croix ,
t qui sVtoit attaché à la tête et an visage , comme*
ttx seules parties découvertes.
^^ C'est ce que toute l'antiquité a cm. Varron l'en-
fiigne comme une chose connue vt éprouvée ; Primum
ipes nascunlur partim ex apibus , partim ex hubulo
:orpore putrefacto. ftaque Jirchelaus in epigrammate
ait eas esse , 2Mf <pS^itfsifoç mjrûtiifiitM TtKVéi, Idem
'vKTrmf fit 9 rÇfmç ytnû y /uir^ttf fi /cf AiWw/ , liv. iij.
de R. R. cap. a6. Virgile a suivi cette fable , et Ta
^(taillée admirablement dans son quatrième livre de»
Giorgiques, Ovide a aussi rapporté dans son quio-
dême livre des Métamorphoses ces générations mi-
raculeuses.
•-»-I)«lActot mieUtos obrue Unrof ,
Cognita ret usu , cLb putri vûcere pauiai
Florigerae ntiicuntur «pet.
'^ C'est ce qu'Archélaûs avoit dit, 2srjr#f #cfV s^wit
yfvftf 9 et d'après lui Ovide ,
Pr««aa* kono bdUtor eqnjus crahronit orig*.
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SgO NOTES.
^7 Nous apprenons des paradoxes d^Antigoni
qu^Archélaûs avoit écrit en vers sur cette malièrei
roi Ptolémëe } c'est dans une de ses épigrammesqn'
dit :
Auvof yt ^DfT oftÇy vtKvoç i'itXûl^ fftcirifvç.
» De la moelle de l'homme s'engendre un terrib
« serpent après que le corps est pourri. »
Et il y a bien de l'apparence que ce Ptolëmëe , à qi
ces vers e'toient adresses, étoit ce Ptolémée Philopi
ior , et que ces générations prodigieuses furent inu
gînées par ce poète, pour consoler ce prince , et poi
calmer ses frayeurs. Car il n'y a rien c[u on ne persoai
aux princes sur les matières qu'ils ignorent , smtoi
quand ce qu'on leur dit tend à les rassmrer et à la
soulaj;er du pesant fardeau d'une conscience cbarfjB
de crimes. C'est après cet Arohélaûs qu'Oyide a du
Snnt qui , c&m olanso pntrefecU et Apiiia tepnlexs ,
liaUuri credaat hunuxuu angve medollu.
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THE NEW YORK
PUBUCLIBRARr
ClKCULATINë II
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CATUS - GRACCHUS,
J/nuol , EJiàû/i 158-7 .
Digitized by VjOOÇ le
3ÉRIUS ET CAIUS GRACCHUS.
JPR^S avoir donné Phistoire des Grecs
b et Cléomèoe, noiis ne trouY(»is pas de
us grandes calamités k exposer dans la
des deux Romains , Tibérius et Caïus ^
: nous devons leur opposer. Ils étoient fils
ribërius Gracchus, qui ayant été. censeur
îeux fois consul , et ayant eu deux fois
>iinéur du triomphe , tii oit encore plus de
Te et d'éclat de sa vertu seule , que de
tçs ses dignités S Cest^^ette haute vertu
y après la mort du grand Scîpion, vain-
ur d'Annîbalj le rendit digne d'épouser
fille Cornélîe 5 quoiqu'il n'eût jamais été
[ de son père , et qu'au contraire , il Imî
toujours été très-opposé. On dît qu'un
r il trouva dans son lit deux serpents ; que
devins 9 après avoir considéré ce prodige,
lui permirent ni de les tuer ni de les lais-
échapper tous dettx; qu'ayant fait leur
nostic sur l'un et sur l'autre, ils assurèrent
! la mort du mâle hâteroit la mort de
icchus, et que celle de la femelle avance-
la mort de Cornélien ; que Gracchus*,^
aliuoit éperdument sa femme , et qui
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S93 tIBÉRIlTS ET CAIUS GRACCHÎTS.
trou voit qu'il ëtoit plus raisonnable ^u^ilnifl
rut le premier parce qu'il étoÎL déjà â^^ê.
que Cornélie étoit encore jeune, tua le nu
sans balancer y et laissa aller la femelle \
3u'il mourut peu de temps après, laiisj
onze enfants qu'il aveit eu de Cornélie.
Cette dame , après la mort de son as!
prit ses douze entants et la conduite de
maison , et se montra si sage , si bonne et
tendre pour ses enfants, et si pleine de ina^
nimiié et de courage , qu'il parut que Gr*
chus ït'^avoit pas pris le mauvais parti de pu
férer sa propre mort a celle a une feoij
aussi accomplie. Le roi Ptolémée voulut)
faire part de son diadème, et envoya lad
mander en mariage , mais elle le refusa. Di
son veuvage , elle perdit presque tous ses ej
fants; il ne lui resta qu'une seule fille oup
maria au jeune Scipiou, et deux fils, Tio
rius et Caïus , qu'elle éleva avec tant dcsd
que quoiqu'ils fussent généralement recoDD
}>our être nés avec le plus heureux naturej
es meilleures dispositions^ ils paroissoij
avoir été encore mieux élevés i la verj
qu'ils n'y étoient nés , et avoir reçu pins I
secours de l'éducation que de la oai^j
Mais comme dans les portraits et ii
les statues des deux jumeaux Castor et Po!:l
au travers de la ressemblance de leurs irM
DigitizedbyCjOOgle • I
TIBÊRÏUS ET CAICS GRACCHUS'. SgS
Dn ne laisse pas de remarquer la différence
qni se trouve naturellement entre un athlète
né pour les combats du cesle et un autre atlilète
né pour combattre k cheval ; de même au tra-
vers de la ressemblance de ces deux jeunes
hommes , pour tout ce qui regardoit la force^
la tempérance y la libéralité, la magnanimité
et l'éloquence , on ne laissoit pas de voir
paroître et éclater certaines dissemblances
dans toutes leurs actions et dans la manière
de gouverner la république. Et il me semble
qu'il ne sera pas mal fait de les exposer ici
avant que d'entrer dans le de'tail de leur vie.
Premièrement , pour ce qui est des traits du
visage, du regard, de la démarche et de tous
les mouvements , Tibérius étoit plus doux et
plus posé, et Caïus plus vif et plus véhément ,
de sorte que , quand ils parloient en public ,
le premier se tenoit toujours a la même place, '
dans un maintien sage et posé, et l'autre fut
le premier des Romains qui commença h se
promener dans la tribune, a aller d'un bout
a Tauti'e, et k rejeter sa robe de dessus ses
épaules \ comme on dit de Cléon l'Athénien ,
qu'il fut le premier des orateurs qui, en haran-
guant, rejeta son manteau et frappa sa cuisse.
Le plus, l'éloquence de Caïus étoit terrible
et véhémente jusqu'k l'excès , et celle de Ti-
bérius étoit douce et plus propre k émouvoir
%Qi TIBÉRIUS ET CAIUS GÏIACCHUSi.
«t k exciter la compassion. La diction de celuî-
cî étoit jpure et extrêmement travaillée , et
celle de Caïus étoit persuasive , Ûeurle et
riante. La même différence se remarquoit dans
leur table et dans leur dépense ordinaire. Ti-
bérius étoit simple et frugal, et Caïus, com-
paré aux autres Romains , étoit tempérant et
sobre ; mais en comparaison de son frère, il
étoit recherche, somptueux, et donnoit dans
le superflu : aussi Drusus lui reprocha-t-il un
jour d'avoir acheté des tables de Delphes d'ar-
gent massif , et d'un ouvrage si exquis, qu'il
en avoit payé douze, cent cinquante drachmes
la livre pesant ^. Leiurs mœurs n'étoient pas
moins différentes que leur langage. Tibérius
étoit doux , modéré et poli , et Caïus étoit
rude, violent et emporté, jusque-là que sou-
vent au milieu de ses harangues, tout d'un
. coup, contre son dessein, il s'abaudounolt a
des mouvements excessifs de colère, haussoit
la voix , disoit des injutes , et brouîlloit et
confondoit tout dans son discours. Ces fré-
quentes rechutes l'obligèrent k chercher un
remède a ces écarts. Il avoît un esclave nomme
Licînius,quin'étoît pas dépourvu d'entende-
tnent, et qui savolt se servir de cet înstru-
toent de musique avec lequel on règle la voit
et on enseigne k hausser et a baisser le ton s.
ÏMtes le» fois que Caïus parloit en public , c«
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TIBÉRTUS ET CAIUS GRACCHUS. SgS
icinius se tenolt derrière lui , et quand îl
entoit h Pedat de sa^voîx au'îl s'erajjortoît
t gu'il étoit maîtrisé par la colère , îl lui souf-
loit un ton doux , surlequel Caïus^ relâchant
ont aussitôt la violence de sa passion et la
'ëhëmence de sa voix \ s'adoucissoit tout*k-
:oim et se laissoit ramener '.
voila les diiférences qui étoient entre eux;
lu reste , la valeur contre les ennemis, la jus-
îce enver? les inférieurs, l'application et
'exactilude h se bien acquitter de leur devoir
lans les fonctions de leurs charges, et la tem--
lérance dans les voluptés , étoient égales dans
\m et dans l'autre. Mais Tibérius étoit plus
tgé de neuf ans quç son frère : de Ik vint que
eur autorité fut s^arée par des temps consi-
lérables , et c'est ce qui contribua le plus k
uiner toutes leurs entreprises et tous leuri
lesseins, parce qu'ils ne fleurirent pas ensem-
)le , et qu'ils ne purent unir leur puissance y
|ui seroit devenue très-grande et peut-être
nême invincible par cette union. Il Faut donc
«rire séparément la vie de l'un et de l'autre,
ït commencep par l'atné.
Tibérius, au sortir de l'enfance, se rendit
i célèbre et si recommandable , qu'on le jugea
ligne d'être associé au collège des augures y
)Ien plus k cause de sa vertu qu'a cause de s\
;i<anae naissance. Une marque bien éclatante
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K96 TIBÈRIUS ET CKIVS GRACCHUS.
de sa réputation , c'est le glorieux témoiguage
(|ue lui rendit Appius Claudius , qui avoit été
consul et censeur^ que sa dignité personnelle
avoit fait nommer prince du sénat, et qui, en
grandeur d'àme et en prudence , surpassoit
tous ks Romains de son temps. Ce grand per-
sonnage se trouvant a un festin des augures ,
adressa toujours la parole au jeune Tibérius,
le combla de marques d'amitié , et lui offrit sa
fille en mariage. Tibérius ayant reçu avec
beaucoup de joie cette proposition , et les
paroles étant données de part et d'autre , Ap-
1>iu5 s'en retourna chez lui. Dès qu'il fut sur
e souil de la pori:^ 9 il appela sa femme, et lui
cria : K Antistîa, je viens de promettre notre
iille Claudi^ ». Antistia étonnée et surprise:
« Pourquoi donc cç grf nd empressement , lui
«( dit-elle , ^ moins que vous n'ayes^ trouvé
m Tibér iusQ-r^chua k lui donner pour mari? »
Je n?ignpi^e pas ^ue quelques auteurs s^pli-
Ïient cette circonstance U Tibérius , père des
racque^ , et H Scipioa TAfiricain ; mais la
plupart l'écrivent comme je la capporte ici.
fet Polybe ïfii- même dit qU'aprës la mort de
Scipion l' Africain , les parants assemblés choi-
sirent sur tous les autres ce Tibérius^ père des
Gracques , pour lui donner Cornélie , que son
pcre avoit laissée sans l'établir ^.
Le jet^i^ Tibérius disant la guerre en Afiri^
DigitizedbyCjOOgle
TIBéaitTS ET C4IU8 ÔRÀCCHUS. 597
Ae sous le second Scipion y qui avoit épousé
I sceur, Tift>it dans la même tente avec son
5néral , dont il eut bientôt connu le naturel ,
Lii produisoit tous les jours plusieurs grandes
: belles choses, très-capables d'exciter dans
âme le zèle et l'amour de la vertu ^ et un
iolent désir de l'imiter. D'abord il surpassa
m s les autres jeunes gens en valeur^ en ooéis^
ince et en attachement pour la discipline. Il
lonta le premier sur la muraille d'une ville
Quemie , comme le rapporte Fannius (a)y
ni assure même qu'il monta avec lui ^ et mi'il
artagea la gloire de cette action. Penaant
u^il fut k l'armée , il eut l'amitié de toutes
;s troupes; et quand il en partit, il laissa de
rands regrets dans tous les cœurs.
Cette guerre finie, il fut élu questeur, #et
nvoyé par le sort contre lesNumantins, avec
un des consuls , Caïus Mancinus (6) , qui ne
aanqiioit pas de courage, mais qui fut le plus
aalheureux de tous les généraux ; et ce furent-
irccisé^ient tous ses malheurs et tous les évé-
lements qu'il éprouva , qui firent éclater la
>rudence et le courage de T'ibérius^ et ce*
r
(a) Faanîas, gendre de Lttliii8,airoit compose vue
tistoire et des annalvs, dont Brntns fit an abrégé.
(b) Qui étoit consul aTeclU^^iŒmilius Lépidvs.
2>'iuit Tan de RdasC^^^fpiS^tMnt Tére chré<
ienne. ^^H^^^^ ^^
^'V'Mmi
SgS TIBÉRIUS ET CAIUS QRACCHXJS.
qui est plus admirable ^ le respçct et Phon-
neur (ju*il porloit a son jgéuéral , cjue ses in-
fortunes avoîent tellement étonné, qu'il ne se
reconnoîssoît plus lui-même , et qu'il ne sa-
voit plus s'il étoit général j car ayant été battu
en plusieurs grandes batailles, il tâcha de
s'enfiiir la nuit en abandonliant son camp,
ï^es Numantins, avertis de sa retraite, s'em-
parèrent d'abord du camp; et courant ensuite
après les fuyards, ils passèrent au fil de Pépée
^ous les derniers, et enveloppant l'armée, ils
la poussèrent dans des lieux difficiles d'où elle
ne pouvoits.e tirer. ManciUus, désespérant de
s'ouvrir up chemin par U force, leur envoya
lin héraut pour demander quelque composi-
tion. Les Numajitîns répondirent qu'ils n'^u-
roîent confiance qu'en Tibérius seul , et de-
mandèrent qu'on le leur eij voyât. Cette grande
àfiectipu qu ils avoient pourlui venoit de la
réputation de ce jeune homme; car toute
Panpée retentissoit du bruit de son nom et de
ses vertus : mais elle venoit aussi du souvenir
qu'ils conaervoiçnt de son père, qui , ayant
rait autrefois la guerre en Espagne , et subju-
gué plusieurs nationè, avoijt accordjé la paix
a Niunançe, et l'a voit maintenue et conservée,
depuis avçc toute sorte de justice et de reli-
gion, après l'avoir, faijt confirmer et ratifier
paj le peuple. Tihérius fut donc .çnvoyé ": it
4 , ' Digitizedby VjOOQ'IC ' »
TIBÊaïUS ET ÇAIUS GRACCHUa* 3991
boucha avee les principaux officiers de»
imàntius ; • et pai* son éloquence et par ses
uces persuasions, ayant fait ajouter des
nditîons plus favorables k celles qu'on lui
cordoit d'abord, il conclut avec eux un
âlë , et sauva v)s2)lement vingt mille ci-
yeus Romains, outre les esclaves et tous
:ux qui suivoient l*armée. Toutes les ri-
lesses qui ëtoîent dans le camp des Ro-
aius demeurèrent aux Numantins qui les
lièrent.
Parmi le butin se trouvèrent ks registres
s Tibérius, où étoient ses comptes de recette
: de dépense pendant sa questure. Comme
ctoitpour lui une afiaire- très-importante de
is recouvrer, il quitta Pàrmée qui étoit déjk
Q marche , et alla k Numance, accompagné
miement de trois ou quatie de ses amis,
hiand il fut aux portes, il appela les com-'
landants de la place, et les pria dû lui rendre
es papiers, afin qu'il ne donnât point k ses
nnemis un prétexte de le calomnier, quand
Is le verroîent hors d'état de se défendre et
le rendre compte de son administration. Les
Sumantios, ravis de cette circoustance qui
'obligeoit de recourir k eux , le prièrent d'en-
rer dans leur ville. Comme il s'arrêtort, con-
îtiltant en lui-même ce qu'il devoil faire, je*
SlMiaantias s'appjrochèrent . Fembrassèrent^
DigiiizedbyCjOOgle
4oO TIBÉRIVS ET CAIU& GRACX^HUS;
'ei le conjurèrent de ne plus les^egarder comme
ennemis, mais bien comme ses amis les plus
fidèles , et d'avoir une entière confiance en
eux. Tibe'rîus crut devoir se rendre a leurs
prières , tant par l^envie de retirer ses regis-
tres, que dans la crainte de les olSenser et de
les aigrir, s'il témoignoit quelque défiance.
Dès qu'il fut entre', ils lui firent servir k dîner,
et le prièrent très-instamment de s'asseoir et
démanger avec eux. Ils lui rendirent ensuite
ses registres, et le pressèrent de prendre tout
ce qu'il voudroit parmi le butin. Mais il ne
{>rit que l'encens, qu'il tf employa que pour
es sacrifices publics, et retourna rejoindre
l'armée, après avoir embrassé ces officiers, et
leur avoir fait toutes sortes d'amitiés et de
caresses.
Quand il fut de retour k I\ome, la paix
qu'il a voit faite fut regardée comme indigne
et honteuse pour les Romains, et il en fut ou-
vertement blâmé : mais les parents.et les amis
de ceux qiii avoient servi k cette guerre , fai-î
sant la plus grande partie du peuple , s'as-
semblèrent autour de Tibérius, criant que
c'étoît k lui seul qu'on avoît l'obligation de
la vie de vingt mille citoyens,' et rejetant
S!ir le général tout ce qu'il y avoit de bon- 1
toux dans ce traité. D un autre c6té , ceux
qui étoient indignés de ce qu'où avoit fait,
DigitizedbyCjOOgle
TTIBÉRIUS ET CAIU5 GRACCHUS, 4oi
Hiloîent a toute force qu*on imitât les an-
cns Komains : car autrefois eu cas pareil,
> renvoyèrent tout nus aux Samnites les gé-
îraux qui s'étoient trouve's très-heureux d'é-
lapper de leurs mains par une composition
;normnieuse; et ils renvoyèrent non seule-
lent les généraux , mais encore tous ceux qui'
voient eu part k ce traité, ou qui y avoîent
onsenti, comme les questeurs et les tribuns,
usant tomber ainsi sur leur tète toute la haine
es serments violés et de la paix rompue 9. Ce
xt surtout en cette occasion qiie le peuple fi^
taroître l'affection et la faveur qu'il portoît
Tibérius^ car il ordonna que le consul
lancinus seroit livré aux Numantins nu et
hargé de chaînes (a) , et i! pardonna k tous
es autres pour l'amour de Tîbérîus.
Il y a bien de l'apparence que Scipibn , qui
itoit alors le plus grand des Komains, et qui
ivoît le plus d'autorité et de puissance , lui
kîda en cette circonstance j mais il ne laissa
)as d'être blânié de ce qu'il n'a voit pas sauvé
lussi le consul, et fait confirmer le traité con-
clu avec les Numantins, dont Tibérius , son
imi et son allié, avoit été l'auteur. Cependant
il m^ paroît que ces plaintes venoient pour la
lupart d'un côté de Tambîtion même de Ti-
plupa
Mancinus lai-mâme avoit propos
mantinsle renvoyèrent, y/. L. D,
dby Google
(a) Mancinus leii-inôme avoit propose la loi, mais
les Pïumantins le renvoyèrent, y/. L. D,
4o!i TIBÉRiyS ET CAIUS GRACCHUS.
beriiis, et de Fautie , du zèle de ses amis,
de quelques sophistes qui le vantoîent et qi
l'ëlevoient jusqu'aux nues. Elles n'abootim
pourtant a riçn de fâcheux, ne produisirti
aucun désordre, et ne brouillèrent pasTitt
rius avec Sçipion. On peut dire même f
Tiberiiis auroît e'vîté les malheurs ou il toi
ba, sî Scipion avoit e'té'a Rome quand il j»
blia ses nouvelles lois (a); maïs il étoit dé;
devait Numance où il ftiîsoit la guerre, quau
Tibérius entreprit de les faire passer, Envoii
l'occasion.
Toutes les fois que les Romains avoieu!
conquis des terres sur leurs voisins, îls avoien
coutume d'en vendre une partie , d'ajouter la
autres au domaine de la république, et delà
^onner aux plus pauvres des citoyens pour le
faire valoir, a condition qu'ils en paierote
tous les ans une petite rente au trésor public
Mais les riches ayant commencé a enchérir su
eux et k porter beaucoup plus haut ces rentes
et k chasser par ce moyen le$ pauvres de leur
possessions, on fit une loi qui portoît qu'au
fcun citoyen ne pourroit posséder que josqu'i
cinq cents arpents de terre. Cette loi refrecL
pendant quelque temps l'avarîce des rîcbes,
et secourut fort k propos les pauvres, qui,e^
(a) CVtoit Taq de Rome 6ao , cci^t iroitÇ'UQ
levant l'ère chrétienne.
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^IBÊRIUS ET CAIUS GRACOHUS. 4o$
u de celte loi, demeurèrent daps le pays
les terres qu'ils tenoient k ferme, et con-
èrcnt dé cultiver ëhacua la portion qut
éloît échue dès le commencement. Mai*
s la suite leà voisins richeis ayant trouvé lé
^'^eii de se faii:e tt-ansporler là ferme de ces
*es sôus des noms emprunlés^'et enfin les
ant ouvertement eux-mêmes, lespauvreS
en ctoîent dépossédés ne se prcsentoient
s pour aller volontiers a h gneri^e , et ne se
icîoîent plus d'élever dès eufanls} de sorte
B toute rltalie étoît en dançer de se voii^
nlôt dépeuplée d'habitants libres, et toute
ttpUe d'esclaves et de Bàrbatés, dont les ri-
es se servôient pour cultiver ces terriesd'oû
avoîent chassé les citoyens.
Caîus Laéliiis , Tami particulier de Scîpîon ,
:ha de remédier a ce désordre ; mais les ri-
es s'y étant dpposés , il craignît une sédi-
m , et renonça k ^on entreprise ; ce qui lui fit
mner le surnom de sage ou de prudent j cat
2st ce que signifie proprement le mot romaia
piens **. Mais Tibérius, plus haMî, ii'etlt
15 été plutôt nommé tribun du peuple, qu'il
prît avec ardent le même projet. La plu-^
irt disent que ce fut k l'instigation de Dio-»
lane lé rhéteur, et de Blossius le phîloso-
iie , dotit le premier étoit un banni oe Mity-
ne, H r«utrè étoU de Pltalie même, natif
DigitizedbyCjOOgle
4o4 TIBÊRITTS ET CAIUS GRACCdUS.
de la ville de Ciimes, ami particulierd'A
Ï>ater de Tarse, qu'il connut a Rome, et
ui fit rhonneur de lui dédier cjuelques-
de ses traite's de philosophie. Il y a qiielqi i
auteurs qui leur donnent pour complice s
mère Cornélie, qui reprochoit tous les jour-
ses deux fils « que les nomains ne Pappetoit I
« que la belle-mère de Scipion, et qu'ils il
c( l'appeloieut pas encore la mère des Gra-
« qiies »• D'autres assurent que celui qi
donna davantage lieu k cette efitreprise, t
un certain Spurius Posthuinîus, compare |
de Tibérius, et son rival en éloquence 5 cJ
Tibérius, a|son retour de l'armée, l'ajaij
trouvé fort supérieur k lui en réputation , M
crédit et en puissance, et voyant qu'il (t'I
admiré et respecté^de tout le monde , en cri-
eut une telle jalousie , qu'il résolut de le su.
passer en entreprenant cette action très-has^*
deuse , et qui excîtoît une grande attente d^'
le public. Son frère Caïus, dans un méiBc:*
quil a laissé , écrit que Tibérius, alknt ï >•
mance, traversa la Toscane; que la il vît 1^
teires désertes, et ne trouva d autres labo-
reursni d'autres patres que des esclaves ver
des pays étrangers et desBarbai-es, et que (t
ce moment, il conçut le dessein de cette c
treprise qui leur causa tant de maux. Mai>
qui enflamma le plus en lui celte ardeut 1
DigitizedbyCjOOgle
*tIBél3llUd 1t,1i^ CAlUS ÙKkCCRVS. 4o5
celte ambition , ce fut le peuple , qui , par des
écriteaux affichés sur les portiques , sur les
murailles et sur les tombeaux, l'exhortoit tous
les jours k faire rendre aux pauvres les terres
du domaine.
Il ne fit pourtant pas cette loi de son pro-
pre mouvement , mais il la communiqua aux
premiers de Rome en réputation et en vertu,
Et pi'it leur conseil. De ce nombre ëtoit Gras^
Sds , souverain pontife, le jurisconsulte Mu^
tiusScévola, alors consul, et AppiusClaudius
même, le beau-père de Tibérius. Et il semble
[]ue jamais loi plus douce ni plus humaine île
l'ut donnée contre une si grande injustice et
contre une avarice si énorme ; car au lieu de
punir ces avares possesseurs de leur désobéis-
iance et de les chasser, après avoir paye Pa-
nende , des terres dont ils jouissoient contre
les lois, il se contenta d'orâosner qu'ils eu
lortiroient après avoir reçu du public le prix
ie ces terres qu'ils retenoient si injustement y
;t que les citoyens qui avchent besoin d'être
oulayés y entreroîent en leur place.
Cependant, quoique cette réforme fut si
loiice, le peuple oublfa le passé, et demanda
eulement qu'on ne lui ftt k Favenir aucune
D justice; mais les ridhes et ceux qui possé-
loient les terres , haïssant par avarice la loi ,
:t par dépit et par opiniâtreté celui quil'avoit
** D,g,t,zedbyC§é0gle
4o6 TIBÉRIUS ET CAIUS GRACCHÎJg.
rendue, tâcboient d'en dégoûter le peuple, «5
de lui persuader que Tibe'rius ne pioposou^
nouveau partage des terres, que pour suscité;
de grands troubles dans la république,
pour la î]aettre en combusûoif. Mais il? l:
gagnèrent rien par ces menées ; car Tibàii'^
soutenant sa cause , qui , d'elle-même, et
honnête et juste, ayec une éloquence quid'
roit pu en faire passer une mauvaise, pan:
soit terrible et invincible , et il n'y avoit pei
sonoequlpûtlui résister, lorsque toutlep-ï
pie étant assemblé autour de la tribune,
venoit a parler en faveur des pauvres, ei
déduire ces raisons : « Les bêtes sauvages 4'
« sont répandues dans les montagnes et dm
« les forêts de l'Italie , disoit-il , ont chacu:]
<( leurs forêts et leurs tanières pour s'y reiiic
,« mais ces braves Romains qui combatteDi<
;« qui s'exposent k la mort potir la défecs^ '1
î« l'Italie, ne jouissent que de la lumièr:
a de l'air qu'on ne peut leur ravir, etn-i
« rien autre chose au monde : sansmaiscr
a sans retraites, ils errent dans les campa^
« avec leurs fepimes et leurs enfants. Lei
«généraux les tron:pent, lorsque dans i
<( combats ils les exhortent k combattre }i
« leur» tombes^ux: et pour leurs dieux dou.
in tiques, et a repo^isser l'ennemi; car p«ri
<( t4»ut ce grand nombre de Romains, il n'y u
DigitizedbyCjOOgle
TIBÉRTUS ET CAIÙS GRACCHÛS. 4of
<c pas un seul qui ait ni un autel paternel , ni un
« tombeau de ses ancêtres 5 et ils ne font la
« guerre et ne meurent que pour entretenir le
« luxe et pQur augmenter les richesses des
<i autres; et on a Peffrontérie de les appeler*
« les maîtres de Tunivets, lorsqu'eflfective-
« ment ils n'ont pas un seul pouce de terre
« qui leur appartienne ».
A ces paroles , qu'il prononçoît avec ua
enthousiasme plein de* courage et d'une véri-
table passion, et qui frappoient extrêmement
le peuple , il n'y avoit aucun dé ses adversai-
res qui osât rien opposer. Abandonnant donc
le parti de lui répondre , ils s'adressent b Mar-
cus Octavius, iW des tribuns, jeune homme
grave dans ses mœurs, et plein de modéra-
tion et de sagesse, et d'ailleurs collègue de
Tibérius et son ami particulier. Octavius, par
considération pour lui, refusa d'abord de s'op-
poser k sa loi; mais la plupart des plus puis-
gants de Rome le pressant et le conjurant de
les sefîondei*, il fut comme entraîné par cette
violence , et s'éleva contre Tibérius. Or j^ parmi
les tribuns, l'opposition est toujours ce qui
l'emporte: l'accord de tous les autres rie suffit
pas, s'il y en a un seul qui refuse son consen-
tement. Tibérius, irrité de cet obstacle, re-
tira sa loi qui étoit pleine d'humanité, et en
proposa une autre qui ctoit plus favorable aux
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4€8 TIBÉRIUS ET CAIUS ORACÔHlfs.
pauvres y et plus sévère contre les riches ; car
elle ordoDDoit «que tous ceux (juipossedoieDt
« plus de terres que les anciennes lofs ne per-
« mettoient , les quitteroiçut k l'instant ». Il
avoit donc tous les jours de nouveaux com-
bats a soutenir contfe Octavius dans la tri-
bune^ et dans tous ces combats , quoiqu'ils
parlassent avec la dernière vâiémeoee et la
5 lus opiniâtre eonteniion , on assure cepen-
ant qu'ils ue dirent pas la moindre chose fâ-
cheuse l'un contre Fautre, et qu'il ne leur
échappa pas un seul mot que la colère eut
dicté; tant il est vrai qu'un heureux naturel
et une boni)e éducation modèrent Fesprit, te
retiennent dans des bornes honnêtes, le rè-
glent et l'adoucissent non seulement dans les
excès de la débauchées ^^^ encore dans les
plus grands emportements de la colère, et
dans la plus grande ardeur des disputes qu'ex-
citent rambttion et la jalousie d'honneur.
Tibërius voyant donc que sa loi touehoit
partioulièreinent Octavîi^s, parce qu'il pos-
S(*doit beaucoup de terres , le pria de se relâ-
cher de son opposition, et lui ofirit de lui
payer le prix de ses terres de ses propres
denier^ quoiqu'il ne fut pas des plus riches.
Mais Octavius n^ayant pas vouki écouler
cette offre, alorsjl proposa un édît, par le^
quel il délendoit k tous les magistrats d'exer*
DigitizedbyÇjOOglC
TÎBEKTITS ET CAItJS GRACCHUS. 40^
r les fonctions de leurs charges , ftisqii'k ce
e , par les sufirages y on eût on reçu o\\ re^
,é sa lai. Il ferma menie les portes du tem*
s de Saturne , et les scella de son sceau ^
n que les questeurs ne pussent y rien pren-
e , ni rien y porter ^ et prononça de fortes
lendes contre ceux des pëtenrs qui seroîent
belles et désobëtssants ; de sorte que tous les
igistrats , sans exception ^ craignant d'en-
urir cette peùie, abandonnèrent leur mrois^
re y et cessèrent toutes leurs fonctions. Cette
ssation de la (iistice et des afiaires fit que les
Jies qui possédoient. des terres changèi^ent
I robe, et parurent sttr la place arec une
fitemaice morne , et dans un ëtat d'abais-»
ment et d'biunfliation ; mais en secret ils
essèrent des embûches k Tib^rhis, et lu!
(ostèrent des meurtriers pour l'assassiner. Il
i fut averti ; et au vu de tout le monde , il
it sous sa robe un de ces poignards dont se
rveut les brigands, et que les Romains ap«
;lleDt dolona **.
Quand le jour marqué pour l'assemblée
t arrivé, et queTibérius eut appelé le peu-
e paur venir donner ses suflfrages, les riches
lievèrem les urnes * ^, ce qni causa onegfande
infusion, et alloit être suivi d'un gran4
^sordre; car les partisans de Tibérius étant.
s plus forts es nombre , allouent remporter
» ' D,g,t,zedbvCjm)gle
4 1 0 TIBERÏUS ET CAIU8 GR ACCHUS.
par la force , et pour cet effet ils s'assembloient
déjà autour de lui. Mais Maiiiiiis et Fulvius,
hoaimes consulaires^ se jetèrent k ses pieds;
et lui embrassant les genoux et lui prenant les
mains , ils le oonjucDient avec larmes de re-
noncer k son entreprise. Tibérius , c{ui cora-
prenoit les affreux inconvénients qtii alloient|
rë.<iulter de ce désordre, et qui d'ailleurs étoiE
f>lein do cesbect pour ces deux personnages^
eiir deouiaïaa ce.qu^ils vouloient donc quil
fit. Us lui répondirent qu'ils ne se croyoieDt
pas capables de lui donner conseil dans uae
aSaice de^ graode cDUséquenoe , et le près-
sèi^nt aveo dé ^wind» initarnces de s'en re-
mettre au sénat; ce qu'il leur acct^a siii
rheure.Mais quand il vhque le sénat assem-
blé ne délerminoit rien a cause des riches qui
y avoient leplusdeoréditet d'autorité, alon
il prit un jîarti qui n'étoit ni honnête , ni
juste : ce .fut de déposer Octavius de s|
ch^irgç de.tribttû> car il désespéroit de pou
voir jamais faire autoriser sa loi par une autrt
voie.
Mais avant que de se porter k cette extrr
mité ^ il: eut recours a la douceur. Ulepii
donc ouvertement) et employa les paroles lu
plus touchantes dont il put s'aviser, lui ser
raot les mains et le conjurant « de se déparîi
« de son opposition y et d'a^çj^d.^r celte grûci
TTBÉRIU9 ET CAIUS GR ACCRUS, il t
<K au peuple, qiiî ne demandoît que des choses
<^ très-justes , et qui, en les obtenant , ne re-
« cevroît même îju'une légère récompense de
4Si tant de peines, de travaux et de dangers
« qu'il essnyort pour la république )). Octa—
■vîus rejeta toutes ses prières^ Alors Tîbérins
dit k haute voiîi : « Que , puisqu'ils étoient
4< tous deux tribuns du peuple, et d'une égale
« autorité , et qu'ils se trouvaient en différent
« sur des afiaires de si grande importance , il
« n^étoit pas possîRle qu^on en vînt autrement
« que par les armes a une décision ; qu'il ne
a voyoit d'autre remède k ce grand malheur
« que de les déposer l'un ou l'autre de leur
« charge » , et ordonna en même temps k
Oc5tavius de faire opioerle peuple sur lui-
même tout le premier, ajoutant ce qu'il étoit
. 4< prêt k se démettre et k dévenir simple par^
« ticttlier, si cela ctoit agréable au peuple ».
Comme Octavius refiisoîl cet expédient , il
lui déclara qu'il feroit opiner sur lui, a moins
qu'après avoir c?ii le temps de prendre con-
seil, il ne changeât d^ayi^, et il congédia
rassemblée.
' Le lendemain , le peiiple s'étant assemblé >
Tibériiis monta k la tribune , et fit de nou-
veaux efforts pour gagner Octavius : mais
\oyant qu'il étoit d'une opiniâtreté invinci-
Ue , il piopo^a Tédit qui le de'stituoit de s£i
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4 l î TIB^RIUS BT CAIUS CRAGCHU5.
ciharge , et appela le peuple i vcBÎr donner des
suffrages. Il y a voit trente- cinq tribus. Dix-
sept avoient dëjii donné leuri voix contre Og-
tavius, et il n'en fallok plus qu'une , après
laquelle il e'toît absolument déposé, et n'étoit
plus qu\in simple particulier, lorsque Tibe'-
1 ius ordonna qu'bn s'arrêtât. {In même temps
il recommença b le prier, l'embrassa devant
tout le peuple , et lui fit toutes sortes de cares-
ses, le suppliant et le conjurant de ne pas s'ex-
poser luh-mème k cet afiGrent d'être démis de
sa charge par la voix du peuple , et de ne pas
lui attirer à lui le reproche d'avoir été l'au-
teur d'un édît si sévère et si cruel. On dit
qu'Octavius ne put entendre ces prières sans
être ému et attendri , que ses yeux parurent
baignés de larmes , et ,qu'il gardsi le silence
pendant un assez loi^temcfi; mais enfin,,
aya^t jeté ses regards sur les riches et sur
ceux qui possédoient les terres, et qui éloient
en gran<l nombre autour de lui, il y a de l'ap-
parence qu'il eut honte , et qu'il craignit de
f e livrer à leur mépfîs et à leurs reproches, et
qu'il aima mieux s'exposer k tout ce qu'il y
a voit de plus terrible. C'est pourquoi il cria
gr^néreusement k Tîbérius « qu'il n'avoit qu'à
passer outre , et b faire tout ce qu'il voudroîf » .
Sa déposition ayant été prononcée , Tibérius
ordonna sur-le-champ k un de ses affranchi»
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f IBÂRIVS ET CAIUS GRACCHUS* 4l5
f Tarracher de la tribune; car il se servoit de
s affranchis pour licteurs. Cette circonstance
outa encore k la compassion qu'inspiioit
ctavius traîné si indignement et avec tant
outrage. Le peuple voulut même se jeter
r lui, mais les riches coururent k son se^
airs, et s'opposèrent aux efforts de la multi-
de. Octavms ne se sauva qu'avec peine de
fureur du peuple ; un de ses esclaves des
us fidèles, qui s'étoit toujours tenu au-de-"
mt de lui pour le garantir et pour parer les
aips ^ eut les yeux crevés. Ce fut contre Tin-
ntion de Tibérius , qui , ayant entendu le
multe et appris ce qui venoit d'arriver,
»urut précipitamment pour en prévenir les
ites.
La loi du partage des terres Fut donc con-
mée , et on nomma trois commissaires (a)
lur en faire la recherche et la distribution; ce
t Hbérius lui--mème^ avec son beau-père
laudius Appius, et son frère Caïus alors ab-
nt; car il servoit au siège de Numance sous
;ipien l'Africain. Tibérius étant venu a bout
! cette grande affaire assez tranquillement ,
sans que personne osât s'opposer k lui ,
tmma un autre tribun u la place d'Octavips,
il ne le prit point parmi les nobles , maia
choisit un de ses clients nommé Mucius. Lea
(a) Ils furent ap{x«)ç» triumvifi diigidemàit agris^
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4*1 4 TiBÉRrirs et caius gracchts.
nobles oflFenscs de ce choix, et redouiantl
croissement de sa^puîssance, lui firent dsi
se'fjat tous les affronts dont iîs purent s'agit:
cars(ir ce qu'il demanda qu'on lui fonrnîh>
dépens du public une tente, comme c'éloi
coutume, afin qu'il s'en servît a camper ?«
dant qu'il vaqueroit k ce partage, ils'?
refusèrent , quoiqu'on l'eût toujours ace.» •
a des gens mêmes qui alloient pour dpsr
missions bien moins importantes. Ils fi
plus encore,; ils ne lui ordonnèrent po r J
dépense que neuf oboles (a) par jonr/ali.^
tigation de Publîus Nasica , qui se déclar' "'
ennemi sans aucun ménagement; car il f^
sédoit beaucoup de teiTeft du pubMc, f
supportoït avec peine d'être forcé delesal:!
donner. Tout cela ne faisoit qu'irriter eteii
flammer davantage lepeuple.
Sur ces entrefaites , il arrîv» qu'un »i
particulier deTibérius mourut subitement. i
qu'il parut sur son corps des marques qui n i
toieut pas ordinaires. Le peuple ne marri
pas de crier d'abord qu'il avoîl été' emp i
sonné, courut chjBZ lui pour son convoi J
chargea de son lit funèbre, et assista îi^^
bûcher. Lk il se confirma dans le soup-^
qu'il avoit eu ; car le cadavre creva toutii
coup , et il en sortit une si grande
</i) L'oboU raloit i5 ctat. A, L^ D,
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TiBÉRius i;t caius gkacchus. 4i5
*li limeurs corrompues, qu'elle éteignit le feu ;
n en apporta d'autre qui pe prit pas non plus,
isqu'a ce qi\'on l'eût transporté en un autre
ndroit; et la , après beaucoup de tentatives,
n eut encore bien de la peine k allumer le
•ûcher et a faire brûler le corps *^, Alors Ti-
►ëiîus, pour aigrir davantage le peuple, prit
m habit de deuil, et menant ses enfants sur
a place publique , il les recommanda aupeu-
>le , et le conjura « d'avoir soin de ces pau-
:c vres malheureux et de leur ^re >> , comme
désespérant de pouvoir sauver sa vie, et n'at-
tendant que la mort.
Cependant Attalus Philopator étapt venu
à décéder *^ , Eudémus de Pergame apporta
a Rome le testament de ce prince , qui avoit
institué le peuple romain son héritier* La lec-
ture de ce testament faite, Tibérius saisit cette
occasion, et haranguant sur-le-champ le
peuple, il proposa une loi qui portoit: « Que
<jL tout l'argent comptant de la succession de
« ce prince seroit distribué aux pauvi es ci-
« toyens , afin qu'ils eussent de quoi s'éta-
<( blirdans leurs nouvelles possessions , et se
« pourvoir des outils nécessaires a l'agricuU
« turc. 11 ajouta, que, quant aux villes et aux
« terres qui étoient de la domination d'Aîta-
« lus , il n'appartenoitpas au sénat d'en or-
{<k donner, et qu'il eB laissait la disposition au
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4l6 TIBÉRIUS Et CAItTS GHACCflUS.
H peuple ». Par la il offensa encore darantuf
le sénat ; et un des membres de ce corpÉ
nomme Pompeius , s'étant lève , dît : « Qn •'
« tant proche voisin de Tîbéritis, ilsavo
« de toute certitude qu'EiidamusdePer^aïc
« lui avoit apporté secrètement le diadèmee
iK la robe de pourpre du roi , comme ï celr
« qui devoit régner "k Rome ». Qnintus Mé-
lellus se Idva après lui , et fit d'duti^es refp^
ches kTibérius; il lui dit que lorsque son pèfî
ëtoit censeur, et qu^après avoir soupe f^
ville, il se retiroît tard, tous les choreii
qui étoient avec luî éteignoîent leurs torch*^
de peut qu^îl ne parut qu'ils a voient été toi
les compagnies et dans les festins plus lon:^
temps qu'il ne convenoit , maïs que pour h
il n'avoit pas tant de pudeur et- ne suives
pas cet exemple ; car toutes les nuits il se fai-
soît éclairer par les plus séditieux et les pli'^
misérables des citoyens. Et Titus Anniiis qu
îi'étoit d'ailleurs ni honnête homme ni hofflfl»*
sage , mais qui passoîtpour Fhomme dumoni
le plus subtil et le plus fort dans la dispute,
soil par les questions qu'il faisoit , soit par sa
reparties , le défia un jour devs^t tout '
monde, lui déféra même le serment, etluisc'-
ttnt qu'il avoit imprimé une note d'infamie'
son collègue , dont les lois rendoîent la p
«pnne sacrée et inviolable. Sur cela lepcnp'^
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TfBÉRIUS ET CAIV8 ORACCttUS. ^tlf
s'émut y et Tibériiiss^avançant l'appelle ^ son
secours y et ordonne qu'on amène Annius qu'il
veut accjiiser et faire condamner sur l'heure.
Annius, qui se sentoit inférieur en dignité et
en éloquence , eut recours a ses subtilités or^
dinairesy et pria Tibérius qu'avant que de par*
1er, il voulut lui répondre k une question fort
simple. Tibérius lui ayant permis de l'inter-
roger, il se fait d'abord un grand silence ; et
Annius lui demande tout haut : « Si vous
u vouliez me faire im affront et me maltraiter
tt devant tout le monde, que j'appelasse k
« mon secours un de vos collègues, que ce
<( collègue accourut k mon aide , et que vous
C( en fussiez fâché, trouveriez -vous que ce
« fut Ik un juste sujet de le déposer de sa
a charge » ? On dit qu'k cette demande, Ti-
bérius fut si confus et si déconcerté , que f
quoiqu'il fut l'J^omme du monde le plus
5 rompt et le plus hardi k parler , il ne répon-
it pas ime seule parole , et congédia l'assem-
blée sur-le-champ.
Mais sentant bien que , de tout ce qu'il
«voit fait dans sa charge , la déposition d'Oc-;
tavius étoit ce qui avoit le plus offensé non-
seulement les nobles , mais le peuple même ^
parce qu'il sembloit avoir ravalé et avili la
dignité des tribuns, qui jusqu'k ce jour-Ia
avoit été conservée dans tout son éclat et
4:8 TIBÉRÎUS ET CAllTS GRACCHCS.
daos tous ses honneurs , îi fit un gnind (!">
cours au peuple , et il ne sera pas hoii i*
propos d'en rapporter ici quelques endroid
pour faire voir quelle étoit la force desonâ^
queace et la vive persuasion dont il fe-
moit. Il dit donc : « Qne le tribun e'toiî ^ •
« ritablement un magistrat sacre et iiiviVn
« ble , parce qu'il étoit en quelque sorte coq-
« sacré au peuple^ et établi pour soutenir >'
« intérêts.Mais, ajouta t-il, si venant bchao:?:
« sa destination, il fait tort au peuple, ^:
« lieu de le protéger, s'il affoiblitsa puissaaret
« et s'il Tempêche de donner ses suffray*^
« alors il se prive lui-même des droits et dts
M( honneurs qui lui ont été accorde's, parcf
<( qu'il ne fait pas les choses pour lesquello
« «eules il les a reçus; car autrement il fe'î*
« droit souffrir qu'un tribun démolit le tr
<i pîtole , et qu'il brùlat nos arsenaux; e>
« core même eu se livrant a ces exccsseroit
K tribim, mauvais sans doute , mais toujouri
« tribun. Au lieu que , quand il détruit o»
« renverse l'autorité et la puissance du pc'i-
« pie , il n^est plus tribun. Et n'est-ce p»
. <( une chose bien étrange et bien terrible qui'"
« tribun ait le droit, quand bon lui senil)l«!
(( de traJher en prisoq un conwil, et qne '
« peuple n'ait pas celui d'âter a un trik»
« toute sçin autorité, <|aHûd il ne $'eflscrlf
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TIBÉKIUS ET CMUS GRACCÎIU5. 4l9
a conlrc celui (jr.î la lui a donnée ? Car c^est
[( le peuple qui choisit également et le consul
iX et le tribun. La royauté même, outre qu'elle
H renferme en elle-hiême toute l'autorité et
« toute la ptùssauce des autres magistrats qui
« émanent d'elle , a encore cet avantage ,
« qu'elle est consacrée par des cérémonies
« augustes et religieuses , qui l'approchent
« eu quelque sorte de la divmité j cependant
« Rome ne laissa pas de chasser Tarquin k
« cause de son injustice. L'insolence d'un seul
« homme fut cause que cette puissance soti-
« yeraiue, non seulement la plus ancienne
H de cet empire , mais celle qui donna la'
« naissance a Rome , fut entièrement abolie.
« Qi)'y a t-it de plus sacré et de plus vénéra-
<( Lie dans' Rome , que ces vierges chargées
« de là garde et de l'entretien du feu sacié?
« Cependant si quelqu^me d'elles vient k
« faire une faute, elle est enterrée toute vive
« sans miséricorde; car en offensant lesDieux,
« elles ne conservent plus ce caractère invio-
« lable qu'elles n'ont qu'a cause des *Diei*x.
« De même, quand un tribun offense le jjéu-
« pie, il n'est plus juste qu'il conserve.ua
<K caractère qu'il n'a reçu qu'h catfôe du peu-
« pie; car il détruit lui -même cette puissance
« qui fait toute son autorité. En effet , s*il a
« été justement élu tribun, quand la oUipart
430 TIBÉIUUS ET CAIUS GRACCHUS.
M, des tribus lui ODt donné leurs suffrages ^
a comment ne sera-t-il pas encore plus jus-
te tement privé de sa chaîne, quand toutes les
« tribus auront donné leurs suflSrages pour le
« déposer ? Il n'y arien de si saint et de si in-
« violable que les choses qui ont été consa-
¥ crées aux Dieux ; cependant jamais per-
te sonne n'a empêché le peuple de s'en servir,
« de les changer de place, et de les t ransporter
« k son gré. Il lui est donc permis de regarder
«( le tribunat comme une de ces choses con-
te sacrées, et de le transférer k qui il veut. Et
« une preuve certaine que cette charge n'est
« ni inviolable ni immuable , c'est que très-
« souvent ceux qui en ont été pourvus, s'en
a sont démis d'eux-mêmes, et ont prié qu'on
« les en déchargeât».
Tels furent les principaux chefs delà jiisti^
fication de Tibérius. Mais ses amis voyant les
menées des nobles , et les menaces qu'ils fai-
i^oient contre lui , crurent qu'il étoit néces-
saire , pour la sûreté de sa personne , qu'il de-
inandàt un second tribunat pour l'année sui-
vante. Tibérius , continué dans ses fonctions,
recommença k se concilier de plus en plus la
laveur du peuple par de nouvelles lois , où il
tibrégeoit les années du service militaire , ac-
cordoit le droit d'appeler au peuple de tous
' 'gements des autres jaagî^a|3 > mèloit
TtBÉRIUS ET CAIU9 GRACCHUS. 4ît
parmi les juges, qui alors ëtoient tous pris
dans le corps des sàiateurs, un pareil nom-»
bre de chevaliers., et rabaissoit et dëtniisoit
en toutes manières la force et l^autcrité du
sénat y plutôt par un esprit de contention ei
de colère y qae par aucun ëgard k la justice
et au biea du gouTernement. Mais^'ciuand on
viot b recueillir siur ce& nouvelles lois les snf^
frages, Tibërius et ses partisans voyant qu'ils
n'ëtoient pas |os plus forts , parce que tout le
peuple n'^toit pas présent , se niirent d'abord
k s^mporter et )t dire des injures aux' auti'es
tribuns, pour gagner du temps , et enfin Ti«
bérius congédia Fassemblée en ordonnant
«{u'on se rassemblât le lendemain^ Tibérius
s'étant rendu* sur la place en robe de deuil et
dans l'état de la plus grande humiliation , €ft
le visage baigné de larmes , il conjura le peu*
pie de le prendre sotis sa protection , lui di-
sant : « Qu^il craignoit que ses ennemis ne
« vHisseiit ta nuit à>attre sa maison et le toi-
« gnîarder i. Par ce discours il émut telles
ment I9 peuple , qu'il y en eut plusieurs qui
allèrent camper et passer Li nuit autour de sa
maison , pour lui servir de gardes.
Le kodtfmaia au peint du jour, celui qui
avoit sots de garder les poulets sacrés dont
les Romains ae servent pour la divination » ® ,
les porta sur la place, et^eta h manger devant
36.
4^i2 XIBERIUS ET CAIÙS OUACCffCS.
eux. Do'tcms ces poulets il n'y ea eut qft'tin
seul qui sortit de sa cage , eocore ne tut- ce
qu'après quelHifficier l'eut long-temj^ secouée^
mais il ae rdukit point manger , et ne fit que
lever l'aile fçaiiehe. et étendre la cuisse, après
^noi \\ se relira dans sa oage. Cette circons-
iafiOe>fit< ressouvenir TibérinS'd'un aittra pré-
sage cpii lui âbit arrivé* Il avoit un casque
.dont il se 'Servait dans les eombats, qui étoit
orpé magnifiquement^ et remarquable sur tous
les autres.; deux serpents allèrent faire leurs
?œu& dans ce casque sans qu'on s'en aperçût ,
eties firent éplore. Ce souvenir fitqu'ii fut en-
core pliis troublé du présage idës poulete. Ce-
fiendant il. ne laissa pàstde'aoriir tqiraitd on
'eut averti que le peilple'étoît assemblé au
Capitole. En sortantil selieuriale pied contre
•le seuil de la porle , et^ le coup fut si rude ,
-que Fopgle du gros doi^tdu pied en fut fen-
dJLi ^ et que le sang sortit au travers du sou-
lier. En marchant il aperçut k sa gaudie sur
les tuiles d'une maison , des corbeaux qui se
battoient ; et qiioiqu^il fut accompagné d'une
foule nombreuse y comme cela est vraisem*
btable , k cause de sa dignité^ une pierre
poussée par un de ces corbeaux tomba juste-
ment auprès de son pied; cela Fétoona et
arrêta les plus hardis denses partisans. Mais
Blossius de CumesJ^quile si^h^oju lui repré-
lîBËRIlTS ET CAIU$ GflACCHUS* 42Ï
senta : a Q<^e ce seroit une grande baote eX
« uae lâcheté iûsigoe qgq Tibéj^'ius^ fils do
«•GracAiis, petit-fils de » Scipiou F Mi-
« caifl, et le prolecteiir du peuple , pour I4
.« oiraii)te d^ua corbeau y refusât df obéir ïi^ ses
.« coDcitoyei^quil'appeloienti leurs seooursj
« que s^s. ennemis ne toui^neroient pas oeitQ
« indignité eii.|ai|l|erie,jxujiis(|^i'jJS,ikQi^Pt ser
« mant parmi, le pe]yrp)ç<qpe c'^Qi^t l^'le tr«ijit
« d'un tyran déja.t^t;fanu^.<|fiî4^r insuW
i<, toit §jt les» traitent' j^vec acf (^gance ».
fjd.i^me temps ^ il re^i^t pUisîeurs mes**
sagers qiie ses- ajruky qui étoient s^n Ç^pi-
tolcj eavoypknt ai4-r^YaKA de lui pourrie
.pns^iR âçiSeM'^er, et.ppp^^l'ia5surerqfiie;tpii|:
alLoit bie];i. Èo^ effet , 00 lui fit l'^ocueill^
plus fa.Yf;ir)âble,jet le plus h9i^i?able ^ (i^v du
plus ^oip.qu'enie vit, le pçupjp jeta iingfand
cti de joie pourniarq4ç4€<sop; affection; et
quand ii,fu| mpiué^ il le i^eçut £^vq^ de gi^a^ds
. honneurs y prenant grand soin 4|ue 'per^nn|S
ne rapprochât qui ne fût çonnn. Mucius ayant
cottui^ncé a, appeler les tribus, pour venir
donoftr leurs suffrages , on ne put rien faire
de tout ce qui se pratiqaoit. dans ces occa-
sions, a cause du tumnlte qu'excitèrent les
derniers , qui , étant poussés , repoussoient
ceux qu'on renversoit sur eux, et se mêloient
confusément les uns avec les autres. Dans c«
Digitizedby Google
424 TIBÈRIUS ET CAIUS GRACCHUS^.
désordre, Fui vins (a) Flaccus , un des sàia-
tetirs , monta sur un lieuéminent d'où il pour-
voit être vu de tonte l'assemblée; et voyant
qu'h cause du bruit il ne pourroit se faire en-
tendre , il fit signe de la main cp'ii avoît cfoel-
que chose k dire en partieuber k Tibérius.
Gelui*ci ordonna en même temps au peuple
de lui OUY' il* fe passage; et Fulvius s'érant
approché avec peine ^ invertit que le sénat
étant assèrabié, les nobles et les riches avoient
fait tous leurs efforts pdur attirer le consul (A)
dans leur parti ; et que n^ayafntpu en venir a
bout, ils avoîentrésotitdeletueTeux-ntèmes
ssàns le sêtioiirs du cotitsûi; et que pour cet
*ffet ils avoient d^k asseinblé grand nombre
de leurs amis et de leurs esdarcs tons armés.
Tibérius aérant communiqué sur-le-cbamp
cet avis k ses àmîs qui étoient autour de lui^
ils ceignirent d'abord leurs robes; et rompant
les baguettes des fietenis avec lesqneUes ils
rangent la feule y ils en prirent les fronçons
comme pour sPen servir k repousser eenx qui
viendroîent les attaquer. Ceux^ qui étoient les
plus éloignés et qui n'avoient pas entendu ce
(a) (Test aiiisi qu'a ftinf Iire,et a#Q fat^pia^ms,
La fainiHe de& Flaecus n-'étoiip^sappelé^ PUt^ia,
mais Fulvia.
{b) Le coosal P. Mucms ScévoUj son ç*Ué«^CaI-
punwas Piso etoit en Sicile, ogzed y Google ^
TlBtaïUS ET CAIUS GRACCRITS. 4'i5
^uc Tibërîus avoit dît, ëtoDnës de ces mou-
vementsdoot ils ne comprenoient pas la cause,
iemandoient tous ce que c'ëtoît. AIoi^s Tibé-
rius porta sa roaia k sa tète , pour leur faire
coimoitre par ce geste le danger dont il étoit
mefiacé, puisqu'il ne pouvoit faire entendre
sa voix. Ses ennemis voyant ce geste couru---
rent promptement au sénat lui annoncer que
Tibërîus demandoit ouvertement le diadème ,
alignant pour preuve qu'il aVoit touche sa
tête avec la main >'. Ce rapport causa une
grande rumeur et une vive émotion dans le
sénat. Nasica pressa sur-le champ le consul
de secourir la ville , et de détruire le tyran :
mai3 le consul répondit avec douceur, « qu'il
iéi ne commenceroit point h user de violence ,
« qu'il ne feroit mourir aucun^ citoyen qu'il
« n'eût ëfé jugé dans les formes , et que , si le
« peuple , persuadé ou forcé par Tibérius,
« vepoit h ordonner quelque chose d'injuste:,
« il s'y opposeroit de tout son pouvoir , et
« l'empècheroit de passer ». Alors Nasica se
levant avec colère : « Puisque le souverain
« magklrat trahit et livre la ville, s'ëcrîa-t-il,
<< que ceux qui ont le cpuf âge de secourir les
« lois me suivent ». Prononçant ces paroles ,
et se couvrant la tète du pan de sa robe, il
sortit et marcha droit' au Capilole. Ceux qui
l'accompag^oient s'entortiUant leurs robes au-
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4 26 Tmtaïus et caîtjs on accrus.
tour du bras , rcpotissenl ceux qu'ils rcncor-
trent sur leur chemin. Peu de personDes
osoient s'opposer b leur passage , par respect
pour leur digrfité ; ils fuyotent tous et se ren-
versoîent les uns sur les autres , de sorte qu'ils
etoîent foulés aux pifeds. Les gens k la suite
des sénateurs avoient apporté de leurs mai-
sons de gros bâtons et des leviers ; tandis
>qu'eux-mèmes saisissant les pieds et les dé-
hris, des sièges que la foule du peuple avoit
rompus en fuyant, se faisoient jour pour join-
dre Tibérius , et frappbient k droite et a gau-
che tous ceux qui éioient devant lui. Tout
prend la fuite , et il y en eut plusieurs de tués.
Comme Tibérius lui-mêrtte s'enfuyoît , quel-
qu'un le saisit par sa robe ; il la laissa entre
les mains de celui qui le retenoit, et se mit à
fuir en tunique. Mais en courant , il fit un
,faux pas et tomba sur d'autres qui étoient
j*wiversés devant lui. Dans le moment qu'il se
relevoit, Publius Saturéius j un de ses collè-
gues, le frappa le premier, et lui donna un
grand coup sur la tête avec le pied d^unbanc;
le seî^ndconp luifut donbé par Lucius Rufiis,
qui s'en glowfioït comme d^un grand exploit.
,De tous les autres il y en eut plus de trois
cents qui furent assomfmésb icôups de pierres,
et pas ihi.ne fut ttié aviec l'épée.
tes historien» assurent qlie ce fut > Rome
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TÎBÉEIUS ET CAIUS GRACCHUS'. 42f
ïa première séditign qiii , depuis qu'on en eut
chassé les rois, fut terminée par le meurtre et
-par le sang des citoyens; toutes les autres qui
«^ëtoîent élevées auparavant, et qui n'étoieut
Tiî petites ni pour des sujets légers, avoiect
été calmées par les partis mêmes qui ce*
doient les uns aux autres , le sénat par Ja
crainte du peuple, et le peuple par le respect
qxi'il portoit au sénat. Il semble même qu'en
cette occasion , Tibérius se seroit aussi relâ^-
çhé sans beaucoup de peine , si on Tavoît pris .
par la douceur, et qu^on lui eût fait des re-
montrances; encore même auroit- il plutôt
cédé si on fut venuPattaquér sans meurtre et.
sans effusion de sang ; car il n'avoit autour de
lui qu'environ trois mille hommes. Mais il pa^,
roît que cette sanglante exécution fut plu lot
l'effet de la colère des riches , et de la haine
personnelle qu'ils avoient pour lui , que des
raisons qu'ils alléguoient pour prétexte. Et ce.
qui le prouve , c'est la cruauté et Tinhuroa--
nité qu'ils exercèrent sur son corps; car ils re-
fusèrent ^ son frèffe , malgré ses ardenteç pxîèr-
res, la permission de l'enlever et de l'enterrer
la nuit , et ils le jetèrent dsgis le Tibre avec
tous les autres morts. Ce ne fut pas même en-
core Ta le tevme de leur .vengeance , ils en-
veloppèrent tous ses amis dans son infortune;
car , sans aucune forme, de proçH? ils banni-
DigitizedbyCjOOglÇ
4i8 TIBBKIUSET CAlU3 GRilOCHI».
rent tons ceux qu'ils ne purent prendre , é
firent mourir tous ceux qui tomoërent entri
leurs mains. Du nombre de ces derniers fu
Diophanes le Khëteur. Un certain Caïus Bi!
iius périt enfermé dans un tonneau arec de
eerpents et des vipères. Blossius de Cumes fu
mené devant les consuls; et Ik interrogé sui
ce qui vénoit de se passer , il avoua qu'il avoil
fait tout ce que Tibérius lui avoit ordonné.
i( Mais, liii dit Nasica^ s'il t'avoit ordonné,
« de. mettre le feu au Capitole »? A cela
Blossûis répondit d'abord en rejetant cette
proposition y et eu disant que Tibérius n'étoit
pas capable de lui donner un tel ordre. Comme
d'antres sénateurs s'opinîàtroient h lui faii-e
toujours la même question , il répondit enfin :
u Si Tibérius me l'eût commandé , j'aurois
« cru ne pouvoir mieux ikireque de lui obéir;
« car jamais il ne me l'auroit commandé s^il
n n'avoit été utile pour le peuple ** )>• Il se
sauva pourtant de ce grand danger y et peu
de temps après il se retira en Asie auprès
d*Âristonicus > 9 ; mais quand il vit les aflfaires
/ de ce prince absolument ruinées ^ il se donna
lui-même la mort.
Le sénat, pour calmer et apaiser le peu-
ple en lui donnant satisfaction , ne s'opposa
plus au partage des terres ^ et lui suggéra de
Bonuner un autre V^ commissaire k la jpJace de
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TIBÊBIUS £T CAirô CRACCHUS. 429
ribérins. On en vint aux suffrages y et on élut
PtibliusCrassus, alHé de Tibérius ; car sa fille
Licinniaétoit mariée a Caïus. Cependant G>r«
lëlius Népos écrit que ce n'étoit pas la fille
le Crassus que Caïus avoit épousée , mais
iien 4selle de Brutus qui avoit triomphé des
Lusiianiens (a). Cependant la plupart des
[listoriens le rapportent comme nous. Comme
le peuple étoit lort aigri de là mort de Tibc-
rius, et c[ue Pon voyoit évidemment c|u^il
n'attendoit qu'une occasion de la venger, et
que même il menacoit d'appeler en justice
Nasioa , le sénat , alarmé pour ce personna-
ge, résolut j quoique sans aucune nécessité ,-
ie Penvoyer en Asie j car , dans toutes les
3ccasions , le peuple ne cachoit point son res-
sentiment ; mais partout où il le rencontroit,
il s'emportoit contre lui, le traitant de mau-
dit, de tyran et de scélérat, qui avoit souillé
du sang d^in magistrat, sacré et inviolable ,
le plus saint , le plus auguste et le plus res-
pectable des temples de Rome.
. Nasica fut donc obligé de sortir cle Tlta»
ie y quoiqu'il fut revêtu 8u plus grand de
:oi)S les sacerdoces, car il étoit souverain
:>ontife. Il fut quelque temps h errer de côté
;t d'autre hors de sa patrie , accablé de cha-
rria et d'inquiétude, et au désespoir de son-
(a) Des anciens Portugais* A*L* D,
X. DgtzedbyCf^Ogle
4.^0 TIBÈRIUS ET CAIU3 GRACCflCS.
étal ; et bientôt après il mourut prèsdePer-
game. Il ne faut pas s'étonner que le peuple
eût conçu une haine si violente contre loi.
puisque Scipion l'Africain même , qui eioit
un des hommes du monde que les Ronwb
paroissent avoir le plus aimé , et avccplusu'î
justice , se vit surle point de perdre touteceiic
affection et cette bienveillance , parce f ? .
lorsque la nouvelle de la mort deTibéms
lui fut portée devaat la ville de Nomanci'ï
il prononça b haute voix ce vers d*Hoincre
ii Périssecomrae lui quiconqueiniitera ses ac
« tions (a) ». Depuis CaïusetFulvius,li;;
ayant demandé en pleine assemblée cef-»
pensoit de la mort de Tîbérius , il fit une k'
ponse qui donnoît a enteûdre qu'il n'appw"'
voit pas ce que ce tribun avoU fait. Cette r-
ponse offensa tellement le peuple , que ^''
puis ce temps - la il Tinterroropoit souvet-
quand il vouloit haranguer , ce qu'il n'av«^
jamais fait auparavai|t 5 et lui-même de i^"'
côté s'emporta jusqu'h dire des injures «1
peuple : mais ce sont des faits queDOUsavoaj
écrits en détail dans la vie de bcipion (&/
Caïus Gracchus , aussitôt après la niortJ<
(rt) C'est ce que Minerve dit dans le premier 1"^
lie l'Odyssée à Jupiter, qui yenoit dcparl«rdciC'
. mes d'Ë^te, v. 47.
(b) Celle vie e«t ptrdttÇ, A^ J&. D,
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TIBÈRIUS ET CAIUS GRACCHUS. 45 1
son frère , soit au'il craignit encore ses en-
nemis , ou qu'il Toulùt attirer sur eux la
haine publique , commença h se retirer des
assemblées et a vivre en repos dans son parii-
culier, comme ini homme qui se trouvoit
dans un état d'huniiiiation et d'abaissement ,
et qui ne pensoit désormais qu'k passer sa vie
sans se mêler du goiiveniement. Par cette
conduite j il donna lieu k quelques-uns de
répandre contre lui des bruits désavantageux,
et de le décrier comme un homnie qui ab-
horroit etdétestorl la conduite de son frère. Il
étoit encore fort jeune, car il avoit neuf ans
de moins que Tibérius , qui n'en avoit pas
encore trente quand il fut tué. Mais après
que , par la suite du temps , il eut fait cou-**
Doître peu-b-peu que ses mœurs étoient très-.
éloignées de la presse , de la mollesse, des
débaNches etde ramour des richesses , et qu'il
travailioit k se former b l'éloquence , et k se
Taire parlk comme des ailes pour s'élever au
gouvernement , on vit évidemment qu'il ne
meneroit pas une vie retirée et oisive. En
eifet , il défendit en jugement un de ses amis ^
Dommé. Vcttius , qui avoit été appelé en jus^
lice ; et le pcu^de fut si ravi et si triansporté
d'aise et de plaisir de l'entendre , qu'il enpa-
roissoit hors de Ivi-mcme. Aussi Gaïus fit-îl
voir en cette occa^iop que les autres orateuia
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4^3 TlBÈRtUS ET CAIITS GRACCHUS.
n^toient que des enfants auprès de lui. Ce
giand succès le rendit suspect et redoutable
aux nobles , qui convinrent entr^eux qu^il fal-
loit prendre toutes sortes de mesures pour
i'empèclierde parvenir au tribiinat.
Sur ces entrefaites, il arriva par hazard
qu'il fut élu questeur y et qu'il fut désigné par
le sort pour aller en Sardaigne en cette qua-
lité avec le consul Oreste **. Cela fit un très-
grand plaisir )k ses ennemis , et ne lui fut pas
désagréable; car aimant naturellement la
euerre , ne s'étant pas moins exercé aux ar-
mes qu'a l'éloquence , et ayant d'ailleurs une
espèce d'horreur pour la tribune et pour les i
affaires , et ne se sentant pas assez de force
pour résister au peuple et h ses amis qui Vy
appeloient , il fut ravi d'avoir ce voyage a
faire. Cependant c'est presque l'opiuion gé-
nérale qu'il étoit entièrement livré aupeuple,
et plus déterminé encore que son frère k tout
sacrifier pour lui plaire et pour parvenir par
son moyen. Mais cela est faux y et il paroit au
contraire que ce fut plutôt la nécessité que
le choix qui l'obligea k se jeter dans le gou-
vernement. Cicéron lui-même écrit que,
comme il fuyoit les charges avec grand soin y
et qu'il étoit résolu de pa^sser sa vie en repos
sans se mêler d'aucune affaire , son frère lui
apparut unenuit en songé, et lui dit : (cCaïus,
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TIBÉRIUS ET CA.IUS GftACCHUS. 455
« pourquoi diffères-tu si long-temps? Il t'est
H impossible d'échapper» Une même vie ef
« nue même mort nous ont été marquées par
« le destin. 11 a décidé que nous nqus sacri-*
ic fierions pour le peuple »«
Caïus étant arrivé en Sardaigne , y donna
toutes^ortesdepreuvesdesoncourage.Ilsedis^
tingua ^ti-dessus de touslesjeunesgensen va*^
leur contre les ennemis, en équité et en justice
envers ceux qui dépendoient de lui , et en
affection , obéissance et re$pect pour son gé-
néral ; mais par sa tempérance, par sa sim^
plicité , par sa sobriété et son amour pour le
travail, if surpassa même tous ceux qui étoîcut
au-dessus de son âge. Cette année-lk, l'hiver
ayant été très-rude et très« malsain en Sar^-
daîgne, le général envoya demander aux;
villes des habits pour ses soldats. Les villes
députèrent en même temps au sénat , pour 1^
prier de les décharger decetteimposflion tfop
onéreuse. Le sénat accueillit leur remiêtc, et
ordonna au consul de chercher ailleurs da
quoi habiller ses troupes. Comme le général
lie trouvoit aucim moyea dé fournir k celle'
tiépense , et que cependant les txoupes soûl-
froient beaucoup , Caiiis s'avisa d^aUer de
Yille en ville , et il fit si bien par son élo—
q^uence , cjii'il leur persuada k toutes d'ea?-
'434 TiBéRIlTS ET CAIUS GRACCHU».
voyer d'elles mèm^s des habits , et de secourir
les Romains dans une extreinîté si grande **.
Cette nouvelle ^tant portée a Rome , rc
grand secvice parut un essai et un prélude de
Caïus pour gagner l'affection du peuple , et
filarma le sénat. Les choses allèrent même si
îoin, que des ambassadeurs, arrivés en même
temps k Rome de la part du roi Micipsa ,
ayant déclaré au sénat que le roi leur maîire,
pour Tamour de Caïus, envo}'oil enSai^aigne
au général i<oraain une grande provision de
fclé, les sénateurs s'emportèrent contre eux et
les chassèrent *^. Ils ordonnèrent ensuite par
tm décret , qu'on enverroit relever les soldats
de cette armée , et que leur général seroit
continué , ne doutant point- que Caîus ne
restât auprès de lui h Cause de sa charge *^,
Mais ^^ '^''^'ii ^^« nlfitnr âfvr\rl<; r.#».«('Tiniix'-f»l1ps
que,
paruk
de, {1 fut blâmé non seulement de ses enne-
mis, mais aussi du peuplé mênie , qui trouva
fort étrange qu'un questeur fût revenu avant
eon général. Il ftit accusé et cité devant les
censeurs. Lk il demanda audience pour se dé-
fendre, et parla si bien qu'il changea l'esprit
de tous ses auditeurs , qu'il fut absous enliè-
lementj et prouva qu'on lui a voit fait une
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TIBÊRIUS ET CAIUS GHACCHTO. 455
grande injustice. 11 dit: «Qii^il a voit fait k
« guerre douze ans (a) j quoique les lois n'en
« exigeassent que dix , qu'il avoit servi trois
-« ans *•'» de questeur a son général^ quoique
Oi la loipemiit au questeur oe se retirer après
ic un an de service ; qu^il étoitleseul de cotte
<c 'ariftée cpli avoiti emporté sa bourse pleine
<4 d'argent ^ et qui la rapportoit vide , et que
H touslesaùtres'Byantbiiie vinqu^lsavoient
u esiporté . dans l^irs auiphores , rappor-
M toîeat ces mêmes amfdiiores pleines d'or et
« d'aiigent ».
Après cette aSaixQj on lui en fit encore
df autres , eton inteota coutrelui divers chefs
d^ajccusation encore p)tis graves.^ car on l'ac-
cusa diavoir 'sollicii? )es alli<fa>de quitter le
})arti desiRonsiains, etdfâvoireu^partausou-
èvement qui étoit arriva à»Fre§elles (A).
Mais il répondit si bien k tout es ces charges ,
qu^il détruisît tous les soupçons, et après s'en
êtr# entièrero^nt lav:é, il se^nit sur les rangs
pour !e tribuuat. Tous les nobles et les riches
généralement s'opposèrent a lui dans celte
poursuite.; mais le peuple le favorisa telle-
ineut) que de toute l'Italie, il vint comme
(n) Tl parla ainsi Tan de Rome C29. Il etoit donc
aile à la guerre à dix-sept ans. *
(0) Ville du T^Uiim qai s'étoit revollëe. L. Opi^
iTiiu3; préteur. U réduisit et la rasA Van de Rome 6»o.
■* Digitizedby VjOOQIC *^
436 TIBÉRIUS ET CAIUS GIIACCH0S.
une inoiidation de gens qui se jetèreat dans la
ville*, pour assister k son ëlectioo , et que la
foule y fut si grande , qu'une infinité ne pii-
rept trouver de logement, et que le ehanip
de Mars's'e'tantîrouvé trop petit pour conte-
nir toute cette multitude, ils donnèrent leur
suffrage k haute ¥oix de dessus les toits des
maisons**. Tout ce que les nobles purent ob-
tenir du peuple , ^ rabattre de Tambidon et
des grandes espérances de Gaïus y c'est qu'au
lieu d'être le premier des tribuns , conmie il
s'en flattoit , il ne seroit que le quatrième.
Mais ils ne gagnèrent pas oeaucoup par* là ;
car il ne fut pas plutôt installé dans cette
charge , qu'il fut réellement le premier: outre
qu'il a voit une éloquence à laquelle toute
autre cédoit , l^accident que sa maison avoit
éprouvé , lui donnott une grande liberté de
parler y et un mojreo sûr de toudier en dé-
plorant la mort de son frère; car quelque ma-
tière qu'il traitât , il en revenoit toujours la ,
et ramenoit le peuple sur celle idée , les fai-
sant ressouvenir de tout ce qui s'étoit passé ,
et leur représentant la conduite bien difft:-
rente de leurs ancêtres : «Vos aneètres^ leur
(( disoit-il, déclarèrent autrefois la guerre aux
, «.Falisques, pour venger Génucius, tribun
« du pauple , qu^ils avoîeot maltraité en pa^
« rôles seulemenii i et ils oDadamnècent a U
DigitizedbyCjOOgle
TIBÉRIUS ET CUTIS GRACCHUS, 437
u mort un Caïns Veturiiis, parce qu'un des
« tribuns traversant la place publique, il a voit
« été le seul qui eût refusé de se retirer pour
a le laisser passer. Au lieu, continua-t-il,
« que ces gens , en montrant les nobles, ont
« assommé devant vos yeux , k coups de bâ-
« tons, mon frère Tibérius; que son corps a
« été traîné au travers de la ville depuis le
<i Capitole jusqu'au Tibre où on l'a jeté; et
« que tous ses amis qui sont tombés entre
« leurs mains , ont été mis \l mort sans aucune
« formalité de justice. Cependant c'est une
« coutume de tout temps observée k Rome ,
il que lorsqu'un homme accusé d'un crime
ce capital, refuse d'obéir aux sommations qui
« lui sont faites le jour qu'on doit le juger , on
« envoie dès le matin k la porte de sa maison
« un officier l'appeler k son de tron^pe*; et
« jamais avant que cette formalité n'ait été
« remplie, les juges ne donnent leur voix
« contre lui , tant nos ancêtres avoîent de re-
« tenue et de précaution dansleurs jugements
u quand il s'agissoit de la vie d'un citoyen »•
Après qu'il eut ému et excité le peuple par
ces discours , car il avoit la voix si étendue et
si forte , qu'il pouvoit se faire entendre aisé-*-
ment de toute une multitude^ il proposa deux
ëdits , l'un qui portoit, « que tout magistrat
« que le peuple auroît déposé, ne pourroit
DigitizedbyCj'OOgle
458 TÏBÉRIUS ET CAIUS CRACCIUTS.
« plus exercer d'autre charge 5 et le second
« qui ordonnoit que le magistrat qui auroit
« Ëanni un citoyen sans lui avoir fait son pro-
« ces dans les formes, seroît jugé par le peu-
« pie en dernier ressort». La première de ces
lois notoit et dégradoit nomme'tnent le tiibun
Mardis Octavîus que Tibe'rius avoit déposé ;
et l'autre tomboit sur Popilius, qui , étant
préteur, avoit banni les amis de Tibérius sans
aucune forme de justice. Pour Popîlîus , îl ne
voulut pas s'exposer a ce jugementdu peuple,
et abandonna Fllalie. Caïus cassa de lui-
même son premier édit , et déclara publique-
ment qu'il accordoit Octavius aux prières de
sa mère Cornélie qui lui avoit demandé cetle
grâce. Le peuple en fut ravi et consentit vo-
lontiers k cette révocation ."car il honoroit
Cornélie autant en considération de ses deux
fil& , que pour l'amour de son père , comine
cela parut bientôt après par une statue de
bronze qu'on lui éleva , et sur laquelle on mît
cette inscription : « Corne'lie , mère des Grac-
ie ques *7 ». On cite plusieurs bons mots de
Caïus, qui les dît publiquement an su|et de
sa mère a un de ses ennemis : « Quoi , lui
« dit-il , tu oses médire de Cornélie qui a
« mis au monde Tibérius » 1 Et comme ce
ïttédisant étoit extrêmement décrié pour un
vice infime : « Sur qu«l fondement , loi dit-
DigitizedbyCjOOgle
TIBÊRIUS ET CAIU8 GKliCCinTS. 45ù
a il , as-tii l'audace de te toitepârer a Gor-
« nëlîe? As -tu enfanté comme elle? Toils
« les Romains savent ponrtadt qu'elle atété
« plus souvent sans mari , one toi sans hom->
« me »• ». Tel étok le sci dé ses discours j
et l'on poiirroit rassembler beàucoUp detraiis
semblables de tous tes ëcrîts.
Parmi les ëdits qu'il proposa pour relever
la puissance du peuple , et pour rabaisser cëlFe
du sénat, il y en eut un qui âvoit pour objet
l'établissement de colonies , et qut dofinèlt
aux pauvres les terres domaniales t!eâ Villes
3u*on vouioit repeupler ; un atitre eh faveur
es troupes , qui ordonnoit qu'on leur foiir-
niioit les habits sans rien retrancherpôuir ceïa
de leur solde, et qu'on n'enr6lerort point de
soldat qui n'eût di^csept atls accomjilis; uti
ircMsîème en faveur des allies , qui donnoit k
tous les peuples d'Italie le droit de suffrage
tel que l'avoîent les propre^ citoyens ; ifa
•quatrième, pour diminuer en ftveurdes pau-
vres le prix du blé ; et uh cîntjuième enfioT ,
qui concernoît la justice , par leqiiei ifre-
trani^hoit la pfus grande partie de l'autorité
du sénat ; car tes één^tciirs étoient les seuls
juges de tons les procès, ce qui les rendait
tiè5-i»edoutables aux ckevalierset au peuple.
ïl )â^outa donc aux trois cents sénateu^à qu'il
y avoit alonr, un pareil nombre' de cheva-
Xr D,gitizedbyCjO(||gle
ÔAO TIBéRTOS BT CAIU6 ORkCCBUS.
.liers, et fit que les jugements de toutes les
causes appartinrent également k ces six cents
)Uges *s. En proposant cette loi , iln'onUû
rien de tout ce qui pou voit la faire passer,
mais il s'avisa surtout d'une chose très-b^o
.pensée : jusque-lk ceux qui harangiicMeot le
peuple se tournoient toujours vers le sénat,
et vers le lieu qu'on appeioit le Comice; nuis
.lui f au contraire , affecta de se tourner vers
l'autre bout qijii étoit la place publicpie^et
conserva cet usage depuis ce momeot-lk; de
. sorte que par un léger cbangemenl de situa-
.tion et de vue. , il introduisit un changement
tiès-considérable dans l'état, et futcaiisemie
le gouv;ernement devint en quelque swte dé-
mocratique^ d'aristocratique qu'il ëtoit an-
paravant , en faisant voir aux orateurs qu'ils
dévoient adresser leurs discours , non au sé-
nat, mais au peuple ^\ Et comme le peuple
ne reçut pas seulement cette loi, maisivi donna
encore k lui--inèmele droit de choiâr les à»-
^ vaiiers qu'il voulpit établir pour juges, il se
'trouva tout d'uin couprevètu d'une puifflM»
souveraine et monarcbique. Le sénat mêoie
souffrit qu'il assistât k ses délibérationsi et
3u'il lui donnât $es avis» Il est vrai (ju'il w
onnoit jamais que des conseils convenables
k la dignité de ce corps. Tel fut , pareiem-
|»le , l'ayi^qu'il ouvrit sur quekptes bl6 (p»
'■ ' DigitizedbyCjOOgle
nniiÂiims et oaius gracchus, 44x1
?ÎVmis^qHi commando] t en £3pagne a la place
Il pr.^teur, avoit envoyés , avis très-modéré^
es beau et très- juste ; car il persuada au
*DaC de (aire vendre ces blés, d'en envoyer
argfat aux villes qui les avoient foinruis, et
e (aii^ a Fabius une sévère repi^imande de
e qu'il rendoit la puissance romaine odieuse
t insupportable a^x Espagnols.
Ce décret lui acquic dans les provinces une
rès-gi'ande réputation et lui mérita la bien<^
'eillaace des peuples. 11 fit aussi des ordon«-
lances pour envoyer des colonies dans lea
/illes désertes, pour coastruire des grands
:liemios, pour bâtir des greriiei*s publics, et
I se chaj^gea lui-même de l'intendance et de
a condiûte de ces grands ouvrages, sans ja«
nais succomber squs. le travail, et sans pa«-
Mître ni aecaUé ni embarrassé de tant et de
H ^liand^ e«itreprises; mais au contraire lea
exécutant toutes avec une «ussi admirable
(célérité, et avec autant de 3oin, que si cha-
iMme eut été la seule dont il fut chargé ; de
ioite que ceux qui le haiisaoient, ou qui lé
ci*aig«oient , étoient surpris de son activité
^t de, sa diligence. Le peuple étoit ravi de le
rencQBtrer et de le voir toujours suivi d'yne
foule d'entrepreneurs, d'ouvriers, d'amhas^
sadeurs, d'officiers, de soldats, de gens Se
Uttr^, avec lesquels il s'entretenoit familier
X. D,g,„zedbyijeOgle
442 TifeÉRIlTS ET ÔAÎUâ CRACCTÏtr^.
rement , avec beaucoup de douceitr , convr-
vant foti jours sa grayké et sa digni te an miBeu
ée cette hiiœafnké et de cette polftesse, s'ac-
commodant au génie des uns et des autres^et
disant k cbacim ce qui convenoit. Par cette
conduite , il décrédîtoit et faisoit paroître fâ-
cheux et injustes les calomniateurs qui yoih
loient le faire passer pour un horoine hicom-
niode, terrible et emporté; car il se montroiti
encore plus populaire dans le commerce, et I
dans toutes les actions de la vie civile, qHc|
dans les fonctions de son niîni)stère et daJis |
ses discours publics. L'ouvrage qu'il pit le
çlus a cœur, et auquel il s'appliqua avec lej
^lus de soin , ce fut ae faire dresser les grands
chemins publics qu-il a voit ordonna, et en '
is'altacfaant particulièrement k la oonnnodiié, .
il ne ni^ligea ni la beauté ni la grâce. U •
poussa ces chemins endroité'^igtie au tfaveis |
<les terres , ley|^â'ta de belles pierres de taille |
{partout oh. il en étoit besoin , les assurant et
es affermissant ailleurs par des monceaux de
sable qu'il faisoît battre et lier comme du ri-
ment. Toutes les fondrières et tous les raTÎm
que les torrents ou les eaux croupies avoiint
•creusés, il les farboit combler, ou il en joi-
Çnoit les bords par des ponts solides; de sorte
que les deux côtés étant d'une hauteur ^ale
tout l'ouvrage ttoit ^akœciK
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«'M.
TIBÊRIUS ET CAïUS GRACCHUS; 445
ni et agreab}ea la vue. De plus, il partagea
>us ces chemins par espaces égaux que les
Loniains appellent milles , et chaque mille f
iiî est h peu près de huit stades, étoit marqué
ar une colonne de pierre. 11 y ajouta une
hosÊ d'une grande commodité , c'est qu^anx
eux côtés des chemins, il fît poser d'autres
îerres a des distances plus rapprochées, afia
libelles aidassent les voyageurs k monter k
heval sans le secours de personne ^*.
Pour tous ces travaux , le peuple Télevoit
iiscju'au ciel par ses louanges , et témôîgnoît
u'il étoit prêt k lui donner toutes les mar-
nes les plus essentielles de son affection,
laïus, pour profiter de cette. bienveillance,
li dit un jour, en le haranguant, « qu'il lui
[ demandoit une seule grâce, qui lui tiendroit
: lieu de toutes les récompenses , s'il l'obte-
c noit, et du refus de laquelle il ne se pîain-
c droit jamais». A ces mots, il n'y eutper-
onoe ^qui ne crût qu'il alloit demander le
lonsulat et le tribunat ensemble **». Mais \^
oiir de l'élection des consuls étant venu , et
ous les esprits étant dans Pattente de ce qu'il
illoit faire, il parut sur la place publiquei,
ïienaflt par la main Fannius; et, secondé de
i>BS amis, il sollicita pour hii le consulat.
Cette brigue fut d'un grand poids pour Fan-
aius, car il fut élu consid ; et Gaïus fut nom-
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444 TïBfeRItrs ET CAITJS GRAÇCETOS. )
mé pour la seconde fois tribun y sans V^\€ir
m sollicite uî demandé , mais par la seol**
faveur du peuple. Comme il vît que k sénat
ctoit sou ennemi déclare , et qxie le cons»!
Fannius, malgré le grand service qii'ii rPDoit :
de lui rendre, étoit extrêmement refroidi, H
recommença k s'attacher de plus en phi5 ^^/
peuple par de nouveaux édits ; car îl ordonna
?fu'on meneroît des colonies a Ta rente et à^'
Papoue , et que le droit de citoypn seroit
étendu sur tous les peuples latins. Sur cela,
le sénat , craignant que son autorité ne vint i
im tel point qu'il seroît invinciMe, résolut de
tenter un moyen très-nouveau et très-i0o«J|
de détourner cette faveur excessive , en fl»t- j
tant et en caressant le peuple a l'envi , et en '
cherchait k lui complaire en tout, contre
toute sorte de raison , d'honnêteté et de
justice.
Parmi les collègues de Caïus au tribiinar,
3 y en avoît un , nommé Li vins Drusiis , <|nî
efoit aussi heureusement né, et avoit été aussi
bien élevé qu'aucun autre des Romains, et |
3ui , en éloquence et en richesses, pou voit le
•sputer a ceux qui étoient les plus puissants
et qui avoient le plus de réputation. Le» pre-
miers de Rome s'adressent k lui ^ et lé pressent
de s'opposer k Caïus, et de se liguer avec
eux contre lui, non en violentant le peuple,
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TIBÉRmS BT CAIU8 GRACCHUS. 445
i! en résistant a ses volontés j mais au cou-
raîre, en faisant tout ce qui pou voit lui être
igréable, et en lui accordant des chose? par
e refus desquelles il auroit été bien pki3 hon-
nête d'enconrir sa haine et de s'eitposer k
tonte sa fureur. Livius Drusus se livre donc
au sp'nat ; et prostituant son ministère k ne
servir que ses d&irs, îl rend des édils qui
n'a voient rien de beau ni d'utile, mais dont
le seul but étoit de surpasser Chïus , et d*en-
trer en lice avec lui k qui feroit plus de plais r
au peuple, ni plus ni moins que ceux qui font
jouer (levant lui des comédies poiu- le di-
vertir 33. ^
Par la le sénat fit connoître bien évidem-
ment qu'il n^étoit point du tout fâché des or-'
donnanoes de Caïus, mais que dans tout ce
qu'ail faisoit il n'avoit en vue que de le ruiner
et de Vabatlre. En effet , lorsque Caïrfs or-^
donna d'envoyer seulement deux colonies ,
qu'il, composoit des plus Jbomiètes citoyens ^
le sv>'nat ne manqua pas de s'élever et de crier
qu'il accabloit et fouloit le peuple; et quand
Livîus Drusu$ ordonna d'en envoyer douze ,
^t de choisir pMu* chacune troi&milledes plus
pauvres citoyens, il le favorisa de tout son
poutoip. Si Caïus distribnoit aux pauvres des
terres , en les chargeant cbaoun de payer une
r^aui {^onuellQ aU ti?é$or pubtic^^ le sénat U
446 TIBÉRIW ET CAIUS GRACCHUS-
dëtestoit comme un homme qui flattoit et gâ-
toit le peuple; et quand Livius déchargeoit
les pauvres de cette rente, et qu'il leur lais-
soit ces terres franches et quittes, le sénat le
louoit et en ëtoitravi. Bien plus, Caïus ayant
fait accorder le droit de suffrage aitic peuples
latins, le sénat en murmura et en fut affligé;
et lorsque Livius ordonna que les gënëram
n'auroient pas la liberté de faire frapper de
veines un soldat latin , le sénat applaudit , et
lui aida k faire passer sa loi. Aussi Livius^
dans les harangues qu'il faisoit en proposant
ses édits, ne manqooit jamais de dipe , « quil
« les proposoît de l'avis même du sénat qui
« avoit soin du peuple». Et c'étoit la seule
chose qu'il y avoit d'utile dans ses édîts et
dans ses discours ; car le peuple en devint
plus doux envers le sénat ; et au lieu qu'aii-
paravknt il baïssoit tous les principaux de
cette compagnie, et les avoit pour suspects,
Livius adoucît et étagnit entièrement cette
ancienne animosité et ces défiances , en lui
persuadant que c'étoit du consentement , tù
la suscitation même des sénateurs , <}u'il se
portoit k lui complaire «t ik le satisfaire en
tout.
Mais ce qui assuroit Te plus le petipTe de
l'affection de lâvius et^desa grande droiture^
•'est que y dans toifl; ce ipi'U pitoposoit^ il u'f
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TIBéRKTS ET CAîUS GRACCHU8.* 447
ftvolt jamais rien qui le regardât personnel^
lement, ùi qui favorisât le moins du monde
ses intérêts; car tous ces emplois d'aller re-
bâtir des villes et de mener des colonies, il les
faisoit tombera d'autres, et ne voulut Jamais
avoir le manieiûent de l'argent ; au lieu quo
Câïus retenoit toujours'ppur lui la plupart de
ces commissiohs , et toujours les phis impor-
tantes. Rubrius , un de ses collègues y ayant
ordonné par un édit qu'on iroit rebâtir Car-*
thage qui avoit été détruite par Scipioh , et
le soift ayant nommé Caûis k cet emploi , il
s'embar<g|a pour aller conduire cette colonie
ea Afrique. Alors Dn^sus, profitant de soa
absence, s'éleva plus hautement contre lui^
et travailla de plus en plus h gagner le peuplé ;
€t k se concilier sa faveur, surtout en^accu--
saut ouvertement Fulvius ^ui étoit l'ami par-
ticulier de CaïuSy et avoit étéélu avec lui
eommissaire pour le partage des terrée. C'étoît
un esprit séditieux, ouvertement haï de tout
le sénat , et suspect a tous les Romains,' comme
mn homme qui ne chercboit qu'à allumer une
guerre civile, et qui excitoit secrètement les
peuples de Fltalîe k se révolter* Ces bruits .
couroient sourdement sans. aucun jtndice et'
sans aucune preuve certaine j mais il les reK-
doit vraisemblables par sa conduite, en he
f renant [amais aucun partij^^g^^çt ea se. dé^
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44 TIBÉRIFS ET CAirS GR ACCHTS*
elarant toujours contre cehiî delà paix. C'est
ce qui contribua le pins k la ruine de Caivs;
car tonte la haine qu'on avoit pour Fulvins,
retomba sur lui. Mais après qiïfe Scipion FAfri-
cain eut été trouvé sans vie dans son lit, sans
qu'il eut paru aucune cause de mort, et
qu'on eut cru apercevoir sur son corps
quelques marques de coups et de violence ,
comme nous l'avons écrit dans sa vie, alors
la plupart des gens accusèrent ouvertement
Fui vius qui étoit son ennemi déclaré , et qni ,
xe jour-la même , s'étoît emporté contre lui
dans la tritntne , et en termes très-^dPensants,
On eut aussi quelque tfonpqon contre Caïns;
cependant cet horrible attentat commis contre
le premier et ic plus grand homme de la ré^
publique , ne fut ni puni ni recherche; car le
peuple s'y opposa et empèdia le jugement,
de crainte qu'il n'y eût des indices contre
Caïus, et qu'il ne fîit trouvé coupable de ce
crime, si on l'approfondissoit; mais celaar^
riva quelque temps auparavant (a).
Pendant que Caïus étoit en Afrique, occupé
h rebâtir et k repeupler Carthage , qu'il ap-
pela alors Junonia^ c'est-k-dire la ville de
JuQoa ^^, on dit que les Dieux lui envoyèrent
(a) Cela etoit arriva I'au de Route 6fl4 > sept ant
•vani TaTinée dont il parje ici j Caïus n^svoit alors
i|tte viQg|rC|uiitre noir
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TIBSRIXTS £T CAIITS GRAGCÙUS. 449
L\s\eûTs signes fupestes pour le détôurûer de'
tte entreprise. Car la pique de la pfemîère
iseigoe fut rompue par la violence d'un vent
npétueux qui se leva tout-k-coup, et par la
*sistaoce du porte-enseigne qui s'efforçoit dé
>n côté de la retenir ; les entrailles des vic-
Iracs qui éfoîent dcjhî sur l'autel furent em-
portées et dispersées paï ce tourbillon , et
etées bien loiaau^delk des palissades dont on
ivoît marqué i'enceinte delà nouvelle ville;
Ic's loups survenant an*achèrent ces palis-
sades, et les emportèrent fcrt loin. Malgré
tous ces présages sinistres y Caïus ayant réglé
et ordonné toutes choses dans l'espace de
soixante-dix Jours, se rembarqua et revint k
Rome , parce qu'il apprit que F ulvius y étoîl
extrêmement pressé parDrusus, et que les
affaires avaient grapd besoin de sa présence,
Lucius Hostilius ^^ , qui étoit fort porte' poor
l'oligarchie, et qui avoit beaucoup de crédir
dans le sénat , ayant brigué Tannée précé-^
dente le consulat , avoit été refusé par la pro-
tection que Caïus avoit donnée k Fannins, et
par les brigues qu'il avoit faites en sa faveur.
Mais il y avoit toute apparence qu'a la pre-
mière élection , il seroit reçu k cause ae la
quantité de gens qui le favorisoient; et on ne
4outoit point que^ dès qVil seroit en charge ^
|1 ne vint kbont de détruire Caïus, dont la
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45ô TIB<»IUi5 ET CAITO GRACCSU».
I>uissaDce cammeoçoit k baisser et h se ffétrir^
e peuple étant déjk rassasié de ses ârdon-
nances flatteuses , parce que tout ëtoit pleiu
de gens qui «e cherchoient qu*a lui corapiairej
et que le sénat mênoie les laissoit faire ti^
volontiers.
Dès que Caïus fut de retour k Rome, la
Sremière chose qu'il fit , ce fut de changer
'habitation ; car il quitta le mont Palatin et
alla loger au-dessous de la place publique,
ce qui étoit beaucoup plus populaire, parce
que c'étoit M le quartier de la classe la pi«s
obscure et des plus, pauvres citoyens. Ensuite
il proposa le reste de ses lois^ voulant les &iie
autoriser par les suffrages du peuple. Comme
une grande foule accouroit de tous les envi-
rons, et se rangeoit autour de lui, le sénat
persuada au consul Fannius de chasser tout
ce peuple qui n'étoit point habitant de Rome,
et de ne laisser que les Romains naturels. On
publia doQC k son de trompe cette défense
jusqu'alors inouie et très-étrange , qu'auctm
des alliés et des amis de Rome ne se trouvât
dans la ville pçndaat les jours de l'élection.
Mais en même temps , Caïus fit mettre par-
tout des affiches , pour se plaindre de cette
proclamation si injuste du consul, et pour
proinettre main-forte k tous les alliés qui i-es*
teroient dans Rome. Il ne tint pourtant p9S sa
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TlVÈBLtVê ET CAttTS ÔRACCHUS. 45r
irole ; car voyant xm et ses amis et de se»
>tcs même» traîné en pcîson par les licteurs
Li consul , il passa otitre , et ne lui donna an-
m secours, soit qu'il craignit de faire voir
ne son pouvoir ëtoit dëjk fort diminué, soit,
3mnie il le dît lui-même, qu'il ne voulàt pa^
onn^ k ses ennemis un prétexte de prendre
îs annes^ prétexte qu'ils auroient embrassé
vec joie pour faire éclater leurs mauvais
esseins.
Il arriva en même temps qu'il se brouîlla
xtrêmement avec ses collègues, et en voici
e soj0t« Le peuple devoit assister a un combat
le gladiateurs qu'on lui préparoit dans la
)lace publique. La |4upart des magistral s
irent dresser tout autour de la placé des
îchafaudspour les louer. Caïus leur fit com-
mandement de les abattre , afin que les pau-
i^res eussent ces places pour voir ce specftâclé
sans payer. Comme personne n^obéissoit il son
commandement y il attendit la nuit qui pré-
céda ces jenx^ et prenant avec lui tous les
charpcmiers et tous les ou vriera qu'il avoit en
Sa disposition, il fit abattre lui- même tous ces
échafauds, et le lendemain rnatin il montra
aux pauvres la place vide pour les rqcevoiFt
Cette action k fit regarder du peuple comme
un boïïitoe de résolution et de courage; mais:
&es to^lègiies' en- furent très-mécontents ; et lé/
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45 a TIBBRHJSET CA.nJSGÏlACCHU$. 1
regardèrent coiuroe ud homme violent ewifflw
témérité oiUrt^e. 11 parut même que cela {irt,
cause qii'on iiii refusa le troisième iribunail
qu'il pour&iïivoît. Ce li'est pas qu'il d'cùi laj
pluralité des suffrages; mais on prétend (jm
ses collègues , par un esprit de vengeance t
piévariquèreiit très-injustemeot dans k rap-
port qu ils en firent. Il est vrai que ccUk
fut pas bien avéré daiis le temps et demeurai
douteux.
Caïui supporta fort mipafierameot ce ref«^
et l'on assure que , voyant ses emiemis nrt
de sa disgrâce , il leur dit; aV^c une insolence
trop outrée , « qu'ils rioient d'un ris sani^
iH nien , ne voyant poii^ dans quelles ténèDr ^
¥. il les précipitait par ses lois ». LucigsOpi-
niius ayant été éla çoadul , commença P*^
casser plusieurs de sesr Ws, et pw bir^^^
r^cher^es sur le nouvel <iîlablissement dej*
colonie de Càrthage, le tout a dessein de l»r-
ritCF, afin que par seserapôrteroentsil donnai
lieu k quelqu'un de le tuer. Caïns sappoi"*
d- abord tous eçs affronts avec patience. M^^
ses araîs , et surtout Fui i:îu5, FaiguîlloBniïC''^
»i fort , qu'il assembla de nouveau des geos
pour s'ppposer au consul. On prétend que »
mère ipème entra dans cette espèce de goih
iuration , et lé seconda dans cette entreprise^
ayant secrètement louié des éXXBB^} «l'^
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TtBiniUS ET CAÎUS GR.ACCHUS. 453
lyant envoyés \l Rome déguisés en moisson-^
leurs; car c'est ainsi qu'on le trouve ëcrii eu
)aroles couvertes -dans les lettres qu'elle éci'i-
roit k son fils. D'autres assurent que cela se
)assâ non seulement sans la participation de
lîornélîe , maïs même contre son gré. Le jour
lono que le consul Opimins devoit casser les
ois dé Caïus , les deux partis occupèrent le
i^apitole dès le matin; et le consul Opimins
lyant fait son sacrifice, un de ses licteurs j
lomroé Quîntus Antyllius, qui emjportoit les
ïntrailleàdes victimes, diti Folviuseti céu»
[uî étoiént en grand nombre autotir de lui p
< Méchants citoyens qiie vous êtes , ftiiiea
i place, et laissez passer les gens de bien »;
Quelques-uns «joutent qu'en piononçanl ce»
)aroles il leur montra le bras nu avec une
>o9tLne*fort déshonnète po^ir leur faire af-»
ont^*': ce qui les irrita tellement, qu'An-^
ylliue mt tué sur la place K coups d« poinqons
[e tablettes qU*on dit qu'ils avoient fait faire
xprès. Tout le peuple fut fort troublé de ce
leurtre ; mais les deiix chefe se-troij^ivèreni:
^ïis defe sentiments bien opposés, car Caïiig
it très-fàché de cet événement, et s'emporta
ontre ses gens , leur repochant qu'ils avoient
onné prise sur eux k leurs ennemis , qui ne
herohoient depuis long-temps qu^nn prétexte.
)pimiu3 7 au contraire ^regardant cette oc4
454 TIBÊRIUÔ ET CklVS GRACCHITS.
casion comme un prélude favorable y s'ëleva
et. excita lé peuple a la vengeance; mais 3
survint une grosse pluie qui les obligea de se
séparer.
Le lendemain dès le matin, le consul as-
sembla le sénat 1$ et pendant qu'il expédia les
. affaires dans l'intérieur, des gens disposa pour
cela , ayant mis le corps d'Antyllius tout ou
sur un lit funèbre , le poitèrent au travers de
la place jusqu'au tfénat, en poussant des cris
et des gémissements d'autant plusgrand» qu'ils
étoient affectés. Opimius savoit fort bien ce
que c'étoit, mais il fàisoit. semblant de l'igno-
rer , et contrefaisoit Pétonné. Tous les séna-
teurs étant sortis pour savoir ce que ce po4i-
voit être y et voyant le lit poaé au milieu de
la place, quelques-uns en parurent vivemcnl
touchés, comme d'un malheur épouvantable;
mais cette Vue fit. un effet tout contraire sur
l'esprit du peuple, et ne servit qu'k lui faire
haïr et détester davantage cette faction des
nobles qui avoient massacré dans le Capitole
Tibérius Gracchus, tribun du peuple, et
avoient jeté son corps dans le Tibre ; et lors-
qu'un malheureux licteur, comme ^tyllius,
qui peut-être n'a voit pas mérité son sort,
mais qui se l'étoit attiré du moins par son m-
13radence, étoit exposé sur la place, non seu-
«mçnt ils envirouuoient sou lit et Tarrosoiçut
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TIBàRirS ET CAirS GRACCHVS. 455
\e leurs larmes, mais ils conduisoieot eo
pompe le convoi de cet homme mercenaire ,
pour exciter par Ik les Romains a se défaire
encore du seul personnage qui restoit de
tous ceux qui protégeoient et défendoient le
peuple.
Le sénat étant rentré, fit un décret par
lequel il ordonna au consul Opimius de se^
servir de tout son pouvoir , pour empêcher
la république de recevoir aucun dommage et
pour détruire les tyrans. Sur cela le consul
ordonna h tous les sénateurs de prendre les
armes , et k tous les chevalieirs de venir le len->
demain matin chacun avec deux domestiques
bien armés. Fulvius se prépara de son côté k
s'opposer k leurs efforts, et assembla une
grande fotile de peuple. Caïus, en s'en retour--
nant de la place, s'arrêta, près de la statue de
son pei-e, la regarda long -temps sans dire
une seule parole; et après avoir versé quel-*
*ques larmes et poussé quelques soupirs, il
continua son chefnin. Ce spectacle toucha de
compassion le peuple ; et tous alors se repro-
chant leur lâcheté de ce qu'ils abandonnoient
et trahissoient un tel personnage, le suivent
et passent la nuit devant la porte ^ sa mai-
sou dans un état bien différent de celui où
ëtoient ceux qui gardoient la maison de FuU
TÎus. Ceux-ci la passèrent k se réjouir ^ k
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456 TrBfelLIUS ET C.ilUS OtlACCHU».
boire 9 k pousser de gràuds cris et a faire des
rodomontades, Fulvîus lui-mènK^ leur doo-
naot Texemple, s'enirrant tout le premier,
et disant et faisaat beaucoup de choses très-
iodëceotes et peu coavenabies k son âge et k
sa-tligoité; au lieu que ceux qui gardoient
Ga'ms, la passèrent dans uû grand silence,
Ofimme dans une calamité publique, s'entre-
tenant de^ ce qui pou voit arriver de ce dé-
sordre , et se relevant tour-k-toar pour se
re|^K>ser.
hfi lendemain au point du jour, les gens
deFulviusl'éveillent avec beaucoup de petne^
car Vivresse avoit rendu son sommeil plus pro-
fond 5 et s'arraant des dépouilles qui étoient
dans sa maison , et qu'il avoit prises sur les
Gaulois qu'il avoit défaits dans son consulat,
ils se mettent en marche en poussant de grands
cris et faisant beaucoup de menaces , pour
aller se sriisîr du mont Âventin* Pour Caïus,
il refusa de prendre ses armes , et sortit en *
robe , comm^ il alloit ordidairement sur la
place , s'étant muni seulement d'un petit poi-
gnard!. Comme il sortok, sa femme l'arrêta
et se jeta a ses genoux sur le seuil de la porte,
et le pretfint d'une main et tenant son fils de
l'autre, elle lui dit :' a Mon eher Caïus, je ne
« vous vois point partir de votre .maison k
« votre ordinaire , pour aller a la tribune
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TIBÉRITTS ET CA.IUS GRACCHUS» 457
« proposer^ des édits comme lëgislatenr et
<( comme tribun y m pour aller a la guerre ^
« enviroiinë d'honneurs, et en état, si le sort
tt des armes me privoit de votre chère vie,
« de me laisser un deuil horrible et^^ans coq-*
« solation , mais au moins plein de gloire*
<( Vous allez vous exposer aux meurtriers de
(( votre* frère Tibériu^; et vous y allez sans
« armes, plus prêt k tout soufftu; qu'à rieo
n entreprendre vous-même* En auoi je loue
« votre générosité ; mais vous allez mourir,
a sansque votre mort puisse être utile k votre
a patrie. Déjà le mauvais parti triomphe , lu
4i violence et le lier décident dans tous les
« jugements. Si votre frère avoit été tué de-*
« vant Numanpe/les lois de la guerre, par
a une trêve , nous auroient fait rendre soji
« corps ; au lieu que présentement je vais
4< peut-être moi-même être réduite k courir
u toute éplorée sur les bords des rivières ejt
« des mers pour les supplier de me montreur
4( enfin votre corps qu'eues auront long-temps
^ gardé dans leur sein. Car désormais que
a peut - on attendre des lois et des Dieu^
4< uièmes , après qu'a leur vue Tibérius a été
i< si cruellement massacré »?
licinnia ayant exprimé ces tristes regrets ^^
le visage couvert de larmes, Caïus s» débar-
rassa doucement d'entre ses bras ^m^^çb»
458 TIBÉRIUS ET CAIUS GRACCHU5.
daus un profond silence environné de ses amis.
Sa femme voulant s'avancer et le suivre pour
le retenir par sa robe, tomba sur le pavé où
elle demeura long -temps sans voix et sans
sentiment, jusqu'k ce que ses esclaves, la
voyant évanouie, Penlevcrent et F-empor-
tèrent chez son frère Crassus. Quand les gens
de Caïus et de Fulvius furent assemblés sur
TAventin , Fulvius, k la sollicitation de
Caïus, envoya k la place le plus jeune de ses
enfants avec un caducée k la main. G'étoit
un jeune garçon d'une beauté singulière. Dès
qu'il fut arrivé k la place, se tenant dans mic
Î)osture pleine de pudeur et de modestie , et
e visage baigné de pleurs , il£t au consul et
au sénat des propositions d^accommodement.
La plupart dessénateursécoutoient assez vo-
lontiers ces propositions; mais le consul Opi-
mius, prenant la parole, dit, «que ce n'étoit
« point par des hérauts que ces rebelles de-
K voient persuader le sénat , qu'ils dévoient
« descendre de leur asile comme des pré-
« venus , venir subir leur jugement , et se
a livrant eux-mêmes , demander grâce en cet
« état , et désarmer la colère du sénat irrité
« de leur révolte ». En même temps , il or-
donna k ce jeune homme de s'en retourner,
et de ne revenir que pour accepter ces con-
ditions. Caïus ^ dit «on 9 voulut alors des-
TIBÉRirs ET CAIUS GRACCHUS. éSg
cendre pour tâcher de ramener le sénat k
d'autres sentiments , mais tous les autres s'y^
ëtant opposés, Fulvius renvoya de nouveau
son fils pour faire les mêmes propositions*
Opimius, qui ne demandoit qu'a décider Vaf*
faire par la voie des armes , impatient d'en
venir aux mains, fit prendre le jeune ful-
vius; et Tayant donné en garde k des gens
sûrs, il marcha contre la troupe deFulviu^
avec une bonne infanterie et des archers cré*
tois^qui, tirant sur e||| et en blessant plu-
sieurs, les mirent bientolt en désordre.'Dans
un moment la déroute fut générale. Fùlvius
se retira dans un bain public qui étoit aban^
donné, oii il fut trouvé peu de mofnentd
après, et égorgé avec l'ainé de ses enfants.
Pour Caïus. personne ne le vît combattre
ni tirer l'épée; mais très-affligé de tout ce qui
se passoit , il se retira dans le temple de Diane.
La il voulut se servir de son poignard poiir
se tyer lui-même ; mais il eu fut empêché par
les plus fidèles de ses amis , Pomponiiis et Li-
cinnius, qui, l'ayant suivi, lui otèrent son
Signard , et le portèrent k prendre la fuite.
1 dit qu'avant de sortir , il se jeta k genoux ^
^t levant les mains vers la déesse , il pria que
le peuple Romain, en punition de son ingra-^
titude et de sa noire trahison , ne sortit ja-^
mais de la^dure servitude k laquelle il eeu4
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460 TfliBRlUS ET CAIUS GR\CCHUS.
loit voloDtairemeut ; car la |jlupari Tavoiert
abandonne sur la pi^emière puhlîcaiion de
ramnistie qu'on leur promit. Comme Caïus
ç'enfuyoit , ses eonemis , qui le sui voient de
près, Fat teignirent près du pont de bois. Ses
deux amis qui ne Ta voient point abandonné,
le forcèrent de gagner les . devants pendaot
qu'ils s'opposeroient seuls k ceux qui Je pour--
$Mivoient 3 et se jetant en nième temps l'ëpee
il la main au-devant du pont, ils combattirent
avec tant de couraf^ que personne ne put
passer jusqu'à ce quT^ussent été tués sur la
place. Caïus n'avoit avec lui qu'un esclave
nommé Philocrate. Tous les autres l'exhor-
toient et l'encourageoient comme on fait daD&
les combats de lice , mais aucun ne le secoiw
roit , et ne lui présentoit un cheval quoiqu'il
le demaudât avec instance ; car les ennemis,
les suivoient de très-piès. 11 les devança pour-
tant d^un moment , et gagna un bois qui ëtoit
consacré aux Furies ^K La il fut tué dfi la
main de son esclave, qui, après lui avoir
i*eudu ce service , se tua lui-même. D'autres,
disent ({u'ils furent pris tous deux par leurs
ennemis , et que Philocrate embrassa si ëtroir^
tement Caïus , et le couvrit si bien de son
corps , qu'aucun d'eux ne put le frapper on»
l'esclave ne fut percé auparavant de tous les.
43oups qu'on portoit k son maître^ et tond>é
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TIBtRiUS ET CAIUS GRACCHU9. 46 à
3Tt k ses pieds. On dit qu'un sol<jkit coupa
tête de Caïas^et qu'il la portoit au consiUi
rsqu'uu des amis d'Opimius, nommé Sep*
miuéîus, la lui enleva en cbemiu; car ayant
combat , on avoit fait publier à son d^
onipe , que ceux qui apporteroient les *
ites de Caïus et Fulvms auroient pour, ré-r
3ii]pense leur pesant d^or. Septimuiéius ap-«
orta au consul Opimius la tète de Caïus au
out d'une pique. On fit apporter des balan*
es , et il se trouva qu'elle .pesoit dix-sept
ivres huit onces, Septiniiiiléius ayant ajoute
i fraude au crime; car il ota toute la cervelle
e cette tète y et mit k la place du plomb
ondvL. Ceux qui apportèrent la tête de Fui-
iii& n'eurent rien, parce que c'étoient dea
;ens d'une condition obscure.
Les corps de Caïus et de Fulvius, et ceux
le tous les autres qui avoieot été tués, furent
^lés daus le Tibre au nombre de trois mille*
Tous leurs biens furent confisqués ; on fit dé»
enses k leurs, femmes de les pleurer et d'en
)orter le deuil, et Licinnia fut privée de sa
lot. Le plus jeune des enfants de Fui ri us fut
traité très-inhumainement, quoiqu'il n'eût &it
lucune résistance, et qu'il ne se fut pas trouvé
liï combat; car ayant été envoyé auparavant
pour proposer un traité, il fut retenu prison-,
nier, et après le combat ^ on le fit mouri»
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iiS2 TIBÉRItTS ET CAIUS GR ACCHtTS.
contre toute sorte de justice. Mais le ppnple
ne fut ni -si offensé ni si affligé de toutes ers
indignités, que de l'insolence qu'eut Opîmi..>
de bâtir le temple de la Concorde. Cari!
paroissoit par Ik qu'il se glorifioit, qu'il s'enor
gueillissoit de ce qu'il venoît de faire, et]
qu'il regardoit en quelque sorte comme ua
grand sujet de triomphe, le meuftre delart
de cîtoytBns. C'est pourquoi la nuit qui suivit
la dédicace de ce temple , quelqu'un écnTit
au-dessous de l'inscription : « Ce temple de
« la Concorde est l'ouvrage de la fureur ».
Cet Opimius fut le premier qui , dans l«
consulat, usurpa toute l'autorité du dictateur,
et qui, sans aucune forme de justice, fit mou-
rir trois mille citoyens, outre Caïus Gracchus
et Fui vîus Flaccus , dont l'tiu avoit été consul
et avoit eu les honneurs du triomphe, et Tau-
tre surpassoit tous ceux de son âge en rerlB
et en réputation. Mais cet Opimius si fier oe
put s'empêcher de commettre un vol public'-;
car envoyé en ambassade k la cour de Jugnr-
tha, roi de Numidie, il se laissa corrompre
par argent, et ayant été condamné juridiqnr-
ïnenl pour une action si infâme, il vieil':
dans le mépris, et fut haï du peuple, qui apr^-'
les actions cruelles de ce consul , étoît vëri-
tabiement tombe' dans l'hurnilîation et dap^,
rabattement, mais qui se releva et reprit coo*
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TIBÉRIUS ET CAïUS GîtÂCÇHU^* 465 '
'âge Uentot après, et fit voir tout le regret
^u^il avoit de la mort des Gracques ; car ayant
[ait faire leurs statues, il ne craigpit pas de lea .
exposer au public ; il consacra les licMX. où il$
avoîent.éte'tués, et il y alloît offrir les prémi-
ces des fruits de toutes les saisons. I^usieurs
même y faisoiept tous les jours des sacrifices^
y adoroient et y faisoient leurs prières i ge-
noux comme dans les temples des dieux.
I*eur mère Cornélie supporta son malheur
avep beaucoup de «constance et de m^gnani-
lïiitéj et l'on écrit ^'en parlant dés édifices,
qu'on «avoit coDStniits sur le§ lieux où ses
eufants avoient été tués, elle dit seulement^
« ils ont Ifts tombeaux qu^ils^naéiitept ». Elle
passa le reste de ses jours dans nm mjfûson de
campagne près Au mont de Misè^ne., saos riea
changer k s^ manière de vivre. Comme ejle.
avoit beaucoup d'amis^ et qu'elle .aifuoit ^
recevoir les étrajpgçrs, elle avoit tcnijotirsune^
bonne table; sa maison étoît pleine de;Grect
et de gens de lettres; les rois mêmes se fai^
soient un honneur de recevoir d'elle des pré-
sents et de lui en envoyer. Tous ceux epi
étoieht reçus chez elle prenoîent un singuLer
plaisir ï lui enteiidre raconter les pariicuta»
rites de la vie de son père Scipion I Africain,
et sa manière de vivre. Mais on l'admiroît
surtout qusmd^ sao» dgnnçr aucune marcpie
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464 TIBÉRIUS ET CAins GRACCHUS.
de douleur et sans verser une seule larme,'
elle faisoit Thistoire de tout ce que ses enfants
avoient fait et souffert , comme si elle eût
parlé de quekpies anciens personnages qui
lui aurorent été entièremept étrangers. Cela
paroissoic si extraordinaire, que la plupart
croyoient que la vieillesse lui avoît affoib i
Tesprit, ou que la grandeur de ses maux et
de ses malheurs lui avoît ôté le sentiment.
Mais c'étoit eux-mêmes qu^on pou voit accn*
scr d'être privés et de sentiment et d'esprh,
de ne pas reconndltre qtiels grands remèdes
fournissent aux hommes^ contre la douleur et
la tï^istëss^, l'heureuse naissance et la bonne
ëducatirà ; et d'ignorer que, si dans la pros*
Sérité, la fortlihe triomphe souvent de la verta
ans €etix qui ont été te bdeux élevés, et qoi
sKmt les plus attachés k toiit ce qui est beau
«t honnête , dans l'adversité, elle ne leur dte
, pas la forcé de supporter cMstamonent leun
malheiu^ H.
FIN ne l-A vus DE TIBÉÂlVft ET CAItS
GRACCIIUS.
dby Google
COMPARAISON
D'AGIS ET DE CLEOMÈNE
TIBÉRIUS ET C. GRACCHUS.
A-TRÈs avoir terminé le récit de^ actions de
ses personnages, notis n'avons qu^a contem-
pler leurs vies ensemble en les comparant.
Pour ce qui est des deux Gracques, tous ceux
]ui en ont le plus mal parlé et qui ont eu
pour eux la haine la plus outrée, n'ont ja-
mais osé dire qu'ils n'eussent pas été plus
ieureusement nés k la vertu y que tou^ les
R.omains de leur temps, et que cette heureuse
laîssance n'eut pas été secondée et fortifiée
3ar la plus excellente éducation et par les
instructions les plus sdides. Mais dans Agî^
ît dans Cléomène, la nature parolt avoir été
mcore plus forte que dans ces deux Romains,
m ce que n'ayant pas eu le bonheur d'être
îien élevés , et ayant été nourris dans des
ïoutumes et dans un genre de vie qui avoient
:orrompu ceux qui avoient été avant eux, ils
« rendiieut pourtant d«s modèles de vertu ,
X^ D,«.v google
466 COKPAKAtSON VàOIS S3IM1B Cl^èoST*
de simplieîté et de tempérance. D^aîlleurf |
les Gracques ay^ vécu dans le tçibps où
Rome étoit 1» plus florissante , et où Téciat
des yerlus releroit davantage sa gloire «t sa
dignité, ils auroient eu honte d'abandonner
la succession de cette VBi;tu paternelle qui
leur étoit transmise par. leurs aacètres ^ au
lieu qu'Agis et Cléomène, nés de pères qui
a voient des sentiments, hien différents, et
ayant trouvé leur patrie corrorapue et ma-
lade, ne ralentirent pourtant (sm rien Taïdeut
qu'ils avoient naturellement pour tout ce qui
e>t beau et honnête. Il est vrai qu'une très-
grande preuve du désintéi^essemeàt des Grac-
ques , et du .mépris qu'ils avoient pour les
richesses , c'est qu'ayant été dans les plus
grandes charges et dans les emplois les plus
considérables, ils ont toujours conservé leurs
mains pures, et n'ont jamais essuyé aucua
reproche d'avoir pris la moindre chose injus-
tement. Mais Agis se seroit mis dans une ré*
ritable colère , si quelqu'un Pavoit loué de
n'avoir rien pris du bien des autres, lui qui
donna k ses concitoyens son propre bien, qui
consistoit en six cents talents(a) a argent, san
compter d'autres possessions trèç-considéri
blés. Quel crime n'auroit donc point paru \
gain injuste k celui qui regardoit comme ufl
{a) Eaviroa 2,^9,^ t. de notre iiioiuu»w^«X J
*D,gitizedbyCjOOgle
AVEC TIB^RIVS BT CAlOT GR ACCHtr». 4«1^
avarice horrible de posséder plus que les au-
tres, quoique justement! ^
Si Ton considère la hardiesse et TandacQ
de leurs entreprises et des innovations qu'ils
firent dani l'état, celles d'Agis l'emportent
de beaucoup par,lyr grandeur et par leur
importance. Car, êÊk deux Romains, Caïus
ne s'appliqua principalement qu'^ construire
de grands chemins et k repeupler des villes
1>ar des colonies; et le trait le plus hardi et
e plus éclatant de leur politique , ce fiit pour
Tifcérius le partage des terres; et pour Caïus
le changem^t qu'il fit dans les tribunaux y
en mêlant parmi les s^ateurs un pareil nom-
bre de chevaliei^s. Au lieu que le diangement
qu'Agis et Cléomène firent dans laur état^
fut tout autre chose j car voyant bien qtie die
vouloir corriger en détail les petites fautes,
et retrancher peu k peu ce qu il y avoit de
défectueux, c'étoit, comme dît Platon, cou-
per les têtes de l'hydre 4«^, ils firent dans le*
affaires un changement qui pouvoit remédier
tout d'un coup k tous les maux publics. Peut-
être même est-ce parler plus véritablement
de dire qu'ils proscrivirent le changemenjt
qu'on avoit introduit avant eux, et qui avoit
causé tous ces maux, et que par Ik ils rame-
nèrent et rétablirent leur ville dans l'état qui
DigitizedbyCjOOgle
^68 coMPAftAtôON dVois BT BB G£.£oV«
lui ëtoit prc^re, et qui étoit celui de safoft^
dation.
Ou peut dire aussi que les nouveautés que
les Gracqnes voulurent introduire dans le
gouvernemeat , furent combattues par les
principaux, d'entre les ^piains; au lieu que
tout ce qu'Agis entre^ipt et que Cleomèiie
acheva , étoit fondé sur Tautoritë la plus
grande, la plus authentique et la plus res-
pectable, qui leur servit de modèle^ je veux
dire sur les rhëtres ou anciennes lois de leur
patrie, touchant la tempérance et régalité,
dont les unes avoient été établies par Lycnr*
gue, et les autres avoient Apollon même pour
Duteur et pour fondateur. Mais ce qui est
encore plu^ considérable, c'est que par toutes
les nouveautés que les GracqueS introduisi-
rent, Rome ne s'agrandit jamais, et n'acquit
pas un pouce de terrain ; aulieu que y par
celles de Cléomëne, la Grèce vit en peu de
temps Sparte devenir maîtresse du Pélppo-
nèse, et combattre contre les peuples les plus
piiissaDts, pour l'empire, combat glorieux,
doQt l'unique but étoit de délivrer la Grèce
entière des armes des Illvriens et des GauIoiSi
et de la remettre sous le juste et honeraUe
gouvernement des descendanU d^Hercule.
Je trouve aussi que la mort de tous ces
Digitized by VjOOQIC
AVEC TIBÂRIUS ET CAIVS OÎfl ACaSTTS, 46$
tiersonnages marque otielqiie diflférence dans
eur vertu ; car les Gracques combatiirent
contre leurs coDcitoyens, et ensuite ayant pris,
la fuite , ils périrent malheureusement. Au liea
<{uey des deux Grecs, Agis mourut presque
volontairement, pour ne faire mourir aucuxt
citoyen ; et Cléomëne, poussé k bout par le»
mépris et par les outrages qu^il essuya , prit
ennn les armes pour se venger j mais Tocca-*
sîon n'ayant pas favorisé son courage , il se
tua généreusement.
Si on les consitjère les ^ns et les autres.
sous un autre rapport , on trouvera qu'Agis
n'a jamais fait aucune action de grand capî«
tfline ; car il fut tué avant que d'avoir pu
donner des marquesde son habileté et de soa
eoucage, et qu'a toutes les grandes et belles
victoires de Cléomène , qui sont en grand
nombre , on peut opposer l'éclatante actioa
âe Tibérius, lorsqu'à la prise de Carthage, il
monta le premier sur la brèche , et le sage
traité qu'il fit k Numance, par lequel il sauva
vingt mille Romains qui n'a voient aucune
autre espérance de salut. Pour Caïus, et dans
cette guerre de Numance et dans la Sardai-
gne^ il donna de grandes marques de valeur :
de sorte que ces deux frères auroient été corn*
parables aux plus grands capitaines romains ,
s'ils n'eussent pas péri si jeunes*
DigilizedbyCj^gle
i^O COMPARAISON D'AGIS ET lîB CLEOIT.
Pour ce qui est de leur manière de gouTe^
lier, il semble qu'Agis se conduisit avec trop
• de lenteur et de m(âlesse ; car il se laissa sur-
prendre par Agésîtas^ il troBq)a ses cond-
tojens en n'exécutant pas le partage des terres
qu'il leur avoît promis ; et pour tout dire, en
un mot, par une timidité qui éloit ]a snite de
sa grande jeunesse, il laissa inutiles et im-
parfaites toutes les grandes entreprises qu'il
avoît faites, et qui ar oient excité l'attente du
public. Cléomène ^ au contraire y se porfa
avec tfon de violence et d^emportement k
changer le gouvernement de la république,
' en tuant, contre toute sorte de raison et de
justice, les ephoresqu^îl lui auroit élé très-
facile d'attirer dans son parti, piiisqu^il étoît
le plus fort , ou qu'il auroit pu cbasser de ht
' vilie, conime on en àvoit déjk banni un grand
nombre de citoyens. Car d avoir recours au
fer sans la dernière ntjcessîté, cela n'est ni
du grand médecin ni du grand politique, et
fait voir au contraire,, dans l'un et dans l'au^
tre, une grande ignorance de Fart. Et il y a
d^ plus dans la pontique, que cette ignorance
est accompagnée d'injustice et de cruauté.
Aucun des dei» Gracques ne eoroisença le
premier )i verser le sang de ses concitoyens;
•et OB rapporte que Caïus , attaqué de tous
o6té& et en btitte k tou& h^ ti'^ts de ses eaae-
DigitizedbyCjOOgle
AVEC TIBÉRIUS ETCAIUS GilACCHTS; i^t
mis, ne prit pas ie parti de se défendre , et
qu'autant qu'il étoit brave et de'termîné dan»
les batailles, autant il fut froid et tranquille
dans là sédition. Car premièrement il sortit
de sa maison sans armes; ensuite, pendant
que l'on combattoit, il se tint toujours h Pé-
cart, et on le vit toujours plus occupé h se
retenir et k ne rien faire, qu'h s'empêcher de
rien soufiFrir. C'est pourquoi il est plus juste
de regarder leur fuite comme un effet de leur
Ï ►récaution, que comme une marque de leur
acheté ; car il n'y avoit point de milieu, on
il fdiloit céder par la fuite k ceux qui le$
poursui Voient, ou, en les attendant, se met-
tre eu défense et repousser la force par la
force.
QuaM aux reproches qu'on peut faire aux
uns et aux autres, le plus grand dont on
puisse noircir la mémoire de Tibérius, c'est
d'avoir déposé son collègue, et d'avoir brigué
un second tribunat. Mais c'est injustement
qu'on a imputé a Gaïus la mort d'Antyllîus ;
car il fut tué contre sa volonté et k soti grand .
regret. Au lieu que Cléomène, sans rappeler
ici le meurtre des éphores, affranchit tous lei^
esclaves, et régna en effet tout seul, ayant
appelé au tr6ne, pour sauver les apparences,
son frère Euclidas qui étoit de k même mai*
soQ* IL écrivit bien k Archidâltilftô^k qui seûi
DigitizedbyVjOagle
473 COMPARAISON D>6IS ET DB CLtOÊL
il appartenoît de ré^er conjointement sTec
lui, parce qu'il étoit de l'autre maison, elltii
{)ersuada de quitter Messèùe et de venir i
Sparte. Mais Archidamus ayant été tué d'a-
bord après son arrivée , Cléomène ne fit
aucune recherche pour venger sa mort, et l
confirnia par Ik le soupçon c^ue Ton avoit , j
que c'étoit lui-même qtuen étoit l'auteur: biea
diff-rent en cela de Lycurgue qu^ faisoît
semblant d'imiter; car Lycurgue rendit libre-
ment et volontaiicement au jeune ChariLtôs*
fils de son fi ère, le royaume qui lui avoit été'
coTiiié ; et dans la crainte ou il étoit que, d
cet enfant venoit k mourir de maladie ou au-
trement , on ne l'accusât d'y avoir cootn-
bue', il se bannit lui-même de son pays, et
n'y retourna qu'après que son neveu Chari-
laiis eut un fils pour succéder k la cooronne.
Mais parmi tous les Grecs en trouvera-t-on
un seul qu'on puisse comparer k Lycurgue?
^ous avons montré que le gouvernement
de Cléomène a été marqué par de plus gran-
des nouveautés et par de plus grandes io-
' justices. Aussi ceux qui blâment les mœurs
des uns et des- autres , reprochent k Agis et
k Cléomène qu'ils ont eu dès le commen-
cement Un esprit tyraniiique et porté k U
guerre* Au lieu que les envieux de la gloire
4es Gracques ne leur reprochent qu'im exct>
DigitizedbyCjOOgle
A.VXC TIBimiTS BT CAIU8 GRACCHtTS. é;^
'ambition ; et ils a^roueDt tous qu'em^ftés
ar la chaleur des coQtestations et par la co«>
;re , contre leur propre naturel ^ comme par
es vents impëtueui[, ils a voient passé les
ornes et porte le gouvernement k cp excès
u'on ne p«ut excuser. En effet, qu*j avoit-il
e plus beau et de plus juste aue leur premier
essein, si les riches et les nobles^ en opposant
I force et la puissance pour les émpêcner dé
ûré passer leur loi, ne les Ciissent jetés tous
eux dans la nécessité de prendre les armes,
un pour défendis sa vie, l'autre pour venr-
er soQ frère qui avoit été mis k mort sans aii«-.
une forme de jugement et sans aucun décret
iréalable ?
Vous voyez donc (a) assez vous-même la
lîflférence qiii est entre eux. S*îl faut les ca-
actériser chaftim en paj^iculier , je trouve
[ue TiBérius est au-d^us des trois autres
lar la vertu*; que le jeune Agis a fait moins
ie fautes ; et que Calus e^l fort au-dessous de
^léomène, soit en courage pour entreprend
Ire y soit en audace pour exécuter.
(«) Il parle à *]iîiimnji Jri|iiî iliiiTyiin oes Viei.
PfN DE
CL&Ol
'^in-^oiv
NOTES.
' Ti^^Ktvs Gb ACCBUS » petit-filfr de Publias S«n
pconius, fut deux fois consul^ il avoit eu , nuire la en
ftnre, ladtgnité de grand-augure. Il étoii homme très
sage et un des meiUeiirs oîto^eas. Cesl TéLoge que la
donne Cicéron dans le premier livre d« ia Divination
* Cîoéron rapporte eette histoire dans aoBpreiDie
livre de la Dit^itmtion , diaprés les mémoires de Caîa.
Grac;<:hus^fiUde ceTib<$rius;etce qu'ily a deofaisaot
il ne la rapporte qufi pour prouver la certitude de et
art des augures , et pour faire Toir 1» grande foi qv^i
faut y ajouter.
' Mais pourquoi le tuer? n'aaroit-il pas mien'
iaît de le laisser vivre et de les garder tous deux pou
TÎvre avec sa femme Cornëlie ? il semble gue cela a»
roit été plus sensé'. * ^
^ Cicëron , dans le troisième livrl d& rOroteur
rapporte un endroit d'une oraison de ce Gaïus Grac
cfaus après la mort de Tibërins ^ «pii marcpie la forci
«t la vivacité de son éloquence , et Paction avec la
«pielle il prononçoit. ,Quid fuit in Grâce fto , qm»
tu , Catuie , melius mcministi , quod me puero tani(^
père ferretur ? Quo me miser conjeram ?'qtto uertam
In Capitolium ne f At fratris sanguine redundat. Ai
domum ? Matrem ne ut flttïtram , tamenkintaiHpn
vtdeàm et abjectam ?' 'Quœ sic ab itto acla esse cons\
tabaty oci^lis , voàeygestu , ininici ut lacrjrmas tetwf
non passent. Les gestes ?ëhémepts et outrés, qui dî>
tingoent aujourd'hui les oratenri de ce ^ays-là d'aw
ceux des antres pays , ont donc une origine bieu m
cienne.
DigitizedbyCjOOgle
.NOTES. 475
* 11 y « ddas lemc , J^A^vtf r «yv^Sr » des dauphin s
irgevit. On «ppeloilde ce oora ceriaioes machines de
exvc doiu en se serroit sur les Taisseauz 9 ce qui ne
ut avoir lien iai. Il faet lire AtX(ptfiif , des tahles
Delphes j on appeloit ainsi des tables rondes à trois
c«is ^ et de la figure du trépied de Delphes. Les douze
ntcinqnante drachmes font un peu plus de f,ii i fr. »
1 qui est un prix excessif , (»r la livre d^argent ne
kl oit que 88 te. Boeeot. de notre monnoie ^ ainsi c^est
us de 1 ,000 fr . de ùiçon per livre pesant.
^ Cétoît une espèce de flageolet dMvoîre , comme
otÊM lei^rénèBS de GîcéroB q«i "dit daiks ton troi*
lé me livre de V Orateur: Itmqti^ idem Graechus ^
uod finies auâim, Catule., ex lÀçimo^ clieiUe tuo »
lueratt} homine , jquem senmm sibi Me hakuit md rna-^
tun y cum iAumeola solitus est kab^n fislmda , ^ui
taret oetuUepoât ipsum , çum coiteUmaretury pcrituta
lon^lnem^ qui in/iaret-eeleriliertum sonum^qua ULum
yui rendstÉLm ezciiaret » mmi k conteaUone re^ocanet i
^ela éioit «ssec {deisaKt.de voir dan» une asserabléo
fcn joueur de flageolet merqner le ton à Torateur , et
Tobliger à le hausser ouè le baisser, £t Crassusdit fort;
bien dans la stiite : Sed fistulatorem domi rcUnquetis ^
fenswn hums vomueluàinis vohisewn. adfofutn dêfe^
relis. » Mais vou$ laisseree le joueur de flûte à \.x
c maison , et vous apporterez M. barreau le goûtt
e que vous aurez tire de Tfaubitude a force d'entendre
e ses leeotts. » *
7 n.paraU par tout ce qne Plutarque dit ici , que
ce flageolet ne scrvoit pas seulement à régler la voix
de Toratear , mais encore , qu'en agissant sur les pas«
sions, il le porloit à modérer ses emportements, et à
adoucir ses termes. Cela ponvoit ^tre fort bon poor
des orateurs qui parloient surrle-champ. Mais des^iie-
eours préparés auroieot-ils pu obéir j^u flageolet et
ABToit-oa pu CB «hanger !«• tenue»? ■ »' \'
* DigitizedbyCjOOgle
476 ' HOTBS,
* ptt nombre de ces autears est Tite-Lîn, fini
txzvn)* 67. Mais il fait entendre en même lrnpi(|«'J>
if àvoit sur cela difîereo tes4r«ditions. El le témoipu^
4e Ptoly be «onfirmc suffiiaflMaeot celle ^e Ptntu^
« suivie. I
9 n parle des Romains passas soasle )oiiç nxFmf • I
cbes Catidines, cent quatre-vin^t-deux ans aupm'!
T«ot, c'est à-dire, l'an 3 1 7 avant rère ohrcticnw.Lcf
Romaïas, pour e£facer la bon le de ce traité, rcnrojèrent
mix Samnites les généraux , c'est-à-dire , lescooioli ,
V^turius Calvinus et Posthumiii« AlbiniM. I
*° Je cro» «ine PIvtarquc a suivi ici de hmwé'
moires , ou qu'il n'a pas finement entendu et ^il i
lisoit j car Lœlius ne fut pas appelé Sage , pour mit \
r<noncé k l'entreprise de fair« parlager les lerres,
suais parce qn'il méprisoit les d^ces elles voloptes*
En Toici un bon témoin, CioéRm , da«a le second one
de fin Son. et ntaL dit : JYeo iUe qui Diogenem Stoïci^
^difleseens , poH autem Pàruilium , midiemï , Lo^i*
eo dictus est sapiens y tptodnonintellijgemi qtùdm'
pûsimum esseï, née enim sequitur, ut cm €ortgpt*i
ei non sapiat palatum , sed quia pan^i id diuefnL
*^ n ^ a dsms le grec , U ^tuk^vtfuunt. Et Xjbo^n
a fort bien remarié qye par «e seul mot, PiuUrqne
fiiit allusion à ce paasage des Bacchantes d'Eurf(iî<i< f
9^ Tiré^îft&dit à Pentiiée^ » que U femme, quic^^
« naiurellement sage , ne se Corrompra point dans i^
« excès des Bacebanales. »
— «Ml v«^ f t ^êtKX<Bafimvit »
ir* iy e»^9 , y hu^^finrmê^
«» Virgile a employé ce mot^
Pila nana asvcsqu^ gerunt in bella dofona».
t« doloBétoit«B bàtoa dam lequel il jr ai«it mi
j
DigitizedbyCjOOgle
ifi&e dé Ipoîgtaard catïhee , ti on Pappeloît dolon du
lot dolus , tromperie , parce qu'il Irompoil : un U
royoit un bât<wi > «t c*étoit une arme très aangereoft^»
» * Les nmes où 1é peuple JeVoil jeter ses suffrages. '
^esHomainsaToient deux sortes d'urnes pour les suf-
rages. Les premières ëloienl appelées clsiœ, cislellœ p^
(ont ToUverture étoit large > ou Ton mclt/.it les ba*
ot«s et les tablettespour les distribuer au peuple , afra
{U^il donn&l son suffrage \ et lesautras appeJéesii/eZ/of^
tont Totiveruiile étoit étroite , où le peuple jetoit sou
uffraçe. C*étoient ces dernière» que les ricbes en*
evérent , afin que ces suffrages ne ptusent être donqés»
■^ Deuk èhoses cpii^metit le pctiple dans ce âoap*
)rfn , que le mortavoit été empoisonné. La première ^
^ve le cadavre creva tout d^an>coup/, et rendit quan-
Lité d^humeurs corrompue». Mais cela arrive t^)us'lea
ours à des cadavres qui n'ont point été empoisonnés,
£t la seconde y que ces humeurs éteignireiit le feu ,
!t qu'on eut bien de la peine à la rallumer ; comme A
a poison pouvoit jamais produite cet e0et , et comm«
»i uû mort empoisonné ne bi^loit pas aussi faeilemeot
:t plus facilement même qu^un autre. Mais quand le .
peuple est une fois imbu d'une opinion , quelque follç
qu'elle soit , tout l'y coikfirilae«
^^ C'est AttaluB III , âls d'Éumène II et de Strato-^
lice , et le dernier roi de Pergame. Mais il nVtoit pas
lommé Philopator , son surnom étoit Philométor. Et .
'/est aissi qa^on lit dans le m^nusc^tde S. Germain* .
^^ Les Romains gardoient dan» des cages^ des pou-* .
ets dont ils se ser voient pour la divination. Ils fe^
bieot de la pâture devant leur Cage , et quand ce»
Quiets mangeoient , ils observoient s'il tomboit quel-
pie cbose de leur bec qui ftt du bruit en ton^baat k
irre. Ce tp^ï\% appeioieot t/ipudiwtt iolistirrmnu
X» Digilizedby^ftèOgle
478 NOTES.
Voyez Cicéron d«ns le second lirre de la Dii^inat'm,
•cet. 34.
'7 Flonis, liv. ii), chap. 14* <3it : Tnde cum in Cepi-
totiumprofugisset, plebemauc addejènsionem saiuL'S
guaè , fnanu caput tangens j Kortaretury prœbuit speciem
fisgnu'm Sihi et diademaposcéntisl C'etoit donner une
%xplication bien maligne à un geste' trés-innnctnt.
IVfais celte caTomnîe fut'd^àutant mienx reçoe, ^e
lé sénateur Pompéius avoit déjà répandu le brttii
SU^Eudémus de Pergamp'avôu apporté à TibérinsK»
iadrme et ta robe bordée de pourpre. Il n'en falloit
piis davantage pour accréditer rexplicatioo que Toa
obonôit à ton'ge&te.
*^ LélinS, dans le traité de Cicéron qni porte $on
nom , raconte la'chosèantrfeniènt. Udit, « quece Bloy
« sius, àprës (pie Trbéritt» eût été toé, TaUa troarfr
« commeil étoit enfefniéàdélibérer sur Pétat présent
«c des choses avec les d^iix- consuls Popiltus Lœnas ci
K P. Rupiliâs, eiqn'ilie pria instamment de loi par-
ie donner; dis|int pour tonte excuse quHI a voit tant
cf d^eslime pour Tibérius , quUI se croyoit obligé t}e
« faire tout ceqii^ilvoalott. Hé quoi, lui répliqua Lé-
(I lins , sHl aToit voulu que tu eusiséS brûlé le Gapitole,
(( Taurois-tu fait? Obr^^P^ndit Blos^os, c'est ce
parole 1
u nciéme qu^il ne dit; car iln^a pa's'oHéi à la témérité
a de Tibérius Gracchus, et ne s'est pas rendu le com-
« plice de sa fureur, mais il l'a excité et s*est mis àb
<c léte de la sédition ». Dans ce passage de Léliu«,
cela n^a nullement Pair d''un interrbgaUure |aridiqoe
comme dans PluUrque.
*9 Aristonicus étpit frère b&tard d'Attalus. lodig^
que son frère eût donné son royaume aux Itomains, il
voulut s'en mettre «o possession par fç» arincSyCt I
DigitizedbyCjOOgle |
NOTES. 479
«Vmpani^é plù^^ienrs Tilfleb. ^ ekBom^inieiiToyèrfnit
«onlrA lui le consul ^. iicinios Crassa» , la seconds
ainnëe après la mort de Tiherius Cràssus fut battu et
3>ris par A.ri«tonict«. l/antiéè suivante on eifvoyacon*>
Ire lui le consul Pert^ennâ , qili le battit et le lit pfi-*
sonnier.
*** U y ft dans le texte , «r ti loi suggéra de nommer
« Titus , commissaire », Mais on a bien tu que ce m6t
TtTov y Titus , est corrompu. J'ai suivi les manuscoita
qui ont tn^^f , un autt'e,
•* L. Anrélins Oreste fat consul avec AKmilios hè^
rîdus, Tan de Rome 637 , cent vingt-quatre ansavant
ère chrétienne, et six ans àpr^s la mort de Tibérius
Graccfaus. Caïus alla donc en Sardaigne à Page de
vingtr-sept ans.
** Voilà on effet bien surprenant de Féloquenca.
Des villes refusent une imposition , elles 6*en font dé-
décharger par le sénat ; et Téloquence les forceàfairB
de leur pur mouvement ce qu'elles avoient refusé à
Tauiorite , et dôût elles avoient <fté dédiargees.
'^ Rien ne marque mieux combien le sénat et leii
nobles étoient jaloux et soupçonneux , qye lejs deux
etchaples que plutàrque rapporté ici , l'un de la ma-
nière dont ils explir|uerent te grand service que Caïus
venoit de rendre au public en sauvant les troupes , et
Fautre de (a manière dçol ÎU reçurent h libéralité da
IMicipsa dans un pressant besoin.
*^ Le sénat, persuadé que les soldais de Tannée
d'Oreste étoient entièrement à la déyo.tion de Caïus »
parce qu'ail les avoit sauvés en les faisant habiller , crut
qu^il se vengeroit dé lui en les retirant et en envoyant
au consul de nouveaux soldats qui , n'ayant pas )a
même obligation à Caïus , ne Im seroient pas si dé«
yômèg. Mais ces soldats qu^on iaisoit revenir , ne poiï*
DigitizedbyCjOOgle
48o NOTES.
ToiâniiU pas être aussi utiles à Caïus àxos Rome »
<}u^à Parmee ? 11 semble «|ae eette politique da séoai
n^est pas bien estendue. Apparemmcat le sénat Toyoît
un mal présent, au lieu qœ l'autre paroissoii encore
éloigné. £t en cela sa prodeiioe fut trompée.
*^ Aulugelle nous a conservé la plus grande partie
du di&Gours de Caïufr dans le douzième ehapitre de
aoa quinzième livre , et là Caïus ditlui-mtoe : 6ien^
niutn enimjui in pmvineia. Tui été deux ans en Sar*
datg^.. Il est question de savoir quel texte doit être
corrigé, ou celui de Plutarqne, ou celni d* Aulugelle.
A mon avis, il faut lire, eomqie dans Plntarque , trois
âins , et non pas deux , comme dans Aulugelle , car
Caïus avoit été questeur les années 62^ , 638 et 639 ,
puisqn*il n^éteit revenu à Home que sur la ûa de 631).
*^ Peut- on douter que les soldats qu'ion avoit re-
tirés de Sardaigne , ne tassent le plus grand nombre , et
qu'ils ne se hâtassent de marquer irur recouHoissancc
a leur questeur, auquel ils avoîeat tant d'obligatioQ ?
*7 Quelle candeur dans cette simplicité ! qnelélog!»
pour Cornéhe , et quel éloge pour les Graoques l et
tout cela en trois mots.
*^ Le Grec dit, q^e toi qui es un homme. Mais il
xn*a paru qu'il y avoit plus de sel dans la manière
dont je Tai mis, quoique 6e soit le même sens.
'9 Dans VEpîtome de Tîte-Live , Ix , il est porté
qu^il m4ia six cents chevaliets aux trois cents séna-
teurs. Mais peut-être que le passage doit être expliqué
de cette manière , que Caïus allia au sénat lea six cents
«hevaliers qui étoient à Rome ; mais tantôt les uns
et tantôt les autres ; de sorte qu il y avoit toujours au-
tant de chevaliers que de séoateurs » et jamais daran-
lage. Ce sens semble même détemiinc parce que Pli;*
tarque dit ensuite , que le peuple donna à Caïus le
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K0TE8. 48l
il de cbmnr les cheraiiers qu'il vouloit établir
T juges. Mais le savant Paul Manuce , dans son ex-
en t traite des lois , a fait voir que Plutarqne s'est
npé en cet endroit , et que Caïus n'associa pas 1rs
valîers au sénat pour le jugement des procès ,
îs qa'^îl l'àtA entièrement au sénat, et le donna aux
valîers , qui.jouirent de ce droit pendant seize ou
-sept ans jusqu'au consulat de Servilius Cxpio
associa le sénat. Les chevaliers furent ensuite ré-
lis dans ce droit , ensuite il fut encore partagé en^e
chevaliers et les sénateurs jusqu'au temps de Sylla »
en priva les chevaliers ; ce qu'il prouve par l'au-
ité de Velléius , d'Asconius , d'Appien , de T itè-
re , et de Cicéron même. Ruauld a aussi traité cette
tière dans son animadt/, zxvj.
'^ Ce changement de situation et de vue paroît en
ittrés-légeret très -peu important j mais il etoit très-
isid érable , et ne pou voit pas manquer d'avoir Tef-
qu'il eut. Un orateur qui en parlant se tonrnoit du
Le du sénat , reconnoissoit l'autorité du sénat , au
u qu'en se tournant du côté du peuple , il recon-
issoit l'autorité du peuple , et nen n'est plus con-
>me à la nature et à la raison , et tel a toujours été
isage de tous les pays. Encore ajourd'hui , parmi
us , celui du côté auquel on se tourne en parlant eu
iblic , ou à qui on adresse la parole , est reconnu
»ur le maître et le plus puissant.
'' .C'est ce que signifie ittiCtXimç fÀ i^ffJ»ûis^
.ntt^ôXàç étoit un homme, un valet qui aidoit sou
aîire à montera cheval. Ceux qui ont expliqué sans
fiers se sont trompés ^ car alors > les étricrs nVtoient
>lnt encore copnus,
^' Le consulat et le tribunat n'éioient pas com-
aktibles, et nepouvoient être possédas ensemble par
! même magistrat. U fautdonc cniondre qu'on croyok
u'il l<» dequinderoit pour deux anuées difCéientes*
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483 NOTEB.
*' En Italie comme en Gtèce , les poètes , «pi &•
soient jouer, leurs pièces, tâehoient de se surpasscrl >
uns et Jes autres, pour attirer la faveur <la pèop)^: -
ies magistrats qui les achetoicnt entroieot daBseri»
.sorte d ambition.
'* Voici Carthage nommée Junoniaj la vUie <>'
Junon , par Caïus , près de cent ans avant que Vir; :
travaillât à son Enéide ; et par conséquent ce n'<
pas par une fiction poétique que Virgile a ditdcceiK
vlUe-l ,
Qusm Jimo fertnr terris magis omnibu* nnan
PokthabiU colttisa« Samo.
^n. I. «o.
On voit quil a suivi une tiraditioo reçue , cl la mcŒt
3ui avoit porté Caïoâ à changer l^aocien nom de C^-
lage en celui de la ville 'de Junon,
'^ Il n^y a point de Lhcïus Hostilios qni ait brip^'
le consulat cette annve-là ; Arétinus et Sigooius oj*
frirt bien vu qu^l falloit lire Ïmçîus Opimius. (•■
c^est Opimius qu.i , ayant brigué inutileoient le ^"i
sulat pour Tan 63 1 ,. fut nommé consul pourrano'^
suivante avec Q. Fabius Maximus.
^^ C'est ce que signifient, â mon àvi» , ces mol».
éJh» , i^*¥^pu o^^iffîetTlt^ofrtt'y çjà qui semble martp"
toute autre chose qu'un* menace. Mais il n*e5itp^fi^
cessa ire de rechercher ce c^u'il voiiloit marquer p^
cette posture trés-iodécente.
*7 C'est ainsi que Plutârqne explique fort bi« ^
que les Romains àppeloiënt ./licum J*urinœ, k b*'*
de la déesse Furiiie. Car cette déesse étoit Ef'^'Oi
Jf urina. Son bois étoit prés du pont SâbUcius.Aurt'
lius Victor, dans son Traité des Hommes illiutf^'
éclaircit tout cet endroit > et nomme les deuxani>"^-
Caïus, ^ui, pour lui donner le temps de se saaur
ft^opposèreat généreusement à cens ^ui le pouifar
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NOTES. 485
511^- Pomponio amico apud portam Trigeminam,
L^cetorio in ponte Suhlicio persequentibus résistante
'u^yg^m furinœ pert^enit. Celte déesse Furina aToit
grand -prêtre appelé Flamen Furinalis, et une
i appelée Furinalia. Varron cHl , dans le cinquième
re cle la langue Latine , Furinalia et Furina , quod
*ic£B fenœ putlicœ dies is, eu jus deœ honos apud
ii€^uos f nam ei sacra instituta annua , et Flamen
ributMis , mtnc vix nomen notuni paucis, Festus en
L aussi mention, Furinalia, sacra Furinœ quant
am dicebant. Et dans le calendrier , sa fête est mat-
ée le 25 de juillet. Fur. 2V. P. Ludi,
^^ Cela est assez remarquable. Plutarqne appelle
/ public^ de s'être laissé corrompre par argent pour
iHîr les intérêts de sa patrie. Kten effet, iln^yapa^
! plas grand' Tol que celui-là.
^9 C^est ce que l'expérience fait voir assez souYeot.
n homme vertueux qui, dans la prospérité, n'a pu
défendre contre la fortune , résiste souvent à tous
s coups les plus rudes dans l'adversité. Et il n'^st-
ïs mal aisé d*en trouver la raison : la prospérité
mollit et relâche , au lieu que l'adversité resserre et
idurcit.
^^ Le passage de Platon est du quatrième livre tU
t RépuhUque , tome ij , page 4^6, et il convient par«
litement ici ^ car Platon parle des législateurs qui
roicnt par de petites lois en détail déraciner les vicet
e leur république. Voici comme il s'en moque : (c Ce
sont de merveilleux personnages ces législateurs
: qui font les lois dont je viens de parler , et qui sont
; toujours occupé^^jgjUttuiine^pRBCSMroyant avoir
{ trouvé par là
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